Notice 23
Curriculum(a) en question(s)
Frédéric Charles
Un curriculum peut être un objet d’investigation scientifique ou d’ingénierie pour les chercheurs en éducation et formation qui doivent alors (se) poser des questions sur cet objet. Différentes contributions proposent des listes de questions.
Avec des références essentiellement anglophones, Dillon ordonne trois questions principales :
- La nature du curriculum (What is it?)
- Les éléments du curriculum (What are the things that compose it?)
- La pratique du curriculum (How to think and act it?)
La recherche sur ou pour les curricula est souvent située en 1978 avec l’article de Schwab qui proposait alors d’examiner les processus de conception, de développement, d’implémentation et d’évaluation des curricula. Ces travaux de Schwab sont d’ailleurs référencés dans l’article de Dillon (2009) et situés comme précurseurs de ce questionnement curriculaire.
Dans la littérature francophone, Crahay, Audigier et Dolz (2006, p. 7) indiquent trois axes thématiques – en tension – liés à l’investigation des curricula :
- Le premier de ces axes concerne la construction de curricula qui sont l’objet de tensions en raison de nombreux enjeux sociétaux qui traversent cette construction curriculaire.
- Le deuxième axe porte sur le curriculum effectivement enseigné, vecteur de tensions entre le monde de la noosphère (terme introduit par Chevallard en 1985 qui renvoie au « système de ceux qui pensent »), le monde des décideurs politiques qui porte les prescriptions curriculaires, et le monde de la pratique (c’est-à-dire l’ensemble des acteurs du système éducatif), supposé se conformer aux prescriptions officielles.
- Le troisième axe concerne le pilotage du curriculum prescrit dont une des fonctions importantes est de guider l’enseignement dispensé à l’École. La tension relevée ici se situe dans le type de pilotage envisagé, qui peut se faire soit par les inputs, soit par les outputs (voir la notice 36 « Inputs, outputs, outcomes ») et dans l’approche curriculaire proposée, de type ascendant ou descendant.
Ces axes restent descriptifs et peu opérationnels pour un chercheur préoccupé par un curriculum à caractériser, décrire, renouveler, imaginer… L’intérêt des questions posées par Dillon est tout d’abord de les situer par rapport à d’autres séries de questions : Rugg (1927) qui propose dix-huit questions fondamentales ; Tyler (1949) qui lui, en propose quatre ; Schwab (1983) qui pose trois questions ; et Ornstein (1987) qui pose quinze questions de base. L’intérêt majeur des questions de Dillon est leur regroupement en trois catégories explicitées.
La première catégorie renvoie à la nature même du curriculum et les questions sont relatives à la forme et à l’organisation curriculaire, renvoyant à deux sous-questions (What, at bottom, is it? Et what is it like?), c’est-à-dire à l’essence ou la substance même du curriculum, ou encore quelles sont ses propriétés et ses caractéristiques générales ?
La deuxième catégorie est liée aux éléments qui constituent le curriculum. Les questions posées alors au curriculum sont les suivantes :
- Qui sont les enseignants qui prennent en charge ce curriculum ? (Who?)
- À qui enseignent-ils, à quels apprenants ? (Whom?)
- Quels contenus sont enseignés et quelle est la structure générale du curriculum ? (What?)
- Dans quel contexte spatio-temporel l’enseignement est-il dispensé ? (Where and when?)
- Quelle est la visée du curriculum ? (Why? To what end?)
- Comment enseigne-t-on ? Quelles sont les modalités d’enseignement et d’apprentissage ? (How?)
- Quelles sont les sorties/outputs attendues ? Quels apprentissages sont visés et pour qui ? (What comes of it? Who learns what?)
La troisième et dernière catégorie de questions renvoie à la pratique du curriculum, à savoir comment le penser et le faire vivre en actes. Dillon propose deux questions, plutôt à destination de concepteurs de curricula ou de chercheurs : comment faire pour construire ce curriculum et comment le penser ? (What to do? How to think?).
La force des questions de Dillon est leur nombre restreint et la fertilité de leur utilisation par les personnes préoccupées par la question des curricula, que ce soit dans l’étape de leur conception, de leur mise en œuvre ou de leur évaluation.
Références
Crahay Marcel, Audigier François et Dolz Joaquim (2006). « En quoi les curriculums peuvent-ils être objets d’investigation scientifiques ? », dans François Audigier, Marcel Crahay et Joaquim Dolz (dir.), Curriculum, enseignement et pilotage, De Boeck, p. 7-37. https://doi.org/10.3917/dbu.audig.2006.01.0007
Dillon James T. (2009). « The Questions of Curriculum », Journal of Curriculum Studies, vol. 41, no 3, p. 343-359. https://doi.org/10.1080/00220270802433261
Ornstein Allan C. (1987). « The Theory and Practice of Curriculum », Kappa Delta Pi Record, vol. 24, no 1, p. 15-17. https://doi.org/10.1080/00228958.1987.10517823
Schwab Joseph (1983). « The Practical 4. Something for Curriculum Professors to Do », Curriculum Inquiry, vol. 13, no 3, p. 239-265. https://doi.org/10.1080/03626784.1983.11075885
Tyler Ralph W. (1949). Basic Principles of Curriculum and Instruction, University of Chicago Press.
Rugg Harold W. (1927). « List of Fundamental Questions on Curriculum-Making », dans Guy Whipple (dir.), The Foundations of Curriculum-Making, 26th Yearbook, Part 2 of the National Society for the Study of Education, Public School Publishing, p. 9-10.