Notice 4
Certification et curriculum
Dominique Raulin
Le terme certification, ainsi que différents mots de la même famille (certificats, certificatif, certificative) sont d’un usage courant dans le système éducatif français. Ils font référence à un mode d’évaluation des élèves qui a pour objectif d’attester l’acquisition de connaissance ou le niveau de maîtrise d’une compétence.
« La fonction de la certification est essentiellement sociale : il s’agit de certifier devant des instances sociales les effets ou produits d’une action menées » (De Ketele, 2011). Ainsi, le mot « certificat » est utilisé pour officialiser une acquisition : par exemple, dans certificat d’aptitude professionnelle (CAP), certificat de formation générale (CFG), certificat d’aptitude à l’enseignement secondaire (CAPES), certificat informatique et internet (C2i). Il est parfois remplacé par le terme « attestation », comme dans l’attestation scolaire de sécurité routière (ASSR). L’adjectif « certificative », quant à lui, spécifie une forme d’évaluation dans l’expression « évaluation certificative ». L’évaluation certificative se situe en fin d’apprentissage. Elle se distingue de l’évaluation sommative pratiquée également en fin d’apprentissage par son objectif de rendre publics les acquis des élèves. Dans ce sens, l’évaluation certificative est associée à l’attribution des diplômes, forme particulière d’officialisation des acquis. Aussi les deux termes certification et diplômation ne sont-ils pas interchangeables.
Dans le système éducatif français, il existe plusieurs types de certification :
- celles menées sur la base d’un référentiel externe à l’établissement scolaire. Par exemple, l’attestation scolaire de sécurité routière (ASSR) dont il faut noter que ce n’est pas un diplôme ; dans l’enseignement secondaire, l’évaluation en langues vivantes sur la base du Cadre européen commun de référence en langues vivantes (CECRL, Commission européenne, 2001, 2018, 2022) pour laquelle le référentiel est donc externe : l’évaluation atteste qu’un niveau de maîtrise des compétences listées est atteint, mais ne donne pas lieu à l’attribution d’un diplôme. Dans le système éducatif français, le niveau A1 correspond à l’école élémentaire, les niveaux A2 et B1 au collège, et B2 correspond à la fin du lycée ;
- les certifications menant à l’attribution d’un diplôme : diplôme national du brevet en fin de collège, baccalauréats (général, technologique ou professionnel) en fin de lycées, certificat d’aptitude professionnelle (CAP), brevet d’étude professionnelle (BEP), brevet professionnel (BP). En 2023, quels que soient le diplôme et les programmes ou curricula concernés, la pratique de certification se fait en organisant un contrôle (interne) en cours de formation (CCF) et une ou des épreuves terminales, puis en donnant une note à chaque épreuve, et enfin en utilisant ces notes partielles pour attribuer une note globale finale calculée selon un mode opératoire propre à chaque diplôme (coefficients, répartition CCF/épreuves terminales), censée représenter le niveau global des candidats voire de leurs acquis.
L’attachement du système français à un système de notation dont les insuffisances et les défauts (objectivement incorrigibles) sont connus depuis longtemps (Piéron, 1934), rend les pratiques d’évaluation certificative dans le cadre d’un curriculum, discutables et fragiles.
Un exemple de cette fragilité est observable dans la place donnée à la validation du socle commun des connaissances, des compétences et de culture dans l’attribution du diplôme national du brevet (DNB) depuis 2017. Tout d’abord, le terme « certification » n’est pas utilisé, on trouve à la place celui de « validation » ; ensuite, bien que la prise en compte du socle commun soit inscrite dans la réglementation, sa non-validation n’entraîne pas dans les faits un échec au DNB. Jusqu’en 2019, cette même fragilité existait dans la prise en compte du B2i dans l’attribution du DNB. Comme pour le socle commun, Duvauchelle (CEPEC, 2010) note que la non-obtention de cette épreuve n’est dans les faits que rarement rédhibitoire pour le brevet des collèges. Cette fragilité s’accentue avec la suppression du B2i et son remplacement par la plateforme en ligne de positionnement PIX qui permet à n’importe quel apprenant (élève, étudiant, adulte) de situer son niveau de compétences dans le domaine du numérique puis de le faire valider par un professeur ou un formateur. Le caractère discutable tient par exemple à la transformation d’un niveau de compétences observées en une note chiffrée. C’est par exemple la pratique usuelle pour évaluer les compétences expérimentales en physique-chimie et SVT pour le baccalauréat S ou bien les performances réalisées en EPS pour les baccalauréats des voies générale et technologique.
Comme l’a démontré la docimologie, chaque note est empreinte de défauts, mais surtout les calculs arithmétiques aboutissant à la note globale entérine la légitimité de la compensation entre les disciplines ainsi qu’entre les compétences.
Ainsi, comme pour l’évaluation des acquis des élèves (voir la notice 32 « Évaluation et curriculum »), la certification se heurte à la pratique, très difficile à modifier, de la notation à la française. Raulin (2017, p. 73) explique : « modifier une pratique aussi ancrée, voire fondatrice, du système éducatif que la notation chiffrée se heurte à deux difficultés : la résistance au changement du côté des acteurs de terrain, l’incapacité des décideurs ou parfois l’impossibilité pour eux d’opérer les changements potentiellement envisageables ». C’est donc peut-être une des raisons principales pour expliquer les atermoiements du système français vis-à-vis des curricula.
Références
De Ketele Jean-Marie (2011). « L’évaluation et le curriculum : les fondements conceptuels, les débats, les enjeux », dans Évaluation et curriculum. Les dossiers des sciences de l’éducation, Presses universitaires du Mirail, p. 89-106.
Piéron Henri (dir.) (1934). Études docimologiques sur le perfectionnement des examens et concours, Cnam.
Raulin Dominique (2017). « Objets et pratiques de l’évaluation scolaire », Revue française de pédagogie, vol. 200, p. 69-79. https://doi.org/10.4000/rfp.7021