Blanc Guillaume & Noûs Camille, Le réchauffement climatique, in Physique et enjeux de société (Université Paris Cité, 2023). https://doi.org/10.53480/physique-societe.ac4025

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Chapitre 3 : Le réchauffement climatique

L’objectif de cette partie est d’aborder quelques notions physiques sur le réchauffement climatique. Les grands principes physiques régissant le climat sur Terre nous amèneront à comprendre comment l’équilibre énergétique de la planète peut être perturbé et engendrer le réchauffement que l’on observe et que l’on analysera.

3.1 Comprendre le climat terrestre

3.1.1 Météo ou climat ?

La météorologie et la climatologie étudient tous deux essentiellement la dynamique des phénomènes atmosphériques (nuages, précipitations, vents, etc.). Cette dynamique est étudiée à partir de paramètres physiques observés (pression, température, humidité, vitesse du vent, etc.) en différents lieux géographiques et de leur évolution dans le temps. Cette évolution spatio-temporelle se modélise physiquement à l’aide des équations différentielles de la mécanique des fluides (l’équation de Navier-Stokes, entre autres). Ces équations ont la particularité d’être non-linéaires, et donc solvables uniquement numériquement. Quand elles servent à décrire un système complexe et dissipatif (avec des frottements, comme la viscosité) comme l’atmosphère, l’évolution du système devient très sensible aux conditions initiales : une variation très petite dans celles-ci peut engendrer des états finaux complétement différents. On dit que l’atmosphère ainsi modélisée est un système chaotique1 (voir, par exemple Royer & Nicolis 1994). L’échelle de temps sur laquelle on peut faire une prédiction sur le futur d’un système dynamique chaotique est la durée de Liapounov2 qui est de quelques jours pour le système atmosphérique. Cet « horizon prédictif » explique pourquoi il n’est pas possible de prévoir le temps qu’il va faire en un lieu donné au-delà de quelques jours3.

La météorologie s’intéresse ainsi à une trajectoire dans l’espace des paramètres de l’atmosphère (une seule « réalisation » !), ainsi qu’à l’interaction entre ces paramètres pendant les événements observés. L’échelle de temps est typiquement celle de la durée de Liapounov.

La climatologie, quant à elle, s’intéresse à l’ensemble des trajectoires possibles dans l’espace des paramètres, d’une manière statistique (processus aléatoire), et ce sur des échelles de temps bien plus grandes (mois, saisons, années, décennies, siècles, millénaires, etc.).

On peut résumer de manière un peu lapidaire ce qui précède par deux différences fondamentales entre météorologie et climatologie, à savoir, d’une part l’échelle spatio-temporelle (jours / décennies, local / global), d’autre part le caractère probabiliste (un seul tirage) pour les prévisions météo contre le caractère statistique (beaucoup de tirages) de la climatologie.

Donc, ce n’est pas parce qu’un été a été pluvieux en France qu’il en est de même à l’échelle de la planète ; ce n’est pas parce qu’un été a été glacial en France que le réchauffement climatique a plié bagages. . .

La météo (temps au quotidien en un lieu donné) est capable d’absorber des variations jusqu’à 10–20 \(^{\circ }\)C d’un jour à l’autre pour un lieu donné. Pour le climat, une variation de 0,1 \(^{\circ }\)C (à l’échelle de la planète) est déjà énorme4 !

3.1.2 La modélisation numérique du climat

La compréhension des phénomènes atmosphériques, sur le long terme (climat) ou sur le court terme (météo), repose principalement sur des principes physiques, comme les équations de la dynamique des fluides, sur celles des transferts radiatifs, sur la thermodynamique. Mais aussi sur la chimie de l’atmosphère, des océans, sur l’évolution biologique de la biosphère, etc. Nous nous concentrerons dans cet ouvrage sur la partie physique.

Le système océan-atmosphère étant composé de fluides différents (gaz, liquides), de compositions variables en fonction de l’endroit où l’on regarde et de l’instant que l’on considère, qui interagissent entre eux et avec la biosphère, le relief, etc., qui sont animés différemment selon l’échelle spatiale que l’on considère, une telle modélisation est nécessairement très complexe.

Les sciences du climat, comme les sciences de la Terre de manière assez générale (et contrairement à la plupart des autres sciences physiques comme la physique nucléaire, qui peuvent faire l’objet d’expériences dans lesquelles on peut faire varier certains paramètres), et les sciences de l’Univers, sont des sciences observationnelles : il n’est – généralement – pas possible de faire une expérience en laboratoire avec un nombre réduit de paramètres pour en déduire l’impact de chacun d’eux. On ne peut, par exemple, pas comparer une Terre avec un peu plus de CO\(_2\) et une Terre avec une atmosphère telle qu’elle était au début du XXe siècle ! Il faut donc en déduire les grandes lois qui régissent un tel système en l’observant, en le modélisant, en faisant des prédictions, qui permettront, par comparaison avec les observations d’affiner le modèle, pour éventuellement le valider avec une précision raisonnable.

Modèle climatique : comment et pourquoi ?

Un modèle est une représentation simplifiée des phénomènes physiques dans le but de répondre à des objectifs donnés (comprendre, prévoir. . .) ; les principales étapes de la construction d’un modèle numérique sont :

1. le choix des objets et des phénomènes à prendre en compte ;

2. faire les approximations physiques adéquates et/ou nécessaires ;

3. formuler le problème mathématiquement ;

4. le discrétiser pour le résoudre numériquement ;

5. réaliser la programmation informatique pour ce faire.

On effectue ensuite une réalisation du problème (c’est-à-dire une simulation) à partir d’un état initial avec des conditions aux limites (que se passe-t-il à la frontière du domaine – de la grille – ainsi exploré ?). L’analyse statistique de nombreuses réalisations (par exemple, la simulation de l’évolution du climat de 1850 à 2100 sous l’effet d’un accroissement des gaz à effet de serre)5 permet d’augmenter la confiance dans le résultat de la simulation.

L’atmosphère terrestre est désormais simulée dans les trois dimensions de l’espace. La figure 3.1 montre un exemple de cette discrétisation de l’atmosphère terrestre : les calculs sont effectués dans chaque petite « boîte » pour chaque pas de temps, avec les conditions aux limites correspondant aux mailles adjacentes. Ils sont ensuite propagés dans les mailles « suivantes ». Plus les boîtes sont petites (donc plus la résolution est grande), plus les résultats seront précis (mais cela n’augure pas de leur exactitude ! Voir figure 1.6), mais plus les calculs seront longs et les besoins de mémoire importants. Une simulation informatique est donc un compromis entre cette précision et le temps de calcul.

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Figure 3.1 – Maillage à trois dimensions de l’atmosphère terrestre : l’atmosphère et l’océan sont divisés en cellules virtuelles au sein desquelles sont effectués les calculs. © CEA/CNRS/Météo-France 2019 – réalisation Animea Studio.

3.1.3 La machine climatique

La partie visible du climat se joue dans l’atmosphère, mais c’est un peu comme la partie émergée de l’iceberg. De fait, l’océan, fortement couplé à l’atmosphère, joue un rôle prépondérant, même si celui-ci est moins « visible ».

La source d’énergie de la « machine climatique » est le rayonnement électromagnétique provenant du Soleil.

À cela s’ajoutent de nombreux autres acteurs (voir figure 3.2) :

Le tout étant interconnecté ! Nous nous limiterons ici à exposer quelques notions concernant la physique de l’atmosphère (et, dans une moindre mesure, des océans), afin d’avoir une compréhension succincte du climat et du réchauffement climatique.

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Figure 3.2 – Schéma illustrant les différents acteurs du climat, qui ne se limitent pas à l’atmosphère. © Philippe Rekacewicz (cartographie, conception et réalisation), https://visionscarto.net, 2007.

3.1.4 L’atmosphère terrestre

L’atmosphère se concentre sur quelques kilomètres d’épaisseur (90 % de sa masse est dans les 16 premiers kilomètres), ce qui paraît dérisoire par rapport à la taille de la Terre, dont le rayon est de 6371 km (figure 3.3).

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Figure 3.3 – Vue de l’atmosphère terrestre depuis l’espace : une fine couche d’air concentrée dans 16 km d’épaisseur (pour les 90 % de sa masse). CC0.

La figure 3.4 montre les différentes couches de l’atmosphère. Les phénomènes météorologiques et le climat concernent pour l’essentiel la plus basse couche, la troposphère qui s’étend jusqu’à 8 à 15 km d’altitude en moyenne selon la latitude et la saison. La température y décroit en moyenne de 6,4 \(^\circ \)C tous les 1000 m d’altitude. La pression de 1013 hPa en moyenne au niveau de la mer diminue jusqu’à environ 200 hPa à 10 km d’altitude.

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Figure 3.4 – Profil vertical schématique de la température dans les différentes couches de l'atmosphère, en fonction de l'altitude et de la pression, pour les latitudes moyennes. Adapté de Couches de l'atmosphère, https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Couches_de_l'atmosphere.png. Crédit : asaphon. CC BY-SA.

Au-delà se trouve la stratosphère qui s’étend jusqu’à environ 50 km d’altitude (soit, en termes de pression, d’environ 200 hPa jusqu’à environ 1 hPa). La température est constante dans la basse stratosphère puis augmente. La limite entre la troposphère et la stratosphère est la tropopause.

La troposphère est le siège de mouvements convectifs, tandis que la stratosphère est stable dynamiquement (stratification verticale). La partie haute contient la couche d’ozone qui nous protège du rayonnement ultraviolet du Soleil.

L’atmosphère est essentiellement composée de diazote à 78 % et de dioxygène à 21 % (en nombre). Dans le pourcent restant, on trouve essentiellement des gaz rares (argon, néon, hélium, krypton, xénon), des gaz à effet de serre (vapeur d’eau, dioxyde de carbone, méthane, etc.), comme indiqué dans le tableau 3.1.

Gaz Fraction du volume
Abondance constante
Azote (N\(_2\)) 78,08 %
Oxygène (O\(_2\)) 20,95 %
Argon (Ar) 0,93 %
Néon (Ne) 0,0018 %
Hélium (He) 0,0005 %
Krypton (Kr) 0,00011 %
Xénon (Xe) 0,000009 %
Abondance variable
Vapeur d’eau (H\(_2\)O) 4,0 % (maximum aux tropiques) 0,00001 % (minimum au pôle Sud)
Dioxyde de carbone (CO\(_2\)) 0,04 % (augmente de \(\sim \) 0,5 % par an)
Méthane (CH\(_4\)) \(\sim \) 0,00018 % (augmente)
Hydrogène (H\(_2\)) \(\sim \) 0,00006 %
Protoxyde d’azote (N\(_2\)O) \(\sim \) 0,00003 %
Monoxyde de carbone (CO) 0,000009 %
Ozone (O\(_3\)) \(\sim \) 0,000001 % - 0,0004 %

Table 3.1 – Composition de l’atmosphère. L’abondance (ou fraction molaire) est le nombre de molécules du gaz considéré par rapport au nombre de molécules d’air dans un certain volume.

La masse totale6 de l’atmosphère est d’environ \(5,14\cdot 10^{18}\ \textrm {kg}\). La masse moyenne de vapeur d’eau qu’elle contient est d’environ \(1,3\cdot 10^{16}\ \textrm {kg}\) soit 0,001 % de la masse totale d’eau sur Terre. La masse volumique de l’air est de \(1,292\ \textrm {kg}\cdot \textrm {m}^{-3}\) à \(T= 273,15\ \textrm {K}\) et \(P= 1013,25\ \textrm {hPa}\).

La pression de l’air à la surface de la planète (\(1013\ \text {hPa}\)) est à peu près équivalente au poids d’une colonne d’air de masse 1 kg sur une surface de 1 cm\(^2\). Ce qui équivaut à une colonne d’eau de 10 m de hauteur. L’eau contenue dans l’atmosphère « pèse » seulement 2 g sur cette surface (soit une hauteur d’eau de 2 cm). L’eau contenue dans un nuage correspond à une hauteur de 1 mm sur cette surface (soit environ 0,1 g !).

La vapeur d’eau, contrairement aux autres gaz du mélange atmosphérique, présente une concentration très variable dans le temps et dans l’espace. Les météorologues la traitent de manière spécifique : il y a l’atmosphère sèche d’un côté, et la vapeur d’eau de l’autre.

3.1.5 Les océans

Les mers et océans représentent une surface d’environ \(361\cdot 10^6\ \textrm {km}^2\) soit 70,8 % de la surface terrestre. Leur volume est d’environ \(1,37\cdot 10^9\ \textrm {km}^3\), et leur profondeur moyenne est de 3700 à 3800 m. Ils contiennent 96 % de la masse d’eau sur Terre (sous forme liquide). La masse volumique de l’eau de mer est d’environ \(1025\ \textrm {kg}\cdot \textrm {m}^{-3}\) en surface ; la masse totale des eaux océaniques est d’environ \(1,4\cdot 10^{21}\ \textrm {kg}\), soit 0,023 % de la masse totale de la Terre !

Le thermostat de la Terre

La quantité d’énergie (sous forme de chaleur) \(\delta Q\) nécessaire pour élever la température \(T\) d’un matériau donné de \(dT\) est donnée par :

\begin{equation} \delta Q = C_p dT = m c_p dT \end{equation} où \(m\) est la masse du matériau en question, \(C_p\) est sa capacité calorifique (ou capacité thermique, elle s’exprime en J\(\cdot \)K\(^{-1}\)), c’est-à-dire sa capacité à élever sa température de \(dT\) avec l’apport de chaleur \(\delta Q\) ; \(c_p\) est la capacité calorifique massique (en J\(\cdot \)K\(^{-1}\cdot \)kg\(^{-1}\)).

La capacité calorifique massique de l’eau est : \(c_p^{\textrm {eau}} \simeq 4180\ \textrm {J}\cdot \textrm {K}^{-1}\cdot \textrm {kg}^{-1}\). Tandis que pour l’air elle est de : \(c_p^{\textrm {air}} \simeq 1000\ \textrm {J}\cdot \textrm {K}^{-1}\cdot \textrm {kg}^{-1}\). Il faut donc 4 fois plus d’énergie pour élever la température de 1 K de 1 kg d’eau de mer que pour 1 kg d’air. La quantité d’énergie thermique nécessaire pour élever la température de toute l’atmosphère de 1 K est donc la même que celle nécessaire pour élever la température de 1 K des 2,5 m superficiels de l’océan.

Les océans ont une masse d’eau importante, eau qui possède une capacité calorifique élevée, ce qui leur confère une grande inertie thermique7. La température de l’océan varie très peu : la température de la couche superficielle de 300 m a seulement augmenté de 0,3 \(^{\circ }\)C depuis 1950, contre 0,6 \(^{\circ }\)C à la surface.

Échelles de temps

La vapeur d’eau présente dans l’atmosphère correspond à une couche d’eau liquide qui ferait 24 mm d’épaisseur si elle était uniformément répartie à la surface de la Terre ! Le taux d’évaporation à la surface des océans est de 502 800 \(\textrm {km}^3\) par an, ce qui équivaut à une couche d’eau de 1 m à la surface de la Terre, soit environ un taux de 2,7 mm par jour. On en déduit que le temps moyen de résidence de la vapeur d’eau dans l’atmosphère est de \(24 / 2,7 \sim 9\) jours. Ce que l’on peut comparer avec le temps de résidence des eaux dans les différentes couches des océans :

L’océan se trouve ainsi être le principal régulateur du climat mondial, avec de surcroît des échanges radiatifs, mécaniques, gazeux et d’eau continuels avec l’atmosphère. Il absorbe, stocke et transporte dans son mouvement l’énergie thermique du Soleil en affectant la température et la circulation de l’atmosphère.

3.1.6 La source d’énergie : le Soleil

La puissance reçue

La Terre reçoit son énergie essentiellement du Soleil (une fraction négligeable – 0,01 % – provenant du centre de la Terre due à la radioactivité de l’uranium, du thorium et du potassium, voir l’annexe D. Une fraction de l’énergie incidente par unité de temps (puissance incidente) \(P_i\) est absorbée (\(P_a\)) et sert à chauffer la surface (au sens large, comprenant l’atmosphère et l’hydrosphère : l’eau sur Terre et celle des océans, qu’elle soit liquide ou solide) de la Terre, qui va ainsi rayonner dans l’espace une énergie (perdue) par unité de temps ou puissance \(P_p\) due à sa température.

Si on suppose qu’elle est à l’équilibre thermique (c’est-à-dire que sa température est constante dans le temps), alors la puissance absorbée par la surface terrestre est égale à la puissance perdue :

\begin{equation} P_a = P_p \end{equation}

La constante solaire (qui n’est en fait pas tout à fait constante8, voir Fröhlich 2006) est la quantité d’énergie solaire reçue à une unité astronomique (ua)9 du Soleil, pendant l’unité de temps (1 s), sur une surface de 1 m\(^2\) perpendiculairement aux rayons du Soleil (c’est donc une densité de puissance surfacique).

La puissance absorbée

Le rayonnement du Soleil varie dans le temps10 (il augmente sur des échelles de 10\(^8\) à 10\(^9\) ans) et il est modulé par le cycle solaire de 11 ans (Fröhlich 2006). La constante solaire moyenne vaut : \(I_0 = 1365,4 \pm 1,3\ \text {W}\cdot \text {m}^{-2}\) (mesure faite depuis l’espace).

La puissance solaire incidente reçue par la Terre est donc égale à : \begin{equation} P_i = \pi R^2 I_0 \label {eq:precue} \end{equation} où \(R\) est le rayon de la Terre (voir figure 3.5).

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Figure 3.5 – Illustration du rayonnement électromagnétique solaire intercepté par la Terre. Crédit : Julia Fraud. CC BY-NC-ND.

Toute cette puissance n’est pas absorbée, une partie est directement réfléchie vers l’espace (réflexion par les nuages, les océans, les zones de végétation, etc.). On définit l’albédo \(\alpha \) d’une surface : \begin{equation} \alpha = \frac {\text {énergie ou puissance réfléchie}}{\text {énergie ou puissance incidente}} \end{equation} \(\alpha \) est donc un nombre sans dimension compris entre 0 et 1. On a ainsi :

L’albédo moyen11 de la Terre (mesuré depuis l’espace) est environ : \(\alpha _T = 0,3\) (voir figure 3.6) : \begin{equation} \alpha _T = \frac {P_i - P_a}{P_i} \end{equation}

La puissance absorbée par la Terre est donc : \begin{equation} P_a = (1-\alpha _T) P_i = (1-\alpha _T)\pi R^2 I_0 \label {eq:pasb} \end{equation}

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Figure 3.6 – L’albédo de la Terre. (a) La Terre vue de l’espace : une planète relativement «  brillante » ! CC0. (b) Cartographie de l’albédo moyen (sur une période de 5 ans) à la surface de la Terre : les cultures ont un albédo de 0,15 à 0,25 ; les forêts de 0,05 à 0,25 ; les mers de 0,05 à 0,15 ; la neige de 0,4 à 0,9 et les nuages de 0,3 à \(\gtrsim \)0,8. Consécutivement, l’albédo moyen de la Terre est d’environ 0,3. Source : https://sandrolubis.wordpress.com/2012/04/29/mean-annual-of-global-outgoing-terrestrial-radiation-from-toa-clear-sky/. © Sandro Lubis.

Une distribution géographique inégale

L’énergie solaire incidente n’est pas répartie de manière homogène sur toute la planète, principalement à cause de la sphéricité de la Terre, avec donc plus d’énergie reçue au niveau des tropiques qu’au niveau des pôles (figure 3.7). La constante solaire (environ \(1365\ \text {W}\cdot \text {m}^{-2}\)) correspond à une incidence normale, donc sur un disque de surface \(\pi R^2\). En considérant que la surface de la Terre vaut \(4 \pi R^2\), la puissance solaire se répartit ainsi, en moyenne sur une rotation de la Terre et en moyenne sur toute sa surface, selon le rapport \(\dfrac {\pi R^2}{4 \pi R^2} = \dfrac 14\). Soit \(\dfrac {1365}{4} \simeq 341 \ \text {W}\cdot \text {m}^{-2}\), ce qui correspond (à peu près) à la valeur du rayonnement incident à la figure 3.13.

L’inégale répartition géographique du rayonnement incident induit un déséquilibre énergétique qui provoque des mouvements atmosphériques et océaniques. Ces mouvements atmosphériques (circulation méridienne organisée en « cellules ») et océaniques (circulation de surface due à la rotation de la Terre, et circulation profonde due, entre autres, aux différences de densité des masses d’eau liées à leurs température et salinité) redistribuent ainsi l’énergie depuis les régions de basse latitude jusqu’aux hautes latitudes. Les flux énergétiques de l’équateur vers les pôles sont du même ordre de grandeur entre l’atmosphère et l’océan, à savoir de \(5\cdot 10^{15}\) W à \(6\cdot 10^{15}\) W.

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Figure 3.7 – Différence de rayonnement solaire incident, au sommet de l’atmosphère, maximum aux tropiques, minimum au niveau des pôles. Crédit : Julia Fraud. CC BY-NC-ND.

3.1.7 Les lois du rayonnement

Pour comprendre l’effet de serre, il faut comprendre le bilan radiatif de la Terre. Nous allons donc construire un petit modèle radiatif. Avant cela, nous allons voir quelques notions indispensables sur le rayonnement électromagnétique.

Le transfert de la chaleur d’un milieu chaud vers un milieu froid peut se faire selon trois processus physiques distincts :

Tous les corps émettent un rayonnement électromagnétique en fonction de leur température. La physique modélise cela avec le concept de corps noir. Un corps noir est un corps qui absorbe, sans la réfléchir ni la diffuser, toute l’énergie électromagnétique qu’il reçoit ; c’est un « objet » idéal dont le spectre d’émission électromagnétique ne dépend que de sa température.

Un tel « corps noir » reçoit donc de l’énergie. Quand il se trouve à l’équilibre avec son milieu environnant, il perd forcément de l’énergie. Si ce n’était pas le cas, sa température augmenterait indéfiniment. . . Ce qui est irréaliste ! Un corps noir réémet donc l’énergie qu’il a absorbé sous forme de rayonnements électromagnétiques. L’énergie ainsi réémise dépend de sa température.

Le modèle du corps noir est basé sur les lois de la mécanique quantique (nécessité de quantifier l’énergie des photons pour expliquer les observations) et de la mécanique statistique (les photons forment un gaz de bosons).

Loi de Stefan-Boltzmann

La densité surfacique de puissance \(\frac {dP}{dS}\) émise par un corps noir est donnée par : \begin{equation} \frac {dP}{dS} = \sigma T^4 \label {eq:stefan} \end{equation} où \(\sigma = 5,67 \cdot 10^{-8}\ \text {W}\cdot \text {m}^{-2}\cdot \text {K}^{-4}\) est la constante de Stefan, et \(T\) est la température (en kelvin : K).

Loi de Wien

La longueur d’onde (\(\lambda _m\)) au maximum d’émission du spectre du corps noir est donnée par : \begin{equation} \lambda _m T = 2898\ \mu \text {m}\cdot \text {K} \label {eq:wien} \end{equation}

Ainsi le soleil (\(T\) = 5778 K) a son maximum d’émission à 0,5 \(\mu \textrm {m}\) soit la longueur d’onde du rayonnement visible auquel nos yeux sont sensibles.

Un être humain (\(T\) = 37 \(^{\circ }\textrm {C}\)) a son maximum d’émission à 9,3 \(\mu \textrm {m}\) (infrarouge thermique).

Loi de Planck

Le spectre du rayonnement électromagnétique émis par un corps noir est donné par : \begin{equation} \frac {d^2P}{dS d\lambda } = \frac {2\pi h c^2}{\lambda ^5}\times \frac {1}{e^{\frac {hc}{\lambda k T}}-1} \label {eq:planck} \end{equation} (unité : \(\text {W}\cdot \text {m}^{-2}\cdot \text {m}^{-1}\)) avec :

Le modèle du spectre du corps noir ne dépend ainsi que de la température. Il est représenté à la figure 3.8 pour la température du Soleil (5750 K) et celle de la surface terrestre (288 K). La surface sous la courbe 3.8 représente la puissance totale émise par unité de surface (donnée par ailleurs par la loi de Stefan-Boltzmann qui n’est autre que l’intégrale sur toutes les longueurs d’onde de la loi de Planck). On retrouve également la longueur d’onde d’émission maximale donnée par la loi de Wien.

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Figure 3.8 – Spectres de corps noirs en fonction de la longueur d’onde en nm. Sur les deux figures, les limites de l’intervalle correspondant à la lumière visible sont indiquées par deux traits verticaux bleu et rouge. (a) Spectre (densité surfacique de puissance par unité de longueur d’onde) de corps noir pour un corps à la température du Soleil (5750 K) à gauche et pour un corps à la température moyenne de la surface terrestre (288 K) à droite, en fonction de la longueur d’onde (en nm). (b) Spectre de corps noir pour la température du Soleil (5750 K) et de la surface terrestre (288 K), en échelle logarithmique, en fonction de la longueur d’onde en nm.

Corps réel

Les corps réels ne se comportent pas comme des corps noirs, qui sont des corps idéaux. On peut souvent modéliser l’émission spectrale d’un corps réel en corrigeant le spectre du corps noir par un coefficient sans dimension, l’émissivité \(\varepsilon (\lambda , T)\). L’approximation du corps gris suppose que \(\varepsilon \) soit une constante pour un matériau donné. La loi de Stefan-Boltzmann s’écrit alors :

\begin{equation} \frac {dP}{dS} = \varepsilon \sigma T^4 \label {eq:stefan-emissivite} \end{equation}

Par ailleurs pour un corps à l’équilibre thermique, l’émissivité est égale à l’absorptivité ou coefficient d’absorption. C’est la loi du rayonnement de Kirchhoff.

3.2 L’effet de serre

Pour comprendre l’effet de serre, construisons un petit modèle radiatif de la Terre. Cette section s’appuie sur Courtier (2010) et Burde (2004).

3.2.1 Un modèle radiatif sans atmosphère

Dans un premier temps, on suppose que la Terre n’a pas d’atmosphère.

On suppose que la puissance reçue par la Terre du Soleil se répartit rapidement uniformément à la surface de la Terre.

On suppose que la température moyenne à la surface de la Terre est constante.

La Terre rayonne donc vers l’espace comme un corps noir (quasi-parfait), elle perd ainsi une puissance : \begin{equation} P_p=4\pi R^2 \varepsilon _{\text {surf}}\sigma T^4 \label {eq:pray} \end{equation} où \(R\) est le rayon de la Terre, \(\varepsilon _{\text {surf}}\) est l’émissivité de la surface de le Terre, \(\sigma \) est la constante de Stefan et \(T\) est la température à la surface de la Terre.

Établissons le bilan énergétique de la Terre avec ces hypothèses. La différence entre la puissance absorbée \(P_a\) (apport) et la puissance perdue \(P_p\) (perte) sert donc à réchauffer la Terre (accumulation) : \begin{equation} \text {Apport} - \text {Perte} = \text {Accumulation} \end{equation}

L’énergie nécessaire pour augmenter la température d’un corps de 1 K dépend de la nature de ce corps, de sa masse, de son volume. . . Il s’agit de la capacité thermique \(C_T\) (unité : J\(\cdot \)K\(^{-1}\)).

L’énergie nécessaire pour faire passer la température d’un corps de capacité thermique \(C_T\) de \(T\) à \(T+dT\) est donc \(C_T dT\). La puissance associée est : \(C_T \dfrac {dT}{dt}\).

Si \(C_{\text {Terre}}\) est la capacité thermique de la Terre, on a : \begin{equation} P_a - P_p = C_{\text {Terre}} \frac {dT}{dt} \end{equation} Soit, compte tenu des équations (3.6) et (3.11) : \begin{equation}\begin{split} (1-\alpha _T)\pi R^2 I_0 - 4\pi R^2 \varepsilon _{\text {surf}} \sigma T^4\\ =C_{\text {Terre}} \frac {dT}{dt} \end{split}\end{equation}

En supposant que la Terre est en équilibre thermique, à la température \(T_{\text {éq}}\), on a \(\frac {dT}{dt} =0\), donc : \begin{equation} (1-\alpha _T)\pi R^2 I_0 - 4\pi R^2 \varepsilon _{\text {surf}} \sigma T^4_{\text {éq}} = 0 \end{equation} Les différents flux énergétiques sont schématisés à la figure 3.9.

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Figure 3.9 – Représentation schématique des différents flux d’énergie (ou de puissance) pour le modèle sans atmosphère. \(P_r\) est la puissance reçue du Soleil (voir équation 3.3), \(P_a\) est la puissance absorbée par la Terre (voir équation 3.6), \(P_p\) est la puissance perdue par la Terre par rayonnement (voir équation 3.11).

On en déduit la température à la surface de la Terre \(T_{\text {éq}}\) (supposée uniforme et constante) : \begin{equation} T_{\text {éq}} = \left [\frac {(1-\alpha _T)I_0}{4\varepsilon _{\text {surf}} \sigma } \right ]^{\frac 14} \label {eq:sans-atm} \end{equation}

Avec un albédo \(\alpha _T = 0,3\), une émissivité de la surface terrestre12 de \(\varepsilon _{\text {surf}} = 0,95\) et une constante solaire \(I_0 = 1365,4\ \text {W}\cdot \text {m}^{-2}\), on obtient : \(T_{\text {éq}}=258\ \text {K} = -15\ ^{\circ }\)C. La Terre est donc un bon congélateur !

Quelques remarques sur ce résultat :

De fait, l’hypothèse d’une Terre sans atmosphère est trop rude : sans atmosphère, il ne peut y avoir d’effet de serre !

3.2.2 Un modèle avec une couche d’atmosphère

Essayons de faire un modèle un peu plus réaliste en incluant une couche d’atmosphère. Pour garder une certaine simplicité, on la modélise comme une seule couche d’air (sans épaisseur), de température uniforme, au-dessus de la surface de la Terre.

On suppose que :

Les différents flux de rayonnement sont :

Ces différents flux sont représentés schématiquement à la figure 3.10.

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Figure 3.10 – Schéma des différents flux de rayonnements dans le modèle à une couche d’atmosphère. Les différents symboles sont expliqués dans le texte.

On peut considérer trois sous-systèmes, { Terre + atmosphère }, { atmosphère } ou encore { surface terrestre } et écrire les équations de conservation de l’énergie à l’équilibre pour chacun d’eux.

Considérons d’abord le système { Terre + atmosphère } à l’équilibre thermique. L’équation de conservation de l’énergie (ou de la puissance, ici) : \begin{equation} \text {puissance reçue} = \text {puissance perdue} \end{equation} se traduit ainsi par : \begin{equation} (1-\alpha _T)P_{\text {reçue}} = \beta _{\text {IR}} P_{\text {surf}} + P_{\text {atm}} \label {eq:1atm-1} \end{equation}

Puis le système { atmosphère } à l’équilibre thermique :

\begin{equation}\begin{split} (1-\alpha _T)P_{\text {reçue}} + P_{\text {surf}}\\ = \gamma _{\text {vis}} (1-\alpha _T)P_{\text {reçue}}\\ + \beta _{\text {IR}} P_{\text {surf}} + 2 P_{\text {atm}} \label {eq:1atm-2} \end{split}\end{equation}

et enfin, le système { surface terrestre } à l’équilibre thermique : \begin{equation} \gamma _{\text {vis}} (1-\alpha _T)P_{\text {reçue}} + P_{\text {atm}} = P_{\text {surf}} \label {eq:1atm-3} \end{equation}

On cherche \(P_{\text {surf}}\), qui nous donnera \(T_{\text {surf}}\), et \( P_{\text {atm}}\) qui nous donnera \(T_{\text {atm}}\).

En additionnant (3.18) et (3.20), on obtient : \begin{equation}\begin{split} \gamma _{\text {vis}} (1-\alpha _T)P_{\text {reçue}} + (1-\alpha _T)P_{\text {reçue}}\\ = (1+\beta _{\text {IR}}) P_{\text {surf}} \end{split}\end{equation} Soit : \begin{equation} P_{\text {surf}} = \frac {(1+\gamma _{\text {vis}})(1-\alpha _T)P_{\text {reçue}}}{(1+\beta _{\text {IR}})} \end{equation} Que l’on reporte dans (3.18) :

\begin{eqnarray*} &&P_{\text {atm}} = (1-\alpha _T)P_{\text {reçue}} - \beta _{\text {IR}} P_{\text {surf}} \\ &=& (1-\alpha _T)P_{\text {reçue}} - \beta _{\text {IR}} \frac {(1+\gamma _{\text {vis}})(1-\alpha _T)P_{\text {reçue}}}{(1+\beta _{\text {IR}})} \\ &=& \frac {(1-\alpha _T)(1-\beta _{\text {IR}} \gamma _{\text {vis}})}{(1+\beta _{\text {IR}})} P_{\text {reçue}} \end{eqnarray*}

Avec : \(P_{\text {reçue}} = \pi R^2 I_0\), \(P_{\text {atm}} = 4 \pi R^2 \varepsilon _{\text {IR}}\sigma T_{\text {atm}}^4\) et \(P_{\text {surf}} = 4 \pi R^2 \varepsilon _{\text {surf}}\sigma T_{\text {surf}}^4\), on obtient : \begin{equation}\begin{split} T_{\text {atm}} = \left [ \frac {(1-\alpha _T)(1-\beta _{\text {IR}} \gamma _{\text {vis}})}{(1+\beta _{\text {IR}})} \times \frac {I_o}{4 \varepsilon _{\text {IR}}\sigma }\right ]^{\frac 14}\\ = \left [ \frac {(1-\alpha _T)(1-\beta _{\text {IR}} \gamma _{\text {vis}})}{(1-\beta _{\text {IR}}^2)} \times \frac {I_o}{4 \sigma }\right ]^{\frac 14} \end{split}\end{equation} avec : \(\varepsilon _{\text {IR}} = 1 - \beta _{\text {IR}}\) ; ainsi que : \begin{equation} T_{\text {surf}} = \left [ \frac {(1-\alpha _T)(1+\gamma _{\text {vis}})}{(1+\beta _{\text {IR}})} \times \frac {I_o}{4 \varepsilon _{\text {surf}}\sigma }\right ]^{\frac 14} \label {eq:tsurf} \end{equation}

Pour calculer numériquement les valeurs de ces températures, il nous faut les valeurs des coefficients de transmission de l’atmosphère dans le visible et dans l’infrarouge. On vérifie que si la couche d’atmosphère est totalement transparente dans le visible (donc : \(\gamma _{\text {vis}} = 1\)) et totalement transparente dans l’infrarouge (donc : \(\beta _{\text {IR}} = 1\)), on retrouve l’expression de la température de surface (3.16) obtenue avec le modèle sans atmosphère (courbe verte en tirets de la figure 3.11).

Le coefficient de transmission de l’atmosphère dans l’infrarouge est \(\beta _{\text {IR}} = 0,1\) en raison des nuages et de la vapeur d’eau : l’atmosphère est très opaque dans l’infrarouge, dont elle absorbe 90 % du rayonnement à cette longueur d’onde ; donc \(\varepsilon _{\text {IR}} = 1 - \beta _{\text {IR}} = 0,9\). Le coefficient de transmission de l’atmosphère dans le visible est \(\gamma _{\text {vis}} = 0,7\) car l’atmosphère absorbe environ 30 % de la lumière solaire13. Et on a toujours \(\varepsilon _{\text {surf}}= 0,95\).

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Figure 3.11 – Évolution de la température d’équilibre à la surface (3.24) en fonction de chacun des paramètres, albédo, coefficients de transmission dans le visible et dans l’infrarouge, à chaque fois en laissent les deux autres paramètres fixes à leur valeur nominale. La courbe en tirets verts montre l’albédo pour une atmosphère totalement transparente. Le trait pointillé horizontal donne la valeur de la température de surface obtenue pour les valeurs nominales des trois paramètres.

On obtient ainsi :

\[ T_{\text {atm}} = 250\ \text {K} = -23\ ^{\circ }\text {C} \]

\[ T_{\text {surf}} = 284\ \text {K} = 11\ ^{\circ }\text {C} \]

La température moyenne observée à la surface du globe est de 15 \(^{\circ }\text {C}\). Notre modèle simple donne un résultat assez proche. Il est néanmoins fortuit car de nombreux processus ne sont pas pris en compte, dont certains ne sont pas radiatifs14. De plus il est basé sur une hypothèse forte : une couche mince isotherme d’atmosphère. . . Il donne néanmoins une bonne idée de ce qu’est l’effet de serre : la température moyenne plus grande que sans l’effet de serre dépend surtout du fait qu’il y a absorption d’une grande partie du rayonnement thermique dans l’infrarouge.

L’effet de serre est donc primordial pour maintenir une température moyenne « tempérée » à la surface de la Terre, une des conditions pour y maintenir la vie.

La figure 3.11 montre comment évolue la température de surface \(T_{\text {surf}}\) en fonction des différents paramètres : albédo, coefficients de transmission dans le visible et dans l’infrarouge. On constate que plus l’atmosphère est transparente dans le visible (\(\gamma _{\text {vis}}\) grand) ou opaque dans l’infrarouge thermique (\(\beta _{\text {IR}}\) petit), plus la température croit. L’effet de l’albédo est beaucoup plus marqué : plus il est faible (surface absorbante), plus la température d’équilibre est élevée : sans atmosphère (cas où \(\beta _{\text {IR}} = 1\) et \(\gamma _{\text {vis}} = 1\)), pour une planète de type corps noir (\(\alpha _T = 0\)), la température moyenne à la surface serait d’environ 5 \(^{\circ }\text {C}\). Et inversement : si toute l’énergie incidente est réfléchie vers l’espace, la Terre ne peut qu’être très froide ! Si \(\alpha _T = 0,6\), qui est l’albédo de la glace, la température d’équilibre serait de \(-26\ ^{\circ }\text {C} < 0\), donc la glace demeurerait stable15. La courbe d’albédo en pointillés montre le cas sans atmosphère (ou alors atmosphère totalement transparente) du modèle précédent : on retrouve la température d’équilibre de –18 \(^\circ \)C pour \(\alpha _T = 0,3\).

La figure 3.12 illustre les différents échanges d’énergie radiative entre le Soleil, l’atmosphère et la surface terrestre à l’état d’équilibre dans le cadre du modèle à une couche étudié. L’effet de serre résultant vaut alors : \(369,3 - 36,9 - 202 = 130,4\ \text {W}\cdot \text {m}^{-2}\).

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Figure 3.12 – Illustration des différents échanges radiatifs entre la surface terrestre et l’atmosphère pour le modèle à une couche à l’équilibre. Voir Trenberth et al. (2009). Crédit : Julia Fraud. CC BY-NC-ND.

3.2.3 Échanges radiatifs réels

La figure 3.12 présente les échanges radiatifs au sein de l’atmosphère dans le cadre du modèle simplifié étudié. La figure 3.13 montre les différents flux radiatifs et énergétiques au sein de l’atmosphère tels qu’ils sont à l’équilibre thermique (sans réchauffement climatique), de manière légèrement simplifiée. Contrairement au modèle à une couche, l’atmosphère n’émet pas de manière symétrique vers le sol et vers l’espace. On peut comprendre cela en ajoutant des couches d’atmosphère au modèle précédent (Courtier 2010) : les basses couches sont à une température plus importante que la couche supérieure, donc leur émission de rayonnement (d’après la loi de Stefan-Boltzmann) sera plus importante que pour la partie supérieure.

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Figure 3.13 – Illustration des différents échanges radiatifs entre la surface terrestre et l’atmosphère. Voir Trenberth et al. (2009). Crédit : Julia Fraud. CC BY-NC-ND.

Par ailleurs, l’équilibre purement radiatif ne suffit pas à décrire les échanges d’énergie dans l’atmosphère, il faut tenir compte d’un transfert thermique depuis le sol par conduction (17 \(\text {W}\cdot \text {m}^{-2}\)). Ainsi que de la chaleur latente de l’eau (80 \(\text {W}\cdot \text {m}^{-2}\)) : au niveau du sol, l’eau prélève de l’énergie pour s’évaporer (l’évaporation de l’eau est un processus physique endothermique), avant de s’élever et de la restituer au niveau des nuages en se condensant (inversement, la condensation de l’eau est exothermique).

Ainsi l’effet de serre se traduit par le bilan : \(396 - 40 - 200 = 156\ \text {W}\cdot \text {m}^{-2}\).

3.2.4 Stabilité de l’équilibre

Nous allons regarder si l’équilibre énergétique à la surface de la Terre tel que décrit par ce modèle à une couche d’atmosphère est stable sous l’effet d’une perturbation. On peut imaginer ajouter beaucoup d’énergie d’un coup dans l’atmosphère. Nous allons regarder ce qui se passe si on augmente la concentration en CO\(_2\) (par exemple). Il s’agit une question extrêmement complexe, mais on peut néanmoins en cerner l’idée.

Dans le modèle à une couche d’atmosphère, la température de surface s’écrit (équation 3.24) : \[ T_{\text {surf}}^4 = \frac {(1-\alpha _T)(1+\gamma _{\text {vis}})}{(1+\beta _{\text {IR}})} \times \frac {I_o}{4 \sigma } \]

Prenons le logarithme de cette expression : \[ 4 \ln T = \ln (1-\alpha _T) + \ln (1+\gamma _{\text {vis}}) - \ln (1+\beta _{\text {IR}}) + \ln (I_0/4\sigma ) \] On différentie : \begin{equation} 4 \frac {dT}{T} = -\frac {d\alpha _T}{1-\alpha _T} + \frac {d\gamma _{\text {vis}}}{1+\gamma _{\text {vis}}} - \frac {d\beta _{\text {IR}}}{1+\beta _{\text {IR}}} \label {eq:variation-tsurf} \end{equation} La constante solaire \(I_0\) étant. . . constante !

L’augmentation de la quantité de CO\(_2\) ou plus généralement de gaz « à effet de serre » diminue la transmission de l’atmosphère dans l’infrarouge thermique (le coefficient \(\beta _{\text {IR}}\) dans les équations) (voir figure 3.24).

Reprenant l’équation différentielle précédente (3.25), pour une variation \(\Delta \beta _{\text {IR}}\) de la transmission atmosphérique dans l’infrarouge, on a : \[ \frac {\Delta T}{T} = - \frac 14~\frac {\Delta \beta _{\text {IR}}}{1+\beta _{\text {IR}}} \] Donc si \(\beta _{\text {IR}}\) décroît, \(\Delta \beta _{\text {IR}} < 0\) donc \(\Delta T >0\) et donc la température croît : on obtient un « réchauffement climatique ». L’augmentation de l’opacité de l’atmosphère dans l’infrarouge provoque ainsi un déplacement de l’équilibre thermique. Or, comme nous le verrons c’est ce que l’on observe, cette augmentation de l’opacité étant provoquée par une augmentation de la quantité des gaz à effet de serre dans l’atmosphère.

3.2.5 Réchauffement climatique

Actuellement, l’atmosphère terrestre n’est plus à l’équilibre. Les rejets anthropiques de gaz à effet de serre provoquent une augmentation de leur concentration dans l’atmosphère. Ce qui accroît le phénomène de l’effet de serre et provoque une accumulation d’énergie dans la basse atmosphère, engendrant un décalage de l’équilibre thermique d’environ +2,3 \(\text {W}\cdot \text {m}^{-2}\), comme illustré à la figure 3.14.

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Figure 3.14 – Illustration des différents échanges radiatifs entre la surface terrestre et l’atmosphère, en tenant compte du réchauffement décalant l’équilibre. Voir Trenberth et al. (2009). Crédit : Julia Fraud. CC BY-NC-ND.

3.2.6 Forçages radiatifs

Beaucoup de paramètres interviennent dans la machine climatique, certains ayant un effet renforçant le réchauffement, d’autres au contraire le diminuant.

On parle de forçages radiatifs : forçage car il s’agit d’une perturbation de l’état d’équilibre du système climatique ; radiatif car ces effets modifient l’équilibre entre rayonnement entrant (solaire) et sortant (terrestre). Les forçages sont donnés de manière algébrique en \(\text {W}\cdot \text {m}^{-2}\).

La figure 3.15 montre les principaux forçages radiatifs estimés et reportés dans le rapport du GIEC (GIEC 2013)16 : les gaz à effet de serre (dioxyde de carbone : CO\(_2\), méthane : CH\(_4\), protoxyde d’azote : N\(_2\)O, hydrocarbures halogénés, etc.), qui provoquent un forçage positif ; l’ozone, en particulier troposphérique17 (issu des activités humaines) provoquant un forçage positif, la modification de l’albédo de la surface de la Terre liée aux activités humaines avec un léger forçage négatif. Les aérosols (fines particules en suspension dans l’atmosphère) et les nuages provoquent un forçage négatif. Les changements dans les flux d’énergie issus du Soleil (irradiance solaire) sont négligeables par rapport aux forçages issus des activités anthropiques. Cette figure indique les incertitudes sur chacun des forçages présentés.

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Figure 3.15 – Forçages radiatifs moyens globaux du système climatique en 2011, par rapport à 1750, déterminés dans le cadre des travaux du GIEC (GIEC 2013). © Intergovernmental Panel on Climate Change.

3.2.7 Rétroactions

Si une composante climatique est modifiée par le changement climatique, et que ce changement induit en retour un effet sur le climat, on parle de rétroaction (positive ou négative selon que l’effet induit a tendance à augmenter le réchauffement ou au contraire à le diminuer).

Une rétroaction sur un mécanisme ou un processus exprime le fait que le résultat agit sur la cause en altérant ainsi la réponse du système (rétroaction positive si la réponse est amplifiée, négative si elle est diminuée). Elle est présente dans de nombreuses disciplines (psychologie, biologie, physique, électronique, automatique. . .).

En physique, l’effet Larsen est un exemple de rétroaction positive : si un microphone (récepteur) est placé trop près d’un haut-parleur (amplificateur), le son émis par le haut-parleur est capté par le microphone, qui le transmet amplifié au haut-parleur. . . L’intensité du son peut diverger et provoquer un son très désagréable pour l’auditoire.

Ce mécanisme est utilisé en régulation (automatique), comme dans le fonctionnement d’un thermostat.

Boucle de rétroaction

La figure 3.16a montre un schéma simple de boucle de rétroaction avec un système de gain \(G\), tel que : \begin{equation} G=\frac {\text {signal de sortie}}{\text {signal d'entrée}} = \frac {V_S}{V_1} \end{equation} où \(V_1\) est le signal d’entrée du système, et \(V_S\) le signal de sortie.

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Figure 3.16 – Boucle de rétroaction générale schématisée. (a) Schéma simple de boucle de rétroaction. (b) Gain effectif entre signal d’entrée et signal de sortie.

Un signal d’entrée \(V_E\) reçoit un signal rétroactif \(V_R\) prélevé sur le signal de sortie \(V_S\). On a : \begin{equation} V_1 = V_E + V_R \end{equation}

Avec : \begin{equation} V_S = G \times V_1 \end{equation} où \(G\) est la fonction de transfert. Le signal \(V_R\) sortant de la boucle de rétroaction \(H\) est : \begin{equation} V_R = H \times V_S \end{equation} Soit : \begin{equation}\begin{split} V_S = G \times V_1 = G\times (V_E + V_R)\\ = G\times (V_E + H\times V_S), \end{split}\end{equation} soit : \begin{equation} V_S \times (1 -G\times H) = G\times V_E \end{equation} D’où : \begin{equation} V_S = \frac {G}{1-G\times H} V_E \end{equation} On définit le gain effectif (figure 3.16b) : \begin{equation} G_F = \frac {V_S}{V_E} = \frac {G}{1-G\times H} \end{equation} Ainsi : \(V_S = G_F V_E\).

Sans rétroaction, c’est-à-dire \(H = 0\), on a : \(G_F = G\). Pour une rétroaction négative, \(H<0\), on a : \(GH <0\) et \(0 \leq G_F \leq G\). Pour une rétroaction positive, \(H>0\), soit : \(1 \geq GH \geq 0\), on a \(G_F > G\).

Si le système a plusieurs rétroactions indépendantes \(H_i\), elles sont reliées en parallèle au système, et on a : \(V_R = \sum _i H_i V_S\), soit : \begin{equation} V_S = \frac {G}{1-\sum _i H_i G} V_E \end{equation}

Le flux radiatif net (solaire absorbé moins terrestre rayonné) \(F\) au sommet de l’atmosphère est nul à l’équilibre. Une perturbation extérieure, comme par exemple une augmentation de la concentration du CO\(_2\) va introduire une diminution du flux net soit : \(\Delta F <0\) (diminution du rayonnement thermique au sommet de l’atmosphère). Donc la température de surface de la Terre va croître de \(\Delta T\) pour compenser (forçage thermique). On peut ainsi voir la machine climatique comme un système à rétroactions : le forçage radiatif \(\Delta F\) est le signal d’entrée (\(V_E\)), l’anomalie de température (par rapport à une valeur moyenne) \(\Delta T\) est le signal de sortie (\(V_S\)). On peut ainsi écrire : \begin{equation} \Delta T = G_F \times \Delta F \end{equation} où \(G_F\) est la fonction de transfert déterminée par la machine climatique (figure 3.17).

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Figure 3.17 – Schématisation de la rétroaction climatique.

Un exemple de rétroaction positive est la rétractation de la surface enneigée consécutivement au réchauffement (fonte précoce, enneigement moindre, etc.). Cela entraîne un albédo plus important car la neige reflète davantage la lumière solaire que le sol non enneigé. Et donc une absorption plus importante de l’énergie solaire. Et plus de réchauffement. . .

Autres exemples de rétroactions :

L’effet des nuages (positif ou négatif) est difficile à déterminer. Ils constituent de ce fait une grande source d’incertitude.

La plupart des rétroactions connues actuellement sont positives : plus la Terre s’échauffe, plus elle s’échauffe. . .

3.2.8 Effet de serre et stratosphère

Le rayonnement visible issu du Soleil n’étant que peu absorbé par l’atmosphère, il atteint la surface de la Terre qu’il réchauffe. Les basses couches de la troposphère sont chauffées par en-dessous. L’air chauffé se dilate et devient moins dense que l’air environnant, il s’élève sous l’effet de la force d’Archimède. Tandis qu’il prend de l’altitude, sa pression baisse, donc il se dilate pour égaliser sa pression avec l’air environnant. Cela nécessite du travail (\(-PdV\)) qui est puisé dans son énergie interne. Ce faisant, sa température diminue. L’air va s’élever jusqu’à ce que sa température soit la même que celle de l’air environnant, à savoir environ –55 \(^\circ \)C au niveau de la tropopause. L’air froid, en haut, effectue le trajet inverse, il descend vers le sol. Il s’agit donc d’un mouvement de matière et d’énergie, la convection, qui va mélanger la troposphère.

Si l’atmosphère ne recevait pas d’énergie solaire, sa température continuerait de baisser au-delà de la tropopause. En fait, comme la stratosphère, au-dessus de la tropopause, contient des molécules d’ozone, elle va absorber le rayonnement solaire (ultraviolet) par l’intermédiaire de la photodissociation de l’ozone. Ce faisant, sa température augmente pour atteindre quasiment 0 \(^\circ \)C au sommet. Le fait que sa température croisse avec l’altitude inhibe la convection et rend la stratosphère stable, stratifiée en couches et peu mélangée.

Faisons un bilan radiatif sur la stratosphère.

Densité de puissance qui entre :

Densité de puissance qui sort :

Ce bilan est schématisé à la figure 3.18.

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Figure 3.18 – Bilan énergétique sur la stratosphère.

À l’équilibre, on a : \begin{equation} A_{O_3} + P_{\text {tropo}} = 2 P_{\text {strato}} \end{equation}

Soit : \begin{equation} A_{0_3} + \varepsilon _{\text {IR}}^{\text {tropo}} \sigma T_{\text {tropo}}^4 = 2 \varepsilon _{\text {IR}}^{\text {strato}} \sigma T_{\text {strato}}^4 \end{equation} D’où on tire \(T_{\text {strato}}\) : \begin{equation} T_{\text {strato}} = \left (\frac {A_{0_3} + \varepsilon _{\text {IR}}^{\text {tropo}} \sigma T_{\text {tropo}}^4}{\varepsilon _{\text {IR}}^{\text {strato}} \sigma } \right )^{\frac 14} \label {eqn:tstrato} \end{equation}

L’émissivité18 \(\varepsilon _{\text {IR}}^{\text {tropo}}\) de la troposphère dans l’infrarouge est d’environ 0,9 car (\(\varepsilon _{\text {IR}}^{\text {tropo}} = 1 -\beta _{\text {IR}}\)), mais elle est très petite pour la stratosphère \(\varepsilon _{\text {IR}}^{\text {strato}} \ll 1\).

L’augmentation de la concentration en gaz à effet de serre dans la troposphère va diminuer la transmission dans l’infrarouge, donc augmenter le coefficient d’absorption et donc l’émissivité. Si la concentration des gaz à effet de serre augmente dans la troposphère, elle augmente dans les mêmes proportions dans la stratosphère19 (voir par exemple Diallo et al. 2017). Donc l’émissivité qui en résulte varie dans le même sens : \begin{equation} d\varepsilon _{\text {IR}}^{\text {tropo}}=d\varepsilon _{\text {IR}}^{\text {strato}}=d\varepsilon _{\text {IR}} > 0 \end{equation}

Quel est l’effet d’une telle variation sur la température troposphérique ? Pour le savoir, différentions l’équation (3.38) : \begin{eqnarray*} 4 \frac {dT_{\text {strato}}}{T_{\text {strato}}} &=& \frac {\sigma T_{\text {tropo}}^4 d\varepsilon _{\text {IR}}^{\text {tropo}}}{A_{O_3} + \varepsilon _{\text {IR}}^{\text {tropo}} \sigma T_{\text {tropo}}^4}- \frac {d\varepsilon _{\text {IR}}^{\text {strato}}}{\varepsilon _{\text {IR}}^{\text {strato}}}\\ &=& \frac {\varepsilon _{\text {IR}}^{\text {strato}} \sigma T_{\text {tropo}}^4 d\varepsilon _{\text {IR}}^{\text {tropo}}-\left (A_{O_3} + \varepsilon _{\text {IR}}^{\text {tropo}} \sigma T_{\text {tropo}}^4\right ) d\varepsilon _{\text {IR}}^{\text {strato}}} {\varepsilon _{\text {IR}}^{\text {strato}}\left (A_{O_3} + \varepsilon _{\text {IR}}^{\text {tropo}} \sigma T_{\text {strato}}^4\right )}\\ &=& \frac {\left (\varepsilon _{\text {IR}}^{\text {strato}} \sigma T_{\text {tropo}}^4 - A_{O_3} - \varepsilon _{\text {IR}}^{\text {tropo}} \sigma T_{\text {tropo}}^4\right ) d\varepsilon _{\text {IR}}}{\varepsilon _{\text {IR}}^{\text {strato}}(A_{O_3} + \varepsilon _{\text {IR}}^{\text {tropo}} \sigma T_{\text {strato}}^4)} \end{eqnarray*}

Or comme \(d\varepsilon _{\text {IR}}>0\) et \(\left [\left (\varepsilon _{\text {IR}}^{\text {strato}}-\varepsilon _{\text {IR}}^{\text {tropo}}\right )\sigma T_{\text {tropo}}^4 - A_{O_3}\right ]<0\) car \(\varepsilon _{\text {IR}}^{\text {strato}} \ll \varepsilon _{\text {IR}}^{\text {tropo}}\), on a : \begin{equation} \frac {dT_{\text {strato}}}{T_{\text {strato}}} < 0 \end{equation} donc \(dT_{\text {strato}}<0\) : la température de la stratosphère diminue !

En quelques mots, les gaz à effet de serre, bien qu’en très faible quantité dans l’atmosphère, par rapport à l’oxygène et l’azote, sont les régulateurs de l’énergie thermique rayonnée par la surface terrestre, puisqu’ils ont la propriété d’intercepter et de réémettre le rayonnement thermique reçu. Dans la stratosphère, ils font l’interface entre la basse atmosphère (troposphère) et le vide spatial, en émettant un rayonnement infrarouge permettant de maintenir l’atmosphère terrestre à l’équilibre thermique. Si on augmente la capacité de rayonnement vers l’espace de la stratosphère en augmentant le nombre de molécules de gaz à effet de serre (donc leur concentration), on augmente les pertes d’énergie thermique, et la température résultante diminue.

L’autre façon de réduire la température de la stratosphère est de diminuer sa capacité à absorber le rayonnement solaire, en diminuant le nombre de molécules d’ozone.

3.2.9 Les gaz à effet de serre

Nous avons vu que la surface de la Terre absorbait une partie du rayonnement solaire conduisant à son réchauffement, ce qui lui permet d’atteindre une température d’équilibre moyenne autour de 288 K (15 \(^\circ \)C). La loi de Wien (équation 3.8) nous dit qu’elle va alors rayonner autour de 10 \(\mu \)m. Ce rayonnement est absorbé en grande partie par l’atmosphère (figure 3.19).

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Figure 3.19 – Énergie rayonnée par le Soleil et par la Terre en fonction de la longueur d’onde (spectre). Le spectre du Soleil est maximum dans la bande visible, l’enveloppe représente le spectre de Planck ; dans la partie droite, dans le proche infra-rouge, la courbe de Planck est déformée par des raies et des bandes d’absorption (vapeur d’eau contenue dans l’atmosphère de la Terre essentiellement). Le spectre du rayonnement solaire effectivement reçu à la surface de la Terre est en bleu foncé à l’intérieur de la courbe. La partie droite de la figure représente le spectre d’émission de la Terre, qui est maximum dans l’infrarouge thermique (autour de 10 à 15 \(\mu \)m) ; ce spectre est très déformé par les nombreuses bandes d’absorption des molécules présentes dans l’atmosphère : vapeur d’eau, gaz carbonique, méthane, protoxyde d’azote. . . Ce sont les «  gaz à effet de serre  ». Voir Delmas et al. (2007). Crédit : Julia Fraud. CC BY-NC-ND.

En effet, l’atmosphère contient des gaz qui ont la particularité d’absorber le rayonnement électromagnétique dans l’intervalle de longueur d’onde où la surface de la planète rayonne. Or, à l’équilibre thermique, un corps qui absorbe une certaine quantité de rayonnement, réémet la même quantité de rayonnement aux mêmes longueurs d’onde20, lequel va, en partie, « réchauffer » la surface (une partie s’échappe dans l’espace, voir la figure 3.14). . . D’où l’effet de serre (voir section 3.2.2).

L’effet de serre « naturel » est constitué d’une puissance rayonnée par la surface de la Terre de 396 \(\text {W} \cdot \text {m}^{-2}\) à laquelle on retranche la puissance rayonnée vers l’espace globalement par la Terre au sommet de l’atmosphère (240 \(\text {W} \cdot \text {m}^{-2}\)), ce qui donne 156 \(\text {W} \cdot \text {m}^{-2}\). Sur ces 156 \(\text {W} \cdot \text {m}^{-2}\), 19 %, soit 30 \(\text {W} \cdot \text {m}^{-2}\), sont dus aux nuages, le reste (126 \(\text {W} \cdot \text {m}^{-2}\)) est dû à l’absorption par les gaz à effet de serre naturellement présents dans l’atmosphère : vapeur d’eau, gaz carbonique, ozone, méthane et protoxyde d’azote (voir le tableau 3.2). En plus de cet effet de serre « naturel » on constate un réchauffement climatique attribué à un effet de serre « additionnel » dû aux activités humaines, à hauteur de \(+2,3~\text {W} \cdot \text {m}^{-2}\) (\(+2,72_{-0,76}^{+0,76}~\text {W} \cdot \text {m}^{-2}\) en 2019 par rapport à 1750 – IPCC 2021), causé par l’ajout dans l’atmosphère de gaz à effet de serre (voir le tableau 3.2 et la figure 3.20).

Les effets de ces gaz sur l’effet de serre ne sont pas équivalents. On peut les comparer par leur temps de résidence moyen dans l’atmosphère, et surtout par leur pouvoir de réchauffement global (global warming potential).

C’est une estimation de l’influence d’un gaz sur l’effet de serre par rapport à un gaz de référence. Il dépend des propriétés radiatives des gaz mais aussi de leurs temps de résidence dans l’atmosphère. Ainsi le pouvoir de réchauffement global (PRG) du gaz \(i\) par rapport au gaz de référence \(r\) pour l’horizon temporel \(T\) est donné par (IPCC 2007, chapitre 2, p. 210) : \begin{equation} \text {PRG}_{i,r}(T) = \frac {\int _0^{T} a_{i} C_{i}(t) dt}{\int _0^{T} a_{r} C_{r}(t) dt} \end{equation} où \(a_{i,r}\) est l’efficacité radiative du gaz \(i,r\) et \(C_{i,r}(t)\) est la concentration du gaz \(i,r\) à l’instant \(t\) en réponse à l’émission d’une unité de masse de ce gaz à l’instant \(t=0\). Notons que le produit de l’efficacité radiative par la concentration donne le forçage radiatif du gaz considéré.

Par convention (depuis le protocole de Kyoto), l’horizon temporel est fixé à 100 ans, et le gaz de référence est le CO\(_2\). Le tableau 3.3 donne quelques valeurs du PRG pour quelques gaz.

Effet de serre naturel
\(155\ \text {W}\cdot \text {m}^{-2}\)
nuages gaz
\(30\ \text {W}\cdot \text {m}^{-2}\) \(125\ \text {W}\cdot \text {m}^{-2}\)
H\(_2\)O CO\(_2\) O\(_3\) CH\(_4\) + N\(_2\)O
\(75\ \text {W}\cdot \text {m}^{-2}\) \(32\ \text {W}\cdot \text {m}^{-2}\) \(10\ \text {W}\cdot \text {m}^{-2}\) \(7,5\ \text {W}\cdot \text {m}^{-2}\)
60 % 26 % 8 % 6 %
19 % 48 % 21 % 6 % 5 %
Effet de serre additionnel (anthropique)
\(+2,26\ \text {W}\cdot \text {m}^{-2}\)
gaz autre (autres gaz, aérosols, nuages)
\(3\ \text {W}\cdot \text {m}^{-2}\) \(-0,74\ \text {W}\cdot \text {m}^{-2}\)
CO\(_2\) CH\(_4\) CFC N\(_2\)O
\(1,68\ \text {W}\cdot \text {m}^{-2}\) \(0,97\ \text {W}\cdot \text {m}^{-2}\) \(0,18\ \text {W}\cdot \text {m}^{-2}\) \(0,17\ \text {W}\cdot \text {m}^{-2}\)
56 % 32 % 6 % 6 %

Table 3.2 – Les différentes contributions (absolues et relatives) à l’effet de serre naturel et additionnel. D’après la figure 3.15 ainsi que Delaygue (2002).

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Figure 3.20 – Illustration des différentes contributions à l’effet de serre. Pour l’effet de serre additionnel (anthropique), seuls sont pris en comptes les gaz à effet de serre (GES).

Temps de résidence (années) Efficacité radiative \( (\text {W}\cdot \text {m}^{-2}\cdot \text {ppb}^{-1})\) PRG pour différents horizons
20 ans 100 ans 500 ans
CO\(_2\) > 100 \(1,4\cdot 10^{-5}\) 1 1 1
CH\(_4\) 12 \(3,7\cdot 10^{-4}\) 72 25 7,6
N\(_2\)O 114 \(3,03\cdot 10^{-3}\) 289 298 153
CF\(_4\) 50 000 0,10 5210 7390 11 200

Table 3.3 – Temps de résidence moyen (temps caractéristique de décroissance exponentielle), efficacité radiative (ppb = parties par milliard), et pouvoir de réchauffement global pour différents horizons temporels. Tiré de IPCC (2007), chapitre 2.

Le tableau 3.3 montre que l’émission dans l’atmosphère de 1 kg de méthane aura le même effet radiatif en moyenne pendant un siècle que l’émission de 25 kg de dioxyde de carbone !

3.2.10 Absorption du rayonnement par les molécules

Vibration des molécules

Les photons ultraviolets (dont l’énergie est de quelques électronvolts à quelques dizaines d’électronvolts) cassent les liaisons covalentes (dont l’énergie de liaison est de quelques électronvolts ou quelques centaines de kilojoules par mole). Les photons du domaine visible ne sont quasiment pas absorbés par les molécules de l’atmosphère, seulement diffusés par elles. Dans l’infrarouge thermique (autour de \(\sim 10\ \mu \)m), l’émission terrestre est bien plus importante que l’émission solaire. Ces photons, d’énergie moindre que les photons visibles, vont être absorbés par certaines molécules pour les faire vibrer. Ces vibrations sont quantifiées et se font donc selon différents modes dépendant de la molécule considérée.

Dans l’infrarouge lointain et le millimétrique (les micro-ondes), au-delà de \(20\ \mu \)m, l’énergie des photons permet d’activer les niveaux de rotation de la molécule, qui sont eux aussi quantifiés (Legras et al. 2000).

Absorption en infrarouge

Le diazote et le dioxygène, par exemple, ont cette capacité de vibrer. Néanmoins, comme ce sont des molécules diatomiques symétriques, ces vibrations ne modifient pas leur moment dipolaire, elles n’absorbent donc pas dans l’infrarouge thermique. Heureusement, sinon l’effet de serre rendrait la planète invivable !

Les molécules diatomiques symétriques n’ont pas de moment dipolaire permanent, il ne peut donc y avoir de transition électromagnétique entre des niveaux d’énergies vibrationnels. Sans transition possible, il n’y a ni absorption ni émission : ces molécules sont inactives en infrarouge (Chaquin 2020, chapitre 9). En revanche, une molécule polyatomique (comme celle de CO\(_2\)) peu avoir un moment dipolaire intrinsèque nul, mais un moment dipolaire induit non nul, ce qui lui permet d’absorber en infrarouge. En effet, pour qu’une molécule absorbe le rayonnement infrarouge, son moment dipolaire doit varier lorsqu’elle vibre.

Moment dipolaire électrique

Le moment dipolaire \(\overrightarrow {\mu }\) est défini pour un dipôle électrostatique, constitué de deux charges électriques (\(+q\) et \(-q\)) placées à une distance \(d\) l’une de l’autre, comme : \begin{equation} \overrightarrow {\mu } = q \times \overrightarrow {d} \end{equation} où \(q\) est la charge électrique (en coulomb) et \(\overrightarrow {d}\) est le vecteur distance entre les deux charges du dipôle, orienté de la charge négative vers la charge positive. Dans une liaison covalente entre deux atomes pour former une molécule, dans le cas de deux atomes de nature différente (on parle de différence d’électronégativité, l’électronégativité étant la capacité des atomes à attirer le nuage électronique), les nuages électroniques sont déformés par la présence de la liaison moléculaire, ce qui génère une dissymétrie de répartition des charges et induit ainsi un moment dipolaire permanent. Cela se généralise aux molécules polyatomiques, comme dans le cas de la molécule d’eau (figure 3.21a).

Le fait qu’une molécule ait un moment dipolaire permanent n’est pas une condition nécessaire pour qu’elle absorbe le rayonnement infrarouge. En revanche, si ce n’est pas le cas, son moment dipolaire induit par la vibration (dans ce cas nécessairement asymétrique) doit varier avec la vibration pour que ce rayonnement soit effectivement absorbé.

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Figure 3.21 – Moment dipolaire et molécules H\(_2\)O et CO\(_2\). (a) H\(_2\)O, molécule dipolaire. Le barycentre des charges + est sur l’atome d’oxygène, tandis que celui des charges - est entre les deux atomes d’hydrogène. Le moment dipolaire total \(\vec {\mu }\) est la somme (vectorielle) des moments dipolaires des deux couples OH. (b) CO\(_2\), molécule apolaire. Le barycentre des charges + est confondu avec celui des charges –. Le moment dipolaire résultant, somme vectorielle des moments dipolaires des deux couples OC, est nul.

Autres molécules

Les principaux gaz à effet de serre sont des molécules qui absorbent le rayonnement infrarouge dans l’intervalle spectral d’émission de la surface de la Terre, soit environ 5 à 50 \(\mu \)m (voir figure 3.19).

C’est le cas pour certaines molécules diatomiques asymétriques (hétéronucléaires), comme CO, NO ou HBr. Néanmoins, ces composés sont extrêmement réactifs chimiquement, ils résident très peu de temps dans l’atmosphère, trop peu pour avoir une action sur l’effet de serre (ce sont d’ailleurs des gaz toxiques)21.

3.2.11 Exemple de la molécule de CO\(_2\)

La molécule de dioxyde de carbone (ou gaz carbonique) est constituée d’un atome de carbone et de deux atomes d’oxygène de part et d’autre. C’est une molécule linéaire. Elle n’a pas de moment dipolaire permanent (figure 3.21b). Elle se trouve sous forme de gaz à température ambiante et à pression atmosphérique.

Le nombre de bandes d’émission (ou d’absorption) du rayonnement infrarouge par la molécule va dépendre de son nombre de degrés de liberté de vibration22.

Chacun des \(N\) atomes d’une molécule polyatomique non linéaire a trois degrés de liberté de translation : selon l’axe \(x\), selon l’axe \(y\) et selon l’axe \(z\). Cela fait \(3N\) degrés de liberté pour une molécule. Parmi ces \(3N\) degrés de liberté, trois correspondent à une translation de la molécule entière le long des trois axes, et trois correspondent à une rotation de la molécule autour de chacun des axes. Ceci laisse \(3N - 6\) degrés de liberté de vibration. On démontre qu’il existe précisément \(3N - 6\) modes normaux de vibration pour une molécule composée de \(N\) atomes.

Une molécule linéaire comme celle de dioxyde de carbone possède seulement \(3N - 5\) modes normaux de vibration car elle a seulement deux degrés de liberté en rotation : la rotation autour de l’axe inter-atomique possède un moment d’inertie nul et ne met donc en jeu aucun échange d’énergie (la rotation d’un angle quelconque autour de cet axe produit une molécule non distinguable de celle qui lui a donné naissance).

Avec \(N=3\) atomes, la molécule de CO\(_2\) a donc \(9-5\) = 4 modes de vibration :

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Figure 3.22 – Illustration des différents modes de vibration de la molécule de dioxyde de carbone avec le nombre d’onde \(\sigma = 1/\lambda \) et la longueur d’onde \(\lambda \) associées.

On a donc finalement deux longueurs d’onde d’émission des modes de vibration de la molécule autour de 4,26 \(\mu \)m et 14,99 \(\mu \)m (ces longueurs d’onde sont déterminées par le calcul, mais on peut observer le spectre d’absorption en laboratoire, et donc les mesurer). La figure 3.23 montre le spectre observé correspondant. L’agrandissement (figures 3.23b et 3.23c) sur les deux bandes montre la complexité de la quantification des modes vibrationnels.

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Figure 3.23 – Spectres d’émission en vibration du dioxyde de carbone dans l’infrarouge thermique. L’intensité de l’émission est en ordonnée, la longueur d’onde est en abscisse, en \(\mu \)m. Ces spectres sont obtenus par la Virtual Planetary Laboratory Molecular Spectroscopic Database : http://vpl.astro.washington.edu/spectra/co2pnnlimagesmicrons.htm. (a) Spectre d’émission du CO\(_2\) en \(\mu \text {m}\) en longueur d’onde. (b) Agrandissement sur la bande de vibration en étirement asymétrique à 4,26 \(\mu \)m. (c) Agrandissement sur la bande de vibration en flexion à 14,99 \(\mu \)m.

Effet de la saturation des bandes d’absorption

La figure 3.24a montre l’absorptivité (absorption du rayonnement sur toute la hauteur de l’atmosphère ; l’absorptivité vaut 1 quand tout le rayonnement émis par le sol est absorbé par l’atmosphère avant d’atteindre l’espace) en fonction de la longueur d’onde pour les deux principaux gaz à effet de serre, la vapeur d’eau et le dioxyde de carbone.

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Figure 3.24 – La dépendance spectrale de l’absorptivité (absorption du rayonnement sur toute la hauteur de l’atmosphère ; l’absorptivité vaut 1 quand tout le rayonnement émis par le sol est absorbé par l’atmosphère avant d’atteindre l’espace) des principaux gaz à effet de serre dans la gamme de longueurs d’onde dans laquelle se situe l’essentiel du rayonnement émis par la surface de la Terre. (a) Absorptivité pour les deux principaux gaz à effet de serre, le dioxyde de carbone et la vapeur d’eau. (b) Dépendance spectrale de l’absorptivité de la vapeur d’eau pour différentes valeurs de colonne d’eau dans l’atmosphère : la valeur moyenne est de 25 \(\text {kg}\cdot \text {m}^{-2}\). (c) Dépendance spectrale de l’absorptivité pour trois valeurs de la concentration du CO\(_2\) dans l’atmosphère. La valeur actuelle est \(> 400\) ppm. Tiré de Dufresne & Treiner (2011). © La Météorologie, https://lameteorologie.fr/

Les figures 3.24b et 3.24c montrent l’absorptivité respectivement de la vapeur d’eau et du dioxyde de carbone pour différentes concentrations dans l’atmosphère centrées sur la valeur moyenne pour la vapeur d’eau et proche de l’actuelle pour le dioxyde de carbone. On constate que les bandes d’absorption de la vapeur d’eau ne sont globalement pas saturées, c’est-à-dire que leur absorptivité est inférieure à 1. Tandis qu’au contraire, les bandes d’absorption du dioxyde de carbone sont saturées (leur absorptivité vaut 1) sur toute l’épaisseur de l’atmosphère.

On peut donc considérer que l’émission du rayonnement terrestre vers l’espace ne se fait pas à la surface du sol mais à une certaine altitude lui permettant de traverser une couche d’atmosphère suffisamment faible pour que les raies du CO\(_2\) ne soient pas saturées (Dufresne & Treiner 2011). Cette altitude d’émission de l’infrarouge vers l’espace augmente au fur et à mesure de l’accumulation des gaz à effet de serre dans l’atmosphère : la photosphère infrarouge de la Terre grandit petit à petit.

3.3 Observations du réchauffement climatique

3.3.1 Notion de température moyenne

La température est une notion clef pour comprendre le climat et le réchauffement climatique. La température est une grandeur physique qui mesure l’énergie interne (au sens thermodynamique) d’un système. L’énergie interne d’un système physique est la somme de l’énergie cinétique microscopique de ses constituants, de l’énergie potentielle associée à toutes les forces intérieures et de l’énergie de masse des particules. Dans le cas d’un gaz parfait23, sans interaction, seule l’énergie cinétique de ses molécules constitue son énergie interne. Dans ce cas, la température \(T\), en kelvin, s’exprime selon : \begin{equation} \frac {\varepsilon _c}{N} = \frac {3}{2}k_B T \end{equation} où \(\varepsilon _c/N\) est l’énergie cinétique moyenne du centre de masse de chaque particule, \(N\) est le nombre de particules (identiques) du gaz et \(k_B = 1,38 \cdot 10^{-23}\ \text {J}\cdot \text {K}^{-1}\) est la constante de Boltzmann. La température est donc une mesure indirecte de l’agitation thermique de la matière.

Quand on parle de réchauffement climatique, la notion sous-jacente de température est évidemment fondamentale. Les climatologues (et les météorologues) mesurent des températures atmosphériques (et océaniques, entre autres) un peu partout à la surface du globe (mais aussi en altitude), et ce un peu tout le temps. Certaines régions sont moins bien échantillonnées que d’autres. À partir de ces mesures éparses (et non-uniformes) dans l’espace et dans le temps, il s’agit de construire des températures moyennes dans l’espace (par exemple sur l’ensemble de la surface de la planète) et dans le temps (sur des périodes d’un mois, d’un an, etc.). La température résultante n’a pas de réalité physique, il s’agit d’un indicateur statistique. La complexité de cette analyse de reconstruction d’une température globale, fait qu’une valeur absolue de la température moyenne à la surface de la Terre est difficile à obtenir avec précision. En revanche, la variation de cette grandeur sur une échelle de temps donnée, par rapport à une référence donnée, peut être obtenue avec une grande précision (Planton 2020). Les climatologues la qualifient d’anomalie de température.

3.3.2 Augmentation de la température moyenne

On constate depuis plusieurs décennies que la température moyenne annuelle (sur toute la surface de la Terre) des basses couches (premiers mètres, c’est-à-dire à l’intérieur de la couche limite) de l’atmosphère augmente de façon importante, et ce depuis le milieu du XIXe siècle environ, et après une période de relative stabilité de 10 000 ans (fin de la dernière glaciation). La figure 3.25 montre l’ « anomalie de température » c’est-à-dire l’écart de température par rapport à la moyenne des années 1961 à 1990, en fonction du temps, pour la période 1850-2012. Une version plus récente est visible à la figure 3.26, avec une courbe de lissage montrant la tendance moyenne sans équivoque.

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Figure 3.25 – Anomalies moyennes observées de la température de surface (terres et océans) entre 1850 et 2012 à partir de trois jeux de données, par rapport à la période 1961-1990. En haut, moyennes annuelles ; en bas, moyennes décennales. Source : GIEC (2013). © Intergovernmental Panel on Climate Change.

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Figure 3.26 – Anomalies moyennes observées de la température de surface (terres et océans) entre 1880 et 2018 à partir de trois jeux de données, par rapport à la période 1951–1980. Les points reliés montrent les données année par année tandis que la courbe rouge est une moyenne « lissée » et glissante sur une période de 20 ans. Source : https://data.giss.nasa.gov/gistemp/graphs_v3/customize.html

Mais on mesure également que si la température de la troposphère augmente, celle de la stratosphère diminue (figures 3.27a et 3.27b), comme on peut le prédire avec un bilan énergétique simple (voir section 3.2.8).

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Figure 3.27 – Température mesurée dans la stratosphère. (a) Anomalie de température moyenne annuelle dans la basse stratosphère (en haut) et dans la basse troposphère (en bas), par rapport à la période 1981–2010, et ce pour différents lots de données. (b) Profil de température vertical moyen pour le globe sur une période 1958–2010, obtenu à partir de radiosondes, pour différents lots de données. L’échelle verticale est en pression : 850 hPa correspond à peu près à 2 km d’altitude, 200 hPa environ à 12 km d’altitude qui est la limite entre la troposphère et la stratosphère, et 20 hPa pour environ 23 km d’altitude. Source : GIEC (2013). © Intergovernmental Panel on Climate Change.

Il s’agit là d’une signature relativement24 ferme de l’origine anthropique du réchauffement. Si ce réchauffement était d’origine uniquement solaire, l’ensemble de l’atmosphère se réchaufferait, comme en témoigne la figure 3.28 en haut à gauche (a). L’effet du forçage dû aux gaz à effet de serre est visible sur la figure du milieu à gauche (c), où la troposphère se réchauffe, mais la basse stratosphère se refroidit. Les volcans, en insufflant des quantités de dioxyde de souffre dans la stratosphère qui se transforment en aérosols (gouttelettes d’acide sulfurique) qui réfléchissent le rayonnement solaire, entraînent le réchauffement de celle-ci, au détriment de la troposphère qui voit alors moins de rayonnement solaire et se refroidit (figure 3.28 en haut à droite (b)).

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Figure 3.28 – Variation des températures atmosphériques moyennes entre 1890 et 1999 en degrés par siècle simulée pour : (a) le forçage solaire, (b) les volcans, (c) les gaz à effet de serre, (d) les variations d’ozone troposphérique et stratosphérique, (e) les sulfates et (f), la somme de tous les forçages. L’échelle verticale est en hPa à gauche et en km à droite. Tiré du rapport du (GIEC (2007). © Intergovernmental Panel on Climate Change.

3.3.3 Évolution de la proportion de gaz à effet de serre

L’augmentation de la température moyenne à la surface du globe est corrélée avec l’augmentation de la proportion de gaz à effet de serre dans l’atmosphère (voir la figure 3.29).

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Figure 3.29 – Évolution de la proportion des gaz à effet de serre : CO\(_2\), CH\(_4\) et N\(_2\)O. ppm signifie « partie par million » soit une molécule pour \(10^6\) molécules du mélange « air » ; ppb signifie partie par milliard, soit une molécule pour \(10^9\) molécules d’air. (a) Holocène. Reconstruction à partir des carottes de glace (Antarctique). Source : IPCC (2013), p. 483. (b) Période historique. Points colorés : mesures depuis les carottes de glace, traits bleus : mesures atmosphériques directes. Source : IPCC (2013), p. 493. © Intergovernmental Panel on Climate Change.

En 2018, la concentration du CO\(_2\) dans l’atmosphère est de 405 ppm. Cette concentration s’accroît d’environ 2 ppm chaque année25.

L’atmosphère est composée essentiellement d’azote (à 78 % en nombre) et d’oxygène (à 21 % en nombre). Et de plein d’autres gaz (dont les gaz à effet de serre) dans le 1 % restant (voir le tableau 3.1). La masse molaire de l’azote (N\(_2\)) est de 28 g/mol, celle de l’oxygène (O\(_2\)) est de 32 g/mol. La masse molaire moyenne de l’air atmosphérique est donc : \(M_{\text {air}} = 0,21 \times 32 + 0,78 \times 28 = 29\) g/mol. La masse totale de l’atmosphère est de \(5,148\cdot 10^{18}\) kg. La masse molaire du CO\(_2\) est de 44 g/mol.

Une ppm de CO\(_2\) correspond à une molécule de CO\(_2\) pour \(10^6\) molécules d’air. Ou bien à 1 mole de CO\(_2\) pour \(10^6\) moles d’air. Ce qui fait 44 g de CO\(_2\) pour \(29 \cdot 10^6\) g d’air. Donc pour la masse totale de l’atmosphère, on a : \(7,81\cdot 10^{12}\ \text {kg} = 7,81\cdot 10^9\ \text {t}\) de CO\(_2\). Ou 7,81 Gt de CO\(_2\) (1 Gt = une gigatonne, un milliard de tonnes). On peut aussi exprimer cela en masse de carbone, comme c’est parfois le cas dans la littérature. Comme une mole de carbone pèse 12 g, 1 g de CO\(_2\) équivaut à 12/44 = 0,273 g de carbone. Ainsi, 1 ppm, c’est 7,81 Gt de CO\(_2\) ou bien 2,13 Gt de carbone.

Avant l’ère industrielle, l’atmosphère recelait 280 ppm de CO\(_2\). Aujourd’hui, elle en contient 140 ppm de plus. Qui correspondent donc à 300 Gt de carbone ou 1093 Gt de CO\(_2\) équivalent. L’humanité a rejeté 680 Gt de carbone26 entre 1850 et 2021 (Evans 2021). Elle rejette environ 44 milliards de tonnes de CO\(_2\) chaque année (et ce chiffre va en augmentant), soit environ 12 Gt de carbone.

Mais le compte n’y est pas entre les ppm dans l’atmosphère et ce que nous avons rejeté (Treiner 2015). En fait plus de la moitié du CO\(_2\) que nous émettons est absorbé dans des « puits », qui sont principalement les océans, et les sols comprenant la végétation. Ces deux puits se partagent les 57 % du CO\(_2\) émis27. « Seulement » 43 % se retrouve ainsi dans l’atmosphère. Donc \(0,43 \times 680 = 293\) Gt de C. On retrouve bien nos 140 ppm en plus (300 Gt de C).

L’augmentation de la quantité des gaz à effet de serre est donc causée par les activités humaines.

Oxygène et dioxyde de carbone dans l’atmosphère

On peut mesurer l’évolution de la quantité d’oxygène dans l’atmosphère. Ce n’est pas une mesure aisée, car comme il y en a beaucoup, contrairement au dioxyde de carbone, les petites variations sont noyées dans la masse : il s’agit de mesurer des variations de l’ordre du millionième. On mesure28 plus facilement le rapport O\(_2\)/N\(_2\).

La figure 3.30 reporte une telle mesure, effectuée à l’observatoire du Mauna Loa à Hawaï. La quantité mesurée est le rapport O\(_2\)/N\(_2\) relativement à une référence : \begin{equation} \delta \left (\frac {\text {O}_2}{\text {N}_2} \right ) = \left [\frac {\left (\frac {\text {O}_2}{\text {N}_2}\right )_{\text {échantillon}}}{\left (\frac {\text {O}_2}{\text {N}_2}\right )_{\text {référence}}} - 1 \right ]\cdot 10^6 \end{equation} La référence est de l’air échantillonné dans les années 1985 et stocké en laboratoire29. L’unité de mesure de cette quantité est le « par meg » qui indique un changement du rapport O\(_2\)/N\(_2\) : si l’échantillon a le même rapport O\(_2\)/N\(_2\) que la référence, alors \(\delta \) vaut zéro ; si le rapport est plus petit que celui de la référence, alors \(\delta < 0\). Actuellement, comme le montre la figure 3.30, \(\delta \left (\frac {\text {O}_2}{\text {N}_2} \right ) < 0\). En 2019, une variation de –700 per meg indique que le rapport O\(_2\)/N\(_2\) est 0,000700 fois plus petit depuis les années 1980. Un « per meg » de moins indique une molécule d’oxygène sur \(10^6\) en moins. Ou encore une molécule d’oxygène en moins sur \(4,8\cdot 10^6\) molécules d’air, soit 0,21 ppm.

Une variation du rapport O\(_2\)/N\(_2\) peut indiquer une variation de la quantité d’oxygène et/ou d’azote. L’air contient environ 20,9 % (en nombre) de dioxygène et 78,1 % de diazote. Comme l’air contient beaucoup plus d’azote que d’oxygène, et parce que les sources et les puits naturels de l’azote sont beaucoup plus petits que ceux de l’oxygène, les variations du rapport O\(_2\)/N\(_2\) reflètent essentiellement les variations de O\(_2\)30.

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Figure 3.30 – Évolution des concentrations de dioxygène et de dioxyde de carbone dans l’atmosphère mesurées à l’observatoire du Mauna Loa (MLO – Hawaï). Les données pour tracer le graphique sont issues de la page : http://scrippso2.ucsd.edu/osub2sub-data.html.

Le nombre de molécules d’oxygène diminue ainsi d’environ 21 per meg par an.

Sachant que la masse totale de l’atmosphère est de \(5,14\cdot 10^{18}\) kg, et que la masse molaire moyenne de l’air vaut 29 g\(\cdot \)mol\(^{-1}\), l’atmosphère contient \(1,77\cdot 10^{20}\) moles de gaz. Le dioxygène (20,9 % en nombre) compte donc pour \(3,7\cdot 10^{19}\) moles. Ainsi, ce sont \((21\cdot 10^{-6}) \times (3,7\cdot 10^{19}) = 7,8 \cdot 10^{14}\) moles de dioxygène qui disparaissent chaque année.

Chaque année environ 9,5 GtC = 35 GtCO\(_2\) sont rejetées par la combustion d’énergies fossiles (voir la figure 4.46b). Cela correspond à un nombre de moles de CO\(_2\) de \(7,9\cdot 10^{14}\) (dont 45 % se retrouve dans l’atmosphère).

Le rapport : \[\begin{split} \frac {\text {Nombre de moles d'O$_2$ qui disparaissent}}{\text {Nombre de moles de CO$_2$ qui sont générées}}\\ = \frac {7,8 \cdot 10^{14}}{7,9\cdot 10^{14}} \sim 1 \end{split}\] permet d’en déduire que cela correspond à peu près à la perte d’oxygène nécessaire pour la combustion de produits carbonés31 (énergies fossiles).

3.3.4 Réchauffement et irradiance solaire

La source de l’énergie du climat étant le Soleil, il est légitime de regarder si l’évolution de la puissance surfacique solaire reçue (irradiance solaire ou constante solaire) ne pourrait pas expliquer le réchauffement de la planète. L’irradiance solaire fluctue selon un cycle d’une période d’environ 11 ans, qui est expliqué par l’interaction entre le champ magnétique solaire et les écoulements qui ont lieu dans les couches superficielles en lien avec la rotation de l’étoile (Strugarek et al. 2017). Néanmoins, les variations de cette « constante solaire » sont de moins de 0,1 %, et ne peuvent en aucun cas expliquer le réchauffement troposphérique terrestre observé. De surcroît, la corrélation visible à la figure 3.31 entre anomalie de température de l’atmosphère et irradiance solaire jusqu’au milieu du XXe siècle disparaît ensuite.

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Figure 3.31 – Anomalie de température moyenne de la basse troposphère (GISTEMP v4 – https://data.giss.nasa.gov/gistemp/) par rapport à la période de référence 1951–1980 et irradiance solaire totale (données SATIRE-T, tirées de https://spot.colorado.edu/~koppg/TSI/' #TSI_data_record). Les deux jeux de données sont représentés entre 1880 et 2020, avec une moyenne annuelle et une moyenne glissante sur 11 ans. Le trait en pointillés rouge indique la moyenne de l’irradiance solaire totale sur la période considérée ; le trait en pointillés bleu indique l’origine de l’anomalie de température considérée. Données : https://climate.nasa.gov/climate_resources/189/graphic-temperature-vs-solar-activity/.

3.3.5 Origine anthropique

Mais les gaz à effet de serre sont-ils pour autant responsables de l’augmentation de la température moyenne ?

Cette question a fait couler beaucoup d’encre. Les climatologues répondent désormais avec certitude que oui, la corrélation est causale, le réchauffement climatique est le résultat de l’augmentation de la quantité de gaz à effet de serre dans l’atmosphère, car ils comprennent parfaitement celui-ci.

Plusieurs indices concordants apportent une réponse positive à la question :

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Figure 3.32 – Trois estimations observationnelles de l’anomalie de température de surface moyenne globale (courbes noires), par rapport à la période 1880–1919, comparées à deux modèles dont les moyennes sont données en bleu et rouge. (a) Modèles avec le forçage naturel et anthropique (gaz à effet de serre et aérosols). (b) Modèle avec le forçage naturel seulement (activité solaire, éruptions volcaniques. . .). Source : IPCC (2013). © Intergovernmental Panel on Climate Change.

3.3.6 Le niveau des océans

En plus de l’augmentation de la température moyenne de l’atmosphère à la surface de la Terre, on observe une rapide montée du niveau moyen des océans (voir figure 3.33) : + \(20 \pm 0,5\) cm en 117 ans (1901–2018), avec un taux moyen annuel de + \(3,7 \pm 0,5\) mm/an entre 2006 et 2018. Ce taux s’accroit, il était de 1,3 mm/an entre 1901 et 1971, de 1,9 mm/an entre 1971 et 2006.

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Figure 3.33 – Évolution du niveau moyen des mers sur différentes périodes. Source : GIEC (2013), p. 287. © Intergovernmental Panel on Climate Change.

Du fait de leur grande masse et de leur inertie thermique, les océans peuvent emmagasiner de grandes quantités d’énergie sous forme de chaleur. Ils vont ainsi absorber 91 % de l’excédent d’énergie (voir figure 3.34) dû au réchauffement, tandis que les surfaces continentales en récupèrent environ 5 %, la fonte des glaces en nécessite 3 % et l’atmosphère en absorbe 1 %. En conséquence de quoi l’eau se réchauffe et se dilate ; d’où une expansion thermique et donc une augmentation du niveau des mers. Ce phénomène contribue pour 50 % de l’augmentation du niveau des océans. Le reste de l’augmentation du niveau des mers se décompose en :

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Figure 3.34 – Courbe d’accumulation de l’énergie en ZJ (1 zétajoule = 10\(^{21}\ \text {J}\)) par rapport à 1971 et calculée entre 1971 et 2010 pour les différentes composantes du système climatique terrestre. Le réchauffement océanique (exprimé ici en tant que changement du contenu de chaleur) domine. L’océan des couches de surface (couleur bleu clair, couche de 0 à 700 m de profondeur) contribue de manière prépondérante. L’océan profond (couleur bleu foncé ; couche d’eau en-dessous de 700 m) contribue lui aussi de manière très importante. La fonte de la glace continentale (en gris clair), les surfaces continentales (en orange) et l’atmosphère (violet) contribuent de manière bien moins importante. L’incertitude des estimations est représentée en contour discontinu. Tiré de Speich et al. (2015). © Océan et Climat, https://ocean-climate.org/

L’océan absorbe par ailleurs de grandes quantités de CO\(_2\), environ 30 % des émissions anthropiques depuis 1870.

3.3.7 Les événements extrêmes

Les événements extrêmes (voir la figure 3.35) sont ainsi qualifiés car leurs paramètres climatiques (température, pression, quantité de précipitations, vitesse du vent. . .) ont des valeurs qui sont loin des valeurs moyennes (dans le temps et éventuellement dans l’espace).

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Figure 3.35 – Illustration de l’augmentation statistique des événements extrêmes dans un climat en moyenne plus chaud.

Par exemple les tempêtes avec des vents violents, les vagues de chaleur avec des températures élevées, les vagues de froid, les inondations, etc. Des « extrêmes » dans une région peuvent ne pas l’être ailleurs : une canicule en France aura une autre définition en Arizona. Ces événements climatiques extrêmes dépendent ainsi de l’endroit où ils ont lieu sur la planète (Yiou 2015).

Jusqu’à récemment il n’était pas possible d’attribuer une cause à un événement climatique ou météorologique isolé. Mais depuis quelques années, les scientifiques sont en mesure de le faire pour des phénomènes extrêmes relativement simples : extrêmes de chaleur et de froid, précipitations extrêmes et sécheresse32. Ce domaine émergent de la science du climat s’appelle l’attribution des événements extrêmes.

Par exemple, la vague de chaleur qui a frappé l’ouest du Canada en juin 2021, avec des records de températures comme à Lytton à plus de 50\(^\circ \) de latitude nord (latitude de Lille !) frôlant les 50 \(^\circ \)C (figure 3.36).

La science de l’attribution conclut notamment que (Philip et al. 2021) :

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Figure 3.36 – Températures quotidiennes à Lytton, Canada (latitude : 50 \(^\circ \) 14’ N), de 1880 à 2021, les quatre nouveaux records enregistrés les 26-29 juin 2021 étant indiqués par des points rouges. Source : Berkeley Earth, https://berkeleyearth.org/the-pacific-northwest-heatwave-in-context/.

La fréquence et l’intensité de ces événements dans une région donnée, peut, quant à elle, être évaluée d’un point de vue statistique. Ainsi, les scientifiques montrent que la fréquence des vagues de chaleur augmente, ainsi que leur intensité ; inversement, les vagues de froid ont tendance à diminuer. Pour les précipitations intenses et les sécheresses, cela dépend des régions.

La proportion de cyclones de forte intensité a augmenté depuis 40 ans à cause du réchauffement climatique. La fréquence de ces événements ne semble pas varier significativement à l’échelle du siècle33.

3.3.8 En résumé. . .

On peut résumer de manière factuelle le réchauffement climatique par les données suivantes (IPCC 2021) :

3.3.9 Et chez nous en France ?

On observe les effets du réchauffement climatique de manière locale, par exemple en France. Ainsi le nombre de journées chaudes tend à augmenter depuis plusieurs décennies, tandis que le nombre de jours de gel diminue (figure 3.37). Les mesures de hauteurs moyennes de l’océan Atlantique à Brest depuis près de deux siècles montrent également une augmentation (figure 3.38). Les mesures d’enneigement, par exemple au col de Porte dans le massif de la Chartreuse en Isère, à 1325 m d’altitude, montrent une diminution du nombre de jours d’enneigement chaque année (figure 3.39).

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Figure 3.37 – Quelques mesures de températures moyennes en France depuis 1959 par Météo France à Nancy-Essey et Istres. (a) Évolution du nombre annuel de journées estivales (T > 25 \(^{\circ }\)C). Le nombre de journées chaudes (température maximale supérieure à 25 \(^{\circ }\)C) est en augmentation sur toute la métropole avec des nuances régionales. Cette hausse, évaluée sur la période 1961-2018, est souvent comprise entre quatre et six jours par décennie avec un minimum de un jour par décennie sur le littoral Nord Atlantique et un maximum de huit jours par décennie sur les régions méridionales. (b) Évolution du nombre annuel de journées de gel. Le nombre de jours de gel observé en France est assez différent selon les régions et présente de fortes variations d’une année sur l’autre. Sur la période 1961-2010, une diminution est observée sur toutes les régions : les diminutions sont moins marquées sur les zones côtières où le nombre annuel de jours de gel est faible, les diminutions les plus fortes sont observées dans le nord-est et le centre du pays ; dans les autres régions la baisse est comprise entre deux et quatre jours par décennie. Source : https://www.ecologie.gouv.fr/impacts-du-changement-climatique-atmosphere-temperatures-et-precipitations. © Météo France.

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Figure 3.38 – Moyenne annuelle du niveau de la mer à Brest depuis le début du XIXe siècle. Source : "Tide Gauge Data", accédé le 04/10/2022, http://www.psmsl.org/data/obtaining/. © Permanent Service for Mean Sea Level (PSMSL).

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Figure 3.39 – Durée d’enneigement au col de Porte (1325 m, massif de Chartreuse). En 30 ans (1990–2020) : les périodes où la hauteur de neige était supérieure à 5 cm se sont réduites de 12,2 jours ; supérieure à 50 cm, de 30,5 jours ; et supérieure à 1 m, de 41,7 jours. Source : https://www.ecologie.gouv.fr/impacts-du-changement-climatique-montagne-et-glaciers. © Météo France.

Les massifs montagneux, en particulier les Alpes, sont particulièrement sensibles au réchauffement climatique. Il est facile d’en apprécier les conséquences dès que l’on arpente régulièrement la haute montagne. Ainsi les glaciers fondent à vue d’œil, comme en témoignent les photos du glacier Blanc dans le massif des Écrins34 sur les figures 3.40a à 3.40c ; les mesures effectuées traduisent cela quantitativement à l’aide, notamment, des bilans de masse (figure 3.40c). Le bilan de masse d’un glacier consiste à mesurer l’accumulation des précipitations (hivernales) sous forme solide transformée en hauteur d’eau, à laquelle on retranche la masse de glace (transformée en hauteur d’eau) perdue par ablation (estivale).

On observe également des conséquences plus lointaines du réchauffement climatique, comme la progression vers le nord ou bien en altitude en montagne de certaines espèces de plantes ou d’animaux. Par exemple, la chenille processionnaire colonise toujours plus de territoires vers le nord (Roques 2017).

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Figure 3.40 – Évolution visuelle et quantitative du glacier Blanc, dans le massif des Écrins, entre 1995 et 2021. (a) Photo du glacier Blanc en 1995 avec les contours du glacier en 2021 (crédit : Joël Faure - Parc national des Écrins). (b) Photo du glacier Blanc en 2019 (crédit : Thierry Maillet - Parc national des Écrins). (c) Évolution du bilan de masse (cumulé) du glacier Blanc dans le massif des Écrins entre 2000 et 2021 (crédit : service scientifique du Parc national des Écrins). (a)-(c) © Parc national des Écrins.

3.4 Paléoclimatologie

La paléoclimatologie est l’étude des climats du passé (figure 3.41). Elle permet de comprendre l’évolution de la Terre, mais également de mieux comprendre le climat actuel, et notamment son évolution vers un réchauffement. Elle permet également de valider les modèles climatiques, car les climats du passé ont laissé des traces observables, on peut donc quantifier un certain nombre de paramètres en remontant dans le temps.

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Figure 3.41 – Évolution de la température moyenne à la surface de la Terre sur les 500 derniers millions d’années. Crédit : Wikipédia/Glen Fergus, https://commons.wikimedia.org/wiki/File:All_palaeotemps.svg. CC BY-SA.

3.4.1 Cycles de Milankovitch

Cette section s’appuie sur Levrard (2005) et Berruyer (2011).

Sur les 25 derniers millions d’années, on explique les variabilités climatiques (alternance de périodes froides (glaciations) d’environ 100 000 ans et de périodes chaudes (interglaciaires) d’environ 10 000 ans) par la variation séculaire des paramètres orbitaux et de la rotation de la Terre (théorie de Milankovitch – voir figure 3.44), perturbés par la présence des autres planètes et de la Lune.

Les paramètres orbitaux pertinents35 (voir figure 3.42) – c’est-à-dire ceux qui entraînent une modification de la quantité de rayonnement solaire (l’insolation) parvenant sur Terre – dans l’analyse du climat sont les suivants :

La variation dans le temps de ces paramètres est représentée sur la figure 3.44. L’irradiance solaire calculée à partir de ces paramètres est également indiquée.

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Figure 3.42 – Principaux paramètres orbitaux de Milankovitch, la variation de l’excentricité (\(e\)) de l’orbite terrestre, la précession de l’axe de rotation de la Terre (\(P\)) et la variation de l’inclinaison de son axe (\(\varepsilon \)), l’obliquité. Crédit : Julia Fraud. CC BY-NC-ND.

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Figure 3.43 – Schéma illustrant la précession climatique. (a) Le grand axe de l’orbite de la Terre tourne autour du Soleil. (b) Précession de l’axe de rotation de la Terre. (c) Précession climatique, qui est une combinaison des deux précédents mouvements. Crédit : Julia Fraud. CC BY-NC-ND.

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Figure 3.44 – Cette figure illustre les variations calculées à long terme de l’excentricité avec ses périodes de 100 000 et 400 000 ans, de l’obliquité avec sa période principale de 41 000 ans et la précession climatique avec sa période moyenne de 21 000 ans. On note que l’orbite de la Terre est en train de devenir circulaire, l’excentricité atteignant une valeur très proche de zéro d’ici 25 000 ans environ. Les variations reproduites vont de un million d’années dans le passé à 121 000 ans dans l’avenir. Tiré de https://biocycle.atmos.colostate.edu/shiny/Milankovitch/

3.4.2 Le rapport isotopique, un indicateur du climat

Cette section s’appuie sur Jouzel & Debroise (2014), Ferroir (2012), Albarède & Thomas (2000).

Il y a différents indicateurs qui permettent de reconstruire le climat du passé. Parmi ceux qui permettent d’estimer la température de l’atmosphère passée il y a le rapport isotopique de l’oxygène ainsi défini : \[ R_{^{18}O} = \frac {\text {nombre de noyaux d'} ^{18}_{}\mathrm {O}}{\text {nombre de noyaux d'} ^{16}_{}\mathrm {O}} \quad \text {dans un échantillon.} \] Ces nombres de noyaux sont mesurés avec un spectromètre de masse.

On définit ensuite la grandeur sans dimension : \[ \delta ^{18}\text {O} = \frac {R_{\text {échantillon}}^{^{18}\text {O}} - R_{\text {standard}}^{^{18}\text {O}}}{R_{\text {standard}}^{^{18}\text {O}}} \times 1000 \] en pour mille (‰) ; \(R_{\text {standard}}^{^{18}\text {O}}\) est le rapport isotopique d’un échantillon à la composition isotopique connue (par exemple le Vienna Standard Mean Ocean Water qui définit de manière standard la composition isotopique de l’eau). Pour 10 000 molécules d’eau de composition « standard » on trouve 9977 molécules de \(\text {H}_2 ^{16}\text {O}\), 3 molécules de \(\text {H}_2 ^{17}\text {O}\) et 20 molécules de \(\text {H}_2 ^{18}\text {O}\). Ces trois isotopes de l’oxygène sont stables.

\[ R_{\text {standard}}^{^{18}\text {O}} = \frac {20}{10\,000} = \frac {1}{500} = 0,2\ \% \]

Changement d’état dans le cycle de l’eau

Le noyau d’\(^{18}\)O pèse plus lourd que \(^{16}\)O car il possède deux neutrons en plus. La vaporisation de l’eau est un changement de phase endothermique. L’énergie nécessaire pour ce faire est donnée par l’enthalpie (qui est l’énergie d’une transformation thermodynamique à pression constante) de vaporisation : \[ \Delta H_{\text {vaporisation}} = m\times L_{\text {vaporisation}} \] qui est une énergie à fournir au système où \(L_{\text {vaporisation}}\) est la chaleur latente de vaporisation (en \(\text {J}\cdot \text {kg}^{-1}\)), et \(m\) est la masse du système. La vaporisation est donc énergétiquement plus favorable pour les molécules d’eau de plus petite masse, donc pour celles contenant l’isotope \(^{16}\)O de l’oxygène.

Inversement, la condensation est exothermique et libère l’énergie : \[ \Delta H_{\text {condensation}} = m\times L_{\text {condensation}} = - m \times L_{\text {vaporisation}} \]

Donc plus les molécules sont massives, plus la réaction sera énergétiquement favorable. Les molécules d’eau contenant l’isotope \(^{18}\)O de l’oxygène vont ainsi condenser plus facilement.

Quand la proportion de \(^{18}\)O diminue dans l’eau, l’indicateur \(\delta ^{18}\)O diminue ; cet indicateur est négatif car on observe une eau moins riche en \(^{18}\)O que l’eau « standard ».

Fractionnement isotopique dans le cycle de l’eau

Sous les tropiques, l’évaporation de l’eau des océans entraîne une composition des nuages avec une proportion d’oxygène lourd (\(^{18}\)O) plus faible, car \(\text {H}_2 ^{18}\text {O}\) s’évapore plus difficilement que \(\text {H}_2 ^{16}\text {O}\) (donc \(\delta ^{18} \text {O} \ll 0\)).

Au cours de son voyage vers les pôles, l’eau des nuages qui se condense en pluie contient une proportion encore plus importante en \(^{18}\)O que la vapeur, car \(\text {H}_2 ^{18}\text {O}\) condense plus facilement que \(\text {H}_2 ^{16}\text {O}\). Au fur et à mesure des précipitations, la vapeur d’eau des nuages s’appauvrit en \(^{18}\)O (donc \(\delta ^{18}\)O devient de plus en plus négatif) ; chaque précipitation est moins chargée en \(^{18}\)O que la précédente. Les dernières, au niveau des pôles, contiennent le moins d’\(^{18}\)O (donc le \(\delta ^{18}\)O le plus négatif – voir figure 3.45).

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Figure 3.45 – Quelques plages de valeurs de l’indicateur \(\delta ^{18}\text {O}\) dans les océans et dans les précipitations : plus on s’éloigne des tropiques vers les pôles, plus on se déplace vers la gauche. Crédit : Gilles Delaygue, https://planet-terre.ens-lyon.fr/ressource/fractionnement-oxygene.xml. © Planet Terre.

Plus il fait froid, plus la vapeur d’eau se condense tôt au cours de son voyage vers les pôles : plus il fait froid, moins il y a d’\(^{18}\)O dans la glace qui s’amoncelle aux pôles (et plus \(\delta ^{18}\)O < 0). La figure 3.46 montre la corrélation entre la température et les indicateurs isotopiques \(\delta ^{18} \text {O}\) et \(\delta \text {D}\), où « D » est un isotope de l’hydrogène dans la molécule d’eau (eau « lourde » : HDO). Les deux indicateurs sont corrélés selon : \[ \delta \text {D} = 8 \times \delta ^{18}\text {O} + 10 \]

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Figure 3.46 – Relation entre les teneurs isotopiques moyennes et la température moyenne de surface du site au Groenland et en Antarctique. Les données de l’Antarctique (Lorius & Merlivat 1975) correspondent à des teneurs en deutérium, celles du Groenland (Johnsen et al. 1972) à des teneurs en \(^{18}_{}\mathrm {O}\). Tiré de Jouzel et al. (1994). © Académie des Sciences.

La figure 3.47 illustre le fractionnement isotopique des précipitations entre les tropiques et les pôles, pour l’indicateur \(\delta \text {D}\).

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Figure 3.47 – Le cycle annuel de \(\delta \)D dans la neige et les glaces du Groenland est dû aux changements saisonniers dans la pluviométrie d’une masse d’air sur son parcours vers le Groenland. L’eau (sous forme liquide ou solide) s’allège ainsi isotopiquement au fur et à mesure de son voyage depuis les tropiques (chaud) vers les pôles (froid). Les couches dues à l’été et à l’hiver peuvent être distinguées dans la glace en mesurant \(\delta \)D. Crédit : Julia Fraud. CC BY-NC-ND.

Les concentrations en gaz à effet de serre dans l’atmosphère du passé sont quant à elles mesurées dans les bulles d’air piégées dans la glace des calottes polaires (Antarctique, Groenland. . .), à l’aide de « carottes ». La figure 3.48 montre l’évolution de la température moyenne reconstruite, des concentrations en gaz à effet de serre (CO\(_2\) et CH\(_4\)) obtenues à partir des carottes de glace de la station Vostok, de l’indicateur \(\delta ^{18}\text {O}\) et de l’insolation sur les 400 000 dernières années.

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Figure 3.48 – Évolution de la température moyenne, des concentrations en gaz à effet de serre (CO\(_2\) et CH\(_4\)) obtenues à partir des carottes de glace de la station Vostok, de l’indicateur \(\delta ^{18}\text {O}\) et de l’insolation sur les 400 000 dernières années. CC0.

3.4.3 Qui pilote qui : la température ou le CO\(_2\) ?

Il y a bien sûr un lien étroit entre la température de l’atmosphère et la concentration en CO\(_2\) (voir par exemple la figure 3.49). Mais s’il est admis que le réchauffement actuel est consécutif à l’augmentation du dioxyde de carbone dans l’atmosphère, en revanche, dans le passé, le lien de causalité est plus compliqué à éclaircir : cela peut être la température qui varie suite aux variations de l’ensoleillement, qui cause ensuite des variations de la quantité de dioxyde de carbone dans l’atmosphère. Ou bien l’inverse. La figure 3.50 illustre la difficulté d’éclairer cette causalité sur les données du passé. Parrenin (2013) suggère même que les variations entre la température et le CO\(_2\) sont synchrones.

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Figure 3.49 – Reconstructions de la température annuelle en Antarctique (en degrés Celsius) et de la concentration en CO\(_2\) (en parties par million en volume) à partir de la carotte de glace forée à EPICA Dome C. La corrélation entre CO\(_2\) et température est flagrante sur cette figure. D’après Parrenin et al. (2013). © Frédéric Parrenin.

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Figure 3.50 – Reconstructions de la concentration en CO\(_2\) (en parties par million en volume) et de la température en Antarctique (en degrés Celsius) lors de la dernière déglaciation. Reconstructions réalisées en 2001 (à gauche) et en 2013 (à droite) après des progrès réalisés sur les reconstructions d’âge et de température. Alors que le CO\(_2\) apparaissait en retard par rapport à la température dans l’étude de 2001, celle de 2013 les trouve quasi synchrones. D’après Parrenin et al. (2013), voir aussi Parrenin (2013). © Frédéric Parrenin.

3.5 Scénarios pour le futur

Les climatologues ne peuvent pas faire de prédictions (modèles imprécis, évolution socio-économique de l’activité humaine incertaine. . .), mais calculent à l’aide de leurs modèles numériques des scénarios pour le futur, faisant telle ou telle hypothèse sur l’activité humaine.

Le rapport du GIEC de 2013 présente quatre scénarios RCP (pour representative concentration pathway) pour différentes trajectoires de forçages radiatifs :

Ces quatre scénarios sont représentés à la figure 3.51. Les prédictions sur différentes observables selon ces scénarios sont indiqués en figure 3.52. Le rapport du GIEC (2021) reprend ces scénarios en les nommant SSPx-y pour shared socio-economic pathway, ’y’ étant le forçage radiatif approximatif attendu en 2100. Ces scénarios débutent en 2015. Le rapport étudie cinq trajectoires : SSP1-1.9, SSP1-2.6, SSP2-4.5, SSP3-7.0, et SSP5-8.5.

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Figure 3.51 – À gauche, les forçages radiatifs pour les quatre scénarios RCP. À droite, l’augmentation de la température moyenne annuelle de l’air en surface (par rapport à 1986-2005) pour les quatre scénarios. Les nombres de couleur indiquent le nombre de modèles utilisé par scénario ; la discontinuité à 2100 provient de la différence du nombre de modèles et n’est pas physique. Source : GIEC (2013), p. 89. © Intergovernmental Panel on Climate Change.

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Figure 3.52 – Projection des scénarios RCP pour la température, les émissions de CO\(_2\), le niveau des océans, et la taille des banquises à différentes échéances. (a) Projection de l’anomalie de température annuelle pour les quatre scénarios RCP. Source : GIEC (2013), p. 87. (b) Prédiction de l’émission annuelle de CO\(_2\) (en PgC/an) pour les quatre scénarios RCP. Source : GIEC (2013), p. 84. (c) Compilation de données historiques superposées aux scénarios RCP2.6 (bleu) et RCP8.5 (rouge), par rapport aux valeurs pré-industrielles. Source : GIEC (2013), p. 1204. (d) Concentration de la banquise (fraction de la surface océanique recouverte de glace) pour différentes périodes et différents scénarios. La ligne rose indique la limite de concentration à 15 % pour la période 1986-2005. Source : GIEC (2013), p. 1089. © Intergovernmental Panel on Climate Change.

1.Si Thompson avait noté en 1957 la difficulté de faire des prévisions avec l’atmosphère à cause de sa sensibilité aux conditions initiales (Thompson 1957), Lorenz a montré en 1963 qu’un système d’équations physiques (liées à la convection) pouvait devenir chaotique (Lorenz 1963). Ce qui a effectivement été démontré plus tard. Ce n’est que dans les années 1990 que l’on a montré que les équations gouvernant la dynamique de l’atmosphère avaient un comportement chaotique (voir par exemple Lions et al. 1997).

2.Dont l’inverse est l’exposant de Liapounov, défini comme le taux d’éloignement de deux trajectoires aux conditions initiales très proches.

3.Néanmoins les progrès des ordinateurs et de la compréhension des phénomènes météorologiques permettent de faire des calculs de plus en plus compliqués, et surtout avec une résolution de plus en plus fine. Ainsi la durée de prédiction des prévisions météorologiques est passée de 3 jours dans les années 1990 (avec une fiabilité de 80 %), à 7 jours aujourd’hui (Pegion 2020). Des recherches sont poursuivies pour ouvrir cet horizon à l’échelle du mois avec des méthodes combinant les modèles météorologiques et climatiques.

4.Pour mémoire, lors de la dernière glaciation, la température moyenne à la surface de la planète était de 5 à 6 \(^\circ \)C inférieure à la température actuelle ; la surface des océans était 130 m plus basse.

5.Tiré de Jean-Louis Dufresne, Bilan énergétique de la Terre et rôle de l'effet de serre, 2009, diapositives. http://www.lmd.jussieu.fr/jldufres/IUFM_Creteil/Dufresne_bil_serre_terre.pdf

6.La force \(F\) exercée par toute l’atmosphère sur la surface de la Terre est : \[ F = P\times S \] où \(P\) est la pression atmosphérique (\(10^5\) Pa) et \(S\) la surface de la Terre. On a également : \[ F = m\times g \] où \(m\) est la masse de l’atmosphère et \(g\) (\(9,8\ \text {m}\cdot \text {s}^{-2}\)) est l’accélération de la pesanteur. Ce qui donne : \[ m = \frac {PS}{g} \] soit : \[ m = \frac {101\,300\times 4\pi \times (6371\cdot 10^3)^2}{9,8} \simeq 5,27\cdot 10^{18}\ \text {kg} \]

7.L’inertie thermique d’un matériau caractérise le temps mis par un matériau à atteindre l’équilibre thermique suite à une perturbation de cet équilibre. On quantifie cette inertie par la diffusivité thermique \(D\) du matériau :

\[ D = \frac {\lambda }{\rho c_p} \] et par son effusivité thermique \(E\) : \[ E = \sqrt {\lambda \rho c_p} \] où \(\lambda \) est la conductivité thermique du matériau (en \(\textrm {W}\cdot \textrm {m}^{-1}\cdot \textrm {K}^{-1}\)), \(\rho \) est la masse volumique (en \(\textrm {kg}\cdot \textrm {m}^{-3}\)) et \(c_p\) est la capacité calorifique massique (en \(\textrm {J}\cdot \textrm {K}^{-1}\cdot \textrm {kg}^{-1}\)). Ainsi pour l’eau et l’air, on a les valeurs données par le tableau suivant :

Air Eau
\(\lambda \) (\(\textrm {W}\cdot \textrm {m}^{-1}\cdot \textrm {K}^{-1}\)) 0,0262 0,6
\(\rho \) (\(\textrm {kg}\cdot \textrm {m}^{-3}\)) 1,292 1025
\(c_P\) (\(\textrm {J}\cdot \textrm {kg}^{-1}\cdot \textrm {K}^{-1}\)) 1000 4180
\(E\) (\(\textrm {J}\cdot \textrm {m}^{-2}\cdot \textrm {K}^{-1}\cdot \textrm {s}^{-1/2}\)) 33,85 \(25,7\cdot 10^5\)
\(D\) (\(\textrm {m}^2\cdot \textrm {s}^{-1}\)) \(2,03\cdot 10^{-5}\) \(1,4\cdot 10^{-7}\)

La diffusivité de l’eau est un facteur 145 plus faible que celle de l’air, son effusivité 76 000 fois plus élevée. La diffusivité quantifie la vitesse de diffusion de la chaleur dans un matériau : plus la diffusivité est faible, plus le matériau va mettre de temps a atteindre l’équilibre thermique. L’effusivité quantifie la vitesse avec laquelle un matériau absorbe la chaleur : plus l’effusivité est élevée, plus le matériau absorbe de la chaleur sans élever notablement sa température. Par rapport à l’air, l’eau océanique diffuse beaucoup plus lentement la chaleur, qu’elle va par ailleurs absorber sans vraiment se réchauffer. D’où l’importante inertie thermique des océans.

8.La variation de l’irradiance – puissance rayonnée par unité de surface – solaire varie faiblement, de l’ordre de 0,1 % aux échelles de temps en jeu ici, sur une période de l’ordre de 11 ans. Cette période correspond au cycle solaire lié à l’activité convective et magnétique des couches externes du Soleil.

9.L’unité astronomique est une unité de distance qui vaut exactement 149 597 870 700 km, ce qui correspond à peu près à la distance moyenne de la Terre au Soleil.

10.Il varie également sur une année, car la Terre n’est pas sur une orbite circulaire, mais elliptique : sa distance au Soleil varie.

11.À noter que l’albédo moyen de la Terre diminue significativement au cours du temps (Goode et al. 2021).

12.La surface terrestre étant essentiellement composée d’eau, on peut assimiler son émissivité à celle de l’eau.

13.Ces valeurs sont issues de Courtier (2010) ; un autre cours (Burde 2004) donne des valeurs de \(\gamma _{\text {vis}} = 0,9\) et \(\beta _{\text {IR}} = 0,2\), ce qui se traduit par \(T_{\text {atm}} = 232\ \text {K} = -41 \ ^{\circ }\text {C}\) et \(T_{\text {surf}} = 286\ \text {K} = 13\ ^{\circ }\text {C}\) ; de fait ces valeurs de transmission doivent être entourées d’une certaine incertitude.

14.Notamment les transferts thermiques par conduction dans l’air et par convection, souvent dénotés « chaleur sensible », mais aussi la quantité de chaleur déposée dans l’atmosphère par la liquéfaction de la vapeur d’eau (chaleur latente).

15.Voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Terre_boule_de_neige.

16.Voir l'annexe A.

17.L’ozone stratosphérique constitue la couche d’ozone qui filtre le rayonnement ultraviolet issu du Soleil ; cet ozone-là est détruit par les activités humaines.

18.À l’équilibre thermique, l’émissivité est égale à l’absorptivité (loi de Kirchhoff). Ici \(\beta _{\text {IR}}\) a été défini comme la transmission de la troposphère dans l’infrarouge.

19.Le mélange se fait notamment par convection dans la troposphère et par une circulation atmosphérique entre la troposphère et la stratosphère (circulation de Brewer-Dobson) qui « apporte » les gaz à effet de serre jusque dans la stratosphère.

20.Il s’agit de la loi du rayonnement de Kirchhoff (1859).

21.On peut consulter le site « WebBook de Chimie du NIST » (https://webbook.nist.gov/chemistry/) qui fournit un certain nombre de données sur chacune de ces molécules, dont leur spectre infrarouge.

22.Voir par exemple : F. Fuster, MC 410 : Chimie physique et théorique, 2005. Support de cours. http://www.lct.jussieu.fr/pagesperso/fuster/MC410/cours_2_MC410.pdf.

23.Le modèle du gaz parfait a pour hypothèses que les molécules constituant le gaz sont ponctuelles et n’interagissent entre elles que par collisions élastiques. L’air atmosphérique obéit à ces conditions avec une bonne approximation.

24.Même s’il y a quelques limites, car les observations ne sont pas aussi nombreuses dans la stratosphère que dans la basse troposphère, et d’autres phénomènes sont susceptibles de la refroidir. . .

25.Voir le site de l’observatoire du Mauna Kea qui fait ces mesures depuis le début des années soixante-dix : https://www.esrl.noaa.gov/gmd/ccgg/trends/global.html et https://www.esrl.noaa.gov/gmd/ccgg/trends/gl_gr.html.

26.Le rapport du GIEC exprime cette quantité en PgC, soit en péta-grammes de carbone. On se demande pourquoi les climatologues utilisent ces unités -– gramme ou tonne -– qui ne sont pas dans le système international, plutôt que des téra-kilogrammes : Tkg.

27.Sur les émissions de carbone (par l’intermédiaire du CO\(_2\)), 68 % provient de la combustion des carburants fossiles (charbon, pétrole, gaz) et de la production de ciment, le reste, 32 % provient de la déforestation. 43 % du total se retrouve dans l’atmosphère ; les océans, les sols et la végétation absorbent 57 % de nos émissions.

28.Par exemple par des techniques d’interférométrie basées sur des variations relatives de l’indice de réfraction de l’air (Keeling et al. 1998).

29.Voir : http://scrippso2.ucsd.edu/units-and-terms.html.

30.La production d’oxygène par les plantes durant la phase de photosynthèse diurne compense la consommation d’oxygène durant la phase de respiration, nocturne. Le bilan est donc nul. On observe néanmoins à la figure 3.30 une variation saisonnière à la fois du taux d’oxygène et de celui de dioxyde de carbone, en opposition : la production de CO\(_2\) est maximale au printemps, minimale à l’automne, et inversement pour l’O\(_2\). À l’échelle de la planète lorsque la photosynthèse l’emporte sur la respiration (au printemps-été), la concentration en CO\(_2\) diminue au niveau planétaire. Inversement, la concentration en CO\(_2\) diminue durant la période automne-hiver lorsque la respiration l’emporte sur la photosynthèse.

31.La combustion d’un alcane en C\(_n\) nécessite \((3n+1)/2\) molécules de O\(_2\) et produit \(n\) molécules de CO\(_2\) (voir l’équation de combustion (4.24). Le rapport O\(_2\)/CO\(_2\) varie ainsi entre 2 (pour \(n=1\)) et 3/2 (pour \(n \rightarrow +\infty \)).

32.Voir le site : https://www.worldweatherattribution.org/

33.Contrairement aux idées reçues, le réchauffement de la surface des océans n’entraîne pas d’augmentation du nombre de cyclones. Les simulations climatiques montrent que le nombre global de cyclones tropicaux devrait rester stable, voire enregistrer une légère baisse à l’avenir. Elles montrent, en revanche, une tendance à l’intensification des phénomènes les plus violents avec le réchauffement climatique. Il y a deux raisons qui peuvent l’expliquer : le cyclone peut pomper plus d’énergie dans l’océan du fait de la hausse de la température de surface ; une atmosphère plus chaude contient plus d’humidité, ce qui génère davantage de pluies lors des événements extrêmes. D’ici à la fin du siècle, on s’attend à des phénomènes plus puissants, associés à des pluies plus intenses, d’environ 20 % supérieures aux moyennes actuelles. (Guaric 2020).

34.Voir par exemple : http://www.ecrins-parcnational.fr/actualite/glacier-blanc-perte-record-20-ans-mesures.

35.On pourra regarder la vidéo sur la page : https://www.futura-sciences.com/planete/actualites/climatologie-changement-climatique-theorie-milankovitch-prediction-confirmee-60139/

Note de l'éditeur : ce manuel comporte un ensemble d'hyperliens vers des pages de sites internet. Leur validité ainsi que l'accès aux informations correspondantes ont été contrôlés en date du 1er février 2023.