Blanc Guillaume & Noûs Camille, L'énergie et le CO2, in Physique et enjeux de société (Université Paris Cité, 2023). https://doi.org/10.53480/physique-societe.8a7076
Chapitre 4 : L'énergie et le CO2
Ce chapitre fait le point sur le concept d’énergie dans nos sociétés ainsi que sur les émissions de dioxyde de carbone qui y sont liées en regard avec le réchauffement climatique. Seuls quelques aspects physiques sont abordés ici.
4.1 Qu’est-ce que l’énergie ?
L’énergie est un concept omniprésent dans nos sociétés mais qui reste très flou dans l’esprit du public. La physique en donne cependant une définition très précise.
Même si personne ne sait ce qu’est l’énergie « en soi », tout le monde exploite aujourd’hui cette quantité qui se conserve, tout en se transformant. (Valentin 1995)
Le terme « énergie » vient du grec energeia signifiant « force en action ». Le dictionnaire CNRTL1 en ligne la définit comme la capacité d’un corps ou d’un système à produire du travail mécanique ou son équivalent. L’énergie est en premier lieu une grandeur physique qui permet de quantifier des changements dans un système donné.
4.1.1 Définition physique
Énergie cinétique et énergie potentielle
L’énergie permet de quantifier (et comparer) des interactions entre des phénomènes physiques très différents. C’est une grandeur qui s’exprime en joules (J). Elle a la particularité de se conserver, c’est-à-dire qu’un système ayant une certaine quantité d’énergie conserve cette quantité d’énergie après une transformation ou lors d’une interaction avec ou par un phénomène physique, à condition que le système soit isolé, c’est-à-dire sans interaction avec le monde extérieur.
Elle se trouve sous deux formes :
- L’énergie cinétique dont le qualificatif exprime le mouvement, quantifie l’énergie liée à la vitesse d’un système : \[ E_c = \frac 12 m v^2 \] où \(m\) est la masse du système considéré, \(v\) sa vitesse et \(E_c\) son énergie cinétique.
-
L’énergie potentielle qui exprime la potentialité d’un mouvement ultérieur. Elle peut revêtir de nombreuses formes (exprimées à une constante près).
- Énergie potentielle gravitationnelle : \[ \mathcal {E}_G = \int _V \left ( -\frac {1}{4\pi G}\right ) \frac {\mathcal {G}^2}{2}dV \] où \(V\) est le volume du système, \(G\) la constante de gravitation, \(\mathcal {G}\) le champ de gravitation ; l’énergie potentielle de pesanteur à la surface de la Terre en est dérivée : \[ \mathcal {E}_p = m g \] où \(m\) est la masse du système et \(g\) est l’accélération de la pesanteur (terrestre).
- Énergie potentielle électromagnétique : \[ \mathcal {E}_{em} = \int _V \left ( \frac {\varepsilon _0 E^2}{2} + \frac {B^2}{2\mu _0}\right )dV \] où \(\varepsilon _0\) est la permittivité du vide, \(E\) est le champ électrique, \(\mu _0\) est la perméabilité du vide et \(B\) est le champ magnétique.
- Énergie potentielle de masse ou énergie de masse : \[ \mathcal {E}_m = mc^2 \] où \(c\) est la vitesse de la lumière dans le vide.
- Énergie potentielle élastique, liée à la déformation d’un matériau.
- Énergie potentielle chimique, liée à la variation du nombre de constituants d’un système.
- etc.
On peut également relier ces différentes formes d’énergie potentielle aux interactions fondamentales, gravitationnelle, électromagnétique, forte (responsable de la cohésion des noyaux atomiques), faible (responsable de la radioactivité \(\beta \) et de la fusion de l’hydrogène en hélium, entre autres).
Énergie absolue ou relative ?
Cela se traduit sous la forme d’un principe, le premier principe de la thermodynamique : l’énergie totale d’un système isolé est invariante au cours du temps. Il s’agit au départ d’un principe empirique2 validé par le théorème de Noether (1915) (Rowe 2018) : comme les lois de la physique sont indépendantes du temps (donc invariantes par translation dans le temps), l’énergie est conservée.
Tout en étant conservée, l’énergie d’un système peut varier d’une forme à l’autre au gré de son évolution. Ces échanges se font par l’intermédiaire d’un travail ou d’un transfert thermique (ou quantité de chaleur).
Une force est ce qui fait changer d’état de mouvement un corps (ce qui le fait sortir de son état de mouvement inertiel) (voir par exemple Valentin 1995). Le travail élémentaire \(\delta W\) d’une force est le produit scalaire de cette force \(\overrightarrow {F}\) avec un petit déplacement \(d\vec {r}\), le travail \(W\) entre deux points \(M\) et \(M'\) de la trajectoire d’un corps est donc : \[ W = \int _{\overparen {MM'}} \delta W = \int _{\overparen {MM'}} \overrightarrow {F}(M) d\vec {r} \]
L’échange d’une quantité de chaleur peut résulter de différents modes de transferts thermiques, la conduction (diffusion progressive de l’agitation thermique dans la matière), la convection (déplacement macroscopique de matière) ou le rayonnement (propagation d’ondes électromagnétiques).
Il est important de réaliser que dans la physique d’aujourd’hui, nous n’avons aucune connaissance de ce qu’est l’énergie. Nous n’avons pas de représentation comme quoi l’énergie viendrait en petits paquets d’une certaine quantité. Ce n’est pas ainsi. Cependant des formules permettent de calculer une certaine quantité numérique et lorsque nous les ajoutons toutes ensembles, cela donne « 28 » – toujours le même nombre. C’est une chose abstraite en cela qu’elle ne nous donne pas le mécanisme ou les raisons des diverses formules. (Feynman 1963)
On ne peut pas mesurer directement l’énergie d’un système, on peut seulement en déduire sa quantité à partir de la mesure de la variation d’une grandeur mesurable : température, vitesse, masse, intensité électrique, etc.
Énergie ordonnée et énergie désordonnée
On peut distinguer deux formes d’énergie : une énergie « ordonnée » et une énergie « désordonnée ».
- L’énergie désordonnée est associée à l’énergie thermique, qui est l’énergie liée à l’agitation thermique des constituants de la matière (énergie cinétique des particules très nombreuses aux mouvements erratiques constituant un système physique).
- L’énergie ordonnée est liée à l’énergie mécanique, cinétique3 ou potentielle (gravitationnelle, électromagnétique, élastique, chimique. . .) du système macroscopique.
La différence fondamentale entre ces deux sortes d’énergie est que l’on peut intégralement transformer une énergie mécanique (ordonnée) en énergie thermique (désordonnée) alors que l’inverse n’est pas possible. Ce type de transformation est en effet interdit par le second principe de la thermodynamique, qui dit que l’entropie d’un système isolé (c’est-à-dire sans contact et sans lien énergétique avec l’extérieur) ne peut qu’augmenter : \[ dS_{\text {sys}} \ge \frac {\delta Q}{T} \] où \(dS_{\text {sys}}\) est la variation infinitésimale de l’entropie du système, \(\delta Q\) est la quantité de chaleur reçue par le système et \(T\) est la température du système. L’entropie s’exprime ainsi en \(\text {J}\cdot \text {K}^{-1}\).
L’entropie est liée à la notion de chaleur4. La chaleur est un échange d’énergie thermique entre deux systèmes physiques. Par abus de langage on associe souvent la chaleur à l’énergie thermique. L’entropie est ainsi une façon de quantifier l’état de désordre des constituants microscopiques d’un système physique. Le second principe impose un sens d’évolution de certaines transformations physiques, et de là, la notion d’irréversibilité. Les transformations réelles sont irréversibles, à cause de phénomènes dissipatifs (frottements. . .).
À cette hiérarchie énergétique est parfois associé le concept d’exergie (Benelmir et al. 2002), qui est la partie de l’énergie que l’on peut récupérer (le travail, la partie « noble » ou « ordonnée »). Son complémentaire étant nommé l’anergie. C’est un concept surtout utilisé en ingénierie et en économie de l’énergie.
Unité d’énergie
L’énergie s’exprime en joules (J), une unité dérivée du système international d’unités : \(1\ \text {J} =\) \(1\ \text {kg}\cdot \text {m}^2\cdot \text {s}^{-2}\).
Il existe d’autres unités d’énergie qui sont utilisées en fonction des domaines d’activité.
- L’électron-volt (eV) est l’énergie d’un électron accéléré par une différence de potentiel électrique de un volt, \(1\ \text {eV} = 1,602\cdot 10^{-19}\ \text {J}\). Cette unité est utilisée en physique atomique et physique nucléaire.
- La calorie (cal) est l’énergie thermique nécessaire pour élever la température d’un gramme d’eau pure de 14,5 \(^\circ \)C à 15,5 \(^\circ \)C sous une pression atmosphérique de un bar, 1 cal = 4,18 J. Cette unité est utilisée essentiellement en diététique (comme la Grande Calorie (Cal), 1 Cal = 10\(^3\) cal).
- Le kilowatt-heure (kW\(\cdot \)h ou kWh) est l’énergie consommée par un appareil d’une puissance de 1000 watts pendant la durée d’une heure, 1 kWh = \(3,6\cdot 10^6\) J. Cette unité est utilisée pour quantifier l’énergie électrique dans la société.
- La tonne de TNT est l’énergie libérée par l’explosion d’une tonne de l’explosif chimique trinitrotoluène, 1 t de TNT = 4,184 GJ. Cette unité est surtout utilisée dans le domaine militaire.
- La tonne-équivalent-pétrole (tep) (ou toe : tonne of oil equivalent en anglais) correspond à l’énergie thermique dégagée5 par la combustion (on parle alors de pouvoir calorifique) d’une tonne de pétrole « moyen », 1 tep = 41,868 GJ. Cette unité est utilisée dans l’industrie et en économie.
- Autres unités : pour le gaz, le Btu (British thermal unit) est utilisé (1 tep = \(3,97\cdot 10^7\) Btu) ; pour le charbon, le tec (tonne équivalent charbon) est utilisé (1 tep = 1,43 tec ; 1 tec = 29,3 GJ) ; pour le bois, on utilise le stère, qui équivaut à 1 m\(^3\) apparent6 (1 tep = 6,22 st ; 1 st = 6,7 GJ) (OIE 2020).
Énergie ou puissance ?
La puissance est la quantité d’énergie par unité de temps. Elle s’exprime en watt (W), 1 W = 1 J\(\cdot \)s\(^{-1}\). Elle exprime la vitesse à laquelle s’effectue un transfert d’énergie.
Par exemple si je veux déplacer un tas de sable de 1,5 t (cela correspond à 1 m\(^3\) de sable, soit un tas de 70 cm de haut7) et le mettre dans la benne d’un camion qui se trouve à une hauteur de 1 m, ce qui représente environ une énergie de \(E = mgh\), où \(m\) est la masse totale du sable (\(m = 1500\ \text {kg}\)), \(g\) est l’accélération de la pesanteur (\(g \sim 10\ \text {m}\cdot \text {s}^{-1}\)) et \(h\) la hauteur sur laquelle on déplace le tas (\(h = 1\ \text {m}\)). Soit \(E = 1500 \times 10 \times 1 = 15\,000\ \text {J}\).
Si on déplace le tas à raison d’une pelletée d’environ 3 kg toutes les 5 secondes, il faudra 500 pelletées pour en venir à bout en 2500 secondes soit 42 min. On aura alors développé une puissance moyenne de 15 000/2500 = 6 W. Et c’est une cadence infernale ! Si on décide de le faire de manière plus humaine, avec une pelletée de disons 1 kg toutes les 30 secondes, cela fait 1500 pelletées, en 750 minutes soit un peu plus de 12 h, une demi-journée ! La puissance que l’on développe alors est de 15 000 / 45 000 = 0,33 W. Un engin de chantier (chargeuse sur pneus) avec un godet d’environ 2 m\(^3\) va accomplir cette tâche en quelques secondes avec une puissance de plusieurs milliers de watts. . .
Tout le monde peut donc déplacer un tas de sable, mais il faut être un sacré athlète pour le faire en moins d’une heure, simplement parce que la puissance mise en jeu est alors beaucoup plus élevée, même si l’énergie nécessaire reste la même.
4.1.2 L’énergie dans la société
L’énergie est présente dans tous les actes de notre vie quotidienne. Dès que quelque chose change, il y a de l’énergie qui entre en jeu. Ce n’est pas une chose ou un objet, c’est un concept qui permet de quantifier ce qui change.
Notre corps est le siège de nombreuses transformations qui utilisent (forcément) de l’énergie : nos membres bougent grâce aux muscles qui transforment de l’énergie chimique en énergie mécanique, énergie chimique issue des aliments que nous ingérons. La transformation de cette énergie, via le métabolisme, permet aussi à nos organes de fonctionner, à notre température de se maintenir constante. . .
Les objets qui nous entourent ont nécessité de l’énergie pour être fabriqués. Modifier la forme, faire changer d’état (liquide à solide, ou vice versa par exemple), assembler deux morceaux ou les séparer, etc., tout cela fait intervenir de l’énergie. Nous déplacer fait intervenir de l’énergie. Nous éclairer, nous chauffer, aussi.
L’énergie que nous utilisons dans la vie quotidienne se trouve sous forme d’électricité (éclairage, appareils électroménagers. . .), sous forme de pétrole transformé (gasoil, essence) pour faire fonctionner les moyens de transport, sous forme de gaz (chauffage. . .), sous forme de biomasse (nourriture, bois) pour le fonctionnement de notre corps et pour le chauffage, etc.
L’électricité est elle-même produite à partir d’uranium (centrales nucléaires), de gaz, de charbon, d’eau (barrages hydroélectriques), de vent (éoliennes), de soleil (panneaux solaires ou centrales à concentration), de biomasse (bois, déchets organiques. . .).
Nous parlerons dans ce qui suit de production et de consommation d’énergie, mais, comme nous l’avons vu, l’énergie étant conservée, elle ne peut apparaître du néant et disparaître ensuite. Elle ne peut être que transformée. La production d’énergie revient donc, par exemple, à transformer une énergie mécanique, par exemple dans un barrage, en énergie électrique, mais aussi en énergie thermique dans les frottements, la viscosité de l’eau, l’effet Joule, etc. La consommation d’énergie, par exemple d’essence dans une voiture, revient à transformer une énergie chimique en énergie mécanique (énergie cinétique), mais aussi en énergie thermique (frottements, viscosité de l’air, énergie thermique de combustion, pertes dans le moteur, etc.).
Entre la production et la consommation d’énergie, nous avons une chaîne de transformation énergétique. Par convention, en début de chaîne, l’énergie produite est appelée l’énergie primaire. En fin de chaîne, l’énergie consommée pour un usage donné est appelée l’énergie utile.
Énergie disponible
L’énergie disponible au sens physique du terme est l’énergie que fournit la transformation d’un système donné. Par exemple, pour les énergies fossiles, l’énergie disponible est celle qui est fournie par la réaction chimique de combustion. De même pour l’énergie nucléaire, l’énergie disponible est l’énergie de liaison des noyaux libérée lors d’une réaction de fission.
Pour l’énergie hydraulique, l’énergie disponible est l’énergie cinétique (issue de l’énergie potentielle de pesanteur) de l’eau dans les conduites forcées ; pour l’énergie éolienne, c’est l’énergie cinétique du vent. Pour l’énergie issue de la biomasse, c’est l’énergie thermique obtenue par combustion de celle-ci.
Nous parlerons également de source d’énergie en guise de synonyme, même si cette dénomination est abusive : il ne peut y avoir création d’énergie ex nihilo.
Énergie primaire
L’énergie primaire est la forme sous laquelle une énergie est disponible après la première transformation (Bouneau 2018a, Bouneau 2018b) : cela peut être l’énergie thermique dans le cas d’une centrale thermique ou nucléaire, dans la combustion du carburant ou encore l’énergie électrique dans le cas des éoliennes ou des panneaux photovoltaïques.
Il existe deux grandes familles de sources d’énergie primaire.
- Les énergies de stock : on puise dans une réserve de matière limitée. Ce sont les combustibles fossiles (pétrole, gaz, charbon) et le minerai d’uranium.
- Les énergies de flux : on prélève dans un flux d’énergie qui nous parvient continûment, que l’on exploite ou pas (hydraulique, éolien, solaire, géothermie, biomasse). Les énergies de flux sont des énergies renouvelables8, car on ne consomme pas de matière dont la quantité est limitée sur Terre9.
Néanmoins l’énergie primaire n’est pas l’énergie disponible au sens physique, elle dépend de la source d’énergie en question selon des conventions. Ainsi pour les énergies de stock, l’énergie primaire est l’énergie thermique dégagée par les réactions de combustion ou les réactions nucléaires ; elle correspond ainsi à l’énergie disponible.
Pour les énergies de flux, l’énergie primaire est l’énergie fournie par l’installation (c’est-à-dire par la première transformation) : pour l’hydraulique, l’éolien et les cellules photovoltaïques il s’agira de l’électricité récoltée (après transformation de l’énergie cinétique de l’eau, du vent et de l’énergie électromagnétique du Soleil, respectivement) ; pour la biomasse ce sera l’énergie thermique (après combustion) ; pour la géothermie ce sera également la chaleur récupérée.
Pour les énergies de flux où l’énergie primaire correspond à l’électricité générée, l’énergie primaire ne correspond pas à l’énergie disponible, car il faut tenir compte d’un rendement de la machine permettant de transformer le flux (d’eau issu d’un barrage, d’air issu du vent, de photons issu du rayonnement solaire) en électricité (voir la figure 4.1).
Énergie utile
L’énergie disponible n’est pas directement utilisable. L’énergie utile est donc celle qui est directement utilisée ou utilisable après transformation par des machines. La notion d’énergie utile dépend aussi de ce que l’on souhaite en faire : utile à quoi ? À chaque étape de conversion de l’énergie disponible, on a un rendement : \begin{equation} \eta = \frac {\text {énergie utile}}{\text {énergie disponible}} \label {eq:rendement} \end{equation} Le rendement s’exprime dans le cas d’une transformation, comme la transformation thermodynamique de l’énergie thermique issue d’une centrale thermique en électricité.
Par exemple, l’énergie de fission nucléaire est transformée en électricité10 dans une centrale nucléaire dont le rendement global est d’environ 33 % (tenant compte du rendement thermodynamique de la machine, ainsi que de celui des turbines et des alternateurs). Ensuite l’électricité est transportée via des câbles, avec des pertes de l’ordre de 10 %. Elle arrive chez le consommateur qui va l’utiliser pour alimenter une ampoule à incandescence. À ce niveau, si l’utilité est l’éclairage, alors le rendement est d’environ 10 % ; si l’utilité est le chauffage, alors le rendement est d’environ 90 %. Dans le cas du chauffage, le rendement global est d’environ 27 % tandis que dans le cas de l’éclairage, le rendement global est d’environ 3 % (Bouneau 2018b).
Quand on parle d’énergie utile il faut donc bien préciser utile à quoi et à quel niveau de la chaîne de transformation et de transport elle se positionne, en tenant compte des différents rendements (machines) et des pertes (transport).
Énergie finale
L’énergie finale est un concept utilisé en économie pour désigner l’énergie achetée par le consommateur : électricité, essence, fioul. . . Il ne s’agit pas (forcément) d’énergie utile. Ainsi, pour le transport ou le chauffage, on achète de l’essence, du fioul ou du bois avant toute production d’énergie thermique : il s’agit donc d’énergie primaire. L’énergie utile correspondante (énergie thermique pour le chauffage, énergie mécanique pour les transports) ne sera pas la même car le rendement du moteur ou de la chaudière n’est pas pris en compte. On achète donc de l’énergie disponible. Tandis que lorsqu’on achète de l’électricité, c’est après transformation, il s’agit directement d’énergie utile (voir la figure 4.2).
Quelle définition de l’énergie ?
L’exemple de la figure 4.2 montre que la part de l’électricité dans une consommation globale de 300 unités d’énergie primaire réparties en 1/3 de chauffage, 1/3 de transport, 1/3 d’électricité dépend de la définition de l’énergie que l’on considère.
Ainsi, la part de l’électricité dans l’énergie primaire est : \[ \frac {100}{100+100+100} = 0,33. \] La part de l’électricité dans l’énergie finale est : \[ \frac {33}{100 + 100 + 33} = 0,14. \] La part de l’électricité dans l’énergie utile est : \[ \frac {33}{80 + 30 + 33} = 0,23. \]
Il est facile de biaiser un discours simplement en omettant de dire de quelle définition de l’énergie il est question !
4.1.3 Exemple de la France
Prenons l’exemple de l’année 2018. Le Commissariat général au développement durable fournit les données nécessaires (CGDD 2019b, CGDD 2019a, CGDD 2020a). La figure 4.3 illustre le bilan énergétique de la France cette année-là. Les données fournies par différents rapports pourtant issus de la même source diffèrent légèrement. Par exemple, la consommation d’énergie primaire (corrigée des aléas climatiques) est donnée comme 248,9 Mtep par CGDD (2020a), 252,4 Mtep par CGDD (2019a) ; selon CGDD (2019b), la consommation primaire est de 261,8 Mtep, mais cela tient compte des exportations d’électricité (5,4 Mtep) et des « soutes aériennes et maritimes internationales » (7,6 Mtep), or \(261,8-13 = 248,8\) Mtep. Le rapport BP (2019) donne 242,6 Mtep d’énergie primaire consommée.
Par ailleurs, notons que dans les différents rapports mentionnés, aucune incertitude n’est donnée sur l’estimation de ces chiffres, pas plus que n’est précisée la méthodologie suivie pour les obtenir.
Énergie primaire
La figure 4.3 est décryptée en annexe B. Il en ressort que les ressources en énergie primaire utilisées en France en 2018 sont de 234,9 Mtep. Cette énergie est soit importée (combustibles fossiles pour la grande majorité) soit produite sur le sol français (énergie nucléaire et énergies renouvelables essentiellement). Le rapport de la production d’énergie primaire en France, sur la consommation totale utilisée donne le taux d’indépendance énergétique du pays, qui est autour de 55 %. Néanmoins, cette définition est trompeuse, puisque la France importe la totalité de l’uranium nécessaire à la production de l’énergie nucléaire. Les seules ressources primaires « indépendantes » sont ainsi les ressources « renouvelables ».
Ces 234,9 Mtep d’énergie primaire servent à produire 136,7 Mtep d’énergie finale, qui se répartit entre l’électricité (37,5 Mtep soit 27,4 %) et les carburants issus des ressources fossiles (environ 99,2 Mtep soit 72,6 %). On note que la première est directement « utilisable » et constitue donc une énergie utile, tandis que les seconds doivent être transformés (par des moteurs, généralement) pour fournir une énergie (thermique, mécanique. . .) qui sera alors « utilisée ».
Part du nucléaire
Le tableau 4.1 donne, en guise d’exemple, la part de l’énergie nucléaire dans le mix énergétique français en 2018 selon différentes définitions énergétiques considérées. Cela montre qu’il est nécessaire d’énoncer exactement ce dont il est question dans une argumentation, sinon, il est facile de démontrer n’importe quelle assertion avec des données chiffrées.
Référentiel | Total | Nucléaire | Fraction d’énergie |
considéré | (Mtep) | (Mtep) | nucléaire |
Électricité primaire | 127,1 | 103,2 | 81,2 % |
Électricité finale | 37,5 | 30,4 | 81,1 % |
Énergie primaire | 234,9 | 103,2 | 43,9 % |
Énergie finale | 136,7 | 30,4 | 22,2 % |
Énergie utile | \(\sim \) 82 | 30,4 | 37 % |
Table 4.1 – Part de l’électricité nucléaire en France (selon les données de 2018) selon la définition de l’énergie choisie, d’après le tableau B.1 en annexe B. La valeur pour l’énergie utile totale est obtenue en considérant une valeur moyenne pour les différents rendements (cf. tableau 4.2) selon : charbon (1,1 Mtep) \(\times \) 0,4 + pétrole (54,7 Mtep) \(\times \) 0,3 + gaz naturel (28,5 Mtep) \(\times \) 0,75 + EnRt (14,9 Mtep) \(\times \) 0,4 + électricité (37,5 Mtep) = 44,2 + 37,5 = 81,7 Mtep.
Électricité
L’électricité finale consommée représente 37,5 Mtep (soit 437 TWh), il a fallu 127,1 Mtep d’énergie primaire pour en arriver là, soit environ 70 % de pertes liées au transport, aux différents rendements des machines utilisées, à l’électricité « grise » utilisée pour faire fonctionner les installations de production.
4.2 Différentes classifications
4.2.1 Sources et vecteurs
Ce que l’on appelle les énergies fossiles11 – issues du pétrole, du gaz naturel ou du charbon – sont des énergies thermiques produites par des réactions chimiques de combustion de ces combustibles en présence d’oxygène. L’énergie nucléaire est également de l’énergie thermique produite par une réaction de fission nucléaire d’un minerai fissile (uranium12). La combustion de la biomasse (bois. . .) produit également de l’énergie thermique.
L’énergie hydroélectrique est récupérée de l’énergie cinétique de l’eau, l’énergie éolienne est issue de l’énergie cinétique du vent. La géothermie est une énergie thermique directement tirée de la radioactivité des profondeurs terrestres. L’énergie solaire13 est une énergie sous forme électromagnétique (photons).
Ces sources d’énergie (énergie disponible) peuvent être transportées à l’échelle de la société (moyennant des transformations nécessaires) par l’intermédiaire de vecteurs qui sont l’électricité, l’énergie thermique (la chaleur) ou un carburant (essence, gasoil, fioul. . .). D’autres vecteurs de transport de l’énergie existent, comme l’hydrogène en train de se développer. Des vecteurs à une échelle plus locale peuvent parfois être utilisés comme les ondes électromagnétiques, l’air comprimé, etc. L’électricité est produite à l’aide d’un alternateur mis en mouvement par un mécanisme rotatif : les pâles de l’éolienne, la turbine du barrage hydroélectrique, de la centrale nucléaire ou thermique. Ou encore à partir d’énergie électromagnétique par l’intermédiaire de panneaux photovoltaïques. L’énergie thermique peut être récupérée directement à partir de toutes les sources citées, excepté l’énergie hydraulique, l’énergie photovoltaïque et l’énergie éolienne (mais on peut produire de l’énergie thermique à partir de l’électricité générée).
Le vecteur est ensuite transformé en énergie consommable (énergie utile). À chaque étape (source \(\rightarrow \) vecteur \(\rightarrow \) consommation), l’énergie totale est conservée, mais elle ne l’est pas forcément sous la forme souhaitée : à chaque transformation est associé un rendement (équation 4.1).
Le tableau 4.2 donne l’ordre de grandeur du rendement de quelques installations de transformation de l’énergie. On constate que généralement plus de la moitié de l’énergie initialement disponible est perdue (dans le sens où elle n’est pas utilisée, car non intégralement transformée dans la forme souhaitée).
Installation | Transformation | Rendement |
Centrale nucléaire | thermique \(\rightarrow \) cinétique \(\rightarrow \) électricité | 33 % |
Centrale à charbon ou au gaz | thermique \(\rightarrow \) cinétique \(\rightarrow \) électricité | 30–50 % |
Moteur | thermique \(\rightarrow \) cinétique | 25–35 % |
Chaudière individuelle au gaz | thermique \(\rightarrow \) chaleur | 60–90 % |
Panneau photovoltaïque | lumière \(\rightarrow \) électricité | 10–20 % |
turbine hydraulique | cinétique \(\rightarrow \) électricité | 85 % |
Éolienne | cinétique \(\rightarrow \) électricité | 25 % |
Batterie | électricité \(\rightarrow \) électricité | 80 % |
Table 4.2 – Rendement de quelques installations de transformation de l’énergie (d’après Bouneau 2018a).
4.2.2 Puissances, facteurs de charge
Les installations et machines transformant des matières premières (pétrole, bois, chute d’eau, uranium, etc.) en énergie (thermique ou électrique) ont une capacité de produire (transformer) une certaine quantité d’énergie par unité de temps, à savoir une puissance (des joules par seconde ou watts). De même que des installations ou machines qui vont utiliser cette énergie vont le faire avec un certain flux ou puissance.
Ces installations ne fonctionnent pas à leur capacité maximale en permanence : il s’agit de la puissance installée (ou de la puissance crête dans le cas du solaire photovoltaïque). La puissance moyenne (dans le temps) effective permet d’en déduire le facteur de charge \(f\) : \begin{equation} f = \frac {P_{\text {moyenne}}}{P_{\text {installée}}} \label {eq:facharge} \end{equation} où \(P_{\text {moyenne}}\) est la puissance moyenne de l’installation sur une année (énergie totale produite sur une année divisée par le nombre de secondes dans une année), \(P_{\text {installée}}\) est la puissance installée, à savoir la puissance théorique lorsque l’installation fonctionne dans des conditions optimales.
On peut également exprimer le facteur de charge en termes d’énergie sur un intervalle de temps donné (une année typiquement) : \[ f = \frac {E_{\text {produite effectivement}}}{E_{\text {théorique}}} \] Dans ce cas, \(E_{\text {théorique}} = E_{\text {utile}}\) et d’après la définition du rendement (équation 4.1), on a : \begin{equation} E_{\text {produite effectivement}} = \eta \times f \times E_{\text {disponible}} \end{equation}
Par exemple pour l’électricité solaire photovoltaïque, \(E_{\text {disponible}}\) est l’énergie solaire (photons) incidente, \(E_{\text {utile}}\) est l’énergie électrique que le panneau solaire est théoriquement capable de produire, donc l’énergie électrique maximale qu’il peut générer, et \(E_{\text {produite effectivement}}\) est l’électricité effectivement produite sur la période de temps considérée, compte tenu des aléas (alternance jour-nuit, pannes, nuages, etc.).
On parle également de puissance instantanée qui est l’énergie produite pendant un court intervalle de temps (par exemple un quart d’heure), divisée par cet intervalle de temps.
4.2.3 Quelques ordres de grandeur
Un être humain absorbe chaque jour environ 2500 Cal = 2500 kcal sous forme de nourriture. Cela correspond à environ 10 MJ par jour (86 400 s), soit 121 W. Cette énergie est rejetée sous forme d’énergie thermique, car un être humain est à l’équilibre thermique (en moyenne) : l’énergie qu’il reçoit est égale à celle qu’il perd. En mettant beaucoup d’êtres humains dans une salle isolée thermiquement, la température augmente !
Un cycliste du Tour de France grimpant un col développe une puissance mécanique (par l’intermédiaire de ses muscles) d’environ 400 W. Pour un être humain standard, c’est plutôt 200 W14 !
Une ampoule à LED de même luminosité (environ 1000 lm) qu’une ampoule à incandescence de 75 W a une puissance électrique de 10 W. En une heure (3600 s) elle consomme donc 36 kJ.
La puissance surfacique reçue du soleil à la surface de la Terre est de 167 W\(\cdot \)m\(^{-2}\) (sous l’atmosphère) (voir section 3.2). C’est une moyenne sur l’ensemble de la surface terrestre et sur une année (\(31,6\cdot 10^6\ \text {s}\)). Ce qui fait 5,3 GJ\(\cdot \text {m}^{-2}\) sur une année.
4.2.4 Pilotable ou non pilotable
Nous avons vu que l’on peut classifier l’énergie de beaucoup de façons. Il y a notamment les énergies de flux et les énergies de stock.
Les énergies de flux nous parviennent de manière continue, il s’agit de les exploiter « au fil de l’eau » ! Ce sont des énergies dites « renouvelables », à l’échelle de leur temps d’exploitation par l’humanité : l’énergie solaire liée au flux de photons du Soleil, l’énergie éolienne liée au vent, l’énergie de la biomasse liée à la photosynthèse, l’énergie hydraulique liée au cycle de l’eau, l’énergie géothermique liée au flux d’énergie thermique issu du manteau terrestre. . . Les premières sont associées au rayonnement solaire (flux de photons, vents, cycle de l’eau, photosynthèse). La dernière est liée à la radioactivité de certains nucléides présents dans le manteau terrestre. L’intensité de son flux diminue au fur et à mesure de la décroissance radioactive, mais de façon imperceptible à l’échelle humaine (voir annexe D).
Les énergies de stock sont associées à une quantité finie de matières premières sur Terre. D’une part les ressources dites fossiles (charbon, pétrole, gaz naturel15), renouvelables (dans certaines conditions biophysiques, et à l’échelle du million d’années) mais bien plus lentement que la vitesse à laquelle elles sont consommées. D’autre part l’énergie nucléaire provenant de la fission de l’uranium, qui est en quantité limitée sur Terre : ce qui est « utilisé » est définitivement disparu. Ces énergies de stock sont donc épuisables.
Les énergies de stock sont pilotables, il s’agit de la capacité de ces sources d’énergie à s’adapter à la demande, en particulier pour la production d’électricité. Certaines énergies de flux sont également pilotables, comme l’énergie hydraulique (issue des barrages) qui est d’ailleurs utilisée pour produire de l’électricité très rapidement, à l’échelle de quelques minutes, afin de réagir aux pics de consommation. L’énergie géothermique est également pilotable, le flux d’énergie thermique étant stable dans le temps. Tout comme l’énergie issue de la biomasse, puisque celle-ci peut être produite de manière continue et contrôlable.
Les centrales thermiques nucléaires ou à charbon sont certes « pilotables » mais peu à même de répondre à un pic de demande. En revanche elles sont « modulables » à l’échelle de quelques heures. Elles permettent néanmoins d’assurer la production électrique de base de manière complètement prédictible.
Les autres énergies de flux (solaire et éolien) sont non pilotables car leur quantité exploitable est fixée par la nature (présence de vent ou pas, flux de photons solaires liés à l’alternance jour-nuit, à la saison et à la couverture nuageuse). On ne peut pas les contrôler, seulement tenter de lisser leurs fluctuations.
4.2.5 Concentrée ou diluée
Par ailleurs, les énergies de stock sont plus concentrées que les énergies de flux. En effet, estimons la masse (Balian 2009) nécessaire pour produire 1 kWh (soit 3,6 MJ). L’énergie la plus concentrée est l’énergie nucléaire basée sur l’interaction forte. Ainsi la fission dégage 1 kWh d’énergie thermique en consommant 6 mg d’uranium naturel16 (et donc 0,04 mg d’uranium 235, fissile).
Pour fournir 1 kWh d’énergie thermique avec de l’énergie chimique17 (combustion de combustibles fossiles ou de biomasse), il faut en brûler environ 0,1 kg.
Les énergies les plus diluées sont l’énergie gravitationnelle et les énergies mécaniques. Pour produire 1 kWh dans une usine hydroélectrique (dont le rendement est environ 85 %), il faut faire chuter environ 2,5 tonnes d’eau d’une hauteur de 123 m (ce qui est, en guise d’exemple, la hauteur de chute maximale du barrage de Serre-Ponçon sur la Durance)18. Avec une éolienne, il faut récupérer toute l’énergie cinétique d’environ 20 000 m\(^3\) d’air circulant à 60 km/h, soit 24 tonnes19.
Ces écarts considérables (entre quelques microgrammes et quelques dizaines de tonnes, soit un rapport de 10\(^{13}\)) font que l’emprise au sol des installations sera très différente entre une centrale nucléaire et un parc d’éoliennes.
La figure 4.4 illustre les différents types d’énergie.
4.2.6 L’énergie grise et le taux de retour énergétique
On pourrait se poser la question suivante : combien faut-il d’énergie pour produire de l’énergie ? Les concepts d’énergie grise et de taux de retour énergétique répondent en partie à cette question.
L’énergie grise
L’énergie grise est la quantité d’énergie nécessaire pour produire une certaine quantité d’énergie. De manière générale, c’est la quantité d’énergie nécessaire pour fabriquer n’importe quel produit manufacturé, à savoir l’énergie consommée lors du cycle de vie, à savoir de sa fabrication jusqu’au déchet final, en passant par la phase d’utilisation. L’analyse en cycle de vie (ACV) est une méthode normalisée d’évaluation de l’impact environnemental selon de nombreux critères (énergie, ressources, pollutions, consommation d’eau, etc.) d’un objet manufacturé, d’un processus, d’une organisation, tout au long de son cycle de vie, selon un périmètre prédéterminé (étapes prises en compte dans l’élaboration). La figure 4.5 illustre de manière exhaustive toute l’énergie nécessaire dans l’ensemble de la vie d’une voiture : non seulement celle qui sert à produire et à acheminer le carburant, mais aussi celle qui sert à construire la voiture ainsi que les infrastructures qui lui permettent de rouler : routes, parkings, etc.
Cette évaluation de l’énergie grise n’est pas toujours aisée car de nombreux processus différents peuvent entrer dans le périmètre du cycle de vie (Hall et al. 2014).
Le taux de retour énergétique
Le taux de retour énergétique (TRE) ou Energy Return On (energy) Invested (EROI) en anglais, est le rapport entre la quantité d’énergie totale produite à partir d’une source donnée et la quantité d’énergie dépensée pour obtenir cette énergie, à savoir l’énergie grise (voir, par exemple Treiner 2016) : \begin{equation} \text {EROI} = \frac {E_{\text {produite}}}{E_{\text {dépensée}}} = \frac {E_{\text {produite}}}{E_{\text {grise}}} \label {eq:deferoi} \end{equation} où on a :
- \(E_{\text {produite}} = E_{\text {grise}} + E_{\text {utilisable}}\) = énergie totale produite
- \(E_{\text {dépensée}} = E_{\text {grise}}\) = énergie utilisée pour produire \(E_{\text {produite}}\)
- \(E_{\text {utilisable}}\) = énergie utile pour être consommée
On peut ainsi réécrire (4.4) :
\[ \text {EROI} = \frac {E_{\text {grise}} + E_{\text {utilisable}}}{E_{\text {grise}}} = 1 + \frac {E_{\text {utilisable}}}{E_{\text {grise}}} \] On voit ainsi que pour une technologie produisant de l’énergie utilisable par la société, si \(\text {EROI} > 1\) alors il s’agit d’une « source » d’énergie. Mais si \(\text {EROI} = 1\), alors l’énergie produite sert uniquement à produire cette énergie sans gain pour la société, auquel cas : \(E_{\text {utilisable}} = 0\). Par exemple, pour un processus ayant un EROI de 3, l’utilisation d’une unité d’énergie (\(E_{\text {grise}}\)) permet d’obtenir 3 unités (\(E_{\text {produite}}\)), soit un gain net de 2 unités (\(E_{\text {utilisable}}\)).
Autre exemple : en supposant que l’EROI du carburant est environ de 8, l’énergie grise représente donc : \[ E_{\text {grise}} = E_{\text {utilisable}} \times \frac {1}{\text {EROI}-1}\] \[ \text {soit :}\quad E_{\text {grise}} \simeq \frac 17\times E_{\text {utilisable}} \] où \(E_{\text {grise}}\) est l’énergie liée à la fabrication du carburant : extraction, transport, raffinage, distribution.
On peut exprimer la fraction d’énergie utilisable par rapport à l’énergie totale produite en fonction de l’EROI :
\begin{equation} \frac {E_{\text {utilisable}}}{E_{\text {produite}}} = 1 - \frac {1}{\text {EROI}} \label {eq:enj_uti} \end{equation} La figure 4.6 représente ainsi la fraction de l’énergie utilisable en fonction de l’EROI. Pour une valeur donnée de l’EROI, la partie en vert est la fraction d’énergie utilisable, tandis que la partie en rouge est la fraction d’énergie grise.
Dans l’exemple précédent, pour un EROI = 8 (carburant), on a : \(E_{\text {utilisable}} = 0,875 \times E_{\text {produite}}\) ou bien \(E_{\text {grise}} = 0,125 \times E_{\text {produite}}\).
Une société comme la nôtre a un EROI \(\sim \) 20 ; sous une valeur \(\sim \) 10 (Lambert et al. 2014), le fonctionnement de la société peut devenir problématique (on dépense trop d’énergie à essayer de produire de l’énergie).
L’EROI permet de suivre l’accessibilité technique d’une ressource au cours du temps, selon la raréfaction d’une énergie de stock ou bien selon les progrès des technologies de production. La figure 4.7 montre ainsi l’évolution de l’EROI de la production d’hydrocarbures (pétrole et gaz) aux États-Unis de 1920 à 2010, qui a diminué d’un facteur 2 environ, à cause de la raréfaction des nappes de pétrole et de la plus grande difficulté technique (et donc énergétique) à les extraire du sous-sol.
L’EROI est donc un concept clef dans la production (ou plutôt la transformation) de l’énergie pour les besoins de la société, mais il reste relativement flou dans sa définition pour être utilisé avec précaution. Il permet néanmoins d’estimer la rentabilité économique (mais non environnementale) de la production d’une source d’énergie.
Limites de ces concepts
La notion d’énergie grise (et donc celle d’EROI) ne tient pas compte des autres ressources (limitées) en matière20 comme le sable pour le béton, les métaux comme le cuivre, l’aluminium ou le cobalt, les terres rares comme le néodyme, etc. Elle ne tient pas compte non plus des impacts environnementaux autres que ceux liés à l’énergie (à savoir l’émission de CO\(_2\)) : les pollutions notamment liées à l’extraction, et l’impact sur les paysages21.
Par ailleurs, la définition de l’énergie grise comme celle de l’EROI dépend du « périmètre » considéré. Le périmètre est l’ensemble des activités dont on tient compte pour déterminer l’énergie grise (Hall et al. 2014). Selon les estimations du périmètre considéré, il peut y avoir d’importantes différences (figure 4.8).
La figure 4.9 montre ainsi différentes estimations de l’EROI, l’une provient de Weißbach et al. (2013) (figure 4.9a), les deux autres (figures 4.9b et 4.9c) d’une méta-analyse de plusieurs estimations par Dale (2010). On constate qu’il y a de grosses différences entre les deux, qui dépendent de la définition de l’EROI utilisé et des contours de ce qui est mis dans le numérateur et le dénominateur de la fraction. Sur la production d’électricité nucléaire, par exemple, Hall et al. (2014) obtiennent un EROI de 14 à partir de 33 estimations issues de 15 publications. Tandis que Dale (2010) obtient un EROI de 9 à partir de 33 publications. Ce qui est nettement plus petit que celui obtenu par Weißbach et al. (2013), à savoir 75.
Un autre défaut de l’EROI est de considérer l’énergie comme un tout indivisible. L’énergie grise, quant à elle, peut séparer les différents vecteurs énergétiques (électricité, carburant, chaleur, hydrogène, par exemple), pour permettre une analyse plus fine selon les sources : la production d’un kilowatt-heure d’électricité nucléaire, par exemple, nécessite non seulement de l’électricité qui peut (éventuellement) être ponctionnée directement, mais également de la chaleur et du carburant, qui proviennent d’autres sources. Sommer les énergies grises et en soustraire le total à la production d’une source, comme le fait l’EROI, est ainsi biaisé. Néanmoins ce type d’analyse fine est beaucoup plus complexe à mettre en œuvre.
4.2.7 Le paysage énergétique mondial
Les sources de données sur l’énergie
Les données sur l’énergie présentées ici proviennent de différentes sources, pour différentes années, selon la disponibilité trouvée. Il est relativement compliqué de vérifier ces données, souvent fournies avec moult chiffres significatifs, mais sans aucune incertitude ni même information sur la façon dont elles sont obtenues. Quand on y regarde de plus près, certains rapports sont intrinsèquement incohérents. Les différentes unités absconses utilisées (tep ou Wh, entre autres) ne facilitent pas les comparaisons.
Par exemple, dans BP (2019), la consommation d’énergie primaire dans le monde est de 13 864,9 Mtep en 2018, dont 611,3 Mtep d’énergie nucléaire (primaire, c’est-à-dire d’énergie thermique). En unités physiques, cela donne respectivement \(5,8\cdot 10^{20}\) J et \(2,6\cdot 10^{19}\) J. Dans le même rapport, plus loin, un tableau donne la génération d’électricité dans le monde, soit 26 614,8 TWh, dont 2701,4 TWh d’électricité nucléaire. En unités physiques, cela donne respectivement \(9,6\cdot 10^{19}\) J et \(9,7\cdot 10^{18}\) J. Le rapport entre l’énergie primaire nucléaire consommée dans le monde et l’électricité nucléaire produite est de 2,63, ce qui ferait un rendement de 38 %, alors que le rendement d’une centrale nucléaire est plutôt de 33 %. La différence de \(1,12\cdot 10^{18}\) J proviendrait-elle de la différence entre l’électricité générée et l’énergie produite ? Donc des pertes (4,3 %) ? Le diable se cache dans les détails et dans la définition exacte de ce que l’on considère comme quantité !
Autre exemple, le Data Portal22 du Shift Project donne une consommation totale d’énergie primaire dans le monde en 2016 de \(6,08\cdot 10^{20}\) J et une production de \(5,96\cdot 10^{20}\) J, donc moindre que la consommation. Néanmoins, il faut noter que cette base de données a le mérite de rassembler beaucoup d’informations et de permettre de choisir les unités (dont le joule !).
L’énergie dans le monde
La consommation totale d’énergie primaire dans le monde était de 13,5 Gtep en 2017 (BP 2018) et de 13,9 Gtep (\(5,8\cdot 10^{20} \text {J}=580 \text {EJ}\) ou encore une puissance de 18,4 TW) en 2018 (BP 2019), elle augmente à un rythme d’environ 2,2 % par an (figure 4.10), elle est de 595,15 EJ en 202123. La population mondiale étant de 7,63 milliards de personnes en 2018, cela représente donc une consommation énergétique moyenne de 1,8 tep/personne/an ou encore 76 GJ/personne/an. Les ressources fossiles (pétrole, gaz naturel, charbon) contribuent à 78,1 % de la consommation totale, le nucléaire à 4,1 %, les renouvelables (essentiellement l’hydroélectricité et la biomasse – le bois) à 17,8 % (voir figure 4.11c). La figure 4.10 montre que depuis 1940 (mais c’est le cas également avant), il n’y a jamais eu de transition énergétique, c’est-à-dire de substitution d’une source d’énergie par une autre : le panorama actuel est le reflet d’accumulations successives. La figure 4.11a montre la part relative de chaque source d’énergie primaire dans le monde, avec la part grandissante du charbon dès le milieu du XIX\(^{\textrm e}\) siècle, celle du pétrole au début du XX\(^{\textrm e}\) siècle, puis le gaz naturel dès le milieu du XX\(^{\textrm e}\) siècle avec l’hydroélectricité ; le nucléaire est arrivé à la fin du XX\(^{\textrm e}\) siècle. La part des renouvelables croît depuis les années 2010. Elles viennent s’additionner au reste sans s’y substituer.
4.3 Les différents types d’énergie
4.3.1 Les énergies de stock
Les énergies de stock sont des énergies épuisables (en quantité par définition limitée), mais dont il est possible de piloter le flux avec une certaine latitude (Treiner 2018).
4.3.2 Les énergies fossiles
Les combustibles fossiles sont riches en carbone et sont issus de la dégradation de matières organiques (méthanisation) enfouies dans le sol depuis des centaines de millions d’années. Il s’agit du pétrole, du charbon, de la tourbe et du gaz naturel. Ces sources ne sont pas renouvelables (à l’échelle de l’humanité), car elles demandent des millions d’années pour se constituer, et sont utilisées bien plus rapidement.
Quand un être vivant meurt, il va se décomposer. Le carbone qui le compose est transformé en dioxyde de carbone dans un milieu riche en oxygène (aérobie). Dans un milieu pauvre en oxygène (anaérobie), comme sur un fond marin, c’est l’activité bactérienne qui va décomposer la matière, formant un composé solide, le kérogène, sorte d’état intermédiaire entre la matière organique et les combustibles fossiles, composé surtout de carbone et d’oxygène. La tectonique des plaques va soumettre le kérogène à des pressions et à des températures élevées (50 \(^\circ \)C à 120 \(^\circ \)C). Il s’ensuit alors une décomposition chimique (pyrolyse) qui conduit à la formation de pétrole et de gaz naturel. Le charbon est formé à partir de végétaux plus élaborés (arbres, plantes. . .), dont la pyrolyse du kérogène fournit, plus la pression et la température (donc la profondeur) augmentent, de la tourbe, de la lignite, de la houille et enfin de l’anthracite. La fraction de carbone passe de moins de 55 % pour la tourbe à plus de 90 % pour l’anthracite.
Constitués d’atomes de carbone et d’hydrogène (le méthane a le rapport H/C le plus élevé, l’anthracite et certaines houilles sont composés de carbone presque pur), les combustibles fossiles sont des hydrocarbures. Emprisonnés dans les sous-sols de la Terre, ils sont extraits de différentes manières :
- par puisage, en ce qui concerne le pétrole et le gaz naturel ;
- par extraction directe à la surface des sols, pour la tourbe ;
- par extraction dans des mines, comme pour le charbon ;
- par extraction dans des mines à ciel ouvert, en particulier pour le lignite.
Le charbon a été le moteur de la révolution industrielle. Dès la fin du XVIIe siècle, on se rend compte que sa combustion permet de dégager suffisamment d’énergie thermique pour faire fonctionner les machines à vapeur. Son utilisation permet également de limiter l’utilisation du bois et donc limiter la déforestation. Le pétrole devient l’objet d’une exploitation industrielle au milieu du XIXe siècle. Le gaz naturel fut d’abord utilisé pour l’éclairage (éclairage public au gaz dans les années 1820 aux États-Unis), avant d’être utilisé comme combustible pour propulser des machines et pour le chauffage. Ce n’est qu’après la seconde guerre mondiale qu’il va susciter un intérêt en ce sens.
La combustion des hydrocarbures en présence d’oxygène conduit à la formation de dioxyde de carbone et d’eau, et dégage de l’énergie. Par exemple, la combustion du méthane : \begin{equation} \text {CH}_4 + 2 \text {O}_2 \rightarrow \text {CO}_2 + 2 \text {H}_2\text {O} \label {eq:combustion} \end{equation} La combustion du méthane dégage 56 MJ/kg (pouvoir calorifique supérieur – PCS – voir note 48). Celle du butane (C\(_4\)H\(_{10}\)) dégage 50 MJ/kg (PCS), et celle de l’octane (essence ; C\(_8\)H\(_{18}\)), 48 MJ/kg (PCS).
La consommation des énergies fossiles dans le monde (figure 4.12) a quasiment doublé entre 1980 (6,48 Gtep = \(2,7\cdot 10^{20}\) J) et 2016 (12,33 Gtep = \(5,2\cdot 10^{20}\) J).
Modèle de Hubbert
On peut évaluer de manière simple l’évolution d’un stock de matériau en quantité finie, comme les ressources fossiles ou encore l’uranium. En 1956, lors d’un colloque de l’American Petroleum Institute, le géologue américain Marion King Hubbert prédit que la production globale de pétrole aux États-Unis atteindrait un maximum autour de 1970. On s’aperçut en 1970 qu’il avait vu juste.
Le modèle qu’il avait alors développé est assez simple.
Considérons la production annuelle \(P(t)\) à l’instant \(t\), et \(Q\) la production totale cumulée jusqu’à l’instant \(t\). On a ainsi : \[ P(t) = \frac {dQ}{dt} \] On peut faire l’hypothèse que la production annuelle \(P(t)\) est proportionnelle à la quantité \(Q(t)\) déjà extraite, en supposant que l’exploitation d’une ressource (quelle qu’elle soit) augmente au fur et à mesure des connaissances acquises sur cette ressource et de l’amélioration des technologies permettant de l’extraire (voir Treiner 2018). Soit : \[ P(t) = \alpha \times Q(t)\qquad \text {soit}\qquad \frac {dQ}{dt} = \alpha \times Q(t) \] Mais cela génère une croissance exponentielle, ce qui n’est pas réaliste. En fait le coefficient \(\alpha \) n’est pas constant mais décroit quand la quantité totale extraite augmente : \[ \alpha (t) = \alpha _0 \times \left ( 1 -\frac {Q(t)}{Q_{\text {max}}} \right ) \] où \(\alpha _0\) est une constante et \(Q_{\text {max}}\) est la quantité totale de ressource exploitable, constante. On peut poser une décroissance linéaire de \(\alpha \) avec \(Q(t)\) : \begin{equation} \frac {dQ}{dt} = \alpha _0 \times Q(t)\times \left ( 1 -\frac {Q(t)}{Q_{\text {max}}} \right ), \label {eqn:edhubbert} \end{equation} ce qui donne une équation différentielle du premier ordre non-linéaire (terme en \(Q^2\) dans le second membre). Pour résoudre cette équation, il suffit de faire le changement de variable suivant : \[ Z(t) = \frac {1}{Q(t)}\qquad \text {soit :} \qquad \frac {dQ}{dt} = -\frac {1}{Z^2} \frac {dZ}{dt} \] pour \(Q(t) > 0\), ce qui est toujours le cas. En reportant dans l’équation (4.7), cela donne : \[ \frac {dZ}{dt} = -\alpha _0 \times Z(t) + \frac {\alpha _0}{Q_{\text {max}}} \] On obtient ainsi une équation différentielle du premier ordre, linéaire, à coefficients constants, assez simple à résoudre, par exemple en séparant les variables : \[ \frac {dZ}{-\alpha _0\times Z(t) + \frac {\alpha _0}{Q_{\text {max}}}} = dt \] En intégrant : \[ \ln \left |-\alpha _0\times Z(t) + \frac {\alpha _0}{Q_{\text {max}}} \right | = -\alpha _0 t + k \] où \(k\) est une constante d’intégration. Soit : \[ Z(t) = \frac {1}{Q_{\text {max}}} - \frac {K}{\alpha _0} e^{-\alpha _0 t}\qquad \text {avec :} \quad K = \pm e^k \] On détermine \(K\) à l’aide d’une condition à la limite : \(Q(0) = Q_0 = \frac {1}{Z(0)}\). Soit : \[ \frac {1}{Q_0} = \frac {1}{Q_{\text {max}}} - \frac {K}{\alpha _0} \] soit : \[ K = \frac {\alpha _0}{Q_0} \left (\frac {Q_0}{Q_{\text {max}}} -1 \right ) \] Comme \(Q_{\text {max}} > Q_0\), \(K<0\).
Cela donne : \[ Q(t) = \frac {1}{Z(t)} = \frac {1}{\frac {1}{Q_{\text {max}}} - \frac {K}{\alpha _0} e^{-\alpha _0 t}} \] ou encore : \begin{equation} Q(t) = \frac {Q_{\text {max}}}{1 + \left (\frac {Q_{\text {max}}}{Q_0} -1 \right ) e^{-\alpha _0 t}} \end{equation} Cette fonction est appelée fonction logistique ou fonction de Verhulst24. Cette fonction est représentée pour le pétrole sur les figures 4.13b et 4.13d ; il s’agit d’une sigmoïde. La production annuelle \(P(t)\) est la dérivée de la production cumulée \(Q(t)\) : \[ P(t) = \frac {dQ}{dt} = \alpha _0 \times Q(t) \times \left ( 1 -\frac {Q(t)}{Q_{\text {max}}} \right ) \] soit : \begin{equation} P(t) = \alpha _0 Q_{\text {max}} \frac {\left (\frac {Q_{\text {max}}}{Q_0} -1\right ) e^{-\alpha _0 t}}{\left [ 1+ \left (\frac {Q_{\text {max}}}{Q_0} -1\right ) e^{-\alpha _0 t} \right ]^2} \end{equation}
Cette fonction est ajustée sur les données25 du pétrole aux États-Unis (figure 4.13a) et dans le monde (figure 4.13c).
Pour les États-Unis, le « pic » des réserves de pétrole (dites conventionnelles) intervient au milieu des années 198026. À partir de la fin des années 2000, la production connaît une hausse spectaculaire à cause du pétrole de schiste. Le modèle de Hubbert utilisé ici est très sommaire, il ne permet pas de faire des prédictions précises : il faillit même à modéliser le stock mondial (figure 4.13). Néanmoins, on peut l’utiliser pour bien d’autres matériaux que le pétrole, comme les métaux, l’uranium, etc. (voir par exemple Halloy 2018).
Les pics de production des ressources fossiles
Le pic mondial de production du pétrole conventionnel se situe vers 200827, celui du pétrole non conventionnel28 (dit de schiste29, pétrole extralourd30. . .) devrait arriver vers 2025 (Auzanneau 2019). Pour le gaz, le pic arriverait vers 2030. Pour le charbon, l’incertitude est plus grande, mais il pourrait arriver vers 2030-2035 (Durand 2018).
En 2018, les réserves mondiales prouvées (c’est-à-dire techniquement et économiquement accessibles) de pétrole (pétrole conventionnel et pétrole non conventionnel : pétrole de schiste, sables bitumineux, etc.) sont estimées à 1730 milliards de barils (soit 244 Gt) (BP 2019). Le rapport réserves sur production annuelle est d’environ 50 ans (la production annuelle de pétrole était de 4,5 Gt en 2018, ou 95 millions de barils par jour en moyenne). La consommation annuelle de pétrole est de 4,7 Gt en 2018, ce chiffre incluant les bio-carburants.
Les réserves prouvées de charbon (anthracite, lignite, bitumineux) dans le monde sont de 1055 Gt en 2018 (BP 2019). Le rapport réserves sur production annuelle est de quasiment 200 ans. En effet, la production annuelle (2018) de charbon est de 3,9 Gtep, soit 5,6 Gt (1 tonne équivalent pétrole = 1,43 tonne équivalent charbon). La consommation annuelle est de 3,8 Gtep.
Les réserves prouvées de gaz naturel sont évaluées à \(197\cdot 10^{12}\ \text {m}^3\) en 201831 (BP 2019). Le rapport réserves sur production annuelle est d’environ 50 ans. En effet, la production annuelle de gaz naturel est de \(3,9\cdot 10^{12}\ \text {m}^3\) (la consommation annuelle est de \(3,8\cdot 10^{12}\ \text {m}^3\)) en 2018.
4.3.3 Le nucléaire
L’énergie nucléaire (électricité) est une énergie de stock, actuellement basée sur l’uranium qui est un minerai présent dans la croûte terrestre, donc en quantité limitée.
La consommation d’électricité nucléaire dans le monde est de 611 Mtep (\(2,6\cdot 10^{19}\) J) en 2018 (BP 2019), soit 4,4 % de l’énergie primaire consommée (13 865 Mtep = \(5,8\cdot 10^{20}\) J). Toujours en 2018, 26 615 TWh (\(9,6\cdot 10^{19}\) J) d’électricité ont été générés dans le monde, dont 2701 TWh (\(9,7\cdot 10^{18}\) J) par le nucléaire (BP 2019), soit 10 %.
En France, la production d’électricité nucléaire (RTE 2019) a été de 380 TWh en 2019 (70,9 % de la production totale d’électricité), soit 43 GW en moyenne sur l’année, pour une capacité de production de 63,1 GW (soit 47 % de la capacité de production totale française qui est de 135 GW), d’où un facteur de charge de 68 %.
Le fonctionnement d’une centrale nucléaire est abordé dans le chapitre 2, section 2.4.
Réserves d’uranium
Les réacteurs nucléaires actuels utilisent comme combustible l’uranium 235 qui est présent à 0,7 % dans l’uranium naturel. Pour produire 1 GW d’électricité pendant un an (8772 heures), il faut produire environ 3 GW de chaleur, car les réacteurs nucléaires ont un rendement thermodynamique d’environ 33 %. Ce qui fait \(9,5\cdot 10^{16}\) J. Comme chaque noyau fissionné libère environ 200 MeV d’énergie thermique, soit \(3,2\cdot 10^{-11}\) J, il faut casser \(3\cdot 10^{27}\) noyaux. Avec une masse molaire de 235 \(\text {g}\cdot \text {mol}^{-1}\), cela fait 1175 kg d’uranium 235.
En réalité, tout l’uranium 235 n’est pas intégralement fissionné, seulement 80 à 90 % (Grenêche et al. 2012). Il faut donc 1380 kg d’uranium 235 au départ pour produire 1 GW d’électricité.
En 2017, les ressources estimées d’uranium naturel pouvant être extraites à un coût raisonnable (moins de 130 $/kg) sont estimées à 6,1 millions de tonnes32, environ 42 700 tonnes d’uranium 235.
En 2019, on comptait 450 réacteurs en service dans le monde33. Fin 2018, la puissance électrique nette des tranches nucléaires en service dans le monde s’élevait à quelque 397 GW34. Il faut donc 548 tonnes d’uranium 235 chaque année pour parvenir à couvrir ces besoins. À ce rythme les réserves actuellement connues seront épuisées en 78 ans. . .
Une solution pour augmenter le stock disponible serait d’utiliser la surgénération, c’est-à-dire la capacité d’un réacteur à produire plus d’isotopes fissiles qu’il n’en consomme en transmutant des isotopes fertiles en isotopes fissiles. Cette capacité pourrait être utilisée dans les réacteurs de 4e génération (réacteurs à neutrons rapides). Dans ce cadre, théoriquement, tout l’uranium 238 est utilisable ce qui permet un gain en énergie de 1/0,007 = 140 par rapport à l’utilisation actuelle de l’uranium 235 seul. En pratique, le gain réel est estimé à un facteur 50 à 100 (Grenêche et al. 2012), ce qui multiplie d’autant l’horizon des réserves.
4.3.4 Les énergies de flux
Les énergies de flux sont : l’énergie solaire (figure 4.14), l’énergie éolienne, l’énergie marine, l’énergie hydraulique, l’énergie issue de la biomasse, l’énergie géothermique. Ce sont des énergies inépuisables (à l’échelle humaine), que l’on appelle donc « renouvelables » (à l’échelle humaine). Néanmoins leur flux est généralement variable, spatialement et/ou temporellement. Pour utiliser ces énergies, il faut connaître ces flux, leur régularité ou périodicité, leur intensité, et les possibilités de les récupérer ou de les transformer en énergie utilisable.
À part la géothermie, issue de la désintégration radioactive des roches dans les profondeurs de la Terre, et l’énergie issue des marées (issue de l’énergie gravitationnelle du Soleil et de la Lune) les autres énergies sont toutes directement ou indirectement issues de l’énergie radiative solaire. Cette énergie est à l’origine de la circulation atmosphérique, et donc des vents dont l’énergie mécanique prélevée est l’énergie éolienne ou l’énergie de la houle marine ; du cycle de l’eau (évaporation et précipitations), donc de l’énergie hydraulique ; des plantes qui croissent par la photosynthèse et forment la biomasse.
La surface terrestre (sous l’atmosphère), reçoit en moyenne sur toute sa surface et sur une rotation (24 h), environ 170 \(\text {W}\cdot \text {m}^{-2}\) (voir la figure 3.13). La surface de la Terre étant de \(4\pi R^2 = 5,1\cdot 10^{14}\ \text {m}^2\), elle reçoit (en moyenne) chaque seconde \(8,7\cdot 10^{16}\ \text {J}\) de la part du Soleil.
L’humanité consomme environ 14 Gtep/an, soit \(5,9\cdot 10^{20}\ \text {J}\cdot \text {an}^{-1}\) ce qui représente une puissance moyenne de \(1,9\cdot 10^{13}\ \text {W} = 19\ \text {TW}\). Ainsi, l’énergie consommée en une année parvient à la surface de la Terre en environ 2 h de la part du Soleil (en moyenne), bien que de manière diffuse et difficilement « récupérable » en l’état.
Environ 1 à 2 % de l’énergie solaire parvenant à la surface terrestre est transformée en vent, soit une puissance d’environ 900 TW (Miller et al. 2011).
Sur \(8,7\cdot 10^4\) TW d’énergie solaire parvenant à la surface de la Terre, environ 180 TW est convertie en biomasse35 soit 0,2 %.
4.3.5 L’énergie solaire photovoltaïque
Il s’agit de l’énergie électrique récupérée grâce à des cellules photovoltaïques. L’effet photoélectrique36 à l’origine de ces cellules est un effet physique qui désigne l’émission d’électrons par un matériau soumis à un flux de photons. Cette propriété de certains matériaux (métaux, semi-conducteurs. . .) a été découverte en 1839 par Antoine Becquerel et son fils Alexandre Edmond (père de Henri Becquerel, découvreur de la radioactivité naturelle). Elle a été théoriquement comprise par Albert Einstein en 1905 à l’aide du concept de photon, particule de lumière, ce qui lui valut le prix Nobel de physique en 1921. L’effet photovoltaïque est un effet photoélectrique apparaissant sous l’incidence de photons sur un semi-conducteur, provoquant l’apparition d’un courant électrique. Il est utilisé dans les panneaux photovoltaïques permettant de produire de l’électricité à partir du rayonnement solaire, dont la première application date de 1956 pour l’alimentation des satellites à l’aide de cellules au silicium. Les centrales photovoltaïques pour la production d’électricité sur les réseaux électriques apparaissent à partir des années quatre-vingt. Elles utilisent des onduleurs37 pour convertir le courant continu issu des panneaux en courant alternatif.
Actuellement la puissance installée (on parle de puissance crête) des installations (figure 4.15) peut aller jusqu’à plusieurs centaines de mégawatts.
Le rendement (à savoir le rapport entre l’énergie électrique produite et l’énergie solaire reçue – équation 4.1) d’un panneau solaire photovoltaïque varie entre 6 et 8 % pour les panneaux en silicium amorphe, et atteint 46 % pour les plus performants en laboratoire. En moyenne, les rendements sont autour de 15 %.
Le facteur de charge (équation 4.2) moyen des installations photovoltaïques varie de 10 % à 24 % selon la localisation, les valeurs les plus élevées étant atteintes dans des régions très ensoleillées autour des basses latitudes.
En 2017, la production mondiale d’électricité solaire photovoltaïque s’élevait à 443,6 TWh, en augmentation de 35 % par rapport à 2016 ; elle représentait 1,7 % de la production mondiale d’électricité38. En 2021, la capacité de production installée a atteint 942 GW. La production s’est élevée à 1000 TWh la même année. La production d’électricité photovoltaïque dans le monde a cru de 322 % entre 2015 et 2021.
En France, en 2019 (RTE 2019), la production d’électricité d’origine solaire est de 11,6 TWh (hausse de 7,8 % par rapport à l’année précédente). Le facteur de charge annuel39 est de 14 % (contre 15 % en 2018). La capacité installée est de 9,4 GW. En 2021, la capacité installée en France passe à 14,3 GW, la production est de 15,1 TWh.
Quelle surface de panneaux photovoltaïques ?
La densité surfacique de puissance solaire moyenne annuelle reçue en France est d’environ 145 \(\text {W}\cdot \text {m}^{-2}\). Avec un rendement de 15 %, un panneau solaire photovoltaïque délivre donc, en moyenne, une puissance électrique d’environ 22 \(\text {W}\cdot \text {m}^{-2}\), soit une quantité annuelle d’énergie de 193 \(\text {kWh}\cdot \text {m}^{-2}\).
Prenons l’exemple extrême des besoins annuels d’électricité en France (478 TWh consommés en 2018). Pour y subvenir uniquement avec des panneaux solaires photovoltaïques, il faudrait couvrir une surface de \(2,5\cdot 10^9\ \text {m}^2 = 2500\ \text {km}^{2}\), soit l’équivalent de la surface de l’île de la Réunion.
Pour subvenir aux besoins mondiaux d’électricité (environ 23 000 TWh/an), il faudrait une surface 48 fois plus importante, soit la surface des régions Auvergne-Rhône-Alpes et Bourgogne-France-Comté réunies.
4.3.6 L’énergie solaire thermique
L’énergie solaire thermique peut être utilisée directement pour chauffer de l’eau, cuire des aliments, etc. Ou bien indirectement, en concentrant le rayonnement solaire à l’aide de miroirs afin de produire de l’électricité de manière classique (chauffage d’un fluide caloporteur – EDF 2012), auquel cas on parle de solaire thermodynamique. Les technologies utilisées dans les deux cas sont très différentes. Dans le premier, les températures sont dites basses (\(\sim 100\ ^{\circ }\text {C}\)), dans le second elles sont hautes (typiquement \(> 300\ ^{\circ }\text {C}\)). Dans le premier cas, l’échelle est généralement individuelle (chauffe-eau solaire, par exemple), dans le second elle est industrielle.
Par exemple, la centrale solaire Thémis dans les Pyrénées est un centre de recherche sur les centrales thermodynamiques40 (figure 4.16).
La production41 des centrales solaires thermodynamiques atteignait 11 TWh en 2017, soit 0,04 % de la production mondiale d’électricité ; en comparaison, la production du solaire photovoltaïque s’élevait à 444 TWh (1,7 %), soit 41 fois plus. Les principaux pays producteurs sont l’Espagne : 5,8 TWh (54 %) et les États-Unis : 3,6 TWh (33 %). La puissance installée de leurs centrales atteignait 4845 MW fin 2017 (soit un facteur de charge global d’environ 26 %).
4.3.7 L’énergie éolienne
La puissance cinétique de déplacement des masses d’air sur la planète représente environ 900 TW (Miller et al. 2011) (soit environ 1 % de la puissance solaire incidente au niveau du sol). L’air est mis en mouvement par une différence de température induisant une différence de pression, et donc un mouvement d’air pour rétablir l’équilibre. À l’échelle de la planète, l’énergie de rayonnement du Soleil n’est pas répartie de manière identique sur toute la surface de la Terre, la région des Tropiques en reçoit beaucoup plus que celle des pôles. Il y a donc une circulation générale de l’air pour répartir l’énergie solaire entre l’équateur et les pôles42.
Mais la totalité des 900 TW (ce qui représente quand même 50 fois les besoins de l’humanité), ne peut être « extraite ». On montre que seulement 18 à 68 TW pourraient théoriquement être récupérés (Miller et al. 2011). Comme le système Terre est à l’équilibre et que la vitesse des vents n’augmente pas avec le temps, l’énergie cinétique des masses d’air est dissipée. La moitié est dissipée par des frottements au sein de l’atmosphère elle-même, l’autre moitié par des frottements avec la surface des continents et des océans. L’idée est donc de récupérer une partie de l’énergie cinétique avant qu’elle ne se dissipe en énergie thermique en la transférant aux pales d’éoliennes. Elle devient de l’énergie mécanique de rotation, qui est à son tour transformée en électricité par l’intermédiaire d’un alternateur. Électricité qui peut ensuite être injectée sur le réseau.
La part de l’électricité éolienne dans la production mondiale atteignait 4,4 % en 2017 et était estimée à 6 % en 2020. Les principaux pays producteurs sont la Chine (29 % du total mondial en 2020), les États-Unis (21 %) et l’Allemagne (8 %). La puissance installée dans le monde s’élevait à 831 GW en 2021, en croissance de 172 % par rapport à 2015. La production d’électricité éolienne mondiale s’élevait à 1862 TWh en 2021. En France, la production d’électricité éolienne s’élevait à 40 TWh en 2020, en progression de 185 % par rapport à 2015. La puissance installée en 2021 est de 19 GW.
Fonctionnement d’une éolienne
Il existe de nombreux types d’éoliennes pour produire de l’électricité ou encore pour effectuer un travail mécanique (pompage). La plupart des éoliennes43 sont constituées d’un rotor, horizontal (voir la figure 4.17), composé de 3 pales.
La puissance d’une éolienne se situe entre 1 et 5 MW. L’éolienne est à sa puissance nominale pour des vitesses de vent entre 15 m/s et 25 m/s (voir l’annexe C). Sous 15 m/s, l’éolienne produit moins d’énergie, au-dessus de 25 m/s, elle est mise à l’arrêt. Le rotor tourne entre 10 et 25 tours par minute. La vitesse de rotation du rotor est généralement contrôlée par l’angle de calage des pales (angle entre le plan de la pale et le plan perpendiculaire à la direction du vent).
Le couplage au réseau électrique peut se faire de différentes manières, soit par couplage direct du rotor à un alternateur synchrone, la fréquence électrique du réseau étant obtenue par un convertisseur de fréquence. Il peut également se faire par couplage à un alternateur asynchrone (où le rotor et le stator sont découplés) par l’intermédiaire d’un multiplicateur de vitesse (boîte d’engrenages), car l’alternateur doit fournir du courant électrique à la fréquence de 50 Hz pour être couplé au réseau.
Combien d’éoliennes ?
En 2019, la France a produit 537,7 TWh d’énergie électrique (pour une consommation de 473 TWh : la France a exporté 84 TWh, importé 28,3 TWh, soit un solde de 55,7 TWh vers ses voisins ; la différence de 9 TWh représente les pertes par effet Joule lors du transport sur le réseau ainsi que l’énergie « grise » prélevée pour le fonctionnement des installations). Cette production se répartit en 70,6 % (379,5 TWh) pour le nucléaire, 11,2 % (60 TWh) pour l’hydraulique, 7,9 % (42,6 TWh) pour le thermique fossile, 6,3 % (34,1 TWh) pour l’éolien, 2,2 % (11,6 TWh) pour le solaire, 1,8 % (9,9 TWh) pour les bioénergies.
Fin 2019, la capacité de production éolienne installée est de 16,5 GW. La puissance installée moyenne d’une éolienne est de 2 MW, ce qui représente donc environ 8250 éoliennes. Une éolienne a un rotor dont le diamètre est de 80 à 110 m, perché sur un mât de 80 à 100 m, pour une hauteur totale de 120 à 155 m. Dans un parc éolien, les éoliennes doivent être à 400 m les unes des autres (ADEME 2011), chaque éolienne « occupe » donc environ 16 ha de terrain, mais leur emprise au sol représente seulement 300 m\(^2\) – 2 % – (la fondation typique d’une éolienne fait 10 m de rayon), le reste est utilisable pour des terrains agricoles, par exemple.
Comme le parc éolien a fourni 34,1 TWh en moyenne sur l’année, on en déduit que la puissance moyenne est de 3,9 GW, et donc le facteur de charge de : 3,9 / 16,5 = 23,6 %. Une éolienne produit donc, en moyenne, une puissance de 0,47 MW.
Le parc électronucléaire quant à lui, a une capacité de production de 63,1 GW. Le parc de 58 réacteurs (en 2019) est réparti sur 19 sites, un site ayant typiquement une superficie de 150 ha. Cela représente en moyenne 1088 MW par réacteur. La puissance moyenne totale était de 43,3 GW en 2019, soit un facteur de charge de 68,7 %.
Les centrales nucléaires occupent donc environ 2850 ha, pour une puissance moyenne de 43,3 GW, soit 15 MW/ha. Le parc éolien représente environ 132 000 ha, une surface 500 fois plus élevée, pour une puissance moyenne de 3,9 GW, soit 0,03 MW/ha.
Si on veut (en admettant que ce soit physiquement possible) remplacer les centrales nucléaires par des éoliennes, pour fournir la puissance moyenne produite par le nucléaire en 2019, il faudrait rajouter environ \(43\,300/0,47 \simeq 92\,000\) éoliennes, soit une surface d’environ 1 472 000 ha, ou 14 720 km\(^2\). Ce qui représente, en gros, l’équivalent de deux départements français. La surface inutilisable (bétonnée) représente environ 295 km\(^2\) (trois fois la surface de la ville de Paris). Contre 28,5 km\(^2\) (un facteur 10 fois moindre) pour les centrales nucléaires.
On peut également comparer les volume de béton et d’acier nécessaires : les centrales nucléaires consomment 760 t/MWh de béton et 160 t/MWh d’acier, tandis que les éoliennes consomment 8000 t/MWh de béton et 1800 t/MWh d’acier (DoE 2015, p. 390), soit un facteur 10 plus élevé.
4.3.8 La biomasse
D’après l’article 19 de la loi du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement44, La biomasse est la fraction biodégradable des produits, déchets et résidus provenant de l’agriculture, y compris les substances végétales et animales issues de la terre et de la mer, de la sylviculture et des industries connexes, ainsi que la fraction biodégradable des déchets industriels et ménagers.
L’ensemble de la biomasse sur Terre (figure 4.18) est estimé à environ 550 Gt de carbone (Bar-On et al. 2018). Les plantes en composent la grande majorité (450 Gt de carbone, soit 82 %), les bactéries viennent juste après avec 70 Gt de carbone (13 %).
Dans les organismes photosynthétiques, la chlorophylle45 permet d’utiliser l’énergie radiative solaire pour fabriquer des molécules organiques permettant la croissance de la plante. C’est une molécule organique complexe qui permet de récupérer les photons de longueur d’onde adéquate dans le rayonnement pour ensuite, à l’aide d’eau et de dioxyde de carbone, synthétiser les molécules organiques (glucides, comme le glucose) nécessaires à la plante. La chlorophylle absorbe la lumière visible dans toutes les longueurs d’onde entre 400 et 740 nm. Néanmoins la végétation n’absorbe pas parfaitement toutes ces longueurs d’onde, elle reflète environ 10 % de la lumière incidente. Cette lumière a une longueur d’onde essentiellement dans la bande verte (autour de 530 nm), c’est pourquoi la végétation apparaît verte.
La réaction photosynthétique est typiquement46 (Bolton & Hall 1991) :
\begin{equation} \text {CO}_2 + \text {H}_2\text {O} + 8 \gamma \rightarrow \frac 16 \text {C}_6 \text {H}_{12}\text {O}_6 + \text {O}_2 \label {eq:photosynthese} \end{equation} où \(\gamma \) représente un photon. Il en faut au minimum 8 pour convertir une mole de CO\(_2\) en glucide (on considère dans ce cas la synthèse du glucose : C\(_6\)H\(_{12}\)O\(_6\)) (Zhu et al. 2008).
Le glucose contient 2862 \(\text {kJ}\cdot \text {mol}^{-1}\), donc 1/6 de mole contient 477 kJ (Zhu et al. 2008).
L’énergie radiative \(E\) nécessaire pour une mole de CO\(_2\) est celle de 8 moles de photons, soit : \[ E = 8 \times \mathcal {N}\times \frac {hc}{\lambda } \] où : \(\mathcal {N} = 6,02\cdot 10^{23}\) est le nombre d’Avogadro ; \(h = 6,62\cdot 10^{-34}\ \text {J}\cdot \text {s}\) est la constante de Planck ; \(c = 3\cdot 10^8\ \text {m}\cdot \text {s}^{-1}\) est la vitesse de la lumière ; \(\lambda \) est la longueur d’onde des photons, que l’on prend à 690 nm (la photosynthèse opère entre 400 nm et 740 nm, avec un maximum autour de 690 nm - Bolton & Hall 1991). Alors : \[ \begin{split} E = 8 \times 6,02\cdot 10^{23} \times \frac {6,62\cdot 10^{-34} \times 3\cdot 10^8}{690 \cdot 10^{-9}}\\ = 1386\ \text {kJ}\cdot \text {mol}^{-1} \end{split}\] Le rendement énergétique de la réaction chimique de photosynthèse est donc environ : \(\eta = 477 / 1386 = 0,34\).
L’énergie radiative solaire est ainsi convertie en énergie chimique au sein des plantes, ce qui leur permet d’assurer les fonctions vitales comme la nutrition et la respiration (voir par exemple Sourisse 2018). La respiration se fait généralement la nuit, les plantes consomment alors de l’oxygène et rejettent du dioxyde de carbone. Mais une partie du carbone est stockée par les plantes lors de leur croissance. Il faut ainsi environ 2 kg de dioxyde de carbone pour produire 1 kg de biomasse sèche (soit environ 2200 cm\(^3\) de bois ou 200 à 500 mL d’huile).
L’efficacité énergétique de la production de biomasse par photosynthèse est illustrée à la figure 4.19. Ainsi, 51,3 % de l’énergie radiative solaire incidente se trouve en dehors de la fenêtre photosynthétique du spectre ; environ 10 % de l’énergie radiative restante est réfléchie ; 15 % de ce qui reste est ensuite perdu sous forme d’énergie thermique parce que la réaction de photosynthèse est peu efficace aux plus courtes longueurs d’ondes ; 66 % est perdu pour synthétiser le glucose (réaction 4.10) ; puis 48 % d’énergie est perdue par les réactions de photorespiration et enfin, la respiration expulse 29 % de ce qu’il reste (Zhu et al. 2008). Ce qui donne, finalement, 4,6 % : \[ 0,487 \times 0,9 \times 0,85 \times 0,34 \times 0,52 \times 0,71 = 0,046 \]
Des estimations sur le terrain montrent qu’en réalité, cette efficacité de production de biomasse est bien inférieure47, car d’autres facteurs sont limitants (la disponibilité de l’eau ou des nutriments, par exemple). Elle serait plutôt de l’ordre de 0,1 % dans les océans et 0,7 % sur les terres (Kleidon et al. 2015).
La surface des continents correspond à 29 % de la surface terrestre, et la végétation s’étend sur environ 66 % de leur surface, soit environ 20 % de la surface totale.
La valorisation énergétique de la biomasse peut produire trois formes d’énergie utile, en fonction du type de biomasse et des techniques mises en œuvre :
- de la chaleur ;
- de l’électricité ;
- une force motrice de déplacement.
On distingue trois procédés d’utilisation de la biomasse : la voie thermochimique (combustion, gazéification, pyrolyse), la méthanisation et la production de biocarburants. La méthanisation permet de produire du gaz via la dégradation de la matière organique par des micro-organismes. La pyrolyse est typiquement la fabrication de charbon de bois. La gazéification est la réaction entre le carbone de la biomasse et des gaz réactants pour produire un gaz combustible.
La combustion de la biomasse produit de l’énergie thermique que l’on quantifie à l’aide du pouvoir calorifique inférieur48 (PCI) d’un matériau.
Ainsi la paille49 a un PCI de 14,3 \(\text {MJ}\cdot \text {kg}^{-1}\), le bois de 10,8 \(\text {MJ}\cdot \text {kg}^{-1}\), les déchets urbains de 7,8 \(\text {MJ}\cdot \text {kg}^{-1}\). Pour le bois, le PCI dépend directement de son taux d’humidité : des granulés de bois dont le taux d’humidité est très faible (5 à 10 %) ont un PCI de 18 \(\text {MJ}\cdot \text {kg}^{-1}\). Par comparaison, le PCI du fioul domestique est de 42 \(\text {MJ}\cdot \text {kg}^{-1}\), celui de la houille de 26 \(\text {MJ}\cdot \text {kg}^{-1}\).
En moyenne, la biomasse fournit donc 17 MJ par kilogramme de matière sèche. Comme le flux d’énergie radiative solaire est de \(171\ \text {W}\cdot \text {m}^{-2}\), cela est équivalent à la production de : \(10^{-5}\ \text {kg}\cdot \text {s}^{-1}\cdot \text {m}^{-2}\). Soit, dans des unités plus « agricoles », \(3150\ \text {t}\cdot \text {an}^{-1} \cdot \text {ha}^{-1}\). En comparant à la production effective annuelle de maïs, par exemple, qui varie entre 30 et 60 \(\text {t}\cdot \text {an}^{-1} \cdot \text {ha}^{-1}\) (Monteith 1972), on obtient un rendement énergétique d’environ 1 à 2 %, ce qui corrobore l’ordre de grandeur obtenu théoriquement précédemment.
En 2017 la biomasse fournissait 1329 Mtep (\(5,56\cdot 10^{19}\) J) d’énergie, soit 9,5 % environ de l’énergie primaire consommée dans le monde, dont 481,5 TWh (\(1,73\cdot 10^{18}\) J) d’électricité, soit 1,9 % de la production mondiale d’électricité.
4.3.9 L’énergie marine
Les mers et océans représentent 71 % de la surface de la planète. Ils reçoivent \(1,95\cdot 10^{24}\ \text {J}\cdot \text {an}^{-1} = 5,4 \cdot 10^{17}\ \text {kWh}\) de rayonnement solaire sur leur surface. Ils véhiculent donc une grande quantité d’énergie restituée sous forme mécanique (vents, houles, courants), thermique (gradients de température), chimique (gradients de salinité).
La puissance d’origine gravitationnelle provoquant les marées est estimée à 3 TW sur l’ensemble des océans (Eckley Selin 1998), mais seulement 4 à 13 % est potentiellement disponible pour générer de l’électricité à partir de barrages. Il est possible de récupérer l’énergie de la marée en installant des centrales (turbines) dans des zones côtières de fort marnage (différence de hauteur d’eau entre une marée haute et une marée basse successives).
Par exemple, l’usine marémotrice de la Rance50 est installée en France dans l’estuaire de la Rance à côté de Saint-Malo. Mise en service en 1967, elle présente une puissance installée de 240 MW. Son facteur de charge est de 25 %, physiquement lié à la périodicité et à l’amplitude des marées.
La puissance estimée des vagues est de 2 TW (Gunn & Stock-Williams 2012), dont environ 5 % peut être théoriquement extraite. Différentes techniques sont à l’étude pour récupérer cette énergie.
L’exploitation de l’énergie des courants marins peut se faire à l’aide d’hydroliennes. Le potentiel mondial est estimé entre 75 et 100 GW.
Grâce au rayonnement solaire, la surface des océans est chaude, en particulier dans la zone intertropicale où la température en surface peut dépasser les 25 \(^\circ \)C. En revanche, en profondeur, la température est de l’ordre de 2 à 4 \(^\circ \)C. La couche superficielle de l’océan (zone épipélagique, 200 m) est mélangée par les vagues et le vent ce qui répartit l’énergie reçue. Une zone de transition s’étend ensuite entre 200 m de profondeur (eaux chaudes) et environ 1000 m (eaux froides), la thermocline. Il est donc possible d’utiliser la différence de température entre les zones profondes et les zones superficielles (typiquement 20 \(^\circ \)C en zone intertropicale) comme sources froide et chaude d’une machine thermique, pour produire de l’électricité. Le rendement maximal théorique d’une telle installation est donné par le rendement de Carnot : \[ \eta _C = 1 - \frac {T_f}{T_c} \] où \(T_f\) est la température de la source froide, \(T_c\) la température de la source chaude. Avec \(T_f = 278\ \text {K}\) et \(T_c = 298\ \text {K}\), on obtient \(\eta _C = 0,07\). Ce qui est assez faible par rapport à d’autres machines thermiques. Des projets sont à l’étude pour tenter de récupérer cette énergie.
L’exploitation des gradients de salinité se fait par le principe de l’osmose. L’osmose est le phénomène de diffusion de molécule de solvant d’une solution vers une autre à travers une membrane dite semi-perméable (ne laissant passer que le solvant, pas le soluté) séparant les deux solutions aux concentrations en soluté différentes (donc hors équilibre). L’évolution vers l’équilibre engendre donc un transfert de solvant du milieu le moins concentré (hypotonique) vers le milieu le plus concentré (hypertonique). La pression osmotique est la pression qu’il faut exercer sur le solvant de la solution la moins concentrée pour l’empêcher de traverser la membrane vers la solution la plus concentrée ; elle est proportionnelle à la concentration. On peut utiliser ce principe en mettant des turbines au niveau de la membrane entre deux milieux, de l’eau douce de faible salinité, et de l’eau de mer, de forte salinité. L’eau, passant de l’eau douce (faible pression osmotique) à l’eau de mer (forte pression osmotique) va pouvoir actionner ces turbines. Quelques usines exploitant ce principe existent.
La géothermie
La surface de la Terre reçoit non seulement un flux d’énergie radiative venant du Soleil (environ 171 W\(\cdot \)m\(^{-2}\)), mais également un flux d’énergie thermique provenant du sous-sol51. Ce flux est beaucoup plus faible, environ 0,1 W\(\cdot \)m\(^{-2}\) (Davies & Davies 2010), provenant pour moitié de la désintégration radioactive (voir l’annexe D) de quatre isotopes à vie longue présents dans la croûte terrestre et le manteau supérieur depuis la formation de la Terre (thorium 232, uranium 238 et 235, potassium 40), et pour moitié de l’énergie de refroidissement de la Terre, issue de sa formation. Une petite partie provient de la cristallisation de la graine (Thomas 2014).
Cette puissance géothermique représente un total de 46 TW sur l’ensemble de la surface de la Terre, dont un tiers par les continents et deux tiers par les océans (Davies & Davies 2010).
La figure 4.20 montre que ce flux n’est pas uniforme sur la surface de la planète, il est maximal au niveau des dorsales océaniques. Il n’est pas non plus uniforme à l’intérieur de la Terre (sinon, avec un gradient constant de 0,03 \(^\circ \)C\(\cdot \)m\(^{-1}\), on aurait une température de 190 000 \(^\circ \)C au centre du noyau52 !). La figure 4.21b montre l’évolution de la température selon la structure interne de la Terre.
Il est possible d’exploiter ce flux d’énergie thermique, en creusant plus ou moins profondément. Il est utilisé pour le chauffage ou la production d’électricité. L’énergie thermique est généralement récupérée à l’aide d’un échangeur thermique, qui permet de transférer cette énergie d’un fluide vers un autre sans les mélanger, via une surface d’échange.
On distingue (Le Nir 2008, Thomas 2014) :
-
La géothermie très basse température (ou très basse énergie, moins de 500 kW) pour des sources à moins de 30 \(^\circ \)C se situant à faible profondeur (mois de 200 m). En général, la technologie d’exploitation ne peut être un simple échangeur de chaleur et nécessite une pompe à chaleur.
Une pompe à chaleur est une machine thermodynamique qui permet de transférer de la chaleur d’une source froide vers une source chaude. Ce transfert se fait à l’aide d’un fluide caloporteur en circuit fermé, il ne peut se faire qu’avec un apport d’énergie extérieur permettant d’actionner un compresseur. Dans le fonctionnement classique en « chauffage », le bâtiment à chauffer constitue la source chaude, tandis que le milieu extérieur constitue la source froide. Une pompe à chaleur peut également permettre de climatiser : le bâtiment devient la source froide auquel de la chaleur est prélevée et injectée à l’extérieur, la source chaude.
Ce type de « géothermie » correspond à l’exploitation du proche sous-sol, dont la température est relativement constante, entre 12 \(^\circ \)C et 15 \(^\circ \)C en France métropolitaine (la température de nos caves). L’appellation de géothermie est alors abusive, car la température du sous-sol superficiel (10 à 20 m), à peu près constante sur une année, dépend seulement du rayonnement solaire, et donc de la latitude et de l’altitude. En France, L’exploitation de cette source de chaleur n’est donc qu’une façon détournée d’utiliser l’énergie radiative solaire, en lissant l’alternance jour-nuit grâce à l’inertie thermique du proche sous-sol.
- La géothermie à basse température ou basse énergie correspond à des ressources de température entre 30 \(^\circ \)C et 90 \(^\circ \)C, à des profondeurs entre 1500 et 2500 m. Elle est essentiellement utilisée pour le chauffage urbain par l’intermédiaire des réseaux de chaleur. On la trouve surtout localisée dans les bassins sédimentaires (comme le bassin parisien).
- La géothermie à moyenne et haute température (ou énergie) pour des températures entre 90 \(^\circ \)C et 150 \(^\circ \)C (moyenne température) ou supérieure à 150 \(^\circ \)C (haute température), à des profondeurs typiquement de plus de 1500 m. Elle est utilisée pour la production d’électricité (ou de chaleur) à proximité des zones volcaniques ou à fort gradient thermique.
Par exemple, le campus de l’université Paris-Saclay, sur le plateau de Saclay dans l’Essonne utilise un réseau de chaleur pour le chauffage et la climatisation alimenté par deux puits de géothermie de 700 m de profondeur puisant dans une nappe aquifère (de l’Albien) une eau à environ 30 \(^\circ \)C.
De nombreux endroits dans le monde exploitent la géothermie. La plus grosse centrale de production d’électricité géothermique est située en Californie, au nord de San Francisco. La puissance installée est de 1517 MW, avec une production moyenne de 955 MW53. En Islande, grâce à une géologie privilégiée, les deux-tiers de l’énergie primaire consommée sont d’origine géothermique (61,8 % en 2018). La majeure partie sert au chauffage et 30,3 % (en 2018) de son électricité est produite par des centrales géothermiques, le reste (69,7 %) l’est par des centrales hydroélectriques.
4.3.10 L’électricité hydraulique
Nous avons déjà évoqué l’utilisation de l’énergie cinétique des vagues, des courants marins et des marées pour produire de l’électricité. Cette section traite succinctement de la production d’électricité par récupération de l’énergie potentielle gravitationnelle de l’eau.
Une différence de niveau dans un cours d’eau, naturelle ou bien provoquée (par une retenue, par exemple) permet de transformer l’énergie potentielle de pesanteur en énergie cinétique. L’eau peut ainsi actionner une turbine, son énergie cinétique est alors transformée en énergie cinétique de rotation, qui va elle-même actionner un alternateur synchrone, transformant l’énergie mécanique en énergie électrique (Lavy 2004).
L’hydroélectricité tire bénéfice du cycle de l’eau (figure 4.22), elle est donc, indirectement, une énergie solaire.
La puissance mécanique d’une centrale hydroélectrique gravitaire est donnée par : \[ \mathcal {P}_m = \rho g hQ \] où \(\rho = 10^3\ \text {kg}\cdot \text {m}^{-3}\) est la masse volumique de l’eau ; \(g = 9,81\ \text {m}\cdot \text {s}^{-2}\) est l’accélération de la pesanteur, \(h\) est la hauteur de chute et \(Q\) est le débit.
Pour avoir la puissance électrique délivrée, il suffit de multiplier cette relation par le rendement \(\eta \) de l’installation, qui vaut généralement entre 0,6 et 0,9 : \[ \mathcal {P}_e = \eta \times \mathcal {P}_m = \eta \rho g hQ \]
La France possède un potentiel hydroélectrique important grâce à la présence de massifs montagneux sur son territoire (voir par exemple le barrage de Serre-Ponçon, figure 4.23), et d’un réseau électrique performant pour transporter l’électricité depuis le lieu de production jusqu’aux consommateurs, distants. Le potentiel hydroélectrique est déjà exploité en très grande partie.
La puissance actuellement (2019) installée est de 25,5 GW (soit environ dix fois moins que la Chine). La production en 2018 (RTE 2018b) est de 63,1 TWh = 5,4 Mtep (le barrage des Trois Gorges54 en Chine produit 85 TWh par an), ce qui représente 14 % de la consommation finale d’électricité (tableau B.1) pour cette année-là55.
Les principaux types de centrales sont les centrales au fil de l’eau, sans réservoir, et les centrales réservoirs qui sont dotées d’un réservoir.
Les centrales au fil de l’eau la turbinent au fur et à mesure sans la retenir, assurant une production continue d’électricité. La puissance installée est d’environ 7,6 GW (soit 30 % du parc), répartie sur plus de 2000 installations, la production représente 54 % de la production hydroélectrique française.
Les centrales réservoirs disposent d’une retenue permettant de stocker l’eau pour la turbiner en fonction de la demande. On distingue les centrales de lac et les centrales d’éclusée selon la taille de réservoir. La puissance installée est de 13 GW, répartie dans une centaine de centrales de lac et 140 centrales d’éclusée. La production annuelle représente 46 % de la production hydroélectrique française. Ce type de centrale est crucial pour assurer la stabilité du réseau électrique. Il permet en effet l’ajustement de la production aux pics de consommation ou bien en cas d’incident sur le réseau. Cette puissance est mobilisable en quelques minutes56, ce qui explique qu’une centrale comme celle de Serre-Ponçon n’a un facteur de charge que de 21 % : elle ne fonctionne pas en permanence.
Les reste de la puissance installée (4,9 GW) est constitué de stations de transfert d’énergie par pompage (STEP – section 4.4.3).
La puissance installée en 2019 est de 25,6 GW (RTE 2019) ce qui représente 19 % de l’ensemble des centrales électriques de France. La production hydroélectrique a totalisé 60 TWh soit 11,2 % de la production électrique totale. Le potentiel accessible est déjà bien exploité : en France, et même en Europe, le développement de l’énergie hydroélectrique est donc limité.
En 2018, la puissance installée des centrales hydroélectriques atteint 1292 GW dans le monde, produisant environ 4 200 TWh par an, soit 70 % de la production mondiale d’énergie renouvelable et 15,8 % de la production mondiale d’électricité.
4.4 L’électricité
L’électricité n’est pas une énergie primaire, c’est un vecteur ; elle est néanmoins comptabilisée dans l’énergie finale. Un vecteur fort utile, puisqu’on peut le produire à partir de différentes sources, y compris des sources renouvelables ou peu polluantes. Il présente néanmoins un inconvénient majeur, à savoir la difficulté que l’on a à le stocker pour différer son utilisation.
En 2018, la France a consommé 437 TWh d’électricité (soit 37,5 Mtep ou \(1,6\cdot 10^{18}\ \text {J}\)) – voir le tableau B.1 – ce qui représente une puissance moyenne sur l’année de de 35 GW. Soit 27,4 % de la consommation d’énergie finale. La puissance installée est de 133 GW (RTE 2018a).
La même année, dans le monde, 9,9 Gtep d’énergie finale ont été consommés57, dont 1,9 Gtep d’électricité soit 19 % (figure 4.24).
4.4.1 Réseau électrique
La distribution d’électricité se fait sous la forme d’un réseau câblé (au sein duquel le signal électrique se déplace à la vitesse de l’onde électromagnétique dans le conducteur, soit environ 200 000 km/s dans le cuivre), depuis les sites de production jusqu’aux consommateurs (figure 4.25).
Un courant alternatif
Le réseau est constitué de lignes électriques fonctionnant à différents niveaux de tension, connectées entre elles par l’intermédiaire de postes électriques qui permettent de répartir l’électricité et de passer d’une tension à une autre grâce à des transformateurs.
Pour une puissance électrique transportée \(P_{\text {élec}}\) donnée : \[ P_{\text {élec}} \propto U \times I \] où \(U\) est la tension, \(I\) est l’intensité ; en augmentant la tension, l’intensité diminue. Or les pertes par effet Joule (puissance dissipée \(P_{\text {Joule}}\)) sont proportionnelles au carré de l’intensité : \[ P_{\text {Joule}} = R \times I^2 \propto R \times \left (\frac {P_{\text {élec}}}{U}\right )^2 \] où \(R\) est la résistance de la ligne. Ces relations dépendent de coefficients dont l’ordre de grandeur est l’unité pour le courant alternatif (déphasage entre tension et courant) et du nombre de phases (une ou trois), qui ne changent rien au raisonnement.
On constate que la puissance (thermique) dissipée par effet Joule diminue comme le carré de la tension. On a donc intérêt à augmenter la tension et à diminuer l’intensité pour transporter une même puissance électrique. Ces transformations se font à l’aide de transformateurs qui ne fonctionnent qu’en courant alternatif, puisque c’est par l’effet d’induction entre deux bobines de tailles différentes que l’on peut modifier l’amplitude de la tension. L’induction électromagnétique est un phénomène lié à la variation temporelle du flux magnétique (donc du courant) dans une bobine. C’est pour cela que l’électricité est transportée sous forme alternative (voir aussi Krakowski 2016).
Les pertes par effet Joule ne sont pas négligeables, puisqu’en 2019, sur 537,7 TWh d’énergie électrique produite par la France, 11 TWh ont ainsi été perdus58, soit 2,2 % (RTE 2019). C’est pourquoi, sur de longues distances, il est préférable de transporter l’électricité en haute tension. Le réseau de transport français rassemble les lignes à haute tension (63 000 et 90 000 volts) et à très haute tension (225 000 volts et 400 000 volts). L’électricité est majoritairement produite à des tensions de 10 kV à quelques kilovolts. Elle est ensuite réhaussée jusqu’à plusieurs centaines de kilovolts pour être transportée. Elle est finalement abaissée, à plusieurs reprises, avant d’être amenée jusqu’aux consommateurs par le réseau basse tension.
Le courant dans un tel réseau est donc alternatif et sinusoïdal. En effet, la manière la plus simple de produire de l’électricité est de faire tourner un alternateur, qui, par induction, transforme une énergie mécanique de rotation en énergie électrique. L’alternateur peut être entraîné par une turbine (barrage hydroélectrique, centrale thermique), par une éolienne, etc. De cette façon, comme il s’agit d’un mécanisme en rotation uniforme autour d’un axe, le courant produit sera naturellement sinusoïdal.
La fréquence du courant transporté est une donnée fondamentale, il faut la choisir soigneusement, car une fois que le réseau a atteint une certaine taille il est impossible d’en changer. Le choix de la fréquence de 50 Hz en France est historique, il a été fixé par le distributeur d’électricité allemand AEG en 1899. Peu avant, les États-Unis fixaient la fréquence de leur courant à 60 Hz. Il y a différentes raisons à ces valeurs59, qui sont un compromis entre les fonctionnements optimum des différents appareils électriques, ampoules à incandescence, transformateurs, et surtout moteurs asynchrones fonctionnant par induction.
Cette fréquence est assurée par la rotation des alternateurs qui tournent tous à la même fréquence instantanée, proportionnelle à leur vitesse de rotation, c’est la fréquence synchrone (Sapy 2019).
La mise en réseau de l’acheminement de l’électricité permet également de profiter du caractère aléatoire de la demande de chaque consommateur, en la lissant sur l’ensemble de l’interconnexion, tout comme les pannes : la probabilité que tout le monde fasse fonctionner ses appareils électriques en même temps ou que des pannes surgissent simultanément est ainsi nulle en pratique (Krakowski 2016).
Les réseaux français et européens
Le réseau électrique français est constitué de trois parties.
-
Le réseau de transport (figure 4.26) situé entre les zones de production et les réseaux de distribution, est constitué de deux sous-ensembles :
- Le réseau de grand transport et d’interconnexion qui constitue le squelette du réseau, entre les centres de production et les pays frontaliers. Il permet de transporter de grandes quantités d’énergie sur de longues distances. Il est alimenté avec une tension de 400 000 V.
- Les réseaux de répartition régionaux ou locaux, vers les agglomérations et les grandes entreprises consommatrices. Le transport est assuré en très haute tension (THT), 225 000 V, et haute tension, 90 000 et 63 000 V.
- Les réseaux de distribution pour acheminer l’électricité localement vers les consommateurs, au nombre de 38 millions. Ceux-ci sont ainsi alimentés essentiellement en basse tension (BT – 230 et 400 V). Certains – 5 millions (petites et moyennes entreprises, hôpitaux, etc.) – sont alimentés en moyenne tension (MT), 20 000 V.
En 2019, la longueur totale des lignes électriques de transport (THT et HT) en exploitation est de 106 000 km dont 6400 km de lignes souterraines60. Le réseau de distribution, est constitué, quant à lui, de 622 000 km en moyenne tension, et 702 000 km en basse tension61.
En Europe, les réseaux électriques (figure 4.27) de 42 gestionnaires à travers 35 pays sont interconnectés, et gérés par le Réseau européen des gestionnaires de réseau(x) de transport d’électricité 62 (ENTSO-E).
Puissance et fréquence
On peut réduire la complexité d’un réseau de transport de l’électricité aux lignes électriques et aux machines tournantes qui le constituent.
Comme les différents alternateurs du réseau fonctionnent de façon synchrone, le théorème du moment cinétique appliqué à l’ensemble d’entre eux donne : \[ \frac {dJ}{dt} = \mathcal {M} \] où \(J = I\times \omega \) est le moment cinétique des alternateurs, avec \(I\) leur moment d’inertie et \(\omega \) leur vitesse angulaire ; \(\mathcal {M} = \mathcal {M}_m -\mathcal {M}_e\) est le moment des forces s’appliquant sur les alternateurs, avec \(\mathcal {M}_m\) le moment (moteur) des forces mécaniques et \(\mathcal {M}_e\) le moment (résistant) des forces magnétiques entre le stator et le rotor, soit : \[ \frac {dJ}{dt} = I \times \frac {d\omega }{dt} = \mathcal {M}_m - \mathcal {M}_e \] soit : \[ I \times \omega \times \frac {d\omega }{dt} = \omega \times \mathcal {M}_m - \omega \times \mathcal {M}_e \] d’où : \begin{equation} \frac 12 I \times \frac {d\omega ^2}{dt} = P_m - P_e = \Delta P \label {eq:reseau1} \end{equation} où \(P_m = \mathcal {M}\times \omega \) est la puissance mécanique de rotation des alternateurs (apportée par les turbines) et \(P_e = u(t)\times i(t)\) est la puissance électrique (générée par l’induction dans la bobine du stator) sur le réseau.
On introduit \(\omega _0\) la vitesse angulaire synchrone des machines et \(P_0\) la puissance nominale du réseau (on a \(P_m^0 = P_e^0 = P_0\) où \(P_m^0\) est la puissance mécanique nominale et \(P_e^0\) est la puissance électrique nominale). Avec : \[ \varpi = \frac {\omega }{\omega _0} \] \[ p_m = \frac {P_m}{P_0} \] \[ p_e = \frac {P_e}{P_0} \] (4.11) donne : \[ \frac 12 I \times \frac {d\varpi ^2}{dt} = \frac {P_0}{\omega _0} \left (p_m - p_e \right ) = \frac {P_0}{\omega _0} \times \Delta P \] ou encore : \begin{equation} H \times \frac {d\varpi ^2}{dt} = \Delta p \label {eq:reseau2} \end{equation} où \(H\) est la constante d’inertie du réseau (Ghanty 2018) : \[ H = \frac {I\times \omega _0}{2\times P_0} \] On a, par ailleurs : \(\varpi = \nu \), où \(\nu \) est la fréquence du réseau divisée par la fréquence nominale \(\nu _0 = \omega _0/(2\pi )\). Si on suppose que la fréquence varie peu autour de la fréquence nominale, on a : \[ \nu = 1 + 2 \delta \nu \] Ainsi, (4.12) devient : \begin{equation} 2H \times \frac {d \delta \nu }{dt} = \Delta p \label {eq:reseau3} \end{equation}
L’équation (4.13) explique le lien entre la variation \(\delta \nu \) de la fréquence du réseau et l’équilibre des puissances \(\Delta p\). Ainsi, si la puissance mécanique fournie à l’alternateur est supérieure à la puissance électrique du réseau, \(\Delta p > 0\), donc \(\dfrac {d \delta \nu }{dt}>0\), et la fréquence augmente. Et inversement. Plus la constante d’inertie \(H\) est grande, plus l’écart de fréquence est petit, et donc moins les alternateurs sont sensibles aux déséquilibres de puissance.
Pour le réseau européen (interconnecté), la fréquence nominale est \(\nu _0 = 50\ \text {Hz}\), la constante d’inertie vaut typiquement \(H = 5\ \text {s}\) (Ghanty 2018). La puissance moyenne annuelle de production d’électricité en Europe en 2018 est de 380 GW.
Un écart de 0,5 Hz de la fréquence, correspond à 1 % de la fréquence nominale. Ainsi \(\Delta p = 2 \times 5 \times 0,01 = 0,1\), soit 10 % de la puissance nominale, ou 38 GW, ce qui représente environ 30 % de la puissance installée française, soit plusieurs dizaines de réacteurs nucléaires, par exemple. Inversement, une chute de puissance de 1 GW sur le réseau européen (par exemple la « perte » d’un réacteur nucléaire), correspond à un écart de puissance de 2,6 ‰. Et donc à une baisse de fréquence de \(2,6\cdot 10^{-4}\), soit 49,99974 Hz.
Notons que l’on peut suivre en direct la fréquence du réseau européen sur le site : https://www.mainsfrequency.com/index.htm.
Triphasé
Le transport de l’électricité se fait généralement en triphasé, c’est-à-dire à l’aide de trois courants sinusoïdaux (dans trois fils différents), de mêmes fréquence et amplitude, et déphasés de \(2\pi /3\) radians.
En régime sinusoïdal, l’intensité du courant s’écrit : \begin{equation} i(t) = I \sin (\omega t) \label {eq:i} \end{equation} où \(I\) est l’amplitude du courant, \(\omega \) est la pulsation du signal. La tension s’écrit : \begin{equation} u(t) = U \sin (\omega t + \varphi ) \label {eq:u} \end{equation} où \(U\) est l’amplitude de la tension, \(\varphi \) est le déphasage entre le courant et la tension.
La puissance instantanée en monophasé s’écrit : \begin{equation}\begin{split} p(t) = u(t)\times i(t)\\ = UI \sin (\omega t) \times \sin (\omega t + \varphi )\\ = \frac {UI}{2} \left [\cos \varphi - \cos (2\omega t + \varphi )\right ] \label {eq:p} \end{split}\end{equation} avec : \begin{equation} \sin a \times \sin b = \frac 12 \left [\cos (a-b) - \cos (a+b)\right ] \label {eq:sinsin} \end{equation} Le premier terme, constant, est la puissance active ou puissance réelle. Le second terme est la puissance fluctuante, une puissance sinusoïdale de fréquence 100 Hz (si la fréquence \(\nu = \omega /2\pi = 50\ \text {Hz}\)).
Si, par exemple, le courant \(i(t)\) et la tension \(u(t)\) sont délivrés par un alternateur monophasé de fréquence 50 Hz, cela signifie que la turbine connectée mécaniquement à l’alternateur ainsi que le rotor tournent à cette fréquence. La puissance électrique fluctuante induit des variations de la puissance mécanique, qui compte tenu de l’inertie mécanique du rotor induisent des oscillations de couple, lesquelles doivent être absorbées par l’élasticité de l’arbre de transmission et donc peuvent finir par l’abîmer.
Dans un réseau électrique en triphasé, ce problème n’existe pas. En effet, considérons le système de courants et tensions en triphasé équilibré (c’est-à-dire d’égales amplitudes entre les phases) : \[ \left \{ \begin{array}{lll} i_1(t) = I \sin \left (\omega t\right )\\ i_2(t) = I \sin \left (\omega t - \frac {2\pi }{3}\right )\\ i_2(t) = I \sin \left (\omega t - \frac {4\pi }{3}\right )\\ \end{array} \right . \] \[ \text {et} \qquad \left \{ \begin{array}{lll} u_1(t) = U \sin \left (\omega t + \varphi \right )\\ u_2(t) = U \sin \left (\omega t + \varphi - \frac {2\pi }{3}\right )\\ u_2(t) = U \sin \left (\omega t + \varphi - \frac {4\pi }{3}\right ) \end{array} \right . \\ \] Alors la puissance instantanée \(p(t)\) totale transportée s’écrit : \begin{eqnarray*} p(t) &=& \sum _{k=1}^3 u_k(t) i_k(t)\\ &=& UI \Biggl [\sin (\omega t) \sin (\omega t + \varphi )\\ &&+ \sin \left (\omega t- \frac {2\pi }{3}\right ) \sin \left (\omega t + \varphi - \frac {2\pi }{3}\right ) \\ &&+\sin \left (\omega t- \frac {4\pi }{3}\right ) \sin \left (\omega t + \varphi - \frac {4\pi }{3}\right ) \Biggr ] \end{eqnarray*}
Ce qui donne avec (4.17) : \begin{eqnarray*} p(t) &=& \frac 12 UI \Biggl [3 \cos \varphi - \cos \left (2 \omega t + \varphi \right )\\ &&- \cos \left (2 \omega t + \varphi - \frac {4\pi }{3}\right )\\ &&- \cos \left (2 \omega t + \varphi - \frac {8\pi }{3}\right ) \Biggr ] \end{eqnarray*} or : \[ \cos (a-b) = \cos a \cos b + \sin a \sin b \] avec : \[ \cos \frac {4\pi }{3} = \cos \frac {8\pi }{3} = -\frac 12,\] \[ \sin \frac {4\pi }{3} = -\frac {\sqrt {3}}{2}\] \[ \text {et}\qquad \sin \frac {8\pi }{3} = +\frac {\sqrt {3}}{2} \] on a : \begin{eqnarray*} &&\cos \left (2 \omega t + \varphi - \frac {4\pi }{3}\right )\\ &=& -\frac 12 \cos \left (2 \omega t + \varphi \right )\\ &&- \frac {\sqrt {3}}{2} \sin \left (2 \omega t + \varphi \right ) \cos \left (2 \omega t + \varphi - \frac {8\pi }{3}\right )\\ &=& -\frac 12 \cos \left (2 \omega t + \varphi \right ) + \frac {\sqrt {3}}{2} \sin \left (2 \omega t + \varphi \right ) \end{eqnarray*} d’où : \begin{eqnarray*} &&p(t) = \frac 12 UI\\ &&\small{\times\!\left \{3 \cos\! \varphi\! -\! \underbrace {\left [\cos \left (2 \omega t\! +\! \varphi \right )\!\! \left ( 1\! -\! \frac 12\! -\! \frac 12 \right )\! -\! \sin\! \left (2 \omega t\! + \! \varphi \right )\!\! \left (\frac {\sqrt {3}}{2}\! - \! \frac {\sqrt {3}}{2} \right )\right ]}_{=0} \right \}} \end{eqnarray*} soit, finalement : \begin{equation} p(t) = \frac 32 UI \cos \varphi \end{equation} La composante fluctuante a ainsi disparu. D’autres arguments63 en faveur d’un réseau de distribution électrique en triphasé ont permis d’opter pour ce système à la fin du XIXe siècle.
Courant continu haute tension
À partir de (4.14) et (4.15), on détermine la puissance moyenne (sur une période) : \[ P = \frac {1}{T} \int _{t_0}^{t_0+T} u(t)i(t) dt = \frac {UI}{2} \cos \varphi = U_{\text {eff}} I_{\text {eff}} \cos \varphi \] où \(U_{\text {eff}} = \dfrac {U}{\sqrt {2}}\) est la valeur efficace64 de la tension et \(I_{\text {eff}} = \dfrac {I}{\sqrt {2}}\) est la valeur efficace du courant.
Cette puissance moyenne, réelle, est la puissance active et correspond à la puissance moyenne fournie (ou reçue) au cours d’une période donnée. Elle est exprimée en watts (W). Le \(\cos \varphi \) est appelé le facteur de puissance.
La puissance apparente est le produit de la tension efficace par l’intensité efficace : \[ P_{\text {app}} = U_{\text {eff}}I_{\text {eff}} \] Elle s’exprime en voltampère (VA), pour la différencier de la puissance active.
On peut ainsi exprimer la puissance apparente en notation complexe : \[ \underline {P_{\text {app}}} = P_{\text {app}}\times e^{j \varphi } = U_{\text {eff}}I_{\text {eff}} \left [ \cos \varphi + j \sin \varphi \right ] = P + j Q \] où \(P\) est la puissance active, et \(Q\) est la puissance réactive, partie complexe de la puissance apparente complexe. Elle s’exprime en voltampères réactifs (var).
La puissance active correspond à un travail mécanique (moteur) ou à de la chaleur (effet Joule). La puissance réactive est générée par les dipôles capacitifs (puissance produite) ou inductifs (puissance consommée). Dans le cas où elle est consommée, elle correspond à l’établissement d’un champ magnétique dans les machines électriques.
Une ligne de transport de l’électricité présente non seulement une résistance, mais également une inductance. Cette dernière est généralement plus importante, ainsi la baisse de tension au bout d’une certaine distance dépend essentiellement de l’inductance65. Par ailleurs, sur une ligne de transport en triphasé, il y a des effets capacitifs entre les phases et entre les phases et la terre. Ces effets capacitifs sont plus importants pour une ligne souterraine que pour une ligne aérienne. L’ensemble de ces effets est modélisé par un schéma électrique équivalent dit en « Pi » (figure 4.28).
Une ligne électrique cherche à transporter la puissance active \(P\). Comme on a : \(P = \sqrt {P_{\text {app}}^2-Q^2}\), il faut donc limiter la puissance réactive \(Q\), à savoir les pertes inductives et capacitives. Sur les distances importantes, il faut compenser ingénieusement les pertes de puissance réactive66.
Une façon de limiter ces pertes est de transporter le courant haute tension sous forme continue (ligne dites « HVDC » pour High Voltage Direct Current). Dans ce cas, il n’y a plus de puissance réactive, et la résistance est moins importante en courant continu qu’en courant alternatif (à cause de l’effet de peau, qui fait qu’à fréquence élevée, le courant circule en surface des conducteurs). La difficulté réside dans la connexion d’une liaison à courant continu au réseau alternatif. Pour cela, diverses solutions existent, il s’agit de convertisseurs en électronique de puissance composés de diodes. La conversion alternatif-continu et inversement ne se fait pas sans pertes, c’est pourquoi les lignes à courant continu deviennent rentables au-delà de 500 km.
Pour des liaisons souterraines ou sous-marines longue distance, afin de limiter les pertes dues aux effets capacitifs importants (puissance réactive), et donc les stations de compensation, il est souvent préférable de transporter l’électricité en courant continu.
Par exemple, une liaison HVDC France-Espagne67 – ligne de 320 kV et de 65 km de long transportant au total 2 GW – a été inaugurée en 2015.
4.4.2 Stabilité du réseau
L’électricité est un vecteur énergétique qui ne peut pas facilement se stocker massivement, en tout cas sous une forme immédiatement disponible et à un coût satisfaisant. Il faut donc qu’en permanence la production (nette, c’est-à-dire la production totale à laquelle on retranche les exportations et le stockage, on ajoute les importations et le déstockage), soit égale à la consommation (nette, c’est-à-dire la consommation effective à laquelle on retranche les pertes diverses), et ce en tout point \(x\) du réseau et à chaque instant \(t\), d’où la loi des réseaux électriques :
\begin{equation} \text {Production}(x,t) = \text {Consommation}(x,t) \label {eqn:loireseaux} \end{equation}
Cette condition est nécessaire au bon fonctionnement du système électrique. En revanche le maillage du réseau permet de faire face à différents aléas localisés (ouvrages hors-service, incidents, pic ou creux subit de consommation locale, etc.). Néanmoins le réseau n’est pas à l’abri d’un effondrement si les aléas locaux se répercutent sur l’ensemble.
L’égalité dans l’équation (4.19) est satisfaite par la physique de la répartition des tensions et courants au sein des réseaux, formalisée par les lois de Kirchhoff (loi des nœuds, loi des mailles) en régime sinusoïdal. À chaque nœud du réseau où convergent \(N\) branches, on a : \begin{equation} \sum _{^k=0}^{N} \underline {I}^k = 0 \end{equation} où \(\underline {I_k}\) est l’intensité du courant en notation complexe dans la branche \(k\).
De plus, dans chaque maille du réseau constituée de \(N\) branches, on a : \begin{equation} \sum _{^k=0}^{N} \underline {V}^k = 0 \end{equation} où \(\underline {V}^k\) est la tension en notation complexe le long de la branche \(k\).
Le pilotage du réseau revient donc essentiellement à maintenir la fréquence dans une plage de valeurs étroites autour de la valeur nominale, qui sont des conditions contractuelles. Les variations de la fréquence synchrone se propagent à l’ensemble du réseau en quelques millisecondes : du fait des interconnexions internationales, une perturbation importante en Europe du Nord peut être ressentie quelques secondes plus tard en Europe du Sud (Sapy 2019, Bornard et al. 2005).
Le maintien d’une fréquence proche de sa valeur nominale est donc nécessaire au bon fonctionnement des matériels électriques optimisés pour cette valeur ; la fréquence doit rester comprise dans la plage 50 Hz \(\pm \) 0,5 Hz. De trop grandes excursions de fréquence sont en outre inadmissibles pour certains matériels, dont les groupes de production, qui se retirent du réseau pour des écarts de fréquence de 2 à 4 Hz. Les petits écarts de la fréquence autour de sa valeur de référence, représentatifs du fonctionnement normal d’un système, sont compensés par l’inertie des masses tournantes des machines couplées au réseau.
En cas de déséquilibre, des protocoles de régulation sont prévus (OIE 2017). Ainsi le réseau européen dispose d’une réserve de puissance de 3 GW (équivalant à la perte des deux plus gros réacteurs nucléaires français, par exemple) activable68 en moins de 30 secondes (réserve primaire). Cette réserve permet de rétablir la stabilité de la fréquence du réseau, mais ne permet généralement pas d’atteindre la fréquence cible de 50 Hz. Pour cela, une réserve secondaire, nationale, est de 500 MW à 800 MW, avec un délai de réponse de moins de 15 minutes. Pour plus de détails à propos des mécanismes d’ajustement en fréquence on pourra consulter Benabderrazik (2018).
Un incident de grande ampleur sur le réseau électrique (« black-out »), concernant un grand nombre de clients, est généralement le résultat de l’un des phénomènes électromécaniques suivants (RTE 2004) :
- la cascade de surcharges de lignes de transport et leur déclenchement ;
- l’écroulement de fréquence ;
- l’écroulement de tension ;
- la rupture de synchronisme entre les groupes de production.
La baisse de puissance sur le réseau entraîne une baisse de fréquence (équation 4.13), baisse de fréquence qui diminue la vitesse des alternateurs, et ainsi de suite. Si la baisse de fréquence est trop élevée, les mécanismes de récupération prévus seront inefficaces, ce qui peut entraîner la perte d’une grande partie du réseau.
Par exemple, les tempêtes (cyclones extratropicaux) Lothar et Martin de fin décembre 1999 ont mis hors service 540 lignes THT et HT, plus d’un milliers de pylônes électriques, en France, soit 8 % du réseau électrique69. Les coupures d’électricité ont touché 3,6 millions de foyers. Le 8 janvier 2021, suite à une chute brutale de tension survenue en Roumanie, le blackout n’a été évité qu’en isolant cette partie du réseau et en déconnectant certains gros consommateurs70.
Exemple d’un alternateur de centrale nucléaire
Un alternateur est une machine tournante qui permet de convertir une énergie mécanique de rotation en énergie électrique par l’intermédiaire d’aimants et d’électroaimants. Un arbre est mis en rotation par des turbines, le rotor. Sur cet arbre se trouvent des aimants qui produisent un champ magnétique. Cet arbre tourne au sein d’une coquille cylindrique, le stator, constitué d’un bobinage de fil conducteur. La rotation du champ magnétique du rotor devant le bobinage du stator y induit un courant électrique qui est ensuite injecté dans le réseau.
Un alternateur est une machine synchrone : la fréquence \(f_e\) du courant produit est déterminée par la fréquence de rotation \(f_r\) du rotor et par le nombre de pôle magnétiques sur le rotor : \begin{equation} f_e = p\times f_r \label {eq:alternateur} \end{equation} où \(p\) est le nombre de paires de pôles sur le rotor.
La figure 4.29 montre le schéma d’un turbo-alternateur typique (voir par exemple Verrier et al. 2009). Dans une centrale nucléaire, la turbine mise en rotation par la vapeur du circuit secondaire tourne à 1500 tours par minute. Elle entraîne le rotor de l’alternateur. Les dispositifs présentés en figure 4.30 illustrent ce phénomène. Une fréquence de rotation de 1500 tours/minute (25 Hz) correspond à une fréquence électrique générée de 50 Hz car le rotor est constitué de deux paires d’aimants71, ce qui donne \(p=2\) dans l’équation (4.22), chaque tour générant deux extrema, donc une fréquence deux fois plus importante. Le stator est lui constitué de 6 bobines (figure 4.31), trois fois plus que le rotor, afin de générer un courant triphasé.
Pour synchroniser l’électricité produite par l’alternateur au réseau, il faut une concordance précise à la fois de la fréquence, de la tension de toutes les phases ainsi que des phases elles-mêmes.
Le diamètre typique d’un rotor d’alternateur de centrale nucléaire est de 1,7 à 2 m, sa longueur est de 17 m, sa masse de 240 tonnes. Quand il tourne à 25 tours par seconde, son inertie mécanique est importante. La stabilité du réseau électrique doit ainsi beaucoup à l’inertie mécanique des centrales de production, qui « lissent » les petites fluctuations inévitables entre production et demande.
4.4.3 Le stockage
Les énergies de flux intermittentes, comme le solaire photovoltaïque et l’éolien, ne sont pas accessibles à la demande. Il faut donc pouvoir les stocker afin de différer leur consommation. Les périodes de production électrique optimales (éolien, solaire, etc.) ne sont généralement pas corrélées aux périodes d’utilisation de l’énergie.
Dans un mix énergétique sans moyens de production d’électricité pilotables et accessibles rapidement pour accéder aux fluctuations de la demande, le stockage est l’unique solution pour satisfaire l’équation d’équilibre des réseaux électriques (4.19).
Tout une série de technologies sont étudiées, qu’elles soient déjà existantes sur le plan industriel, ou à l’état de recherche dans les laboratoires. Le stockage de l’électricité est effectivement compliqué. Pour stocker 1 kWh, il faut 70 g d’essence, 30 kg de batterie au plomb, 5 à 8 kg de batterie Li-ion, ou 3600 kg d’eau à une hauteur de 100 m (Ngô 2016).
La solution de stockage la plus efficace actuellement est celle du pompage hydraulique entre deux réservoirs situés à des altitudes différentes. Ce sont les Stations de Transfert d’Énergie par Pompage (STEP) ou centrales de pompage-turbinage. La technique consiste à remonter (par pompage) de l’eau d’un bassin ou d’un cours d’eau, pour la stocker dans un réservoir à plus haute altitude. L’eau est alors disponible pour être turbinée et produire de l’électricité en fonction de la demande (figure 4.32). Lorsque la demande en électricité est faible, ou bien lorsque la production des sources renouvelables est élevée, elle est utilisée pour pomper l’eau vers le bassin supérieur. Le rendement d’une telle installation est assez élevé, entre 70 et 85 %.
Les autres technologies de stockages disponibles sont :
- le stockage d’énergie thermique au sein de divers matériaux (eau, sable, roches, sels fondus72), chauffés ou refroidis, pour bénéficier ensuite de gradients thermiques.
- Le stockage électrochimique dans des batteries.
- Le stockage sous forme d’énergie mécanique (gaz comprimé, roue à inertie, etc.).
Début 2020, la capacité mondiale de stockage est de 174 GW (DOE 2020). Dont 168 GW en STEP (97 %) ; 2,4 GW (1,4 %) en stockage thermique ; 2,0 GW en stockage électro-chimique (batteries), soit 1,1 %, avec 1,6 GW sous forme de batteries Li-ion73.
La capacité de stockage représente ainsi environ 6,7 % de la consommation mondiale d’électricité.
En France, il y a 7 STEP (dont le barrage de Grand’Maison74 en Isère, d’une puissance de 1,8 GW) pour une puissance totale de 4,9 GW (soit 20 % de la puissance hydroélectrique installée – 25 GW en 2018), mobilisables en quelques minutes.
4.4.4 Les énergies intermittentes
L’énergie éolienne dépend de la présence de vent. La figure 4.33 montre le caractère intermittent de cette production sur une année, avec des variations importantes, de moins de 1 % de la capacité installée à moins de 90 % au maximum. Ces variations dépendent des vents, donc de la météorologie, mais elles sont généralement complètement décorrélées de la demande en électricité. La figure 4.35 montre le caractère stochastique de la production d’énergie éolienne. L’énergie solaire obéit à l’alternance jour-nuit (figures 4.34 et 4.35), mais le maximum de production en journée reste relativement aléatoire.
Dans les deux cas, les progrès des prévisions météorologiques sur une période de quelques jours pour un lieu donné peuvent permettre une prédiction de la production pour ces énergies avec certaines incertitudes.
On pourrait imaginer à l’échelle d’un grand pays ou d’un ensemble de pays comme l’Europe qu’un réseau électrique uniforme puisse permettre de répartir la production et la demande : statistiquement, n’y a-t-il pas toujours du vent quelque part quand une région demande un surplus d’énergie électrique ? Cette idée du « foisonnement » des vents à grande échelle est battue en brèche par des études statistiques (voir par exemple Flocard et al. 2014). La figure 4.36 montre une corrélation nette entre la production éolienne de l’ensemble de 7 pays de l’Europe de l’ouest ainsi que de la France, même si une atténuation des extrêmes sur l’Europe montre qu’un foisonnement existe. Celui-ci n’est cependant pas suffisant pour pallier l’intermittence des énergies renouvelables au niveau européen. La simulation d’une flotte de 280 GW d’énergie éolienne installée en Europe et géographiquement bien distribuée montre qu’en hiver la puissance journalière générée à partir du vent varie entre 40 et 170 GW selon les conditions de vent (Burtin & Silva 2015) !
4.4.5 Intermittence et stabilité
La question de l’intermittence des sources prend tout son sens au regard de la nécessaire stabilité du réseau (Treiner 2018). Les fluctuations journalières de la demande sont de l’ordre de 15 à 20 % en France.
Mix électrique en temps réel
Il est possible de regarder en temps réel la consommation et la production d’électricité en France sur le site : https://www.rte-france.com/eco2mix/la-production-delectricite-par-filiere. Par exemple, la figure 4.37 montre la production journalière d’électricité, pour chaque filière, par pas temporels de 15 minutes, pour la journée du jeudi 25 avril 2019. Le maximum de production est à 11 h 00 (66 GW), tandis que le minimum est à 4 h (55 GW). La consommation (ou puissance appelée) est au-dessus de la ligne horizontale, le surplus produit (sous la ligne horizontale) est exporté ou utilisé pour du stockage par pompage.
L’écart de consommation entre le minimum et le maximum, par rapport à une valeur moyenne journalière est d’environ \(\pm \) 10 %. Dans ce cas précis ce sont les centrales nucléaires et hydrauliques qui sont mises à contribution. Sur une autre journée, hivernale, celle du jeudi 24 janvier 2019 (figure 4.38), le maximum de la consommation est atteint vers 19 h, avec une mise à contribution de l’électricité hydraulique (facteur 3,3 en plus par rapport au minimum), à laquelle s’ajoutent des importations.
Intermittence et stockage
En développant les sources d’énergie intermittentes, ce sont les fluctuations de la production qui deviendraient prépondérantes et ainsi plus importantes que les fluctuations de la demande. Pour gérer cela, compte tenu de l’équation d’équilibre du réseau, il faut prévoir un stockage capable de lisser les fluctuations de la production aussi importantes soient-elles. Il faut donc que le stockage ajouté à la production produise une puissance proche de la puissance moyenne.
En suivant le raisonnement de Treiner (2018), supposons que l’on remplace la puissance nucléaire moyenne annuelle française, soit environ \(P_N = \) 43 GW, par un mix d’éolien et de photovoltaïque.
Pour le solaire photovoltaïque, si l’on souhaite récupérer d’une façon ou d’une autre toute l’énergie produite, la puissance de stockage nécessaire est donnée par la différence entre la puissance moyenne (avec un facteur de charge d’environ 15 % cela fait 15 % de la puissance installée – ou puissance-crête) et la puissance maximale instantanée, soit environ 80 % de la puissance installée (puissance-crête) (figure 4.34). La puissance de stockage nécessaire est donc de 65 % de la puissance-crête.
Pour l’éolien, la puissance de stockage nécessaire est également la différence entre la puissance moyenne (avec un facteur de charge d’environ 23 %, cela fait 23 % de la puissance installée) et la puissance maximale instantanée (environ 86 % de la puissance installée, voir la figure 4.33), soit 43 % de la puissance installée.
Considérons un « mix » composé d’une fraction \(m_e\) de la puissance installée totale \(P_i^{\text {tot}}\) (éolien + photovoltaïque) pour la puissance installée éolienne \(P_i^e\), et d’une fraction \((1-m_e)\) de la puissance installée totale pour la puissance installée solaire photovoltaïque \(P_i^{PV}\). On a donc : \begin{equation*} P_i^e = m_e \times P_i^{\text {tot}} \\ P_i^{PV} = (1 - m_e) \times P_i^{\text {tot}} \end{equation*} Et, bien sûr : \[ P_i^{\text {tot}} = P_i^e + P_i^{PV} \] Et puis, par hypothèse : \[ f_c^e\times P_i^e + f_c^{PV} \times P_i^{PV} = P_N \] où \(f_c^e\) est le facteur de charge de l’éolien, \(f_c^{PV}\) est le facteur de charge du photovoltaïque et \(P_N\) est la puissance moyenne du nucléaire que l’on souhaite atteindre. Soit : \[ P_i^{\text {tot}} = \frac {P_N}{f_c^e\times m_e + f_c^{PV} \times (1-m_e) } \]
On peut ainsi déterminer la puissance \(P_{\text {stock}}\) nécessaire au stockage compte tenu des hypothèses précédentes : \[ P_{\text {stock}} = (f_m^e - f_c^e)\times P_i^e + (f_m^{PV} - f_c^{PV})\times P_i^{PV} \] où \(f_m^e\) est la fraction de la puissance éolienne installée donnant la puissance instantanée maximale ; et \(f_m^{PV}\) est la fraction de la puissance solaire installée donnant la puissance instantanée maximale.
La figure 4.39 représente les puissances installées \(P_i^{\text {tot}}\), \(P_i^e\) et \(P_i^{PV}\), ainsi que la puissance consommée moyenne visée (\(P_N\)), et la puissance de stockage en fonction du « mix », à savoir la fraction \(m_e\) d’éolien. En termes de puissance totale installée, l’optimal intervient quand on a uniquement de l’éolien (\(m_e = 1\)), car son facteur de charge est plus élevé. Il faut quand même une puissance installée minimale égale à \(P_N/f_c^e = 196\) GW (dans ce cas uniquement éolienne), pour accéder à une puissance moyenne de 45 GW, avec une puissance de stockage de 124 GW. Si on augmente la fraction de solaire photovoltaïque, ces quantités augmentent.
Sachant que la capacité actuelle de stockage de la France sous forme de STEP est de 7 GW, auxquels s’ajoutent environ 18 GW d’hydroélectricité pilotable, cela ne représente que 20 % du minimum qu’il faudrait pour remplacer l’électricité nucléaire par du renouvelable.
La figure 4.40 montre la variation du niveau de stock nécessaire pour fournir l’appoint d’un mix 100 % intermittent (Grand et al. 2015). Un tel stockage idéal absorberait la production excédentaire et la restituerait en cas de déficit par rapport à la charge (demande). La puissance d’appoint est définie comme la différence entre la puissance demandée (charge) et la puissance de production. Elle est ainsi positive s’il faut fournir une puissance supplémentaire pour subvenir à la demande, et négative dans le cas contraire. Quand elle est positive, il y a production à partir du stock ; quand elle est négative, il y a stockage. L’énergie potentielle du stockage (STEP) \(E_S(t)\) est reliée à la puissance d’appoint \(P_A(t)\) par : \[ \frac {dE_S}{dt} = -P_A(t) \] La courbe bleue de la figure 4.40 représente l’énergie potentielle de stockage, \(E_S(t)\), sur une année, tandis que la courbe rose représente la puissance d’appoint, \(P_A(t)\). Le niveau d’énergie est arbitrairement fixé à 0 en début d’année. Le bilan annuel étant nul, il doit revenir à 0 en fin d’année.
Dans ce cas de figure la capacité de stockage doit être de 14 TWh pour subvenir aux variations extrémales. On note que la puissance entrant ou sortant du stockage varie entre –45 GW et +25 GW. En France, la plus grande centrale de pompage-turbinage, celle de Grand’Maison, a une capacité de stockage de 35 GWh, soit 400 fois moins que les 14 TWh du cas d’école précédent.
Gestion de l’intermittence
Outre la capacité de stockage, il y a, pour gérer l’intermittence de la production d’électricité, trois autres possibilités :
- utiliser des moyens de production classique pilotables ;
- importer ou exporter de l’électricité grâce aux interconnexions avec les pays voisins ;
- supprimer ou réduire certaines consommations non prioritaires.
L’insertion dans le réseau de sources intermittentes, outre l’augmentation des fluctuations de la production, diminue également l’inertie globale (Sapy 2019). Les énergies intermittentes sont généralement connectées au réseau par des onduleurs qui n’ont pas d’inertie propre, ce qui limite la stabilité instantanée du réseau (figure 4.41).
Néanmoins la nécessaire décarbonation de l’électricité, et des ressources nucléaires épuisables (uranium pour la génération III), font que les énergies renouvelables comme le solaire photovoltaïque et l’éolien réalisent une inévitable percée dans le mix énergétique de la France, mais pas seulement. Outre leur problématique intermittence, l’absence d’inertie de ces moyens de production d’électricité pose la question de la stabilité du réseau électrique.
Cette stabilité pourrait être assurée par des compensateurs synchrones qui sont des moteurs synchrones tournant à vide. Ils fournissent ainsi de l’inertie au réseau sans lui injecter de puissance électrique. Cette solution a déjà été éprouvée à une échelle régionale, son efficacité à grande échelle restant à démontrer (IEA & RTE 2021). D’autres solutions sont étudiées, comme l’utilisation de convertisseurs spécifiques qui permettent un ajustement rapide de la production renouvelable à un écart de fréquence. Ou encore la mise en réseau des convertisseurs pour constituer non pas une grille formée de machines synchrones et donc asservie à la fréquence du réseau (grid-following), mais une grille générant sa propre consigne en fréquence ou « onde de tension » (Arghir et al. 2018). Ces technologies doivent encore faire leurs preuves en dehors des laboratoires et sur un réseau à grande échelle.
Pour garantir l’alimentation malgré la variabilité de l’éolien et du solaire photovoltaïque, divers scénarios sont envisageables (IEA & RTE 2021). Le développement de nouvelles centrales pilotables ayant recours à de nouveaux combustibles pour le biogaz ou l’hydrogène ; des installations de stockage à grande échelle : batteries, STEP, hydrogène ; un accroissement de la flexibilité de la demande dans les installations industrielles ; des réseaux électriques plus développés et interconnectés à grande échelle afin d’atténuer les conséquences des variations locales.
4.5 Le CO\(_2\)
Nous avons vu que toutes les activités humaines requièrent de l’énergie qu’elles transforment d’un état à un autre. La quasi-totalité (78 %) de l’énergie ainsi consommée (transformée) est issue de ressources fossiles dont la transformation nécessite une combustion produisant du dioxyde de carbone qui s’accumule dans l’atmosphère (voir par exemple la réaction chimique (4.6), perturbant ainsi le cycle naturel du carbone.
4.5.1 Unités
Les quantités de dioxyde de carbone ou de carbone stockées et échangées sont généralement exprimées dans diverses unités. La plupart se ramènent à des masses de carbone (C) ou de dioxyde de carbone (CO\(_2\)) par unité de temps (souvent l’année). On parle alors d’équivalent CO\(_2\) pour les gaz à effet de serre autres que le dioxyde de carbone : il s’agit alors de la masse de dioxyde de carbone qui provoque le même forçage radiatif que la masse de gaz en question. Les masses de ces autres gaz sont converties en masse de CO\(_2\) par l’intermédiaire du pouvoir de réchauffement global (PRG) (voir section 3.2.9) ; elles dépendent donc de la définition du PRG choisie, et en particulier de l’horizon temporel (qui est fixé à 100 ans par convention).
Voici quelques-unes de ces unités :
- 1 tC (tonne de carbone) ; pour les flux à l’échelle de la planète, on utilise souvent la GtC (giga-tonne de carbone) ;
- 1 tCO\(_2\) (tonne de CO\(_2\) ou plus souvent tonne équivalent-CO\(_2\) pour les cocktails de gaz à effet de serre – ainsi, par exemple, comme le pouvoir de réchauffement global du méthane est de 25, 1 kg de méthane = 25 kgCO\(_2\text {éq}\)) ;
- 1 GtCO\(_2\) = 0,273 GtC et 1 GtC = 3,664 GtCO\(_2\) (voir section 3.3.3)75 ;
- 1 PgC (péta-gramme de carbone) = \(10^{15}\ \text {g de C}\) = 1 GtC ;
- 1 ppm (partie par million, en nombre) dans l’atmosphère correspond à 2,13 GtC (voir section 3.3.3) ;
- 1 ppb = 10\(^{-3}\) ppm (partie par milliard).
4.5.2 Le cycle du carbone
Le cycle naturel (ou pré-industriel) du carbone sur Terre est complexe. Il fait intervenir différents réservoirs de tailles différentes :
- l’atmosphère (CO\(_2\) et CH\(_4\) essentiellement, diffus) d’une taille d’environ 600 GtC ;
- l’hydrosphère (les océans essentiellement où se trouve du CO\(_2\) dissous de manière diffuse) d’une taille de 38 000 GtC ;
- la biosphère (carbone organique dans la biomasse constitué de la végétation et des sols) d’une taille d’environ 2000 GtC ;
- la lithosphère (croûte terrestre et une partie du manteau qui forment une enveloppe rigide à la surface de la Terre où le carbone est fixé sous forme de fossiles : pétrole, gaz, charbon, et sous forme de calcaires) ;
- le manteau terrestre (CO\(_2\) dissous et diffus).
Le cycle du carbone est estimé en évaluant la taille de ces réservoirs et le temps de résidence du carbone ainsi que les flux d’échanges entre eux. L’essentiel du flux se fait entre l’atmosphère, les couches superficielles du sol et les océans, le tout incluant la biosphère. Le flux le plus important est celui entre l’atmosphère et la biosphère (équilibre entre photosynthèse et respiration) de l’ordre de 108 GtC/an (figure 4.42). Un flux d’environ 60 GtC/an entre l’atmosphère et les océans concerne l’équilibre de dissolution du dioxyde de carbone.
La réserve la plus importante, non mentionnée à la figure 4.42, est celle de carbone sous forme de carbonates dans les roches sédimentaires de la lithosphère et du manteau terrestres (estimée à plus de 50 millions de GtC). Les eaux océaniques constituent un important réservoir de l’ordre de 38 000 GtC. Le réservoir des énergies fossiles (accessibles) est d’environ 4000 GtC.
Les autres réservoirs et flux sont indiqués à la figure 4.42. Cette figure indique en outre, en rouge, les flux de carbone et les variations des stocks dus aux activités humaines. De manière générale celles-ci perturbent l’ensemble des flux en lien avec l’atmosphère et génèrent un flux unilatéral vers l’atmosphère dû à la combustion des ressources fossiles d’une part (7,8 GtC/an) et à la déforestation d’autre part (1,1 GtC/an).
L’échelle de temps d’échange sur un cycle du carbone entre l’atmosphère et la biosphère est de 1 à 100 ans. Celle de l’échange entre l’atmosphère et l’océan est de 10 à 1000 ans. Celle de l’échange entre l’atmosphère et la lithosphère est de 1000 à 10 000 ans. Le cycle d’altération des roches calcaires a une période de 10\(^4\) à 10\(^5\) années.
4.5.3 Les émissions de GES
Qu’est-ce ?
Il faut distinguer les émissions de gaz à effet de serre (GES) de la quantité de gaz à effet de serre observée dans l’atmosphère (section 3.3.3). Les émissions de GES par les activités humaines sont des estimations (et non des mesures directes) qui dépendent des connaissances scientifiques et des données disponibles.
Le GIEC (TFI pour Task Force on national greenhouse gas Inventories) fournit une base méthodologique pour réaliser les inventaires nationaux d’émission76. Les gaz à effet de serre retenus pour ces bilans sont ceux pris en compte par le protocole de Kyoto77 :
- le dioxyde de carbone (CO\(_2\)) ;
- le méthane (CH\(_4\)) ;
- le protoxyde d’azote (encore appelé oxyde nitreux ou gaz hilarant) (N\(_2\)O) ;
- l’hexafluorure de soufre (SF\(_6\)) ;
- les hydrofluorocarbures (HFC) ;
- les perfluorocarbures (PFC) ou hydrocarbures perfluorés.
Les émissions sont données en tCO\(_2\) (ou en tC), à savoir la quantité de CO\(_2\) qu’il faudrait émettre pour avoir le même effet de serre (voir section 3.2.9). On ne compte que les émissions anthropiques.
En France, l’inventaire annuel est réalisé par le Centre interprofessionnel technique d’études de la pollution atmosphérique (CITEPA) ; le dernier rapport date de 2019 (CITEPA 2019).
Les émissions liées à la fabrication des biens importés ne sont pas prises en compte dans le bilan national (territorial) : seules les émissions liées aux activités à l’intérieur des frontières le sont.
Comment les calculer ?
L’émission \(E_{a,t}\) d’une activité \(a\) pendant un intervalle de temps \(t\) est exprimée schématiquement par (IPCC 2006, CITEPA 2019) : \begin{equation} E_{a,t} = A_{a,t} \times F_{a} \label {eq:emission} \end{equation} où \(A_{a,t}\) est la quantité d’activité relative à l’activité \(a\) pendant l’intervalle de temps \(t\), et \(F_{a}\) est le facteur d’émission relatif à l’activité \(a\).
Par exemple, dans le cas de la combustion de ressources fossiles, le facteur d’émission est la masse de GES produite par unité de masse ou de volume de combustible.
On distingue généralement trois niveaux d’émissions (ADEME 2014) :
- Scope 1 : les émissions physiquement et directement produites par une activité ;
- Scope 2 : les émissions d’une énergie consommée qui ne sont pas émises sur le lieu de consommation, mais sur le lieu de production (électricité et réseaux de chaleur) ;
- Scope 3 : les émissions indirectes (comme le transport de marchandises).
Empreinte carbone
L’empreinte carbone est un indicateur qui tient compte de l’ensemble des émissions liées à la demande intérieure du pays : émissions directes de GES des ménages (logement et transport), émissions issues de la production intérieure (hors exportation), émissions liées à l’importation de biens et services pour les entreprises ou les ménages (les importations ré-exportées ne sont pas prises en compte)78, contrairement à l’inventaire national qui ne tient pas compte des importations. La figure 4.43 montre la différence entre les émissions de GES par personne (bilan national) et l’empreinte carbone par personne pour la France. On constate une différence significative liée aux importations : en 2016, par exemple, les émissions affectées aux importations représentent 51 % de l’empreinte carbone. Celles associées aux exportations représentent 28 % de l’inventaire. La figure 4.44 montre, pour différents pays ou groupes de pays, l’évolution des deux approches, empreinte et inventaire, montrant ainsi que la diminution apparente des émissions de CO\(_2\) (uniquement) des pays occidentaux est largement compensée par l’augmentation de celles de la Chine qui exporte massivement vers ces mêmes pays occidentaux.
Facteurs d’émission des énergies courantes
Le facteur d’émission intervenant dans l’équation (4.23) est une donnée tabulée. On peut trouver les facteurs d’émission de nombreuses substances et processus dans la Base Carbone de l’ADEME79. Nous en donnons quelques-uns ici. Ainsi le tableau 4.3 donne les facteurs d’émission de quelques combustibles courants, à savoir la quantité de CO\(_2\) émise en grammes de CO\(_2\) par unité d’énergie produite (énergie thermique émise par la combustion), en kWh. Elle donne les émissions directes (1re colonne) lors de la combustion, hors chaleur latente de vaporisation de l’eau (pouvoir calorifique inférieur – PCI). La 2e colonne donne les émissions après analyse du cycle de vie (ACV). Ce type d’analyse recense et quantifie, tout au long de la vie d’un produit, les flux physiques de matière et d’énergie associés aux activités humaines (ADEME 2018). Les facteurs d’émissions peuvent varier en fonction de la composition des combustibles et des méthodes employées. L’ADEME, dans la Base Carbone, estime l’incertitude à \(\pm \) 5 % pour les produits pétroliers et à \(\pm \) 20 % pour le charbon et ses dérivés.
Combustibles | Émissions directes (gCO\(_2\)/kWh) | Émissions ACV (gCO\(_2\)/kWh) |
Charbon | 345 | 377 |
Fioul lourd | 283 | 324 |
Fioul domestique | 272 | 324 |
Gazole | 256 | 323 |
Essence (SP95, SP98) | 253 | 314 |
GPL | 233 | 260 |
Gaz naturel | 204 | 243 |
Bois énergie | 18,8 | 29,5 |
Table 4.3 – Facteurs d’émission CO\(_2\) des combustibles courants (pouvoir calorifique inférieur, c’est-à-dire sans tenir compte de la chaleur latente de l’eau produite par la combustion), d’après la Base Carbone de l’ADEME. La première colonne concerne les émissions directes lors de la combustion. La deuxième colonne donne la valeur après analyse du cycle de vie (ACV).
Prenons l’exemple du gaz naturel. Cette appellation concerne différents « gaz » qui contiennent majoritairement du méthane, mais également d’autres gaz (alcanes, azote, etc.). Le « gaz naturel de réseau » contient typiquement 90 % en masse de méthane (plus 5 % d’éthane, 1 % de propane, 0,2 % de butane, 2,2 % d’azote, 1,4 % de dioxyde de carbone). La combustion du méthane est donnée par : \[ \text {CH}_4 + 2\ \text {O}_2 \rightarrow \text {CO}_2 + 2\ \text {H}_2\text {O} \]
Ainsi une mole de méthane donne une mole de dioxyde de carbone. Pour déterminer le facteur d’émission, il faut la quantité d’énergie produite par cette réaction. Pour cela, on utilise le pouvoir calorifique (voir note 48). En général, on utilise le PCI, car la chaleur latente de l’eau est perdue, sauf dans certains dispositifs, comme les chaudières à condensation80. Le PCI du méthane est de 803,3 kJ\(\cdot \)mol\(^{-1}\), tandis que le PCS vaut 890,8 kJ\(\cdot \)mol\(^{-1}\). La différence entre les deux correspond à la liquéfaction puis au refroidissement de 2 moles d’eau (équation 4.25).
Comme la masse molaire du méthane est de 16 g\(\cdot \)mol\(^{-1}\), le PCI vaut 803,3 / 16 = 50,2 kJ\(\cdot \)g\(^{-1}\) = 50,2 MJ\(\cdot \)kg\(^{-1}\) pour 1 kg de méthane. Or 1 kg de méthane génère 44/16 = 2,75 kg de dioxyde de carbone. Le PCI est donc de 50,2/2,75 = 18,25 MJ\(\cdot \)kg\(^{-1}\) de CO\(_2\) produites. Or 1 kWh = 3,6 MJ, cela fait donc : 5,1 kWh\(\cdot \)kg\(^{-1}\), soit 1/5,1 = 0,197 kg\(\cdot \)kWh\(^{-1}\) de CO\(2\) produit, soit 197 gCO\(_2\)\(\cdot \)kWh\(^{-1}\). Le tableau 4.3 donne 204 gCO\(_2\)\(\cdot \)kWh\(^{-1}\) qui tiennent compte des 6,2 % d’autres alcanes contenus dans le gaz naturel.
Les émissions en ACV de la 2e colonne (+ 39 gCO\(_2\)\(\cdot \)kWh\(^{-1}\)) correspondent à l’exploration et la production (15,3 gCO\(_2\)\(\cdot \)kWh\(^{-1}\)), la transmission jusqu’aux frontières françaises (20,6 gCO\(_2\)\(\cdot \)kWh\(^{-1}\)), le transport (gazoduc ou méthanier – 2,8 gCO\(_2\)\(\cdot \)kWh\(^{-1}\)), la distribution (1,5 gCO\(_2\)\(\cdot \)kWh\(^{-1}\)).
Le tableau 4.4 montre la répartition des émissions du bois, à titre d’exemple, pour les différents gaz à effet de serre dans le facteur d’émission (dernière ligne du tableau 4.3). La combustion du bois génère 18,8 g (équivalent CO\(_2\) – on passe d’une quantité de CH\(_4\) à une quantité de CO\(_2\) par l’intermédiaire du pouvoir de réchauffement global ou PRG) de méthane « biogénique » (c’est-à-dire produit par des organismes vivants), et 380 g de dioxyde de carbone biogénique. Le bilan sur le dioxyde de carbone est considéré comme nul, par hypothèse, puisque la combustion du bois ne fait que relâcher celui qui a été capté par la croissance de l’arbre. Donc, la combustion du bois rejette 18,8 gCO\(_2\). Mais son exploitation (coupe, transport, etc.) rejette 0,822 gCO\(_2\) de dioxyde de carbone et 0,246 gCO\(_2\) de méthane (tous deux issus de combustibles fossiles). L’ajout des deux quantités constitue l’émission en cycle de vie du bois.
CO\(_{2\mathrm {f}}\) | CH\(_{4\mathrm {f}}\) | CH\(_{4\mathrm {b}}\) | N\(_2\)O | Autre gaz | TOTAL | CO\(_{2\mathrm {b}}\) | |
Combustion | 0 | 0 | 0,0188 | 0 | 0 | 0,0188 | 0,38 |
Amont | \(8,22\cdot 10^{-3}\) | \(2,46\cdot 10^{-3}\) | 0 | 0 | 0 | 0,0107 | –0,38 |
TOTAL | \(\mathbf {8,22\cdot 10^{-3}}\) | \(\mathbf {2,46\cdot 10^{-3}}\) | 0,0188 | 0 | 0 | 0,0295 | 0 |
Table 4.4 – Les données d’émission des gaz à effet de serre pour la combustion du « bois énergie » ou bois en bûche à 20 % d’humidité (Base Carbone de l’ADEME). L’indice « f » correspond à « fossile », l’indice « b » à biogénique. Les données sont en kgCO\(_2\). Source ADEME (www.ademe.fr).
Le tableau 4.5 donne les facteurs d’émission pour différentes filières de production d’électricité, selon différentes sources. On constate de grandes différences selon les sources en particulier pour le nucléaire et l’hydraulique. Cela vient du fait que pour certaines estimations un peu anciennes, les normes de l’analyse en cycle de vie (ACV) ne sont pas les mêmes que pour les analyses plus récentes. De plus, l’estimation donnée par l’ADEME se base sur le contexte français, où l’électricité est largement décarbonée, donc la construction d’une centrale nucléaire rejette moins de CO\(_2\) que dans les pays où l’électricité est produite surtout à partir de charbon (comme les États-Unis auxquels se réfèrent les deux études de Singapour et Stanford).
Filières | D’après la Base Carbone ADEME (janvier 2015) | Médiane d’émissions issue du rapport du GIEC (2014) | Rapport de l’université de Singapour (2008) | Rapport de l’université de Stanford (2009) |
Nucléaire | 6 | 12 | 66 | 9 à 70 |
Charbon | 1038 | 820 | 960 à 1050 | |
Gaz | 406 | 490 | 443 à 611 | |
Fioul | 704 | 778 | ||
Hydraulique retenue | 4 | 24 | 10 | 17 à 22 |
Photovoltaïque | 55 | 41 à 48 | 32 | 19 à 59 |
Éolienne | 7,3 | 11 à 12 | 9 | 2,8 à 7,4 |
Géothermie | 45 | 38 | 38 | 15,1 à 55 |
Biomasse | 230 | 14 à 31 | ||
Solaire thermique | 27 | 13 | ||
Biogaz | 11 |
Table 4.5 – Émissions directes (CO\(_2\) + ACV) par kWh de diverses filières de production d’électricité, en gCO\(_2\)/kWh, selon diverses estimations. Tableau issu de : https://fr.wikipedia.org/wiki/Empreinte_carbone_de_l’électricité
Faire un bilan d’émissions de CO\(_2\)
À titre d’exemple nous allons estimer les émissions de dioxyde de carbone pour un trajet en voiture.
Ma voiture est une Peugeot 308 SW break datant de 2010. Elle consomme en moyenne 5,3 litres de gasoil sur 100 km. Cette moyenne est une mesure faite sur des dizaines de milliers de kilomètres de trajets, principalement sur autoroutes.
Le gazole81 ou gasoil est un dérivé pétrolier qui contient principalement des alcanes (75 %) et des hydrocarbures aromatiques (25 %). Sa formule chimique moyenne est C\(_{16}\)H\(_{34}\) (cétane) (voir Chevron 2007, qui est un alcane (de formule chimique générale \(\text {C}_n\text {H}_{2n+2}\)).
La formule chimique de combustion des alcanes est : \begin{equation} \text {C}_n\text {H}_{2n+2} + \frac {3n+1}{2} \text {O}_2 \rightarrow n \text {CO}_2 + (n+1) \text {H}_2\text {O} + \mathcal {E} \label {eq:alcane} \end{equation} où \(\mathcal {E}\) est l’énergie thermique libérée par la réaction.
Dans le cas où \(n=16\) (cétane), la combustion d’une mole de cétane produit 16 moles de dioxyde de carbone. Donc la combustion de 226 g de cétane (\(M_{\text {C}_{16}\text {H}_{34}} = 226\ \text {g}\cdot \text {mol}^{-1}\)) produit 704 g de CO\(_2\) (car \(M_{\text {CO}_2} = 44 \ \text {g}\cdot \text {mol}^{-1}\)). Ainsi 1 kg de cétane donne 3,12 kg de CO\(_2\).
La masse volumique de la cétane est \(\rho _{\text {C}_{16}\text {H}_{34}} = 770\ \text {kg}\cdot \text {m}^{-3}\) à 18 \(^\circ \)C. Donc la combustion de 1 L de cétane produit 2,4 kg de CO\(_2\).
La Base Carbone de l’ADEME donne un facteur d’émission pour le gazole routier (France continentale) de 3,16 kgCO\(_2\)/L (tableau 4.6). Il s’agit d’une empreinte carbone (avec ACV, donc) et non de l’unique émission de combustion. La combustion d’un litre de gazole génère 2,48 kgCO\(_2\), \(9,33\cdot 10^{-4}\) kgCO\(_2\) de CH\(_4\) et \(2,24\cdot 10^{-2}\) kgCO\(_2\) de N\(_2\)O soit 2,51 kgCO\(_2\) au total (tableau 4.6).
Avec ma voiture, j’émets donc \(5,3 \times 2,51 = 13,3\) kgCO\(_2\) pour 100 km, soit 133 gCO\(_2\)/km. Cela sans tenir compte de la construction, de l’entretien et de la destruction de la voiture elle-même (cycle de vie)82.
CO\(_{2\mathrm {f}}\) | CH\(_{4\mathrm {f}}\) | CH\(_{4\mathrm {b}}\) | N\(_2\)O | Autre gaz | TOTAL | CO\(_{2\mathrm {b}}\) | |
Combustion | 2,48 | \(9,33\cdot 10^{-4}\) | 0 | 0,224 | 0 | 2,51 | 0,156 |
Amont | 0,581 | 0,0421 | 0 | 0,0347 | 0 | 0,657 | –0,156 |
TOTAL | 3,06 | 0,043 | 0 | 0,0571 | 0 | 3,16 | 0 |
Table 4.6 – Les données d’émission des gaz à effet de serre pour la combustion du gazole routier (France continentale) selon la Base Carbone de l’ADEME. L’indice « f » correspond à fossile, l’indice « b » à biogénique. Source ADEME (www.ademe.fr).
Empreinte carbone des Français\(\cdot\)e\(\cdot\)s
L’empreinte carbone moyenne d’un\(\cdot\)e Français\(\cdot\)e est d’environ 11 tCO\(_2\)/an (figure 4.45 ; voir aussi Ravijen 2018). Les importations en constituent environ la moitié.
D’après le Commissariat général au développement durable (CGDD 2020b) :
L’empreinte carbone est composée des émissions directes des ménages (16 %) et des GES résultant de la fabrication des biens et services qu’ils consomment (84 %). Les émissions directes des ménages correspondent aux GES provenant de la consommation de carburant de leurs véhicules et des combustibles (gaz et fioul) brûlés dans les chaudières des logements. Les émissions associées à la fabrication des biens et services consommés se produisent dans les usines, bureaux, commerces, établissements publics ou exploitations agricoles, localisés en France ou à l’étranger. À un produit sont associées les émissions relevant directement de la branche d’activité concernée mais également les GES résultant de la production des biens ou services intermédiaires nécessaires à la fabrication de ce produit. L’empreinte d’un produit alimentaire est ainsi constituée d’émissions directes, issues des usines agroalimentaires, et d’émissions indirectes provenant de l’agriculture, des transports, du commerce, etc. Des activités ordinaires de nos modes de vie (se déplacer, se loger, se nourrir) induisent ainsi, en amont, des émissions de GES « invisibles » pour le consommateur.
Le rapport Dugast & Soyeux (2019), du cabinet Carbone 4, montre qu’une partie (environ 20 %) des leviers sont actionnables au niveau individuel (nourriture, mobilité notamment) pour réduire notre empreinte dans l’objectif d’atteindre les 2 tCO\(_2\) stipulées par l’Accord de Paris 83 pour une trajectoire à 2 \(^\circ \)C de réchauffement.
Le flux de carbone anthropique
Entre 1750 et 2011, la combustion des carburants fossiles (charbon, gaz, pétrole) et la production de ciment ont relâché dans l’atmosphère environ 375 GtC (1375 GtCO\(_2\)). La déforestation a ajouté 180 GtC (660 GtCO\(_2\)) de plus. Sur ces 555 GtC (2035 GtCO\(_2\)), moins de la moitié (240 GtC ou 880 GtCO\(_2\)) se sont accumulés dans l’atmosphère, le reste ayant été absorbé par les océans et les écosystèmes terrestres. La figure 4.46a montre les émissions annuelles de dioxyde de carbone à partir des combustibles fossiles et de la fabrication du ciment (qui nécessite une utilisation de combustibles fossiles pour chauffer le mélange de calcaire – ce qui rejette du CO\(_2\) initialement piégé dans les carbonates – et d’argile) et de l’utilisation des terres (essentiellement la déforestation). Différents puits naturels permettent d’absorber environ la moitié de ces émissions (océans et sols). La figure 4.46b montre les flux de carbone anthropiques cumulés depuis l’ère industrielle et annuels en moyenne sur la dernière décennie : chaque année 11 GtC (40 GtCO\(_2\)) sont relâchées dans l’atmosphère, dont la moitié est absorbée par les puits de carbone que sont les océans et les sols (végétation, etc.).
L’augmentation de la quantité de CO\(_2\) dans l’atmosphère en 2019 a été de 5,2 \(\pm \) 0,9 GtC (soit une augmentation de la concentration de 2,5 \(\pm \) 0,4 ppm), ce qui amène la concentration atmosphérique de CO\(_2\) à un niveau de 410 ppm (Friedlingstein et al. 2019).
La figure 4.47 montre l’évolution des émissions de gaz à effet de serre depuis le milieu du XIXe siècle. La figure 4.47a différencie l’évolution des principaux gaz, dioxyde de carbone, méthane, protoxyde d’azote. La figure 4.47b montre cette même évolution selon les secteurs d’émission, l’énergie, l’agriculture, l’industrie et la construction et les déchets. Enfin, la figure 4.47c montre l’évolution des émissions pour les sept principales régions émettrices : les pays émergents (Chine, Inde, etc.) voient leurs émissions croître fortement depuis le début des années 2000, en particulier la Chine (dont une bonne partie pour nos importations !).
En 2017, la Chine était le premier pays émetteur de CO\(_2\) avec 28,2 % des émissions, les États-Unis sont en deuxième place avec 14,5 %. La France arrive en vingtième position avec 0,9 % des émissions84.
Le tableau 4.7 montre les différences qui peuvent exister entre deux sources de données. Ici pour les émissions totales de CO\(_2\) a priori selon le même périmètre (CO\(_2\) uniquement émis par la combustion des énergies fossiles) pour différents pays, pour l’année 2017. On donne également l’écart relatif entre les deux références, qui peut aller jusqu’à près de 30 % !
Région | Nombre d’habitants (millions) | BP (2019) | IEA (2019) | Rang par hab. (IEA) | Écart du total \(\dfrac {\text {IEA}-\text {BP}}{\text {IEA}}\) | ||
Total (MtCO\(_2\)) | Par habitant (MtCO\(_2\)/hab.) | Total (MtCO\(_2\)) | Par habitant (MtCO\(_2\)/hab.) | ||||
Monde | 7500 | 33 242,5 | 4,43 | 32 840 | 4,38 | –1 % | |
Chine (RP) | 1386 | 9229,8 | 6,66 | 9257,9 | 6,68 | 35e | +0,3 % |
États-Unis | 325,1 | 5014,4 | 15,42 | 4761,3 | 14,65 | 11e | –5 % |
Allemagne | 82,5 | 762,6 | 9,24 | 718,8 | 8,71 | 24e | –6 % |
Canada | 36,5 | 549,5 | 15,05 | 547,8 | 15,01 | 10e | -0,3 % |
Australie | 24,6 | 412,3 | 16,76 | 384,6 | 15,63 | 9e | –7 % |
France | 66,8 | 321,4 | 4,81 | 306,1 | 4,58 | 58e | –5 % |
Qatar | 2,725 | 102,4 | 37,58 | 80,1 | 29,39 | 1er | –28 % |
Table 4.7 – Émissions totales et par personne de CO\(_2\) émis par la combustion d’énergies fossiles pour l’année 2017, pour quelques pays selon deux sources, BP (BP 2019) et l’IEA (IEA 2019). Le rang des émissions par personne est tiré de https://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_des_pays_par_émissions_de_dioxyde_de_carbone_par_habitant. La dernière colonne montre l’écart relatif entre les deux références, BP et IEA.
4.5.4 Ce qu’il reste à émettre
Cette section est basée sur Treiner (2015). La figure 4.48 montre l’anomalie de température en fonction de la quantité totale de dioxyde de carbone émise pour les différents scénarios (voir section 3.5) du 5e rapport du GIEC (IPCC 2013). La courbe en violet (RCP2.6), correspondant à la trajectoire la plus optimiste, se termine en 2100 avec une pente nulle, indiquant une stabilisation de l’anomalie de température un peu en-dessous de 2 \(^\circ \)C. Les autres courbes, pour les autres scénarios, se terminent avec des pentes positives en 2100, la température continue d’augmenter. . .
Le scénario RCP2.6 correspond ainsi à une émission totale d’environ 800 GtC (soit environ 3000 GtCO\(_2\)). Fin 2018, nous en étions à environ 625 GtC (2300 GtCO\(_2\)), et environ 635 GtC (2330 GtCO\(_2\)) fin 2019 (voir section 3.3.3). Il reste donc environ 165 GtC (605 GtCO\(_2\)) à émettre. Au rythme actuel de 11 GtC/an, cela représente 15 ans.
Le scénario « optimiste » n’est, de fait, plus d’actualité. Le rapport « 1,5 \(^\circ \)C » du GIEC de 2018 (IPCC 2018) évoque le scénario RCP8.5, la trajectoire suivie y étant parallèle sur une figure donnant l’anomalie de température en fonction de la quantité de CO\(_2\) émise (figure 4.49). La quantité de 800 GtC ou 2930 GtCO\(_2\) évoquée correspond à 1,5 \(^\circ \)C de réchauffement (courbe violette).
La figure 4.50c montre la corrélation entre l’anomalie de température et la concentration en CO\(_2\) dans l’atmosphère entre 1976 et 2019 pour trois jeux de données de température. La moyenne des pentes des ajustements linéaires, pondérée par le coefficient de corrélation est de 0,013 \(^\circ \)C/ppm. Comme la concentration en CO\(_2\) augmente de 2 ppm/an, cela fait 0,026 \(^\circ \)C/an, soit 0,24 \(^\circ \)C par décennie. Soit à peu près les valeurs du GIEC (voir section 3.3.8).
En recalibrant l’ordonnée à l’origine pour que l’anomalie de température \(\Delta T\) soit actuellement de 1,1 \(^\circ \)C pour une concentration \(C_{\text {CO}_2} =\) 410 ppm, on obtient : \[ \Delta T = 0,013 \times C_{\text {CO}_2} - 4,23 \] Cette relation ne fonctionne pas pour le début du XXe siècle, la valeur de la concentration en CO\(_2\) dans l’atmosphère avant l’ère industrielle, 280 ppm, ne donne pas \(\Delta T = \) 0 \(^\circ \) C. L’augmentation de la concentration en CO\(_2\) ne se fait pas de façon linéaire depuis le début. Elle augmente régulièrement (figure 4.51).
Au rythme actuel, nous serons à +1,5 \(^\circ \)C pour 441 ppm, soit dans 15 ans. Et à + 5 \(^\circ \)C pour 710 ppm, donc dans 150 ans.
Pour mémoire, un écart de 5 \(^\circ \)C (en moins), c’est ce qui nous sépare de la dernière glaciation85 (dite de « Würm ») il y a 20 000 ans. Une calotte polaire descendait alors jusqu’au milieu de l’Angleterre, et l’ensemble des Alpes gisait sous une gangue de glace (figure 4.52). Le niveau des mers était 120 m plus bas qu’actuellement, l’Angleterre n’était pas une île. On peut ainsi imaginer ce que pourrait être l’inverse (+ 5 °C), à la différence près que le réchauffement d’environ 5 \(^\circ \)C entre la dernière glaciation et la période tempérée actuelle s’est produit sur une échelle de temps de l’ordre de 10 000 ans ; actuellement, c’est de l’ordre de 200 à 300 ans, soit 30 fois plus rapidement.
4.6 La transition énergétique
La transition énergétique est une modification structurelle profonde de la société, visant à changer les modes de consommation de l’énergie afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre. Il existe différents scénarios plus ou moins réalistes d’un point de vue physique. Au vu de ce qui précède, réduire drastiquement la part des énergies carbonées doit constituer un objectif majeur pour les sociétés dès à présent. Plusieurs trajectoires sont envisageables pour y parvenir. Elles sont éminemment politiques (selon l’objectif de société souhaité), la science peut seulement évaluer leur faisabilité compte tenu des flux physiques. Les quelques notions abordées jusqu’ici devraient fournir les outils pour s’en faire une idée objective.
Compte tenu de l’état de la planète (outre la crise climatique, l’humanité doit faire face à un effondrement de la biodiversité, à de multiples pollutions, etc.), la transition énergétique n’est qu’un aspect des diverses modifications qui attendent nos sociétés, de gré (en anticipant du mieux possible les changements pour nous y préparer) ou de force (en nous adaptant en temps réel quand les crises seront ancrées dans nos quotidiens), dans les décennies à venir.
1.http://www.cnrtl.fr/lexicographie/énergie
2.L’histoire commence en 1693 quand Leibniz observe que la quantité \(\frac 12 mv^2 + mgh\) (somme de l’énergie cinétique et de l’énergie potentielle de pesanteur) est conservée pour une particule massive dans le champ de gravitation de la Terre. Par la suite, d’autres systèmes plus complexes furent étudiés et des termes additionnels furent trouvés pour maintenir la conservation de l’énergie. En 1905, Albert Einstein modifia l’expression de l’énergie cinétique et associa même une énergie à une masse stationnaire, simplement pour garder la conservation de l’énergie. Plus tard, dans les années 1930, Enrico Fermi postula l’existence du neutrino encore une fois pour garder l’énergie conservée dans les réactions nucléaires (Callen 2005).
3.Il s’agit ici de l’énergie liée au mouvement (ordonné) d’ensemble du système et non de celle liée aux mouvements désordonnées de ses constituants.
4.D’un point de vue microscopique, l’entropie est donnée par : \[ S_{\text {sys}} = k_B \ln {\Omega } \] où \(k_B\) est la constante de Boltzmann et \(\Omega \) est le nombre de configurations accessibles par les constituants élémentaires du système.
5.On constate ainsi qu’une tonne de pétrole contient environ dix fois plus d’énergie chimique que le TNT ! La différence d’effet entre la combustion du pétrole (peu spectaculaire !) et l’explosion du TNT tient dans le fait que dans le premier cas, la combustion est lente, tandis que dans le second, elle est rapide, il s’agit d’une détonation.
6.Compte tenu de l’espace entre les bûches, cela représente entre 0,6 et 0,8 m\(^3\) de bois selon la taille des bûches.
7.Un tas de sable (sec) est à peu près conique avec une pente de 30\(^\circ \), son volume \(V\) est donc : \[ V = \frac {\pi R^2 H}{3} = \pi H^3 \] où \(H\) est sa hauteur et \(R\) le rayon du disque ; \(R = \sqrt {3} H\).
8.Les énergies renouvelables sont des énergies dont les flux sont sans cesse renouvelés à l’échelle humaine : il est donc possible de les considérer comme inépuisables.
9.En revanche les dispositifs construits pour récupérer ces énergies ne sont pas, eux, renouvelables !
10.La fission de l’uranium produit de l’énergie sous forme d’énergie thermique (énergie cinétique des fragments de fission au niveau microscopique). Cette énergie est transformée en travail (électricité) par l’intermédiaire d’une machine thermique (la centrale nucléaire).
11.Fossiles car ces combustibles sont issus d’un processus de méthanisation – dégradation de la matière organique en l’absence d’oxygène – d’êtres vivants morts enfouis dans le sol depuis plusieurs millions d’années. Ils sont ainsi très riches en carbone.
12.L’uranium n’est pas produit sur Terre, il existe depuis la formation de celle-ci. Il a été synthétisé dans les supernovæ – explosions d’étoiles massives à la fin de leur vie – et dispersé dans le milieu interstellaire. Il est ensuite agrégé dans une compression du gaz interstellaire pouvant mener à l’effondrement du nuage en étoile et en système planétaire.
13.L’énergie solaire est parfois vue dans un sens plus général non seulement comme source de l’énergie photovoltaïque – les photons –, mais également de l’énergie éolienne – l’énergie du vent provient de l’énergie du rayonnement solaire intercepté par la Terre –, de l’énergie hydraulique – qui est issue du cycle de l’eau dont le moteur est également l’énergie du Soleil –, de l’énergie de la biomasse – les plantes croissent grâce à l’énergie du Soleil, encore. Et quelque part les énergies fossiles sont aussi un stock formé grâce au Soleil il y a plusieurs millions d’années. . .
14.Voir par exemple mon article de blog : Émissions de CO\(_2\) : vélo contre voiture, G. Blanc, en ligne : http://gblanc.fr/spip.php?article601.
15.Malgré son qualificatif de « naturel », il s’agit d’un gaz fossile, donc d’un stock.
16.Pour obtenir 1 kWh d’énergie thermique, il faut transformer en énergie une masse de : \(m = E/c^2 = 3,6\cdot 10^6 / (3\cdot 10^8)^2 \sim 0,3\ \mu \text {g}\). À combien de noyaux d’uranium 235 fissionnés cela correspond-t-il ? Chaque réaction de fission (voir la section 2.4) dégage une énergie de 200 MeV. Pour obtenir 1 kWh, il faut que \(1,13\cdot 10^{17}\) noyaux d’uranium 235 fissionnent. Comme la masse d’un noyau vaut 235 fois la masse d’un nucléon (\(1,66\cdot 10^{-27}\ \text {kg}\)), soit : \(3,9\cdot 10^{-25}\ \text {kg}\), la masse d’uranium 235 ayant fissionné est donc de \(4\cdot 10^{-8}\ \text {kg}\). L’uranium naturel contient 0,7 % d’uranium 235, cela fait environ 6 mg d’uranium naturel.
17.On a 1 tep = 11,6 MWh.
18.L’énergie potentielle gravitationnelle vaut \(E_p = mgh\) où \(m\) est la masse de l’eau, \(g = 9,81\ \text {m}\cdot \text {s}^{-2}\) est l’accélération de la pesanteur et \(h\) est la hauteur de chute.
19.L’énergie cinétique est donnée par : \[ E_c = \frac 12 m v^2 = \frac 12 \rho V v^2 \] où \(m\) est la masse d’air et \(v\) sa vitesse ; \(\rho = 1,2\ \text {kg}\cdot \text {m}^{-3}\) est la masse volumique de l’air et \(V\) le volume correspondant à la masse \(m\). Donc : \[ E_c = 0,5 \times 1,2 \times 20\,000 \times \left (\frac {60}{3,6}\right )^2 = 3,3\ \text {MJ} \simeq 1\ \text {kWh} \] Cela suppose néanmoins que toute l’énergie de la masse d’air est prélevée par l’éolienne, et donc que la vitesse du vent est nulle derrière le rotor. On se reportera à l’annexe C pour un calcul du rendement maximal théorique d’une éolienne.
20.Voir par exemple le podcast Sismique #103 : Minerais et métaux, un enjeu stratégique avec Emmanuel Hache, décembre 2022, https://www.sismique.fr/post/103-extraire-a-tout-prix-emmanuel-hache.
21.Voir par exemple la mine de charbon à ciel ouvert de Garzweiler en Allemagne (https://fr.wikipedia.org/wiki/Mine_de_Garzweiler) qui racle le sol sur près de 200 m de profondeur et sur plusieurs dizaines de kilomètres carrés (https://www.arte.tv/fr/videos/100748-005-A/toxic-tour-5-6/).
22.https://theshiftdataportal.org/
23.Source : https://www.connaissancedesenergies.org/bp-statistical-review-world-energy-2022-les-chiffres-cles-de-lenergie-dans-le-monde-220629.
24.La fonction logistique fut ainsi nommée par Verhulst en 1845 alors qu’il étudiait des modèles d’évolution de la population. Ce type de modèle simple peut s’appliquer à de nombreux phénomènes, et illustre le fait qu’une croissance exponentielle est essentiellement transitoire, elle ne peut durer indéfiniment : la propagation d’une épidémie, d’un feu de forêt, ou l’exploitation d’une ressource en quantité finie. . . Voir : http://www.energieclimat.net/article-l-apres-croissance-l-equation-logistique-81590596.html
25.La quantité de pétrole est exprimée en millions de tonnes équivalent pétrole (tep). Elle est souvent exprimée dans une unité plus ésotérique, mais néanmoins très usitée, le baril (symbole bl ou bbl), une unité de volume qui équivaut à 42 gallons américains ou 158,99 litres. 1 tep = 7,14 bep (barils équivalent pétrole).
26.Hubbert avait utilisé les données disponibles jusqu’en 1956 pour prédire un pic au début des années 1970. Un « pic » a eu lieu en 1970 (figure 4.13c) ce qui sembla donner raison à ses prédictions, mais la suite montra que le problème était plus complexe!
27.Avec une production de 69 millions de barils par jour ; elle était en 2018 de 66,5 millions de barils par jour (IEA 2018).
28.Le pétrole non conventionnel est celui qui est extrait avec des techniques différentes du puits de pétrole traditionnel, qui sont généralement plus onéreuses.
29.Il s’agit de roches sédimentaires (et des schistes) qui contiennent des kérogènes, substances à mi-chemin dans le processus de transformation, entre la matière organique et le pétrole ou le gaz.
30.Il s’agit de pétrole obtenu à partir de bitume ou de sable bitumineux ; le bitume est une mélange d’hydrocarbures à poids moléculaire élevé.
31.L’unité que l’on trouve dans le rapport de l’Agence Internationale de l’Énergie, entre autres, est le bcm ou tcm : billion cubic meter et trillion cubic meter respectivement, soit 1000 milliards de mètres cubes ou 1 milliard de mètres cubes.
32.Source : https://www.world-nuclear.org/information-library/nuclear-fuel-cycle/uranium-resources/supply-of-uranium.aspx
33.Source : https://www.nuklearforum.ch/fr/faits-et-chiffres/nuclearplanet/les-centrales-nucleaires-dans-le-monde
34.En supposant que l’ensemble de ces réacteurs fonctionnent en permanence, avec donc un facteur de charge de 1. Ce qui n’est évidemment pas le cas.
35.La Terre reçoit environ 170 W\(\cdot \)m\(^{-2}\), sur une surface de \(5,1\cdot 10^{14}\ \text {m}^2\). Le rendement de la photosynthèse est d’environ 0,1 % sur les océans (70 % de la surface) et d’environ 0,7 % pour la végétation sur les terres couvrant environ 20 % de la surface (voir §4.3.8). Ce qui permet d’obtenir cet ordre de grandeur.
36.Voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Effet_photoélectrique
37.Un onduleur est un dispositif électronique qui permet de convertir un courant continu en courant alternatif ; il est constitué de thyristors, des transistors de puissance, disposés de telle manière que le signal d’entrée est modulé pour obtenir en sortie un signal alternatif de fréquence désirée.
38.Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/énergie_solaire_photovoltaïque
39.\[ f = \frac {11,6\cdot 10^{12} \times 24 \times 365,25}{9,4\cdot 10^9} = 0,14 \]
40.Voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Thémis_(centrale_solaire).
41.Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Centrale_solaire_thermodynamique.
42.Voir, par exemple : https://fr.wikipedia.org/wiki/Circulation_atmosphérique.
43.Voir : Nifenecker (2014) et https://eolienne.f4jr.org/aerogenerateur.
44.Voir : https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexteArticle.do?idArticle=JORFARTI000020949597&cidTexte=JORFTEXT000020949548&categorieLien=id.
45.Voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Chlorophylle.
46.Cela correspond au mécanisme (simplifié) concernant 95 % des plantes vertes, notamment aux latitudes moyennes (photosynthèse en C3). Sous les latitudes tropicales, d’autres mécanismes ont lieu compte tenu des conditions climatiques plus chaudes (photosynthèse en C4).
47.D’après Monteith (1972), cette estimation avait déjà été faite en 1852 par William Thomson, futur Lord Kelvin : l’auteur estime la valeur mécanique de la chaleur solaire laquelle, quand elle n’est pas absorbée par l’atmosphère, devrait tomber chaque année sur chaque pied carré de terre, à 530 000 000 pied-livres (unité d’énergie!) ; et déduit que probablement beaucoup plus, 1/1000 de la chaleur solaire, qui tombe en fait sur les plantes en croissance, est converti en effet mécanique.
48.Le pouvoir calorifique (Sawerysyn 1993) est l’énergie dégagée sous forme thermique par la réaction de combustion par le dioxygène. Le pouvoir calorifique supérieur (PCS) comprend à la fois la quantité de chaleur dégagée et la chaleur latente de vaporisation de l’eau, généralement produite par la combustion. Le pouvoir calorifique inférieur (PCI) exclut la chaleur latente de vaporisation de l’eau. Ainsi, on a toujours PCI < PCS.
En thermochimie, on utilise généralement l’enthalpie standard de réaction, \(\Delta _rH^{\circ }\), qui est la quantité de chaleur reçue par le système chimique (le pouvoir calorifique est reçu par l’utilisateur) à pression constante, dans les conditions standard de température (298 K) et de pression (1013 hPa). L’enthalpie de réaction standard peut ainsi tenir compte ou non de la chaleur latente de vaporisation des produits de la réaction, selon leur état physique à l’issue de la réaction.
Dans le cas d’une réaction de combustion, les produits de réaction contiennent généralement de l’eau qui est à l’état de vapeur à l’issue de la réaction. L’enthalpie de réaction standard tient donc compte de la chaleur latente de vaporisation ainsi que du refroidissement de l’eau jusqu’à 298 K. Ainsi, on a : \[ \text {PCS} = - \Delta _rH^{\circ } \] et \[ \text {PCI} = \text {PCS} - n L_{\text {vap}}^{\text {eau}} - n c_p^{\text {eau}} \Delta T \] où \(n\) est le nombre de moles d’eau produite pour une mole de réactif, \(L_{\text {vap}}^{\text {eau}} = 40,66\ \text {kJ}\cdot \text {mol}^{-1}\) est la chaleur latente molaire de vaporisation de l’eau à 1013 hPa, \(c_p^{\text {eau}} = 75,5\ \text {J}\cdot \text {mol}^{-1}\) est la capacité calorifique molaire de l’eau liquide et \(\Delta T\) est la différence de température entre l’ébullition de l’eau (373 K) et la température standard (298 K), soit 75 K. Donc : \begin{equation} \text {PCI} = \text {PCS} - n \times 46,3\ \text {kJ} \cdot \text {mol}^{-1} \label {eq:pci} \end{equation}
49.Source : https://www.connaissancedesenergies.org/fiche-pedagogique/biomasse.
50.Voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Usine_marémotrice_de_la_Rance.
51.On constate expérimentalement qu’en moyenne la température s’élève d’environ 3 \(^\circ \)C tous les 100 m de profondeur. D’après la loi de conduction de la chaleur de Fourier : \[ \varphi = -\lambda \frac {dT}{dz} \] où \(\varphi \) est le flux d’énergie thermique (puissance surfacique), \(\lambda \) est la conductivité thermique. Pour les roches dans la croûte terrestre, la conductivité thermique vaut environ 2,5 à 3,1 \(\text {W}\cdot \text {m}^{-1}\cdot \text {K}^{-1}\) (Thomas 2014). Ce qui donne un flux : \(\varphi \simeq 0,1\ \text {W}\cdot \text {m}^{-2}\).
52.Si une telle température est impensable, en réalité, il n’est pas aisé de mesurer la température dans le noyau solide. Ce serait au moins 5300 \(^\circ \)C (Bailly 2013).
53.Source : https://en.wikipedia.org/wiki/The_Geysers
54.https://fr.wikipedia.org/wiki/Barrage_des_Trois-Gorges
55.La production d’électricité hydraulique est en partie dépendante de la pluviométrie. Ainsi, l’année 2017 plus sèche en moyenne, avait vu la production chuter de 30 % (RTE 2018b).
56.Une centrale thermique à gaz nécessite 7 à 11 h pour passer de l’arrêt à la pleine puissance, mais en fonctionnement elle est capable de moduler sa production pour suivre les variations de l’éolien, par exemple. De même il faut environ 40 h à une centrale nucléaire pour passer de l’arrêt à la pleine puissance (Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Suivi_de_charge), mais lorsqu’elle est en fonctionnement on peut moduler jusqu’à 80 % de sa puissance en moins de 30 min. Les arrêts de centrales nucléaires n’ont lieu qu’environ une fois par an.
57.https://www.iea.org/data-and-statistics?country=WORLD&fuel=Energy%5C%20consumption&indicator=TFCbySource
58.Ce qui représente une puissance moyenne sur l’année de 1,2 GW : soit un réacteur nucléaire.
59.Voir par exemple la page Wikipédia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Fréquences_des_courants_industriels.
60.Source : https://www.edf.fr/groupe-edf/espaces-dedies/l-energie-de-a-a-z/tout-sur-l-energie/l-acheminement-de-l-electricite/le-reseau-de-transport.
61.Source : https://www.edf.fr/groupe-edf/espaces-dedies/l-energie-de-a-a-z/tout-sur-l-energie/l-acheminement-de-l-electricite/le-reseau-de-distribution.
62.https://fr.wikipedia.org/wiki/Réseau_européen_des_gestionnaires_de_réseau_de_transport_d’électricité.
63.Voir par exemple : https://fr.wikipedia.org/wiki/Courant_triphasé
64.La valeur efficace d’un signal périodique est définie comme : \[ S_{\text {eff}} = \sqrt {\frac {1}{T} \int _{t_0}^{t_0+T} s^2(t) dt } \]
65.Pour une ligne de 220 kV à 50 Hz avec des conducteurs en aluminium de section 240 mm\(^2\) et d’acier de section 40 mm\(^2\), la résistance est de 0,06 \(\Omega \cdot \text {km}^{-1}\) tandis que l’inductance \(L\omega \) vaut 0,3 \(\Omega \cdot \text {km}^{-1}\). Tiré de : https://fr.wikipedia.org/wiki/Modélisation_en_Pi_des_lignes_électriques
66.https://fr.wikipedia.org/wiki/Compensation_de_puissance_réactive
67.https://fr.wikipedia.org/wiki/Interconnexion_électrique_France-Espagne
68.La production d’électricité en France en 2018 a été de 549 TWh, soit une puissance de production moyenne de 63 GW. Cette réserve « primaire » de puissance constitue donc un peu moins de 5 % de la capacité moyenne française.
69.Voir par exemple : https://fr.wikipedia.org/wiki/Tempêtes_de_fin_décembre_1999_en_Europe
70.Voir : https://www.lemonde.fr/blog/huet/2021/01/12/electricite-et-co2-le-constat-europeen-de-2020/
71.Dans l’alternateur d’une centrale nucléaire, ces aimants sont des électro-aimants. En revanche, les générateurs des éoliennes sont des dynamos à aimant permanent (en néodyme en particulier), qui donc génèrent du courant continu, lequel doit être transformé en alternatif.
72.Les sels fondus (un mélange de nitrate de potassium et de nitrate de sodium) sont utilisés notamment pour stocker l’énergie thermique générée par les centrales solaires à concentration. Les sels sont portés à plus de 500 \(^\circ \)C. Ensuite, ils peuvent produire de la vapeur par l’intermédiaire d’un échangeur thermique, qui pourra alimenter un turbo-alternateur. Ils peuvent être stockés, chauds, en vue d’une production différée.
73.Ces chiffres ont été obtenus avec la base de données de projets de stockage à la date du 18 février 2020 (fichier disponible à l’adresse : https://sandia.gov/ess-ssl/gesdb/public/projects.html/). Seuls les moyens opérationnels ont été comptabilisés.
74.https://fr.wikipedia.org/wiki/Barrage_de_Grand’Maison.
75.Le calcul rapide du rapport des masses molaires (voir note 1, chapitre 2) \(M(\text {CO}_2)/M(\text {C})\) donne 44/12 = 3,667. En réalité, il faut tenir compte des abondances isotopiques du carbone et de l’oxygène ainsi que des masses molaires qui ne sont pas exactement égales au nombre de masse. Le tableau suivant donne les valeurs des différents isotopes stables de ces deux éléments :
Isotope | Abondance | Masse molaire (g/mol) |
\(^{12}_{6}\mathrm {C}\) | 0,98930 | 12,00000 |
\(^{13}_{6}\mathrm {C}\) | 0,01070 | 13,00335 |
\(^{16}_{8}\mathrm {O}\) | 0,99762 | 15,99490 |
\(^{17}_{8}\mathrm {O}\) | 0,00037 | 16,99913 |
\(^{18}_{8}\mathrm {O}\) | 0,00205 | 17,99916 |
Ainsi : \[ M(\text {C}) = 0,98930\times 12,00000 + 0,01070 \times 13,00335 = 12,01074\ \text {g}\cdot \text {mol}^{-1} \] \[ M(\text {O}) = 0,99762\times 15,99490 + 0,00037 \times 16,99913 + 0,00205 \times 17,99916 = 16,00002\ \text {g}\cdot \text {mol}^{-1} \] \[ M(\text {CO}_2) = 12,01074 + 2 \times 16,00002 = 44,01078\ \text {g}\cdot \text {mol}^{-1} \] D’où : \[ \frac {M(\text {CO}_2)}{M(\text {C})} = \frac {44,01078}{12,01074} = 3,6643 \]
76.https://www.ipcc.ch/working-group/tfi/
77.Le Protocole de Kyoto est un accord international visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre, qui a été signé en 1997 lors de la 3e COP à Kyoto au Japon ; il est entré en vigueur en 2005.
78.Tiré de : https://fr.wikipedia.org/wiki/émissions_de_gaz_à_effet_de_serre_en_France#Méthodologie.
79.https://www.bilans-ges.ademe.fr/
80.https://fr.wikipedia.org/wiki/Chaudière_à_condensation
81.Voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Gazole.
82.La Base Carbone de l’ADEME donne 190 gCO\(_2\)/km (en tout) pour une voiture motorisation gazole de 2018.
83.L’Accord de Paris fait suite aux négociations tenues lors de la Conférence de Paris de 2015 (COP21). Il prévoit de contenir le réchauffement climatique nettement en dessous de 2 \(^\circ \)C par rapport aux niveaux préindustriels et de poursuivre l’action menée pour limiter l’élévation des températures à 1,5 \(^\circ \)C (article 2). L’Accord de Paris exige que les « parties » fassent tous les efforts possibles par l’intermédiaire des Contributions Déterminées au Niveau national (en anglais NDC) et qu’elles augmentent ces efforts à long terme de façon constante. Ainsi, cet Accord exige notamment des pays qu’ils soumettent ces plans climat actualisés, afin de rendre compte de leurs émissions et des efforts entrepris (https://unfccc.int/fr/process-and-meetings/the-paris-agreement/l-accord-de-paris). Pour l’Union européenne (et donc la France), les NDC sont d’ au moins 40 % de réduction des émissions de gaz à effet de serre au niveau national à l’horizon 2030 par rapport à 1990 (source : https://unfccc.int/sites/default/files/resource/151119_SNBC_publiee%20Avec%20resume.pdf).
84.Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_des_pays_par_%C3%A9missions_de_dioxyde_de_carbone_li%C3%A9es_%C3%A0_l%27%C3%A9nergie.
85.Voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Dernière_période_glaciaire.
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