Les dessins inédits prévus pour l’Atlas anatomique de Van Horne et Sagemolen ou Fabricius ab Aquapendente redivivus : de Padoue à Leyde, la question du mouvement, de son enseignement et de sa représentation.
Annie Bitbol-Hespériès
annie.bitbol@wanadoo.frCentre d’Études Cartésiennes, Paris
Je remercie Jean-François Vincent pour son invitation. Mes remerciements s’adressent aussi à tous les conservateurs et conservatrices de la salle de la réserve de la Bibliothèque interuniversitaire de santé, où j’ai toujours trouvé les conditions optimales de travail. Pour les images aimablement fournies pour ce texte, j’adresse un remerciement particulier aux conservatrices Estelle Lambert, Stéphanie Charreaux, Solenne Coutagne, ainsi qu’à Philomène Picart. J’associe à ces remerciements Jérôme Van Wijland, directeur de la Bibliothèque de l’Académie nationale de médecine, qui a gracieusement fourni une autre photo.
J’ai eu la chance de voir les quatre volumes de dessins réalisés par Marten Sagemolen pour l’atlas anatomique projeté par Johannes van Horne au moment de leur découverte. J’ai immédiatement pensé aux planches de Fabricius ab Aquapendente et j’ai signalé cette parenté. Après une nouvelle consultation des remarquables planches de Sagemolen au retour de leur superbe restauration, je confirme cette parenté, non seulement en ce qui concerne la qualité des gravures en couleurs, mais aussi entre les buts poursuivis par les deux professeurs d’anatomie : Fabricius ab Aquapendente à Padoue, université de la République de Venise, dans la seconde moitié du xvie siècle et au début du xviie siècle, puis Johannes van Horne, à Leyde, aux Pays-Bas, dans la seconde moitié du xviie siècle. Dans les deux cas, une vaste ambition au service de la connaissance précise de l’anatomie de la part d’enseignants d’anatomie et de chirurgie. Dans les deux cas, une recherche de l’exactitude dans la représentation d’après nature, l’utilisation du grand format et celle de la couleur. Dans les deux cas, s’agissant de la myologie, une absence de publication des planches réalisées. Dans les deux cas, des planches que l’on croyait perdues. Dans les deux cas, deux bibliothèques réputées où ces magnifiques images ont été retrouvées, mais pas dans leur totalité, et restaurées, permettant une transmission dans les meilleures conditions.
Mais ces points communs entre Fabricius d’une part, et Van Horne avec son dessinateur Marten Sagemolen d’autre part, ne signifient pas que la situation de ces enseignants d’anatomie soit tout à fait comparable et que les questions liées à l’étude des muscles soient restées identiques, comme plus généralement l’étude et la représentation des mouvements du corps et dans le corps. C’est sur ce moment crucial de l’histoire de la médecine qu’il convient de revenir.
De Padoue à Leyde en passant par Bâle : l’enseignement de l’anatomie et la transmission des images↑
Padoue : Hieronymus Fabricius ab Aquapendente héritier de Vésale
Dans l’histoire de l’anatomie, la place de Fabricius d’Acquapendente (Girolamo Fabrici / Fabrizi d’Acquapendente, 1533-1619) est exceptionnelle par la longévité de son enseignement – pendant plus de quarante-cinq ans –, par ses qualités pédagogiques et son habileté d’anatomiste attirant des étudiants de toute l’Europe, par ses compétences de praticien de la médecine et de la chirurgie qui ont fait de lui l’enseignant supraordinarius. Les talents de Fabricius sont reconnus par la République de Venise qui lui décerne les plus grands honneurs : il est chevalier de San Marco et porte le collier d’or avec le lion ailé. Il a dédié sa vie à l’enseignement de l’anatomie et de la chirurgie et à la pratique médicale et chirurgicale et n’a commencé à publier que plus tard.
Fabricius se présente en digne héritier de Vésale, dont il veut corriger les imprécisions et les lacunes. Pensons par exemple aux questions alors mystérieuses entourant l’anatomie féminine et la vie embryonnaire et donc au grand traité in-folio superbement illustré de gravures en noir et blanc sur la formation du fœtus, De formato foetu, que Fabricius a publié à Padoue en 160411. Et pas en 1600 (…) .
L’anatomie féminine, l’utérus gravide, le placenta, la vie embryonnaire et les membranes entourant le fœtus seront ensuite étudiés plus précisément à Leyde, dans les années 1660, par Johannes van Horne, à la suite de Fabricius d’Acquapendente et de son étudiant le plus illustre : le médecin anglais William Harvey. Dans la réédition complétée de son résumé de l’anatomie humaine intitulé Mikrokosmos, publiée en 1662, toujours avec Microcosmus en titre courant, Van Horne se réfère à une planche de Fabricius après avoir cité les études sur la génération des animaux, les Exercitationes de generatione animalium du « très célèbre Harvey », publiées en 1651 à Londres et à Amsterdam22. Mikrokosmos se (…) . Les étudiants de Van Horne poursuivront ces études, notamment Swammerdam33. Swammerdam (et (…) . Sagemolen avait-il dessiné les muscles des organes sexuels féminins et masculins qui s’attachent sur les os du pelvis représentés sur de nombreux dessins dans les quatre albums, notamment dans les Ms 27 et 2944. Voir dans l’al (…) ? Le catalogue de la vente de la bibliothèque de Van Horne en 1670 précise, au sujet des dessins de Sagemolen, qu’il s’agit d’une « admirable anatomie des muscles de tout le corps, peinte en couleurs vives55. Photo du docum (…) ». Ce vaste projet iconographique d’anatomie entrepris à Leyde se plaçait dans le sillage de celui de Fabricius.
À Padoue en effet, Fabricius avait nourri une grande ambition dans l’histoire de l’anatomie : celle de réaliser un Theatrum totius animalis fabricae, une œuvre évoquée dans la dédicace de son traité sur la vision publié en 1600, le De visione. De cette entreprise ambitieuse, il reste les images colorées d’anatomie, les Pitture colorate d’anatomia, conservées à la Marciana de Venise. Dans ces images léguées par Fabricius à la République de Venise, comme dans le traité sur la formation du fœtus, Fabricius s’intéresse non seulement à l’anatomie humaine, mais aussi à celle des animaux, en référence à Aristote et à ses grands traités sur la génération des animaux, l’histoire des animaux et les parties des animaux, étudiés en latin en Europe.
Les gravures dans les livres de Fabricius et les pitture colorate sont d’une variété et d’une qualité exceptionnelles. Dans ses dispositions testamentaires concernant les pitture, Fabricius souhaitait qu’elles soient montrées et copiées. Parmi celles-ci figure une myologie de tout le corps humain, De anatomia musculorum totius corporis qui accorde une grande place à la représentation précise de la musculature des membres humains, autrement dit de ce qui fait, du point de vue anatomique, la spécificité de l’être humain parmi les animaux et ce qui fonde la dignité de l’Homme : la main, célébrée depuis Aristote et Galien, la main dont les médecins rappellent qu’elle est organe de préhension, qu’elle caresse, écrit, dessine, tient le pinceau, ainsi que les instruments pour ouvrir les corps morts afin de dévoiler leurs organes, et dont les chirurgiens rappellent qu’elle manie notamment le scalpel pour ouvrir les corps vivants afin de leur faire recouvrer la santé, et la scie dans le cas des redoutables amputations. Quant aux pieds, ils assurent la station droite de l’Homme, une des manifestations de la singularité, de « l’excellence » et de la dignité du corps humain au sein de la Création. Bauhin n’est pas le seul anatomiste à ajouter une autre considération : la différence entre le décompte des muscles oculomoteurs chez les animaux et chez l’Homme, le septième muscle observé notamment chez les quadrupèdes servant à empêcher que leurs yeux ne sortent des orbites, les bêtes brutes ayant toujours la vue penchée vers la terre, alors que les Hommes regardent le ciel66. Bauhin, Caspar (…) .
Johannes van Horne : sa formation et le contexte médical à Leyde
Van Horne a étudié la médecine à Utrecht, notamment avec Henricus Regius (Hendrik de Roy ou le Roy) – point sur lequel je reviendrai – et Guilielmus Stratenus (Wilhem Van der Straten), après avoir commencé ses études à Leyde avec Johannes Walaeus (Waleus, Jan de Wale). Van Horne est ensuite parti étudier à Padoue avec Johann Vesling, un des successeurs de Fabricius, et y a obtenu son doctorat en médecine. Il est allé à Naples étudier avec le chirurgien Marco Aurelio Severino ou Severinus, qu’il cite dans son abrégé de chirurgie en latin, et avec lequel il a correspondu. Van Horne a reçu un doctorat honorifique à Bâle (Basel).
Bâle, entre Padoue et Leyde, est la ville universitaire suisse sur le Rhin où les grands traités de Vésale, la Fabrica et l’Epitome, préparés à Padoue, ont été imprimés par Oporinus. Bâle est, depuis l’enseignement dispensé par Caspar Bauhin, un centre où l’héritage de Vésale et celui de Fabricius sont très vivants, comme en témoigne le traité d’anatomie avec gravures notamment reprises de Vésale et de Fabricius, mais en petit format, le Theatrum anatomicum (1605, 1620-1621), livre largement diffusé en Europe. Les planches anatomiques du Theatrum anatomicum sont rééditées en 164077. Bauhin, Caspar (…) . Le fils de Caspar Bauhin, Johann Caspar Bauhin a également enseigné la médecine à Bâle à partir de 1629. C’est à Bâle que Van Horne a reçu un titre honorifique de docteur et correspondu avec Johann Caspar Bauhin88. La bibliothèqu (…) . C’est encore à Bâle que Franciscus de le Boë Sylvius – futur célèbre collègue de Van Horne à Leyde – a obtenu en 1637 son doctorat en médecine. Sa thèse en latin, défendue le 16 mars portait sur le mouvement animal et sur les lésions qui l’empêchent : De animali motu ejusque laesionibus. Comme Van Horne et d’autres jeunes docteurs ou étudiants en médecine, tels les Danois Thomas Bartholin puis Nicolas Sténon (Niels Stensen), Sylvius a voyagé en Europe dans d’autres universités médicales, pratiquant la peregrinatio academica.
En Hollande, et en particulier à Leyde, on s’inspire de l’enseignant emblématique de Padoue : Fabricius ab Aquapendens, dont Peter Paaw (Pieter Pauw, Petrus Pavius, 1564-1617), premier titulaire de la chaire d’anatomie de l’université de Leyde en 1589, a suivi des leçons. Paaw a occupé cette chaire jusqu’à sa mort le 1er août 1617. Il a fait ériger à Leyde le premier théâtre anatomique permanent qui a ouvert en 1597. Ce théâtre aux travées circulaires s’inspirait de celui de Padoue, que Fabricius avait fait rebâtir en 1594 après la destruction de la première construction permanente de 1585.
Deux gravures fameuses de 1609 et 1610 montrent le théâtre anatomique de Leyde, l’une pendant une séance de dissection, l’autre pendant l’intervalle de la démonstration anatomique quand le corps offert à la dissection sur la table rectangulaire participe au spectacle offert. En effet, dans ce théâtre, des squelettes humains articulés à la manière vésalienne voisinaient avec des squelettes articulés d’animaux. Ces squelettes humains et animaux portaient des bannières associant le thème du « connais-toi toi-même », nosce te ipsum, alors invoqué dans les leçons d’anatomie, avec la fragilité et la brièveté de la vie. Elles indiquaient que nous sommes poussière et ombre, pulvis et umbra sumus, rappelaient la fragilité de la vie humaine : l’homme est une bulle, homo bulla, la mort l’ultime étape d’une vie brève : mori ultimum, vita brevis, et elles insistaient sur la proximité de la vie avec la mort : mors ultima linea rerum, principium moriendi natalis est. Cette mise en scène spectaculaire en termes pessimistes était imprégnée de ton moralisant, comme en témoignaient de manière exemplaire les deux squelettes humains articulés, mais sans bannières faisant face au meuble contenant les instruments d’anatomie : ceux d’un homme et d’une femme, placés face à la table de dissection et de chaque côté de l’arbre de la connaissance. Ces figures d’Adam et Ève (qui tend la pomme), rappelaient, en terre calviniste, que la mort physique et héréditaire est la conséquence du péché originel.
Ce qui frappe dans ces gravures de la leçon d’anatomie à Leyde au début du xviie siècle, c’est la distance prise avec la tonalité des traités de Fabricius d’Acquapendente et de Caspar Bauhin, qui louaient, après Vésale, la perfection de l’être humain, l’admirable fabrica du corps humain, chef-d’œuvre au sein de la Création. Vésale, Fabricius et Bauhin joignaient le finalisme aristotélicien repris par Galien aux louanges envers l’Opifex, le Créateur ou Natura pour l’œuvre incomparable accomplie dans la création du corps humain. Dans la lettre dédicatoire du Theatrum anatomicum, saturée de références, comme le traité, Bauhin tient à faire reconnaître la dignité de l’étude du corps humain par rapport à la philosophie et à la théologie : « Celui qui admire l’homme, admire Dieu » qui a créé le macrocosme et le microcosme, autrement dit le monde et l’Homme. Les médecins du Royaume de France catholique, André du Laurens et Jean Riolan (fils), incluent des louanges envers « l’admirable Architecte » et des actions de grâce à Dieu dans leurs traités d’anatomie. Ces traités insistent sur la structure particulièrement digne d’admiration du corps offert à la dissection. Ils amplifient la tradition issue du De usu partium de Galien, pour vanter, par exemple, l’admirable « fabrique » du cœur, l’admirable façon dont se fait la vision et l’admirable structure de la main. Leurs auteurs affirment que la connaissance du corps par l’anatomie « est utile à l’homme pour se connaître soi-même » et « pour connaître Dieu », cognitio sui, cognitio Dei. Ils n’insistent pas sur le caractère éphémère de la vie humaine, mais scrutent le reflet de la part divine de l’Homme dans l’étude de son corps99. Du Laurens, Hi (…) .
Dès la préface de son traité, Bauhin insiste sur l’importance des dissections. C’est l’ordre de la dissection dans la leçon d’anatomie qu’illustre la composition du Théâtre anatomique en latin, ce qui le distingue de l’ordre adopté par Vésale dans la Fabrica. Dans son grand in-folio sur la Fabrique du corps humain, De humani corporis fabrica, Vésale commençait par l’ostéologie et divisait son traité en sept livres. Bauhin commence par le ventre inférieur, autrement dit la cavité abdominale qui contient les parties les plus sujettes à la corruption et celles liées à la génération, et son traité comprend quatre livres. Bauhin étudie ensuite le ventre médian, autrement dit la cavité thoracique avec ses parties vitales dont le cœur, puis au livre III, la tête ou troisième cavité, la plus importante, incluant notamment les organes des sens et les glandes, pituitaire ou hypophyse et pinéale ou épiphyse. Le livre IV est consacré aux membres supérieurs et inférieurs, la main d’abord, avec son éloge1010. Theatrum anato (…) et la description précise des muscles du bras, de l’insertion des épaules sur le dos, des muscles de la tête et du thorax, du cou, du dos, des bras, de la main, des doigts, puis l’étude des os du bras et de la main. Au chapitre XXX commence l’étude du pied qui permet à l’être humain de se tenir debout, avec référence à Galien1111. Theatrum anato (…) , puis vient la description précise des muscles avant celle des os. C’est l’ordre dont Van Horne se souviendra pour faire exécuter les dessins par Sagemolen. Bauhin offre aussi un regroupement pertinent des dessins de la Fabrica de Vésale, et il insère de nouvelles planches liées à l’essor des dissections.
Caspar Bauhin est cité avec éloges par William Harvey dans son traité latin sur le mouvement du cœur et du sang1212. Harvey, Willia (…) . Le succès des traités d’anatomie de Bauhin est reconnu par Jean Riolan (fils)1313. L’Anthropograp (…) . Bauhin est cité, avec un autre anatomiste de Bâle : Felix Plater, mais aussi avec Petrus Pavius (Peter Paaw/Pieter Pauw) de Leyde et Fabricius ab Aquapendente de Padoue dans la nouvelle édition du traité d’anatomie en latin de Caspar Bartholin révisée par son fils Thomas, publiée à Leyde en mai 1645. Ce texte approuve la découverte de la circulation du sang par William Harvey et insère des références au Discours de la méthode de René Descartes.
Les gravures de 1609-1610 du théâtre anatomique ne sauraient résumer l’atmosphère qui entoure l’enseignement de l’anatomie à Leyde. Une autre gravure doit retenir notre attention ; celle, en plus gros plan, inscrite dans un cadre différent : la leçon d’anatomie dispensée par Peter Paaw.
Il s’agit d’une planche qui se déplie insérée au début du traité de Paaw sur l’ostéologie du corps humain, De humani corporis ossibus, publié à Leyde en 16151414. Pavius, De hum (…) . Cette gravure montre Paaw effectuant la dissection d’un corps humain masculin, non pas dans le théâtre d’anatomie, mais dans une église, comme cela arrivait alors dans plusieurs villes des Pays-Bas, pour deux raisons. D’abord parce que les églises sont des lieux où il fait frais, ensuite parce que les églises étaient alors liées aux conflits religieux : les Protestants confisquaient les églises et en utilisaient certaines pour des démonstrations anatomiques. Ce fut le cas à Amsterdam au couvent de Sainte Ursule au milieu du xvie siècle et, plus tard, au xviie siècle, à Delft, dans la Vieille église (à partir de 1614) et à Utrecht par exemple, à l’église Saint Pierre (Pieter). À Leyde, avant l’inauguration du théâtre d’anatomie, c’était l’église Faliede du béguinage1515. Faliede Bagijn (…) qui abritait aussi une bibliothèque et une collection d’objets rares suscitant curiosité et admiration. La gravure montre Paaw pratiquant lui-même la dissection, comme le faisaient Fabricius et Bauhin après l’injonction vésalienne inscrite au début de la Fabrica et illustrée dans le frontispice. À la différence de la gravure de 1609 du théâtre anatomique de Leyde, la table de dissection sur laquelle officie Paaw n’est pas rectangulaire ; ce n’est pas non plus l’autel, qui servait parfois de table de dissection, mais c’est une table ronde, avec des crânes humains entourant la base du pied sculpté, au centre de la gravure. Ces memento mori se situent dans l’axe de l’unique squelette humain articulé surplombant la scène et portant une bannière rappelant que la mort est la fin de toutes choses, Mors ultima linea rerum. Sur la table, une bougie est posée sur un chandelier rond. Paaw n’a pas de livre ouvert devant lui. Ses mains sont posées de chaque côté du cadavre éviscéré. L’une, avec un linge, tient la main gauche du cadavre, tandis que l’autre écarte les chairs du flanc gauche avec les parties vitales, devant des spectateurs nombreux et variés, connus ou pas, dans une ambiance animée. Trois livres de format différent sont tenus par trois hommes. Le premier livre, de petit format, moins épais que ceux publiés par Bauhin, mais d’une épaisseur comparable à celle des ouvrages de Paaw, est tenu par un jeune homme attentif et élégant placé derrière Paaw. Les deux autres livres sont tenus par des spectateurs situés sur les gradins. Sur le premier gradin, celui des dignitaires, un homme âgé, barbu, à lunettes tient un in-folio ouvert dans les dernières parties de l’ouvrage : on peut penser au livre VI, chapitre IX de la Fabrica de Vésale sur la situation et la forme du cœur1616. De humani corp (…) . Dans le même axe, sur le gradin le plus élevé, celui des étudiants, l’un d’entre eux porte un lourd in-folio qu’il a refermé, suggérant le primat de l’observation directe, donc des dissections, conformément aux prescriptions de Vésale et de Fabricius.
L’héritage de Vésale et de Fabricius en Hollande
Ce double héritage médical, celui de Vésale et celui de Fabricius, est en effet revendiqué en Hollande. La renaissance vésalienne aux Pays-Bas est inscrite en 1632 dans le fameux tableau de Rembrandt, L’Anatomie du Dr Tulp. Une leçon d’anatomie aussi admirable qu’improbable, puisqu’au xviie siècle, alors que le corps humain renferme encore tant de « secrets », aucune dissection ne commençait par la main : elle se terminait par la main.
Si Tulp a souhaité être représenté en train de montrer les muscles de l’avant-bras qui commandent la flexion des doigts de la main, c’est que cette présentation doit l’imposer comme un « nouveau Vésale », puisque le portrait du jeune Vésale, qui ouvre la Fabrica le montre avec un bras disséqué1717. Heckscher, W. (…) .
Un an après, en 1633, paraît à Amsterdam une réédition du traité Andreæ Vesalii epitome anatomica, d’abord publié à Leyde en 1616. Cet ouvrage de petit format rédigé par Paaw (Pavius) contient des gravures dont certaines sont des feuillets qui se déplient. Le titre ne doit pas induire en erreur : il ne s’agit pas de la reprise de l’Epitome de Vésale, grand in-folio superbe aux planches recomposées par rapport à la Fabrica et publié la même année en 1543, chez le même éditeur bâlois1818. Chez Oporinus (…) . Le traité intitulé Andreæ Vesalii Bruxellensis, Epitome anatomia opus redivivum, avec notes et commentaires de Pavius1919. Andreae Vesali (…) , est un bref résumé de l’anatomie vésalienne inspiré par la Fabrica, qu’il s’agit de faire revivre. Le livre de Paaw s’ouvre sur les petits os de l’oreille, puis examine l’ostéologie du crâne, de la colonne vertébrale, des côtes, des os du membre inférieur, avant de passer à la musculature du dos, avec reprise de la planche vésalienne, également présente chez Bauhin, et sur laquelle je reviendrai. Suit l’étude de l’estomac et du cœur2020. Andreae Vesali (…) . Le chapitre V sur le cerveau reprend la gravure de Vésale sur son innervation, puis le chapitre VI sur la génération présente notamment, en gros plan pourrait-on dire, l’intérieur de la cavité féminine. La gravure, qui fait écho aux sculptures grecques de Vénus, est reprise de Vésale et de Bauhin, mais inversée, avec la mèche de cheveux moins bien dessinée que chez Bauhin qui montrait en outre de manière plus précise les seins, l’un avec son mamelon, l’autre, comme chez Vésale, sans la peau. J’observe que, comme chez Vésale et Bauhin, des termes en langue grecque voisinent avec leur traduction latine et que, dans cette partie, le mot uterus qu’utilisait Fabricius, est préféré à celui, plus mystérieux, de matrix, dont la mobilité, voire l’« errance » dans le corps féminin, suscitait des spéculations. Je rappelle aussi qu’alors, l’accroissement de l’utérus au cours de la gestation, sa dilatation puis sa rétractation après l’accouchement étaient objet d’admiration. Pour Van Horne, qui étudie avec précision l’utérus dans Mikrokosmos, cela touche au miracle2121. Mikrokosmos, o (…) . La gravure de Bauhin, avec changement des lettres de la légende, a été reprise dans l’édition des Institutions anatomiques de Bartholin père et fils en 1645, avec « utérus » décliné à l’accusatif comme premier mot de la légende2222. Institutiones (…) .
La publication amstellodamoise de 1633 est souvent réunie avec les commentaires du même Paaw sur des traités médicaux et chirurgicaux de l’Antiquité d’abord publiés à Leyde. L’approche de Paaw se caractérise par une actualisation des références par rapport aux citations des textes sources, avec, par exemple, la référence à Pareus, autrement dit au chirurgien Ambroise Paré, dont les traités circulent en Europe grâce aux traductions latines. Prolongeant cette actualisation, l’autre caractéristique tient à la présence d’illustrations directement issues des traités de Vésale ou d’inspiration vésalienne. Ainsi, l’édition de 1616 des Commentaires au traité attribué à Hippocrate sur les lésions de la tête, Commentaria in Hippocratem de capitis vulneribus, avec références à Galien et à Celse, s’ouvre sur la planche, inversée et en petit format du squelette articulé avec la bêche qui se détache désormais sur un paysage plat et non plus sur les douces collines de Vénétie comme dans la Fabrica2323. Vésale, Fabric (…) . Cette planche qui se déplie figurait dans le traité d’ostéologie humaine en latin, d’abord publié à Leyde en 16152424. De humani corp (…) . Bauhin l’avait déjà reprise dans le Theatrum anatomicum, sans l’inscrire dans un paysage2525. Theatrum anato (…) . Paaw associe transmission des textes de la tradition médicale et iconographie dérivée de la Fabrica de Vésale, comme c’est encore le cas dans le résumé des huit livres du De re medica de Celse2626. Aulus Corneliu (…) .
Les traités de Paaw ne sont pas d’épais ouvrages in-folio, et les gravures tiennent sur une page ou sur des feuillets intercalés qui se déplient. Les traités de Van Horne ne seront pas non plus d’épais livres in-folio, ils citeront Vésale et plus encore Fabricius d’Acquapendente. Mais avant de les étudier et d’examiner les magnifiques dessins de Sagemolen destinés à l’atlas anatomique projeté par Van Horne, il convient de préciser l’évolution du contexte médical et d’en restituer la complexité, après l’institution officielle de l’enseignement de l’anatomie à Leyde dans le sillage de Vésale et de Fabricius.
Un nouveau contexte médical : la découverte controversée de la circulation du sang et son approbation par Descartes↑
De Fabricius et Bauhin à William Harvey
Fabricius d’Acquapendente doit à nouveau être cité pour sa fine exploration des vaisseaux sanguins, les veines qu’il retourne pour faire apparaître leurs « petites portes » ou valvules, dont il est le premier à démontrer l’existence. Fabricius publie en 1603 le De venarum ostiolis, bel in-folio avec gravures en noir et blanc sur cette découverte des petites portes, ostiola, dans les veines dont il pense qu’elles retardent le mouvement impétueux du sang dans le corps humain2727. De venarum ost (…) . Il a démontré leur présence lors d’une anatomie publique en 1574, et il a refait plusieurs fois sa démonstration de la découverte des ostiola dans les veines du bras et de la jambe devant ses étudiants.
Deux ans après la publication de Fabricius, Caspar Bauhin divulgue cette découverte en insérant des planches de Fabricius en annexe à son Theatrum anatomicum2828. Theatrum anato (…) . Bauhin évoque la démonstration publique de cette découverte par Fabricius à Padoue en 1574, reproduite en 1579. Bauhin précise que Salomon Albertus, enseignant à Witemberg les a également montrées en 1579 et qu’il a écrit à leur sujet en 15842929. Albertus, S., (…) . Bauhin privilégie le terme de valvula, que les médecins vont retenir3030. Theatrum anato (…) . Suivent des expériences pour vérifier la présence de valvules dans toutes les veines, notamment la veine azygos. La table I de Bauhin montrant les valvules du bras ainsi que l’implantation des valvules dans les grandes veines crurales retournées est reprise sans modification des lettres des légendes dans l’édition de 1645 des Institutiones anatomicae de Bartholin père actualisées par son fils, avec le terme « valvulas ».
Avant cela, en 1628, William Harvey, médecin du roi Charles Ier d’Angleterre, avait repris la partie supérieure de la planche de Fabricius, via Bauhin, sur les valves des veines du bras. Le médecin anglais, également professeur au Royal College of Physicians, écrit que son maître Fabricius, qui a découvert les valves veineuses, n’a pas compris leur fonction, leur usage, leur utilité, usus, qui est d’imposer un sens au mouvement du sang dans le corps, comme le font aussi les valves du cœur. Harvey est le premier à démontrer la circulation du sang chez les êtres vivants dans son traité latin au titre modeste, Exercitatio anatomica de motu cordis et sanguinis in animalibus, autrement dit Exercice anatomique sur le mouvement du cœur et du sang dans les êtres vivants, où le mot Exercitatio prend le sens de démonstration dès qu’on lit l’ouvrage au format modeste de 72 pages, mais d’une densité, d’une rigueur et d’une précision remarquables, sur un thème qui suscitait l’admiration depuis l’Antiquité, faute de pouvoir être compris : le mouvement du cœur. Associer l’explication du mouvement du cœur à la démonstration du mouvement circulaire du sang dans le corps, voilà une audace peu commune. Harvey a raison d’écrire, au début du chapitre VIII sur le mouvement circulaire du sang que les idées qu’il va exposer sont « nouvelles et jamais entendues (inouïes/inédites) » : nova sunt et inaudita3131. Exercitatio an (…) .
Leyde, 1637 : Descartes, défenseur de la circulation du sang et son influence, notamment sur Regius, professeur de médecine
à Utrecht
La découverte de Harvey est fondamentale, nous le savons, mais nous avons oublié qu’elle a mis du temps à s’imposer, en France plus qu’ailleurs : songeons à Molière et aux Diafoirus père et fils, qui ne sont pas en 1673, quand ils s’opposent aux « circulateurs3232. Molière, Le ma (…) », des médecins anachroniques puisque c’est en mars 1673 que le chirurgien Pierre Dionis, nommé par le roi Louis XIV, a commencé à enseigner L’anatomie de l’homme suivant la circulation du sang et les dernières découvertes3333. Dionis, L’anat (…) au Jardin du Roi, notre Jardin des Plantes.
C’est un fait que la circulation du sang a été rejetée, ignorée et a suscité de violentes controverses. René Descartes est un des premiers en Europe à défendre cette découverte dans le Discours de la méthode. Notons qu’il n’y a pas, alors, de récit exaltant les qualités de découvreur exceptionnel de Harvey.
Descartes, installé aux Pays-Bas depuis le printemps de 1629, a lu le traité de Harvey à la fin de l’année 1632. Il rédigeait alors l’important chapitre sur L’Homme qui s’inscrivait dans le vaste traité du Monde, où il s’était rallié aux découvertes des « nouveaux astronomes » : Copernic, Kepler, Galilée. Le choc de la condamnation de Galilée en 1633 a conduit Descartes à renoncer à publier cet ambitieux traité. Lecteur de « Vésale et les autres », Bauhin et son Theatrum anatomicum en particulier3434. Voir Le Princi (…) , puis de Harvey, Descartes continue alors ses expériences d’anatomie et d’embryologie et refait les expériences citées par le médecin anglais à l’appui de sa brillante démonstration de la circulation du sang3535. Voir les Prima (…) . Puisqu’il y a un « mouvement défendu », celui de la Terre, auquel il s’était rallié, Descartes va défendre deux autres mouvements, également « inconnus à nos yeux » : ceux qui se déroulent non plus dans Le Monde, mais dans L’Homme. Descartes va défendre sa propre conception du mouvement du cœur et va prendre la défense du mouvement circulaire du sang, récemment démontré par le médecin anglais.
En 1637, dans le Discours de la méthode, cinquième partie, Descartes conteste – à tort – l’explication par Harvey de la cause du mouvement du cœur, après avoir approuvé les preuves anatomiques de la circulation du sang que ce dernier a fournies. Cette approbation explicite, avec mention du nom de son découvreur et du titre abrégé de son livre3636. Discours de la (…) est aussi une rupture implicite avec le cadre aristotélicien, vitaliste et finaliste dans lequel Harvey avait inscrit sa magistrale démonstration. Harvey était sur ce point resté fidèle à sa formation padouane et à son maître Fabricius.
L’influence du Discours de la méthode et de l’Essai sur la Dioptrique
La circulation du sang insérée dans le contexte mécaniste issu du Discours de la méthode va être enseignée à Utrecht par Henricus Regius, qui avait obtenu son doctorat le 29 mars 1623 à Padoue, avec les successeurs de l’illustre Fabricius. Regius a exercé la médecine avant de correspondre avec Descartes et d’obtenir, le 10 juillet 1638, le poste de professeur extraordinaire de médecine à l’université d’Utrecht, grâce aux leçons privées qu’il donnait d’après le Discours de la méthode et la Dioptrique. Le Discours de la méthode pour l’approbation de la circulation du sang, le cœur, son mouvement, sa chaleur et la comparaison avec la fermentation, et la Dioptrique, un des Essais de la méthode, pour l’explication des sens, notamment la vue avec insistance sur le rôle des nerfs.
Le 18 mars 1639, Regius devient professeur ordinaire, autrement dit titulaire de la chaire de médecine. Après un échange de lettres avec Descartes, il décide de lui soumettre les thèses qu’il rédige pour les faire soutenir par ses étudiants (les thèses étaient alors rédigées par les enseignants et défendues par leurs étudiants lors de soutenances publiques). Ce professeur de médecine se comporte en disciple, comme en témoigne le ton des lettres en latin échangées à partir du 24 mai 1640, relatives aux modifications que Descartes lui propose d’introduire dans les thèses qu’il lui a soumises. Descartes contribue si largement à la rédaction de ces thèses de médecine qu’il est, en 1641, le co-auteur – qui souhaite rester anonyme – de l’ensemble des thèses regroupées sous le nom de Physiologia, dont Regius reprendra des passages dans ses ouvrages ultérieurs3737. Bitbol-Hespéri (…) , en les distribuant entre les Fundamenta physices de 1646 et les Fundamenta medica de 1647, puis en les insérant dans la Philosophia naturalis de 1654 et 1661. La Physiologia emprunte au Discours le « feu sans lumière » (ignis non lucidus) dans le cœur des êtres vivants, l’explication de la circulation du sang, du mouvement du cœur, les références aux « horloges et autres automates », et à la Dioptrique l’affirmation que « c’est l’âme qui sent et non le corps3838. Dioptrique, Di (…) ». Elle défend le mécanisme introduit dans le Discours et la circulation du sang, mais sans citer Harvey ni mentionner la référence du médecin anglais à l’aristotélisme au sujet de la définition du mouvement circulaire du sang. L’influence de Descartes se manifeste aussi quand Regius reprend les définitions de la diastole et de la systole que Descartes maintient contre Harvey. Après Descartes, et à l’encontre des spéculations sur l’origine mystérieuse de la chaleur cardiaque, Regius écrit que la chaleur du cœur est une « fermentation » comparable à celle qui se produit dans le « foin humide » (in foeno humido).
Avant les cours dispensés à Regius, le débat épistolaire avec le médecin Plempius pendant l’hiver 1637-1638 avait témoigné du retentissement de la cinquième partie du Discours et de certaines pages de la Dioptrique. Et alors qu’en juin 1637, le Discours a été publié sans nom d’auteur, dès septembre 1638, le nom de Descartes, latinisé en Cartesius, figure dans le traité Fundamenta medicinæ de Vopiscus Fortunatus Plempius (Plemp), au chapitre qui rejette les explications – différentes – de Harvey et de Descartes sur le mouvement du cœur, pour privilégier le recours à la traditionnelle « faculté pulsifique » (facultas pulsifica) du cœur. Ce professeur de médecine à Louvain, qui fut un des premiers lecteurs du Discours de la méthode, rejette aussi la circulation du sang, à laquelle Descartes avait voulu le rallier. Dans son traité, Plempius publie d’abord un résumé (compendium) des lettres que Descartes a rédigées en réponse à ses objections sur le mouvement du cœur3939. Plempius, De f (…) . Ce n’est qu’en 1644, dans la seconde édition et après les critiques de Regius, que Plempius fera intégralement paraître ses échanges épistolaires avec Descartes, et qu’il évoluera sur la circulation du sang.
En cette année 1644, un autre médecin hollandais, Johan Van Beverwick (Beverwijck, Beverovicius), praticien influent à Dordrecht, déjà auteur de plusieurs livres4040. Beverovicius, (…) , fait imprimer à Amsterdam, avec l’accord de Descartes4141. À Beverwick, 5 (…) , l’échange de lettres avec Plempius dans l’édition latine des Questions épistolaires avec réponses des docteurs publiées à Rotterdam. Descartes (Renatus Des Cartes) y est présenté comme auteur de référence sur les questions fondamentales du mouvement du cœur et de la circulation du sang.
À Leyde, après Utrecht, depuis les années 1640, les thèses défendues par les étudiants en médecine concernent encore la réception de la circulation du sang et l’étude des mouvements du corps et dans le corps. La correspondance de Descartes avec Regius en témoigne, comme les titres et le contenu des thèses alors défendues dans ces universités.
Au début des années 1640, Franciscus (Frans) de le Boë Sylvius donne à Leyde des leçons sur la circulation du sang. Il les évoquera plus tard dans les Disputationum medicarum, dédiées à Vorstius et publiées en 1663 à Amsterdam4242. Sylvius, F., D (…) . Ces Disputationes recensent les disputes liées aux thèses alors défendues par les étudiants, où les expériences sont mises en valeur. Elles témoignent de l’influence des idées de Descartes, soit par lecture directe, soit par l’intermédiaire de Regius. Dès la première série, la mort est liée à l’extinction de la chaleur du cœur, ce qui signifie qu’elle n’est plus liée au départ de l’âme, comme Descartes l’a affirmé au début de son traité sur les Passions de l’âme, article VI. Descartes a fait publier ce traité en 1649 à Amsterdam chez Louis Elzevier, avant de quitter la Hollande pour la Suède, à l’invitation de la reine Christine. C’était son dernier voyage, puisque Descartes est mort à Stockholm le 11 février 1650, quatre mois après son arrivée dans la capitale suédoise. Le traité des Passions de l’âme a été réimprimé plusieurs fois en 1650, 1651, 1664 et il a été traduit en latin dès 1650, et réimprimé en 1656 et 1664 notamment4343. Passiones anim (…) . La troisième série des Disputationes de Sylvius, consacrée à la mutation du chyle en sang, au mouvement circulaire du sang et au mouvement du cœur et au pouls des artères4444. Disputationum (…) , cite le nom de son découvreur, l’Anglais William Harvey (« Gulielmi Harvei Angli ») mais dans le contexte mécaniste du recours à la raréfaction, invoquée par Descartes, dont le nom est passé sous silence. La raréfaction du sang est encore citée au paragraphe suivant avec mention de la dilatation des ventricules. De même, l’invocation des « esprits animaux » dès cette série, précisée dans la série suivante, avec leur distribution dans et par les nerfs, témoigne de l’influence du Discours de la méthode et des Passions de l’âme, ainsi que des textes de Regius inspirés par Descartes.
En 1643, vingt ans avant la publication de ces Disputationes, Vorstius professeur de médecine et de botanique à Leyde, avait interrogé Descartes sur les esprits contenus dans le corps de l’Homme. Dans sa réponse, le 19 juin 1643, Descartes avait confirmé ce qu’il avait déjà exposé : que ces parties les plus « pures » du sang, parce que subtiles et légères, s’écoulent depuis les cavités du cerveau « par les nerfs dans tous les muscles du corps où elles servent à mouvoir les membres », ce qu’il a redit dans les Passions de l’âme.
En 1645, les Institutions anatomiques en latin de Caspar Bartholin, révisées et actualisées par son fils Thomas, citent, dès la préface, les observations de Walaeus « l’Esculape de Leyde », qui confirment la circulation du sang exposée par Harvey. Le traité contient deux lettres de Walaeus (Jan de Wale), sur le mouvement du chyle et du sang, en réponse aux interrogations de Thomas. La préface cite aussi le nom de Franciscus Sylvius, puis à nouveau, celui de Harvey avec ceux d’Asellius, de Riolan (fils), Spigelius, Licetus, Severinus, Parisanus, Primirosius, Plempius, Renatus de Cartes (René Descartes), Beverovicius parmi les « Veri & Naturæ Interpretes4545. Institutiones (…) ». Vésale, Bauhin, Casserius et Franciscus Sylvius sont mentionnés à la fin de la préface, datée de 1640 et confirmée en 1645. Ce traité sera traduit en français, puis réédité et actualisé avec changement de titre et nouvelles tables anatomiques dans l’édition de Leyde de 1651, chez Hackius. Il s’intitule désormais Anatomia reformata et sera réédité en 1655 à La Haye, chez Vlacq avec quelques modifications.
Ces indications témoignent du contexte ouvert aux nouveautés dans lequel Van Horne a étudié puis enseigné. À Utrecht, il a suivi les cours de Regius, dont les thèses réunies sous le nom de Physiologia et corrigées par Descartes, ont notamment nourri les Fundamenta physices publiés à Amsterdam chez Louis Elzevier en 1646, avant de figurer, avec la physique cartésienne des Principia Philosophiae (Principes de la philosophie) et la physiologie exposée dans le traité des Passions de l’âme, dans la Philosophia naturalis de 1654 et 1661.
L’originalité du traité des Passions de l’âme est d’accorder au corps et à ses mouvements une place exceptionnelle. Descartes est le premier à expliquer les passions de l’âme en tenant compte de la circulation du sang et des mouvements du cœur, posant ainsi publiquement les « principaux principes de physique » sur lesquels repose sa médecine. Descartes a décrit ces principes dans sa correspondance avec la princesse Élisabeth de Bohême4646. Voir notamment (…) , tout en affirmant l’existence d’une « liaison entre notre âme et notre corps », que confirme le traité des Passions de l’âme. Les lettres de Descartes à Élisabeth ont été publiées par Clerselier dans le premier tome de la correspondance de Descartes en 16574747. Lettres de M. (…) . Notons aussi que la Première Lettre-Préface au traité des Passions de l’âme cite des auteurs contemporains de Descartes et qu’il a lus : « Gilbert, Kepler, Galilée, Harvejus ». Kepler et Galilée sont des « physiciens » qui ont mis à mal la physique scolastique en étudiant, avant Descartes différents mouvements existant dans le monde. William Gilbert, physicien et médecin, que Descartes cite à l’article 166 de la quatrième partie des Principes de la philosophie, est l’auteur du traité latin sur le magnétisme, le De Magnete, publié en 1600. Harvejus est une des formes latines du nom de Harvey que Descartes a cité avec éloges dans la cinquième partie du Discours de la méthode, puis à l’article VII des Passions et plus longuement dans le texte alors inédit de la Description du corps humain. La référence à Francis Bacon ensuite, dans cette Lettre-Préface, souligne l’importance de « la Méthode qu’on doit tenir pour conduire la physique à sa perfection ». La difficulté de la tâche à accomplir n’a pas rebuté Descartes qui s’y est attelé jusqu’à étudier les passions « en physicien », ce qu’il affirme dans la réponse à la seconde lettre de la préface et qui en constitue le passage le plus connu. « Expliquer les passions en physicien », c’est tenir compte des mouvements du corps et dans le corps : mouvement circulaire du sang, mouvement du cœur, mouvements des valvules (valves), rôle des « petits nerfs », mouvement des esprits animaux (parties les plus subtiles du sang, qui « ne sont que des corps »), mouvements des muscles, volontaires ou pas, mouvements de la « petite glande » au milieu des concavités du cerveau. C’est l’originalité de ce traité. Mais sa nouveauté tient aussi à l’amer constat fait par Descartes des résistances à l’adoption de la circulation sanguine, exprimé à l’article VII et détaillé dans la Description du corps humain. On comprend mieux l’enjeu de la longue Première lettre : après le « mouvement défendu » de la Terre4848. AT I, 322. (…) , qui l’a fait renoncer à la publication du Monde, Descartes constate en 1649, plus de vingt ans après la publication du traité latin de Harvey, que le mouvement circulaire du sang n’est admis que par « tous ceux que l’autorité des Anciens n’a point entièrement aveuglés ». N’est-il donc pas urgent pour Descartes et aux yeux de « ceux qui viendront après nous4949. AT XI, 303, 30 (…) », d’inscrire ses travaux dans le vaste mouvement des idées scientifiques et de rappeler, après Francis Bacon, l’importance d’une méthode pour innover dans les sciences, comme Descartes l’a fait dans le Discours de la méthode pour bien conduire sa raison et chercher la vérité dans les sciences ?
De façon indépendante, en 1649, Harvey lui-même a défendu sa découverte de la circulation du sang et son explication du mouvement du cœur dans les deux Lettres à Riolan (fils), éditées simultanément à Cambridge et à Rotterdam. Plus de vingt ans après la publication de son traité latin sur le mouvement du cœur et du sang, Harvey répond à l’envoi par Riolan (fils) de son Manuel publié en 1648 Encheiridium anatomicum et pathologicum, qui, comme le titre l’indique, associe anatomie et pathologie. Cette association s’insère dans le contexte de la réception de la circulation du sang, qui, vingt ans après la démonstration de Harvey et onze ans après son approbation cartésienne dans le Discours de la méthode, suscite encore des objections et n’est toujours pas admise par la Faculté de médecine de Paris. Riolan (fils) n’admet pas une circulation du sang dans toutes les parties du corps et par tous les vaisseaux. Il défend l’ancienne médecine et la pratique, largement répandue, de la saignée. Dans la Première Lettre, Harvey pointe avec rigueur les erreurs de l’Encheiridium sur la méthode pour aborder la pathologie, et il dénonce avec précision les contradictions du texte de Riolan dans ses objections à la circulation. Harvey redit l’importance des observations anatomiques y compris des vivisections, comme dans son traité de 1628. Il insiste sur « l’expérience acquise dans ses nombreuses dissections » et sur l’intérêt d’autopsier des corps de personnes malades. La prescription sera retenue à Leyde beaucoup plus rapidement qu’à Paris.
Au début de la Seconde Lettre, Harvey s’emporte contre les détracteurs (vituperatores) de la circulation du sang et rejette l’existence des « esprits animaux ». Vers la fin, après avoir remercié Descartes pour l’approbation élogieuse de la circulation du sang, Harvey défend, contre Descartes, mais avec courtoisie, son explication du mouvement du cœur en confirmant les nouvelles définitions de la diastole et de la systole données en 1628, tout en soulignant la difficulté de l’observation du mouvement du cœur5050. Harvey, Exerci (…) . Difficulté réelle en l’absence d’instruments d’enregistrement de ces mouvements.
Les recherches médicales à Leyde : Van Horne et le « mystérieux intrus »
À Leyde donc, après Utrecht, on note l’importance de l’étude des mouvements des fluides du corps, dont un prend la préséance : le sang. En témoigne Van Horne lui-même dans son traité Mikrokosmos de 1662, dédié à George Ent, du Collège des médecins de Londres (Royal College of Physicians), et auteur un an auparavant d’une Défense de la circulation du sang : Apologia pro circulatione sanguinis publiée à Londres.
À Leyde, un autre fluide, non pas rouge comme le sang qui nourrit la chair des muscles, mais un liquide blanc qui circule dans des filaments blancs ou veines lactées suscite des débats chez les médecins. Mikrokosmos traite longuement des veines lactées et cite le nom de leur découvreur : Asellius5151. Mikrokosmos, o (…) . De l’intérêt pour la réception de ces découvertes importantes et pour les expériences qu’elles entraînent témoigne également le collègue de Van Horne à Leyde : Franciscus de le Boë Sylvius, dans les Disputationes de 1663.
Ces veines lactées ont été découvertes en Italie par Asellius (Aselli), en 1622, par hasard, sur un chien en période post prandiale et la découverte a été publiée en 1627 à Milan dans un traité avec planches en couleurs qui a été peu diffusé. La découverte est mentionnée dans la traduction de l’Anthropographie de Riolan (fils) en 1629, mais la faculté de médecine de Paris ne s’y intéresse guère. Et les controverses sur la circulation du sang vont occuper le devant de la scène en Europe. En 1640 le traité d’Asellius, avec orientation inversée des trois premières tables par rapport à la première édition, et avec des planches toutes en noir et blanc, est republié à Leyde par Jean Maire, avec le traité de Harvey sur la circulation du sang et le mouvement du cœur. En mai 1640, dans une lettre à Regius, Descartes cite les jeunes docteurs en médecine Sylvius et Schagen5252. F. Sylvius cit (…) , qui ont vu ces veines lactées et il mentionne l’indispensable recours aux expériences pour vérifier l’existence de ces vaisseaux. Il s’agit de vivisections de chiens en pleine digestion. Ces textes d’Aselli et de Harvey sont republiés en 1645 à Amsterdam dans une édition des Œuvres de Spigelius-Casserius. La première planche d’Aselli est reprise par Thomas Bartholin en appendice au livre I des Institutiones anatomicae de 1645, avec référence à la démonstration de Caspar Asellius. À la fin du livre, dans la première des deux lettres de Waleus sur le mouvement du chyle et du sang, figure la gravure d’une vivisection de chien5353. Institutiones (…) . Regius donne aussi une illustration de vivisection de chien dans la Philosophia naturalis5454. Philosophia na (…) .
Il me semble que le rappel de ces découvertes anatomiques, de leur transmission et de leur réception nous renseigne sur le contexte du mystérieux folio monté sur onglet qui se trouve au début du Ms 27. Ce « surprenant intrus5555. Perrot, Chloé (…) » me paraît concerner les expériences faites à Leyde sur le mouvement des fluides du corps à l’intérieur des vaisseaux. Van Horne, auteur en 1652 d’un texte revendiquant – à tort – la découverte du nouveau conduit chylifère, Novus ductus chiliferus, publié à Leyde, chez Hackius5656. Pour un écho d (…) , continue, dans les années 1660, à expérimenter sur les vaisseaux lactés et leurs liens avec les glandes et les vaisseaux sanguins, comme son collègue Sylvius. Les vivisections de chiens sont pratiquées à Leyde dans les années 1660 par Van Horne lui-même, par Sylvius et par leurs étudiants, comme l’indiquent les Disputationes5757. Sylvius, F., D (…) . Dans Mikrokosmos, Van Horne se réfère à Thomas Bartholin et mentionne aussi ses propres recherches avec le Suédois Olaus Rudbeck, venu étudier à Leyde en 1653-1654 et dont il cite les tables anatomiques éditées en 16595858. Nous n’avons p (…) . Le traité de Rudbeck, Nova exercitatio anatomica, exhibens ductus hepaticos aquosos et vasa glandularum serosa, d’abord publié en 1653, est réédité à Leyde en 1654 par le médecin et chirurgien Siboldus Hemsterhuis, qui le place à la suite des traités de Jean Pecquet, Experimenta nova anatomica, d’abord publié en 1651, et de Thomas Bartholin, De lacteis thoracicis dubia anatomica et an vasorum lymphaticorum historia nova de 1652. Cette Moisson d’or sur trois ans5959. Messis aurea t (…) réunit trois textes d’anatomie fondés sur des expériences sur les veines lactées, le troisième, celui de Rudbeck comporte des gravures qu’il a lui-même dessinées.
Dans Mikrokosmos, Van Horne revendique la dénomination de ductus chyliferus6060. Mikrokosmos, o (…) . Les questions à Leyde concernent aussi l’identification et le trajet des vaisseaux lactés chez l’Homme et les liens qu’ils entretiennent avec les artères et les veines.
L’anatomiste Van Horne tient à illustrer de façon précise tous ces vaisseaux, d’après étude sur des corps humains morts. Nous avons un témoignage à ce sujet, celui d’un médecin français formé à Paris puis à Leyde, un traducteur de Hobbes et de Gassendi, qui a vécu aux Pays-Bas à partir de 1642, y a pratiqué la médecine avant de revenir en France en 1650 pour prendre la direction du collège protestant d’Orange. Il s’est ensuite converti au catholicisme et est devenu historiographe du roi Louis XIV. Ce médecin a publié à Leyde chez Jean Maire en 1648 un Discours sceptique sur le passage du chyle et les mouvements du cœur : la lettre qu’il a adressée de Leyde à Du Prat, le 15 octobre 1647.
Ce médecin, c’est Samuel Sorbière. Le destinataire de sa lettre, Abraham Du Prat, est également docteur en médecine et il a publié, à Paris en cette même année 1647, une traduction des Institutions anatomiques de Gaspar Bartholin, médecin danois, augmentées et enrichies […] des opinions & observations nouvelles des Modernes, par Thomas Bartholin, fils de l’auteur. Cette édition actualisée avec planches suit, après Bauhin, l’ordre de la dissection et elle contient les Deux lettres de Walaeus prouvant le mouvement du chyle et du sang, ainsi que des notes de Sylvius sur la structure intracérébrale que Thomas Bartholin a recueillies à Leyde, où il a étudié à partir de 1637, doutant de la circulation du sang, puis s’y ralliant et participant à des dissections6161. Institutions a (…) .
Il s’agit, entre Sorbière et Du Prat, d’une discussion entre deux médecins qui s’intéressent aux nouvelles découvertes liées à l’essor de la pratique des dissections. Sorbière, qui connaît les thèses cartésiennes, cite et discute Harvey et Asellius, ainsi que diverses expériences de vivisection de poissons et de chiens. Lorsqu’il examine « la difficulté du trajet du chyle », Sorbière écrit : « L’observation & le raisonnement d’Asellius nous faisaient désespérer de pouvoir jamais trouver en un homme cette humeur laictée. Les lois ni l’humanité ne permettaient pas d’ouvrir un corps vivant, lorsque M. de Peiresc6262. Ami de Gassend (…) […] nous vit recouvrer un sujet qui contenta notre curiosité. On avait pendu un misérable, lequel on avait fait bien dîner avant que sa sentence lui fût prononcée, trois heures avant son exécution. Une heure et demie après sa mort, il le fit ouvrir, et nous trouvâmes encore des veines blanches au mésentère, des plus grosses desquelles nous recueillîmes une assez bonne quantité de cette substance6363. Sorbière, Disc (…) ». Sorbière a discuté de la circulation du sang avec Walaeus, il cite aussi Parisanus et Primerose et note que « l’art tout entier est conjectural6464. Discours scept (…) ».
Sorbière est retourné en Hollande en 1660 et a rédigé un mémoire, une « Relation sur l’état des sciences en Hollande », publiée dans les Relations, lettres et discours sur diverses matières curieuses, à Paris en 16606565. Sorbière, Rela (…) . Pendant son voyage, Sorbière a rencontré de nombreux médecins, parmi lesquels de Bils à Rotterdam, et il parle des expériences de Bils, mais dénonce la faiblesse de ses raisonnements.
Il qualifie d’« habiles médecins Van Horne, Regius et Van der Linden ». Au sujet de Van Horne il ajoute, ce qui me paraît éclairer le contexte expérimental du second folio au début de l’album Ms 27, remarquable par la section nette des vaisseaux :
ce que Monsieur Van Horne, professeur à Leyde (& digne successeur aussi bien que disciple de Walleus) nous montra de sa façon est bien autre chose pour la netteté de l’opération & pour la diversité des parties, que ce que M. Bils nous fit voir à Rotterdam.
Il [M. Van Horne] avait pris les artères, les veines, les conduits du chyle, les nerfs et les vases lymphées en un homme qu’il avait disséqué & les avait étendus sur une planche contre laquelle il avait collé du papier blanc, afin que toutes choses y parussent plus distinctement. Tous ces vaisseaux avaient été séparés du tronc du corps si adroitement, qu’il n’y avait rien de rompu, que tout était remis en sa situation, & que les nouvelles découvertes du canal de Pecquet & de ceux de Bartholin y étaient démontrées. Aux corps de Bils ces choses étaient plus confuses & ses discours étaient si confus que véritablement la langue de Van Horne lui eût été bien nécessaire6666. Relations…, op (…) .
Ce feuillet me paraît appartenir à ces séries d’expériences.
Sorbière qualifie Leyde de « la métropolitaine des Muses de Hollande », autrement dit de capitale intellectuelle inspirée de la Hollande et il a rencontré des doctes que Descartes a côtoyés et des cartésiens comme de Raey, qui a soutenu sa thèse de médecine avec Regius6767. Voir la Physio (…) . Selon Sorbière, de Raey est un « professeur […] tout à fait cartésien », jugement que l’on peut croire puisque Sorbière connaît l’œuvre de Descartes, mais est partisan de celle de Gassendi. De Raey était étudiant à Utrecht en même temps que Van Horne. De Raey, comme Van Horne, et les autres étudiants de Regius, puis les lecteurs de Regius, ont découvert Harvey à travers la lecture cartésienne du Discours de la méthode, autrement dit Harvey avec l’approbation des preuves expérimentales de la circulation du sang, refaites par Descartes, mais dissociées du contexte aristotélicien auquel Harvey était resté fidèle. Harvey avait même emprunté la notion de circulation aux Météorologiques d’Aristote6868. De motu cordis (…) et il ne faut pas y voir un élément de rhétorique.
Et de fait, après Utrecht, Leyde est un centre cartésien, ou en d’autres termes, un centre où le mécanisme du corps est étudié. Un centre où le principe de vie n’est plus l’âme, mais le cœur, où la mort n’est plus liée au départ de l’âme, comme le montrent les Disputationes de Franciscus de le Boë Sylvius, influencées par les thèses cartésiennes et leur diffusion par Regius. La méthode cartésienne en médecine est alors reçue et admise, par lecture directe et/ou par l’intermédiaire de Regius. Comme avec Regius, la physique cartésienne, qui inclut la physiologie, est dissociée de la métaphysique.
Dans le centre cartésien de Leyde, l’étude des mouvements du corps et dans le corps, l’expérimentation et l’observation directe sont les mots d’ordre. Observations avec les yeux et les mains, la vue et le toucher dans le prolongement de Vésale, Fabricius et Bauhin, et pas encore avec une acuité visuelle accrue grâce à ce qu’on nommera ensuite microscope. Dans la seconde moitié du xviie siècle, en Hollande, le microscope en est à ses débuts, avec Antoni Van Leeuwenhoek dont les premières observations microscopiques, faites avec des microscopes qu’il a fabriqués, seront publiées à partir de 1673 par la Royal Society, à laquelle il avait été recommandé par Reinier de Graaf, ancien étudiant de Van Horne et Sylvius, comme Nicolas Sténon. Auparavant, en 1665, à Londres, Robert Hooke, responsable des expériences à la Royal Society, a publié la Micrographia6969. Micrographia o (…) . Ce livre important a été envoyé en Hollande à Spinoza, auteur en 1663 des Principes de la philosophie cartésienne7070. Publiés à Amst (…) , par Henry Oldenburg, secrétaire de cette jeune institution scientifique londonienne, le 28 avril 1665. Hooke invoque la Sagesse du Créateur dans la contemplation des plantes et des êtres les plus minuscules observés à l’aide du microscope.
Dans ce moment important et complexe de l’histoire de la médecine et dans le contexte de la réception du mécanisme cartésien, l’étude des mouvements du corps, donc de la myologie, est évidemment importante mais difficile à enseigner. Comment représenter et expliquer le mouvement à partir d’un corps mort ? La difficulté est accrue par le protocole de la leçon d’anatomie qui conduit à disséquer les membres en dernier, ce qui signifie rigidité cadavérique, rigor mortis, puis corruption rapide, putréfaction et altération des couleurs. D’où l’utilité de présenter des images des muscles en couleurs dans l’enseignement et pour faciliter la pratique chirurgicale. L’enjeu pédagogique des grands dessins réalisés par Sagemolen pour l’anatomiste Van Horne est d’autant plus important que les dissections sont uniquement pratiquées en hiver pour d’évidentes raisons de conservation des corps, l’été étant consacré à la botanique et aux remèdes.
Dans Mikrokosmos, résumé anatomique sans illustrations, Van Horne accorde une grande importance aux muscles de la face, du corps et des membres et à leur rôle, leur fonction (officium, terme qu’emploie aussi Fabricius) et la variété des mouvements des membres7171. Mikrokosmos, o (…) . Auparavant, il a demandé à l’excellent dessinateur Sagemolen de représenter avec une précision jusqu’alors inégalée les muscles du corps humain.
Les dessins de Sagemolen et le mécanisme cartésien↑
La myologie de Sagemolen pour Van Horne : Fabricius redivivus
Avec Van Horne et son prédécesseur Fabricius, nous sommes à deux moments importants de l’histoire de la myologie.
La myologie de Sagemolen pour l’atlas anatomique projeté par Van Horne est une manière de faire revivre les exigences du grand maître padouan pour représenter le corps humain : Fabricius redivivus. Van Horne connaît Padoue et Venise, si proche, depuis ses études. Il a voyagé en Italie et en Suisse, où il a visité d’autres universités et centres médicaux comme son oraison funèbre prononcée par Charles Drelincourt l’indique7272. Caroli Drelinc (…) . Il a pu constater le rayonnement de l’œuvre anatomique, chirurgicale et la qualité de l’iconographie de Fabricius. Cette oraison funèbre n’évoque pas les planches d’anatomie. Mais il ne fait aucun doute qu’à Venise, Van Horne a vu les planches de Fabricius. On a même prétendu qu’il possédait les planches de myologie de Fabricius et qu’il allait les faire éditer7373. Van der Linden (…) .
Pour autant, cette myologie, même incomplète comme elle nous est parvenue, ne se résume pas à la seule influence de Fabricius. Le titre du traité non illustré de Van Horne, Mikrokosmos signifie que le corps humain est un microcosme, mais ce microcosme est présenté sans les correspondances avec le macrocosme, banales en médecine7474. Bauhin, Caspar (…) , sans la fameuse comparaison entre le soleil et le cœur comme chez Harvey7575. Harvey, De mot (…) . Ces correspondances que Descartes rejette avaient été mises en scène dans les ouvrages magnifiquement illustrés de Robert Fludd, collègue de Harvey au Collège royal des médecins de Londres, Royal College of Physicians. Dans son traité, Van Horne garde uniquement la comparaison politique, déjà utilisée par Harvey dès la dédicace de son traité de 1628 : comparaison entre le cœur et le roi, entre le cœur et le monarque chez Van Horne, après l’énoncé du cœur « principe7676. Mikrokosmos, 1 (…) ». Cela revient à consacrer la prééminence du cœur par rapport au foie. Dans Mikrokosmos, le « microcosme » du corps humain est présenté sans louanges envers Dieu ou le Créateur. Dieu n’est pas cité dans Mikrokosmos et ce résumé anatomique ne comporte pas de considérations sur l’excellence de l’Homme, ni sur son statut éminent par rapport aux animaux. Mikrokosmos et les Disputationes de Franciscus de le Boë Sylvius ont éradiqué le legs aristotélicien et galénique sur les âmes végétative et sensitive, ainsi que les diverses facultés galéniques censées expliquer le fonctionnement du corps. Dans Mikrokosmos, il reste des traces de finalisme dans les occurrences du terme Natura, avec majuscule, mais sans hymne à cette Natura, puissance féminine mystérieuse qu’il fallait admirer, notamment dans les traités d’anatomie, mais aussi redouter dans le cas des monstres7777. Voir le livre- (…) . Mikrokosmos est, comme les Disputationes de Sylvius, un texte lié à l’essor des dissections et à celles qui se déroulent à Leyde7878. Mikrokosmos ci (…) pour faire progresser les connaissances anatomiques. Les éditions des traités de Van Horne et de son collègue Sylvius consacrent la rupture avec le cadre conceptuel aristotélicien finaliste et vitaliste de l’enseignement dispensé par Fabricius à Padoue, de ses livres et du traité de Harvey de 1628. C’est un acquis du mécanisme cartésien.
Dès la rédaction du Monde, dans les années 1630, Descartes avait rejeté la conception de la Nature « déesse ou autre puissance imaginaire » et affirmé qu’il se servait de ce mot « pour signifier la matière même » soumise aux lois de la nature, dans lesquelles les lois du mouvement sont fondamentales. Le Discours de la méthode affirme, dans sa cinquième partie, que « les règles des mécaniques […] sont les mêmes que celles de la nature ». Descartes ajoute que le corps humain peut être considéré « comme une machine, qui, ayant été faite des mains de Dieu, est incomparablement mieux ordonnée et a en soi des mouvements plus admirables qu’aucune de celles qui peuvent être inventées par les hommes ».
Par conséquent, ce que je lis dans les planches de myologie que Van Horne a fait réaliser par l’excellent dessinateur Sagemolen, c’est une triple influence : celle de Fabricius de Padoue, l’inspirateur de l’entreprise, celle de Bauhin de Bâle, pour l’ordre de la dissection et l’attention portée à la nomenclature des muscles, et celle enfin du mécanisme cartésien.
La myologie de Sagemolen-Van Horne : une leçon d’anatomie rénovée
Le mouvement est à Leyde, dans les années 1640-1660, la question la plus importante, et elle inclut le mouvement des muscles, d’où l’intérêt de présenter une myologie complète. Van Horne hérite de Fabricius l’ambition de proposer un atlas anatomique en respectant ses principes du point de vue iconographique : précision du trait d’après nature, grand format, utilisation de la couleur. Mais cet atlas anatomique ne concerne que le corps humain, c’est donc une partie du vaste projet envisagé par Fabricius.
Fabricius a étudié les différentes sortes du mouvement local chez les êtres vivants dans son traité sans planches anatomiques, le De motu locali animalium, De gressu in genere de 16187979. De motu locali (…) , où il a examiné non seulement les mouvements liés à la marche sur la terre, mais aussi le vol des oiseaux dans l’air, le déplacement des aquatilia dans l’eau. Selon Fabricius, le muscle comporte deux parties : l’une qui doit être assez forte pour mouvoir l’os et l’autre pour permettre la contraction8080. De Gressu, « D (…) , qui est le propre du muscle, son action8181. De Gressu, « D (…) . Et l’extrémité des membres inférieurs et supérieurs, autrement dit le pied et la main entraînent respectivement la jambe et la cuisse, et l’avant-bras et le bras.
Les dessins de Sagemolen, réalisés sur instructions de Van Horne, poursuivent l’entreprise de Fabricius. Van Horne tient aussi compte de la remise en ordre imposée par Caspar Bauhin dans son Theatrum anatomicum : une présentation qui respecte l’ordre de la dissection et qui, par conséquent présente les muscles avant les os, la myologie avant l’ostéologie. Van Horne est également attentif au soin apporté par Bauhin à la description des muscles et à leur classification.
Bauhin rappelle que le corps humain est essentiellement constitué de muscles, eux-mêmes constitués de chair fibreuse, de fibres charnues, de veines, d’artères, de nerfs, de tendons. Il redit que le muscle est l’instrument du mouvement volontaire, distingué depuis Galien du mouvement naturel, comme celui du cœur. Les instruments du mouvement volontaire sont le cerveau, les nerfs et les muscles. Le cerveau qui commande, les muscles et les esprits animaux dans les nerfs qui obéissent8282. Theatrum anato (…) . Les muscles varient en fonction de leur substance, quantité, qualité, lieu, origine, implantation, forme et usus, leur utilité, leur fonction, leur rôle. Van Horne résume ces points dans Mikrokosmos8383. Mikrokosmos, o (…) .
L’action des muscles, c’est le mouvement, le premier étant la contraction, puis la relaxation, avec les muscles opposés. Bauhin le rappelle après avoir souligné l’importance des mains et des pieds8484. Theatrum anato (…) , avec, bien sûr, l’éloge de la main « instrument des instruments » et la référence au Philosophus – autrement dit à Aristote8585. Theatrum anato (…) – et l’attention portée à l’insertion des muscles des membres.
Le cadrage resserré, ou le gros plan que propose Bauhin dans la table II du livre IV8686. Theatrum anato (…) , par rapport à la planche IX, inversée, des muscles du dos chez Vésale8787. Fabrica, op. c (…) doit retenir notre attention. D’abord en raison de l’accent mis sur la légère inflexion du dos, dont vont se souvenir Sagemolen et Van Horne pour la superbe planche de la myologie du dos et du rachis, mais après ablation du muscle trapèze dans l’album Ms 27. Cette planche en couleurs s’inspire aussi du même cadrage resserré dans la planche suivante de Bauhin, qui montre de manière plus précise les muscles des épaules, que Sagemolen représente avec une adresse et une finesse incomparables8888. Theatrum anato (…) . Le mouvement n’est pas seulement présent dans l’inflexion du dos, mais encore dans le mouvement des muscles permettant l’inclinaison de la tête.
Ce qui est nouveau dans l’iconographie anatomique des muscles de Sagemolen, c’est l’accent mis sur les conditions du mouvement en donnant à voir, non seulement les muscles et leur insertion sur les os, mais aussi les articulations, sur lesquelles Fabricius avait insisté dans son traité sans illustration de 1614, un in-quarto, De musculi artificio, de ossium, de articulationibus8989. Publié à Vicen (…) .
Les articulations ne sont pas seulement importantes dans l’essor de la connaissance anatomique et dans l’étude des conditions des mouvements, elles sont essentielles aussi à connaître pour guider les gestes du chirurgien, notamment dans les cas d’amputations à la suite de blessures ou de la progression de la gangrène, thèmes importants dans les traités médicaux. Van Horne a intitulé son traité publié en 1660, augmenté en 1662, Mikrokosmos seu Brevis manuductio ad historiam corporis humani, Microcosme ou manuel abrégé d’anatomie du corps humain, historia étant, depuis Fabricius, synonyme d’anatomie, de description9090. Mikrokosmos, o (…) . En raison de l’importance des dissections publiques et privées pratiquées à Leyde par Van Horne, Sylvius et leurs étudiants, il me semble que le mot manuductio peut être compris comme le manuel qui permet de conduire la main de celui qui dissèque un corps mort lors d’une anatomie, voire celle du chirurgien qui ouvre les corps vivants, en attendant la publication par Van Horne de sa très brève Méthode de Chirurgie comme indiqué dans la dédicace de Mikrokosmos. Un an après la publication de Mikrokosmos, Van Horne publie à Leyde, en 1663, l’Abrégé explicitement destiné aux chirurgiens : Mikrotechne, id est brevissima chirurgiae methodus. Cette courte introduction méthodique à l’art chirurgical, sans illustration et en très petit format, rappelle que la chirurgie est une opération manuelle nécessitant une méthode. Ce livre porte l’influence des Œuvres chirurgicales de Fabricius. Le Pentateuque chirurgical d’Aquapendens est cité dès la deuxième page, puis son auteur qualifié d’« illustre9191. Van Horne, Joh (…) ». Je note aussi l’influence de Fabricius au sujet des amputations avec leurs douleurs et leurs redoutables hémorragies9292. Mikrotechne…, (…) .
Le mouvement et son enjeu anthropologique : une constante dans les dessins de Sagemolen
Dans l’exceptionnel ensemble iconographique conservé dans les quatre albums à la réserve de la BIU Santé médecine, des dates apparaissent sur plusieurs dessins, inscrites par le dessinateur lui-même qui a également signé son travail et des annotations en déclinant son identité : Marten Sagemolen.
La date la plus ancienne reportée sur des dessins est celle de 1654. Elle figure à deux reprises dans l’album Ms 29, dans la partie inférieure de deux dessins mis en couleurs représentant l’un, la myologie du membre inférieur et l’autre, la myologie du membre supérieur.
Le dessin du membre inférieur ne comporte pas seulement l’indication de l’année, mais aussi celle du mois : février, écrit en abrégé, les dissections ayant lieu en hiver. Ce dessin, qui porte le no 1, ouvre une série continue qui va jusqu’au no 6, numéros écrits sans ratures, avec une encre et une graphie identiques. Les planches suivent la progression de la dissection en allant du prélèvement des muscles jusqu’aux os.
La représentation du membre inférieur sur cette planche no 1 frappe d’emblée par son originalité dans l’histoire de l’iconographie anatomique. Avec Sagemolen et Van Horne, il s’agit de montrer le mouvement du membre inférieur et sa dynamique, grâce à une représentation en diagonale, talon soulevé, articulation du genou d’autant plus visible qu’elle comporte un volet de papier qui se soulève, laissant voir l’insertion des muscles sur les os. Le mouvement de la marche est ainsi exposé et expliqué, selon les modalités mêmes de l’inscription du membre inférieur sur la grande feuille de papier.
La précision scientifique est recherchée dans le dessin des muscles, celui du sens des fibres et dans l’énumération des muscles concernés par ce mouvement, comme le montrent la fine inscription des lettres sur les muscles et la nomenclature en latin inscrite au-dessus de l’écriture manuscrite de Sagemolen. L’originalité de cette présentation se retrouve dans la planche suivante, no 2, avec volet qui se soulève à l’articulation du genou et nomenclature. Les planches numérotées 3 à 6, sans volet qui se soulève, mais toujours avec des indications de nomenclature, suivent le prélèvement des muscles pour aller vers les os sur lesquels ils s’inséraient.
Plus loin, dans l’album Ms 29, la date de 1654 est également inscrite sur le superbe dessin mis en couleur du membre supérieur depuis les muscles de l’articulation de l’épaule jusqu’à ceux de la main. Ce dessin inaugure la série numérotée de 2 à 7 à la plume, qui présente la face antérieure du membre supérieur depuis la myologie dessinée avec précision jusqu’à l’ostéologie. Sur ce dessin portant l’inscription « Anno 1654 », Marten Sagemolen a aussi ajouté, en néerlandais et en parlant de lui à la première personne, une précision sur les conditions de son travail : « Moi, Marten Sagemolen, j’ai étudié et anatomisé (disséqué) ces bras, à partir de plusieurs corps, avec beaucoup d’efforts et de peine. Mais il en va ainsi9393. Perrot, C. et (…) ».
La série de ces anatomies du membre supérieur témoigne du soin apporté à la représentation des fibres musculaires. Le dernier dessin de la série montre en outre la recherche de l’exactitude dans la représentation de l’articulation du coude et dans celle des muscles interosseux de la main ainsi que des petits os de l’articulation du poignet avec les deux encadrés de chaque côté du dessin. Ces dessins collés sont différents par leur taille, la qualité du papier et leur numérotation : no 8 et no XI. De fines annotations manuscrites de nomenclature, au crayon et à l’encre rouge tracées avec une fine plume, témoignent de l’exigence de précision dans la représentation de l’articulation du coude.
Cette série de sept dessins, avec numérotation fluctuante des dessins collés de la main, est suivie d’une autre, complémentaire, de six dessins qui vont du no 4 au no 9 et présentent la face postérieure du membre supérieur, de la myologie jusqu’à l’ostéologie, avec les mêmes exigences dans la représentation du sens des fibres musculaires et l’insertion des muscles sur les articulations.
Dans ces deux séries, les mains sont dessinées sur des papiers collés numérotés à l’exception de deux dessins : le premier portant la date de 1654 et le troisième dessin numéroté 6 dans la seconde série. Dans la seconde série, les dessins collés des mains sont numérotés de manière continue de 2 à 6. Le dernier dessin de la seconde série comporte plus d’annotations manuscrites que celui de la série précédente.
Insister sur la main, en proposant ces séries selon la même séquence temporelle et visuelle allant de la myologie à l’ostéologie, avec les articulations de l’épaule, du coude et du poignet bien visibles, c’est donner à voir les conditions du mouvement du membre supérieur. C’est montrer avec précision ce qui distingue l’homme des autres animaux, ce qui fonde sa dignité depuis Aristote, thème que Galien a amplifié au début de son célèbre traité De usu partium, Sur l’usage des parties (du corps humain), comme le rappellent Bauhin9494. Bauhin, Theatr (…) et ses confrères.
Des documents confirment que la date de 1654 correspond au début officiel de la collaboration entre le dessinateur allemand Sagemolen et l’anatomiste néerlandais Van Horne, après le versement par l’université de Leyde d’une subvention accordée à Van Horne afin de réaliser un atlas « pour le perfectionnement de l’étude de l’anatomie, l’honneur de l’université et le bénéfice des étudiants en médecine ». Dès février 1652, Van Horne avait demandé l’octroi d’une subvention « pour alléger le poids des dépenses engagées dans les dessins d’anatomie qu’il faisait déjà réaliser, ce qu’il allait continuer à faire9595. Huisman, Tim, (…) ». Il avait commencé à travailler avec Sagemolen dès ce moment et avait montré des dessins aux Curateurs de l’Université pour obtenir la subvention.
Dans ce contexte, des dessins collés dans l’album Ms 27 doivent retenir notre attention. Ceux de la myologie du tronc exécutés à la plume avec les amples indications relatives à la nomenclature, et la discrète implantation des traits pour la nomenclature, sont suivis par la myologie du membre supérieur représentée par de nombreuses pages où s’inscrivent plusieurs dessins collés, parfois réunis par deux sur une même page, mais tous selon l’axe vertical traditionnel. Des indications sur la nomenclature des muscles figurent sur plusieurs d’entre eux. La myologie précède l’ostéologie et le sens des fibres est dessiné et colorié ou simplement repéré à certains endroits. Les articulations de l’épaule, du coude et du poignet sont dessinées avec soin.
Ces dessins collés – dont certains ont été arrachés – concernent aussi les membres inférieurs représentés à la verticale, avec des indications sur la nomenclature des muscles, parfois associées à des commentaires. Certains dessins grand format se déplient. Tous ne sont pas mis en couleurs, certains sont numérotés de manière continue, comme la série incomplète portant les numéros 3 à 10, précédée par un dessin non colorié et non numéroté. Trois dessins non mis en couleur et qui se déplient comportent un volet placé au niveau de l’articulation du genou. Il en va de même pour trois dessins mis en couleurs des écorchés debout, de dos, mais sans bras, pieds posés à plat.
Les dessins collés dans l’album Ms 27 ne seraient-ils pas les premières étapes, voire les premières esquisses du travail de collaboration entre l’anatomiste Van Horne et son dessinateur Sagemolen ? Ils témoignent du soin apporté dès ce moment à la représentation précise des muscles s’insérant sur les os y compris ceux des articulations de la hanche, du genou et de la cheville comme le prouve aussi le dessin en deux tons qui se déplie et porte le no 10 (figure 2). Ce dessin illustre en outre la rigueur dans l’identification des muscles du tronc et des membres inférieurs, grâce à l’établissement d’une nomenclature précise pour les muscles et leur insertion sur les os. Il s’agit de perfectionner l’anatomie et pour Sagemolen de traduire par la précision de ses dessins les exigences scientifiques de l’anatomiste Van Horne.
Une indication plus précise des buts poursuivis par Sagemolen figure dans le passionnant album Ms 29, en bas d’un dessin préparatoire non daté portant le no XII en chiffres romains et pas en chiffres arabes, comme ceux qui précèdent, numérotés de 2 à 11 dans cette série sur la myologie et l’ostéologie de la hanche, des genoux, face antérieure, ainsi que de la cheville pour les 6 premiers dessins. Le chiffre XII apparaît en outre finement tracé au crayon le long du fémur gauche. Ce dessin présente le bassin et l’insertion des muscles des cuisses sur les os. Au bas de la feuille, sous l’articulation osseuse des genoux et les fins pointillés de l’insertion des muscles, Marten Sagemolen a écrit sept lignes manuscrites à l’encre noire avec quelques ratures. Le dessinateur y précise non seulement l’enjeu et les destinataires de son travail, mais suggère aussi que ce travail entrepris avec et pour l’anatomiste Van Horne le distingue des autres peintres, en raison des connaissances qu’il a acquises en anatomie, non seulement en s’inspirant de traités illustrés, mais aussi en prélevant les muscles pour mieux les dessiner :
Avec ces anatomies, j’ai tenté de satisfaire au mieux de mes capacités trois sortes d’artistes : d’abord et avant tout le très savant monsieur Johannes Van Hoorne, puis les artistes d’anatomie et les amateurs de cet art. Ensuite les peintres grossiers et sots, qui sont avides de connaissance mais répugnent à prendre l’affaire en main eux-mêmes. Et enfin les sculpteurs et les tailleurs de pierre9696. Ibid., et Perr (…) .
Le public visé par ces gravures inclut donc, outre le savant professeur d’anatomie qu’est Johannes van Horne, les artistes, peintres et sculpteurs, ce qui prolonge les préoccupations de Vésale et de Fabricius, qui associaient, dans le même but, précision scientifique et raffinement esthétique. Mais ce qui distingue aussi le travail de Sagemolen pour Van Horne, c’est l’attention portée à la représentation des articulations permettant le mouvement associé à la vie.
L’album Ms 29, où manquent des dessins, donne à voir avec précision les mouvements caractérisant la vie humaine et les possibilités d’action des êtres humains : les membres inférieurs qui permettent la marche, et la main, signe anatomique de la dignité de l’homme, qui permet notamment de tenir outils et instruments dont le manche prolonge la main.
Ces dessins préparatoires sont repris dans l’album Ms 28. Dans cet album, un dessin, non colorisé en rouge, contient en bas à droite deux lignes signées par le dessinateur « Marten Sagemolen » avec la date de 1656. Ce dessin portant le no 8, assorti de l’indication « profiel » (que l’on retrouve ailleurs), montre le membre supérieur de l’épaule à la main. Même s’il porte le no 8, ce dessin ne continue pas la séquence des dessins en diagonale portant les numéros 6 et 7, après les cinq remarquables dessins colorisés du tronc et du membre supérieur gauche.
Ce dessin en deux tons avec des lignes tracées pour implanter des indications de nomenclature complétant celles inscrites sur les os, fait partie d’une autre série. Mais il s’agit encore, en diagonale, comme dans les deux dessins qui précèdent, de montrer la dynamique du mouvement permise par les muscles insérés sur les articulations de l’épaule, du coude, du poignet.
Ce dessin no 8 du membre supérieur en diagonale et en deux tons, daté et signé, doit être rapproché, en raison de la présence de l’indication profiel et de la technique graphique utilisée, sans oublier l’implantation des lignes pour la nomenclature, du dessin collé qui se déplie, portant le numéro 7, plus loin dans l’album, après l’exceptionnelle beauté de la série de la myologie du thorax et du membre supérieur, dont la version antérieure, avec éléments de nomenclature et commentaires, figure dans le Ms 29. Le dessin no 7, où seulement quelques muscles de l’articulation du poignet et de la main sont mis en couleur rouge, s’inscrit dans le plan horizontal. Il est collé sur la même page qu’un autre dessin portant le numéro 8, qui se déplie également et qui montre, comme le 7, le bras en semi-extension depuis l’articulation de l’épaule jusqu’aux doigts de la main. Mais c’est la technique picturale avec mise en couleur rouge d’un muscle de l’articulation du poignet et de celle du pouce qui est utilisée. Les deux dessins montrent le mouvement du pouce, autre signe anatomique de la dignité de l’homme. Le pouce opposable figure sur plusieurs dessins du Ms 28.
Une troisième indication chronologique figure dans le vaste ensemble de dessins réunis dans les quatre albums. Comme pour l’année 1654, la nouvelle date est inscrite dans l’album Ms 29. C’est celle de 1660, reportée plusieurs fois sur les dessins, avec la signature de Sagemolen, dans des séries incomplètes qui concernent exclusivement le membre inférieur et totalisent 13 dessins. Tous ces dessins, qui vont de la myologie à l’ostéologie, tranchent par rapport à l’ensemble parce que la mise en couleur rouge, totale ou partielle des muscles, a été abandonnée. Il ne s’agit pas non plus d’esquisses en deux tons. En 1660, il s’agit toujours de magnifiques dessins, mais en grisaille, à l’encre noire avec rehauts de blancs. Le mouvement reste la préoccupation, comme le montre le volet inséré qui découvre l’articulation du genou dans le dessin portant le no 2, représentant la face postérieure du membre inférieur. Des pages manquantes séparent plusieurs dessins.
Les quatre dessins de la première série en grisaille montrent la face interne, depuis le dessin no 3 jusqu’à celui numéroté 6, et tous portent, en bas à droite de la page, sur le plan prolongeant le pied grec, au-dessous du trait ombré qui suit l’ombre de la voûte plantaire, la signature Marten Sagemolen invenit devant l’année 1660. L’ajout du verbe latin conjugué à la troisième personne du singulier : invenit, à la signature du dessinateur authentifie sa création. Le dessin no 5 présente une légère variation : il est signé Marten Sagemol invenit, 1660, le dessin numéro 6, implanté de la même façon, reprenant Marten Sagemolen invenit 1660.
Une autre série montre la face externe du membre inférieur et va du no 2 au no 5. Seul le dessin no 2, avec signature Marten Sagemolen invenit, dans la surface ombrée prolongeant les orteils, sans que le pied soit grec, fait mention de l’année 1660 avec une indication chronologique plus précise : 3 Avril (April 3).
La troisième série concerne la face postérieure et va du no 2, avec l’insertion du volet au niveau de l’articulation du genou, au no 6, mais le dessin 3 est manquant. La signature est absente du no 2. Le dessin no 4 a été précédé par une feuille blanche trouvée dans l’album avec un tableau manuscrit récapitulant la nomenclature et quelques lignes de commentaires d’une écriture moins régulière. Les dessins no 4 à no 6 mentionnent seulement l’initiale du prénom avant le nom : « M. Sagemolen invenit 1660 », dans des ombres plus ou moins étendues.
Un dessin isolé, signé et daté, qui porte le no 3, clôt cet ensemble original. Il devient pour nous le dernier dessin en grisaille, avec des nuances différentes et montre la face antérieure du membre inférieur, pied grec. Il est signé « Sagemol invenit 1660 », légèrement au-dessous de l’articulation de la cheville et du talon.
Quelles sont les raisons de l’abandon de la mise en couleur en 1660 ? Pourquoi ce changement alors que le grand format est conservé, que le principe de base de représentation reste celui du passage progressif de la myologie à l’ostéologie et que les exigences de précision dans le dessin des articulations et des muscles sont maintenues, y compris avec les discrètes indications de nomenclature dont la signification est donnée par le tableau sur papier blanc avant le dessin no 4 ? Ce sont des questions pour le moment sans réponse.
Pour des causes qu’il reste à élucider, l’année 1660 avec les remarquables dessins en grisaille marque la fin de la collaboration entre Van Horne et Sagemolen et le renoncement à la diffusion et/ou la publication de l’ambitieux atlas anatomique. Mais les albums de la BIU Santé médecine conservent une grande partie de ce remarquable travail. Ils comportent plusieurs strates de numérotation des dessins et d’identification d’éléments relatifs à la nomenclature musculaire. Ils témoignent des dialogues fructueux échangés pendant plus de six ans entre l’anatomiste et le dessinateur pour parvenir à la représentation et à l’identification précises de l’ensemble des muscles du corps humain, avec rigueur, clarté et beauté.
Dans les quatre albums, de nombreux dessins prouvent l’importance accordée à la compréhension des conditions du mouvement chez l’homme. Ce que révèlent les planches de Sagemolen réalisées pour Van Horne, c’est la dynamique même du mouvement, avec l’utilisation remarquable de trois procédés.
D’abord l’ajout de feuillets qui se déplient pour représenter l’amplitude et la souplesse des mouvements du membre supérieur et l’insertion de volets mobiles qui se soulèvent pour découvrir l’articulation du genou. Des feuillets se déplient pour le membre supérieur dessiné en semi-extension, avec ou sans son implantation sur le thorax, comme le montrent des dessins des Ms 29 et Ms 28 et des volets de papier insérés au niveau de l’articulation du genou se soulèvent pour montrer les conditions du mouvement du membre inférieur dans les dessins des Ms 29 et 28.
Sagemolen a aussi inséré les volets mobiles placés au niveau de l’articulation du genou dans des gravures du Ms 27 représentant les écorchés debout, de dos, pieds posés à plat, dessins préparatoires (annotés) à ceux qui se trouvent dans l’album très grand format Ms 30.
Ensuite, une composition en diagonale du membre supérieur de l’épaule à la main avec les articulations du coude, du poignet et de la main bien visibles. La main9797. Sur la main, v (…) , signe anatomique de la perfection de l’homme, dans la partie inférieure de la superbe composition avec la diagonale qui divise la page de façon dynamique (figure 13).
Enfin la composition en diagonale se double, pour le membre inférieur, de l’insertion de volets qui se soulèvent au niveau de l’articulation du genou pour en découvrir les os, et qui montre le talon décollé du sol pour illustrer le mouvement de la marche.
Le démontage du corps machine dans le contexte de la réception du mécanisme cartésien↑
Les quatre albums réunissant les dessins de Sagemolen pour l’atlas anatomique de Van Horne témoignent de l’importance, de la qualité et de l’originalité du travail effectué à Leyde, entre 1654 et 1660. Si des séries sont incomplètes, il n’en demeure pas moins qu’il s’agit d’un document exceptionnel dans l’histoire de l’anatomie et dans la représentation du mouvement dans le contexte de la réception du mécanisme cartésien.
Les écorchés de Sagemolen
Ce qui est remarquable dans ces dessins de Sagemolen, c’est qu’ils montrent matière (corps humain) et mouvement, autrement dit qu’ils illustrent le mécanisme cartésien, avec ce corps présenté tel quel, sans qu’il s’inscrive dans un décor, comme celui des douces collines de Vénétie dans la Fabrica de Vésale.
Sagemolen montre un corps dont les muscles sont identifiés et ôtés progressivement, un par un pour parvenir aux os, un corps qui est présenté sans stylisation comme dans Bartholin, sans mise en scène, sans érotisme morbide, sans écorché exhibant ses muscles avec des gestes évoquant une scène de striptease, comme dans l’édition posthume des Tables anatomiques, les Tabulæ anatomicæ du successeur de Fabricius à Padoue, Casserius, publiées à Venise en 1627 et rééditées. Les écorchés de Sagemolen sont montrés sans théâtralisation de la phase préliminaire à l’exhibition de la musculature : l’enlèvement de la peau. Ce thème figurait sur une page dans le Theatrum anatomicum de Bauhin, repris de Valverde, qui expliquait comment retirer la peau9898. Anatomia del c (…) . La table V du livre I de Bauhin montre un écorché de face, visage tourné vers sa peau qui recouvre son avant-bras droit levé, laissant voir les orifices du visage, tandis que sa main gauche pointe vers le sol la lame aiguisée qui a permis d’ôter la peau9999. Theatrum anato (…) . Le thème est repris dans le fameux frontispice de la nouvelle édition de l’Anatomia de Caspar Bartholin actualisée par son fils Thomas et publiée à Leyde en 1651 chez Hackius avec la peau suspendue au niveau des épaules sur deux clous plantés dans un cadre, la tête inclinée, sous laquelle sont imprimés les noms des auteurs et titre du traité : Anatomia reformata.
Sagemolen a mis en scène le thème de l’écorché vif dans son tableau du supplice du mythique satyre Marsyas, musicien talentueux, qui avait cru pouvoir rivaliser avec Apollon. Le tableau, signé de 1658100100. Le tableau a é (…) , est contemporain de la myologie et il s’accorde remarquablement avec le projet de l’atlas anatomique, puisque deux musculatures masculines en mouvement sont mises en valeur : celle du supplicié, peau écorchée sur l’ensemble du corps, et celle d’Apollon représenté nu avec sa peau claire qui laisse deviner ses muscles. L’écorché vif Marsyas s’inscrit au centre des diagonales. Il est accroché à une corde par les poignets et présente une musculature parfaitement dessinée, en accord avec celle du premier écorché de l’album Ms 30, mais le corps de Marsyas esquisse une torsion. La partie supérieure de son visage est cachée par son bras droit. Le cou et le bas du visage sont encore revêtus de la peau, sans barbe, et la bouche de Marsyas est ouverte : est-ce parce qu’il hurle de douleur, ou parce que, selon certaines versions du mythe, il continue à chanter ? Car Sagemolen a pris des libertés avec le mythe et sa transmission, notamment en Italie : aucun indice de la peau velue de Marsyas, qui n’a pas non plus les pieds fourchus. La peau prélevée sur Marsyas, devenu écorché vif humain se laisse à peine deviner, en une fine diagonale qui joint la base de son pied droit à la main gauche d’Apollon dont la main droite tient l’instrument du supplice, un couteau de petite taille. La peau n’est pas absente du tableau, puisque le dieu de la musique, par ailleurs divinité invoquée dans le fameux serment d’Hippocrate, est représenté nu, avec sa peau claire et son corps musclé fléchi vers celui, tout aussi musclé, de l’écorché vif. Apollon a le genou gauche au sol et sa tête avec sa longue chevelure ondulée, désordonnée et dorée, ceinte de la couronne de lauriers, effleure le corps de Marsyas. Ce couple de rivaux est représenté de manière dynamique, sans que les traits des visages soient montrés. Deux corps féminins nus, l’un de dos, l’autre de face et inscrit dans une diagonale, sont également représentés dans l’angle droit du tableau. Ce sont les muses qui ont arbitré le combat entre Apollon et Marsyas, ont ceint la tête d’Apollon de la couronne de lauriers et elles discutent paisiblement, assises sur le rocher, en tournant le dos à la violence de la scène, contrairement aux deux autres femmes, placées en arrière et dont on ne voit que le haut du corps. Le visage de l’une traduit à la fois l’épouvante et la fascination car, bouche ouverte, elle garde les yeux grands ouverts sur le corps du supplicié, tandis que l’autre essuie des larmes. La muse à la tête couronnée et ornée de fleurs possède un visage aux traits fins, elle a les seins bien dessinés et la jambe gauche musclée croisée sur la droite. Les nuances de carnation sont présentes sur le corps d’Apollon et sur ceux des muses, comme sur les corps des jeunes enfants, les putti portant la lyre d’Apollon aux montants décorés, entre le groupe des muses et les deux corps masculins.
Dans ce tableau exposant un écorché au centre d’une scène mythologique, le peintre Sagemolen témoigne du moment scientifique qu’il est en train d’accompagner de manière active : celui de la compréhension très fine des mouvements du corps grâce à la représentation précise des muscles permise par l’essor des dissections. La myologie de Sagemolen pour Van Horne illustre une nouvelle étape dans la compréhension et la représentation du corps : celle où il faut répéter les dissections pour s’approcher au plus près de la conformité entre le dessin coloré en grand format et la dissection d’une partie du corps – membre supérieur ou inférieur par exemple – et celle du corps humain entier.
L’album Ms 30 et le démontage de la machine du corps
Sagemolen montre un corps humain dont il démonte la musculature pour mieux la rendre visible et faire découvrir les articulations. Pas d’ostéologie en premier, comme dans le traité de Vésale, où les squelettes animés précèdent les écorchés. Grâce à Sagemolen et à Van Horne, il me semble que ce qui nous est donné à voir, c’est le démontage de la machine du corps humain d’une manière remarquable et inédite. L’album Ms 30 est à cet égard un document exceptionnel, et pas seulement par la grande taille des dessins colorés avec une précision admirable.
Si le dernier des huit dessins représentant la myologie du corps masculin entier évoque l’écorché représenté sur la planche 7 de la Fabrica de Vésale, sa signification avec Sagemolen pour l’atlas anatomique de Van Horne devient différente puisque cet écorché nous est montré sans décor, sans l’effet dramatique que produit chez Vésale la corde passée au niveau des orifices de la face et de l’omoplate retenant le corps qui s’affaisse près du mur parfaitement rectiligne. Le beau paysage de collines avec villes, ruines, arbres qui accompagnait les six écorchés dans les pages précédentes de la Fabrica et qui se poursuit dans les planches 9 à 13, a laissé place, pour cette planche et la suivante, à un sol irrégulier avec graviers et maigres herbes poussant près du pied gauche de l’écorché, ce qui accentue le côté dramatique de la mise en scène. Un écho de la planche 8 se retrouve chez Sagemolen avec le dessin représentant l’insertion des côtes sur la droite de l’écorché, qui chez Vésale a conservé ses bras. Les gravures des écorchés chez Vésale s’achèvent sur la planche 14, avec l’écorché sans bras dont une grande partie du squelette est visible101101. De humani corp (…) . Cet écorché est représenté en train de s’agenouiller sur une pierre angulaire sans inscription, aux contours parfaitement rectilignes, mais sur laquelle est posé un crâne, que viennent entourer les genoux osseux de l’écorché. Le crâne, face postérieure, avec ses sutures, est d’autant plus visible qu’il est comme encadré par les fémurs décharnés.
Dans l’album Ms 30 de Sagemolen, il n’y a aucune mise en scène, aucun paysage dans les grands dessins colorés des corps masculins et des écorchés, aucun memento mori. Ces dessins se concentrent sur une séquence de prélèvement des muscles du corps entier méthodiquement conduite. Cette séquence se déroule en huit grands dessins et commence avec la présentation du nu masculin, de face, avec le talon gauche soulevé du sol et le bras droit en semi-extension. Son visage calme, entouré par des cheveux noirs aux mèches en mouvement, est légèrement tourné et son regard suit la main qui montre une chose hors cadre, mais à hauteur d’homme, que désigne le mouvement de sa bouche, lèvres ouvertes, denture parfaite, dans une attitude confiante. Le papier n’a pas de taches, mais le corps porte maintenant des marques noirâtres qui résultent de l’altération de la peinture blanche au plomb, la céruse, initialement posée.
La séquence méthodique se poursuit avec les dessins des cinq écorchés dont les muscles sont progressivement enlevés. Ces écorchés ont la tête et le visage partiellement ou totalement entourés d’un linge comme cela arrivait dans les leçons publiques d’anatomie. Ce linge est fait de la même étoffe souple que celle qui entoure le bas du dos dans les dessins de la myologie du torse et du bras avec volet qui se déplie dans l’album Ms 28 (voir la couverture des actes). C’est le seul accessoire présent sur l’ensemble des albums.
Dans le grand album Ms 30, les dessins des deux premiers écorchés dont la partie supérieure du visage (front, yeux, nez) est cachée ont une particularité : ils présentent deux visages dessinés de face à côté de leur flanc droit, au niveau des hanches. Ces deux visages ont des expressions différentes. Yeux mi-clos, lèvres closes pour le premier dans une attitude apaisée qui contraste avec celle, crispée du second visage : regard fixe, yeux grands ouverts, comme la bouche qui découvre la denture et l’absence d’une dent sur la mâchoire supérieure. La musculature du second visage est contractée, pouvant exprimer l’étonnement, voire la peur. Ces deux planches de grande qualité sont d’une profonde originalité.
Il est passionnant de comparer ces écorchés avec les dessins préparatoires de l’album Ms 27 et d’observer la mobilité des traits du visage dans l’album Ms 28. En effet, même dans la manière d’ôter un à un les muscles de la face, les visages conservent leur mobilité dans les 14 dessins de l’album Ms 28. Ces dessins sont répartis en deux séries, puisque huit visages de face sont dessinés sur des petites feuilles blanches numérotées à la plume de 1 à 8 et collées dans le volume, après les dessins des têtes vues de profil.
Sagemolen montre le visage humain sur lequel on lit les expressions, voire les passions, comme Descartes l’a souligné dans son traité des Passions de l’âme. Le visage est, avec les membres, l’autre grand trait anatomique distinctif entre l’homme et les animaux. Dans Mikrokosmos, Van Horne étudie l’articulation des mâchoires, les dents et les muscles du visage102102. Mikrokosmos, o (…) .
Dans l’album Ms 30, les muscles du visage du sixième écorché ont été enlevés. Cet écorché est présenté sans ses bras, mais le membre supérieur droit, dont la dissection se poursuit, s’inscrit sur le dessin, à la droite du corps disséqué. Le dernier écorché, sans bras, est toujours droit sur ses deux pieds, face dessinée de profil, mâchoire supérieure aux dents alignées, clavicule en saillie, articulations de la hanche et du genou bien visibles. Une partie du mollet et le pied droit de cet écorché sont cachés par trois pièces anatomiques prélevées et disposées en triangle sur l’unique élément de décor inscrit dans tous ces dessins : une souche aux contours irréguliers. Sur la gauche du spectateur l’articulation des os du coude avec les os du bras et de l’articulation du poignet (qui avaient commencé à être disséqués sur le dessin précédent), et les os de la main. Dans le prolongement de la main, qui porte encore les muscles interosseux dorsaux, est posée une moitié de la cage thoracique avec ses douze côtes et muscles intercostaux, dont la concavité avait abrité et protégé les parties vitales : le cœur avec son mouvement alimenté par la circulation du sang, les poumons avec le mouvement de la respiration. En arrière-plan, la partie osseuse et musculaire où, comme sur la planche 8 de l’écorché chez Vésale, mais de manière isolée, s’inséraient les sept « vraies » côtes103103. Mikrokosmos, o (…) , jointes au sternum. Les autres, flottantes, n’atteignant pas l’os de la poitrine étant bien représentées par Sagemolen sur la moitié de cage thoracique. Elles étaient alors dénommées côtes « illégitimes ou fausses », « bâtardes ou imparfaites104104. Voir Mikrokosm (…) ». Sagemolen offre une séquence anatomique parfaitement cohérente jusque dans la dernière planche des écorchés.
Le squelette articulé qui suit est d’une grande sobriété : il est droit, il ne porte pas de bannière rappelant la brièveté de la vie comme sur les gravures du théâtre d’anatomie à Leyde et de la leçon d’anatomie de Paaw. Ses orbites vides ne fixent pas le sablier tenu dans sa main gauche tandis que ses mâchoires sont largement ouvertes, comme dans une des gravures de Bauhin105105. Theatrum anato (…) . Ce squelette ne tient pas non plus de bêche et les os de sa face n’esquissent pas de grimace, comme c’était le cas pour la première planche de squelette dans la Fabrica de Vésale106106. Fabrica, op. c (…) .
Dans l’album Ms 30 de Sagemolen, la séquence du démontage de la machine du corps entier se poursuit par les dessins concernant la face postérieure. Elle commence avec le nu masculin, cheveux noirs ébouriffés, tenant dans sa main gauche un bâton, et se poursuit en dix moments grâce aux dix dessins mis en couleurs, suivis par celui d’un squelette articulé, également d’une grande sobriété. Comme déjà indiqué, les trois premiers écorchés ont des volets qui se soulèvent au niveau de l’articulation du genou.
Par conséquent, je vois dans la myologie de Sagemolen pour Van Horne le moment mécaniste, le moment cartésien de la compréhension des mouvements du corps humain grâce à la description très fine des muscles du corps et de la face, grâce aussi à la compréhension de leur insertion précise sur les os et les articulations. La myologie dessinée par Sagemolen pour Van Horne est, dans cette leçon d’anatomie actualisée en superbes images colorées, un témoignage de la réception du mécanisme cartésien à Leyde.
Ces planches de très grand format réunies dans l’album Ms 30 étaient-elles destinées à la publication et/ou à une exposition permanente dans le théâtre anatomique, ou dans un autre lieu qui aurait pu réunir ces magnifiques dessins avec le Trésor ou cabinet de curiosités conservé à Leyde ? La nomenclature néerlandaise des muscles devait-elle venir s’ajouter à la nomenclature latine inscrite sur les dessins de Sagemolen et sur les tableaux récapitulatifs que l’on trouve dans les albums ? En effet, des blancs existent dans certains dessins après l’écriture d’un signe évoquant la nomenclature. Il faut rappeler qu’en 1633 à Amsterdam, le médecin Plempius (Plemp), avait publié un traité d’anatomie en néerlandais dédié à Tulp, Ontleeding des menschelycken lichaems107107. Bartholomæus C (…) , avec les illustrations de Jacques de Gheyn. Plemp a été, quatre ans plus tard, un des premiers à recevoir de la part de Descartes le Discours de la méthode et les Essais.
La représentation précise des muscles s’accompagne, dès le début du travail de Sagemolen pour Van Horne, du soin apporté à la nomenclature anatomique, à son implantation à côté du dessin des muscles ou avec des lettres et des symboles finement implantés sur les muscles eux-mêmes, ainsi qu’à la correspondance entre les lettres ou les symboles et la dénomination des muscles, comme le montrent de manière exemplaire plusieurs dessins de l’album Ms 27, dont certains sont accompagnés de commentaires. C’est le cas pour la série de grandes feuilles collées sur la myologie du tronc qui ouvrent l’album. Les dessins, numérotés à la plume de 2 à 8, comportent des éléments précis de nomenclature anatomique en latin qui ont servi de base au tableau récapitulatif incomplet sur le premier feuillet inséré dans l’album. Notons qu’à l’exception du dessin portant le no 5, tous les numéros des dessins sont raturés. Notons aussi qu’à l’exception du dernier dessin, l’articulation de l’épaule est représentée. Dès ce moment, le sens des stries des muscles est scruté, comme on le voit sur le dessin no 5, avec l’ajout devant l’esquisse du visage. Des commentaires anatomiques en néerlandais accompagnent la nomenclature. Sont-ils liés à l’observation directe qui se distingue de la description dans les traités d’anatomie? ou à des observations que Van Horne a dictées à ou notées pour Sagemolen ? L’album Ms 27 donne ensuite à voir, sur des séries de dessins collés de la myologie du membre supérieur présenté à la verticale, de fins traits plus ou moins obliques suivis de lettres et symboles.
La plupart des dessins coloriés de l’album Ms 28 ne comportent ni nomenclature ni commentaires. Au début, une étroite bande de nomenclature a été collée. Elle est attribuée à Herman Boerhaave, qui enseigna à Leyde et fut en possession de ces dessins. Après mention de la glande parotide108108. Sur la parotid (…) , visible sur le deuxième dessin de cette série sur la tête (portant no 2 et II), après ablation de l’oreille, la liste identifie les muscles du visage et du cou (muscles zygomatiques, masséter, ptérygoïdien, constricteur, muscles des paupières, etc.), avec les cartilages. Cette première série sur la myologie de la tête et du cou comporte six dessins exécutés directement sur les grandes feuilles avec la tête de profil. La seconde série sur la myologie de la tête et du cou, représentés cette fois de face, comporte huit dessins sur des feuillets de papier blanc, collés et numérotés de 1 à 8. De fines lettres sont implantées sur de nombreux muscles dans les deux séries. La denture n’est pas toujours parfaite sur ces visages (figure 21).
L’album Ms 30 ne comporte ni indications de nomenclature ni commentaires, à l’exception de deux des dessins des squelettes en deux tons, l’un de face, l’autre de dos, placés après les premiers squelettes articulés qui terminent la séquence du démontage de la machine du corps. Le dessin du squelette de face a son bras gauche, sa mâchoire inférieure et son larynx représentés à proximité des parties où ils s’inséraient. Il existe aussi quelques traits avec nomenclature d’une graphie différente. Ce squelette a, au niveau de son fémur droit, un crâne dessiné de profil, mâchoires ouvertes, denture parfaite, vertèbres cervicales avec traits fins pour implanter une légende.
Ces deux squelettes n’appartiennent pas à la même séquence de travail entre le dessinateur et l’anatomiste : ils font partie d’autres séries, et leur état de conservation semble prouver qu’ils n’ont pas bénéficié des mêmes conditions.
La machine du corps et le principe de vie : du De Homine, Leyde, 1662, 1664 à L’Homme, Paris, 1664
Ce moment cartésien du démontage de la machine du corps se prolonge à Leyde en 1662 avec la première édition de L’Homme de Descartes dans la traduction latine de Florent Schuyl, le De Homine. Cette édition posthume, publiée douze ans après la mort de Descartes, a été réalisée d’après des copies qui circulaient en Hollande. Florent Schuyl, qui termine alors ses études de médecine à Leyde, l’a illustrée avec des gravures remarquables, dont une qui montre le cœur, principe de vie et principe du mouvement, comme on ne l’avait jamais vu représenté en anatomie. Cette traduction latine illustrée est rééditée à Leyde chez Hackius en 1664109109. En 1663, la Co (…) .
Descartes n’avait pas publié L’Homme en raison de la condamnation de Galilée, parce que L’Homme constituait l’important chapitre XVIII du traité du Monde. Après ce renoncement, Descartes a approfondi ses recherches en médecine comme le prouve l’écart entre le contenu de L’Homme et son évocation dans le Discours de la méthode. Descartes a notamment pratiqué de nombreuses dissections de cœurs et de cerveaux dont témoignent les inédits latins110110. Voir les Prima (…) . Et de fait, l’édition du De Homine ne vient pas attester des vastes travaux entrepris par Descartes au moment de la rédaction du Monde, qui inclut L’Homme. Le De Homine vient s’ajouter à la cinquième partie du Discours de la méthode, à la Dioptrique et aux importantes considérations physiologiques du traité des Passions de l’âme. Après la longue préface de Schuyl à la traduction latine de L’Homme, les illustrations de qualité qu’il insère dans cette édition en témoignent, avec la place occupée par le cœur et la structure intracérébrale. Les planches anatomiques de Schuyl, inspirées de la tradition iconographique de Vésale et Bauhin – sources revendiquées par Descartes – se révèlent d’une grande originalité, particulièrement pour celles qui illustrent le cœur et la structure intracérébrale, organes étudiés avec attention à Leyde.
L’originalité de Schuyl s’affirme avec éclat quand il reproduit, au verso de la p. 5 du De Homine une première planche anatomique du cœur et de ses vaisseaux, entouré des lobes pulmonaires. Cette illustration précise du cœur, où les oreillettes (atria) sont peu individualisées, puisqu’elles sont alors présentées comme les renflements des vaisseaux les plus importants : la veine cave et l’« artère veineuse », « mal nommée », puisqu’il s’agit de la veine pulmonaire111111. . L’Homme, AT X (…) , porte le no I. Cette planche anatomique est reprise ensuite et précisée dans le premier feuillet mobile, intercalé entre les pages 8 et 9. Ces feuillets mobiles comportent des volets qui se soulèvent, ce qui témoigne de l’influence des dessins que Sagemolen a réalisés pour Van Horne.
Ce feuillet se déplie et montre un cœur aux parois ventriculaires sectionnées, dans une dissection soigneusement conduite, laissant apercevoir, de chaque côté, sous les fins volets soulevés, les valvules cardiaques, objets traditionnels d’admiration en médecine, comme en témoigne encore Gassendi112112. . Cinquièmes Ob (…) .
Ces planches remarquables du De Homine révèlent de façon inédite la structure complexe du cœur et de ses valvules dont Harvey a expliqué la fonction dans sa brillante démonstration de la circulation du sang. Au-delà de leur grand intérêt du point de vue de l’iconographie anatomique, ces planches dévoilent le principe de vie, le principe de mouvement de la machine du corps. Ni le De motu cordis de Harvey, ni le Discours de la méthode n’avaient illustré leurs considérations sur la structure du cœur avec ses valvules.
Dans tous les textes publiés où Descartes a abordé les questions médicales : Discours de la méthode, Dioptrique, Méditation VI, Passions de l’âme, il s’est référé aux anatomistes, à l’anatomie, à la médecine. Dans son premier ouvrage publié, le Discours, Descartes déclare, avant d’expliquer le mouvement du cœur :
Et afin qu’on ait moins de difficulté à entendre ce que j’en dirai, je voudrais que ceux qui ne sont point du tout versés en l’anatomie, prissent la peine, avant de lire ceci, de faire couper devant eux le cœur de quelque grand animal qui ait des poumons, car il est en tous assez semblable à celui de l’homme, et qu’ils se fissent montrer les deux chambres ou concavités qui y sont113113. . AT VI, 47, le (…) .
Les précisions données par Descartes prouvent qu’il connaît le traité de Harvey, qui a le premier associé étude du cœur et des poumons. Descartes poursuit en décrivant les valvules (ou valves) cardiaques, dont la disposition est une preuve de la circulation du sang selon Harvey. Mais Descartes n’évoque pas l’admiration envers cette structure anatomique, contrairement à Harvey, qui continue à admirer la « fabrique » du cœur et de ses valvules.
À cet égard, les illustrations du cœur par Schuyl illustrent mieux le Discours de la méthode que L’Homme et encore mieux la Description du corps humain, texte contemporain des Passions de l’âme. Descartes a emporté à Stockholm, ce manuscrit encore inédit au moment où Schuyl publie le De Homine. Une planche du cœur avec ses valvules, en suivant le cours d’une dissection habilement conduite comme le fait Schuyl, semble indispensable dans une publication posthume de la Description du corps humain.
Ce n’est pourtant pas le cas dans l’édition parisienne de 1664 par Clerselier qui publie la Description du corps humain à la suite de L’Homme. Dans ce « second traité », le cœur, ses valvules, son mouvement et la circulation du sang sont des thèmes fondamentaux, liés à la relecture par Descartes du traité de Harvey de 1628, mais cette question primordiale est masquée par le changement de titre imposé par Clerselier : La Description du corps humain devenant Traité de la formation du fœtus, thème qui ne concerne qu’une partie du texte de Descartes. Les illustrations de l’édition parisienne de L’Homme sont différentes de celles réalisées pour la publication de Leyde et indifférentes à la précision anatomique à laquelle Descartes était attaché. Les gravures de l’édition parisienne rejettent la représentation du cœur principe de vie, puisque seule la silhouette du cœur apparaît dans un schéma p. 9, repris p. 10.
L’édition parisienne permet, par contraste – alors que la Faculté de médecine de Paris refuse la circulation du sang –, de saisir l’audace iconographique de l’édition de Leyde et l’exigence de précision anatomique recherchée.
Le texte du De Homine contient aussi le modèle de l’automate hydraulique, illustration textuelle de la machine du corps, évoquée dans le Discours de la méthode, et du fait que le sang doit être considéré comme un simple fluide circulant dans les vaisseaux assimilés à des tuyaux. La circulation du sang s’inscrit dans les lois du mouvement régissant les corps. Florent Schuyl, formé à Utrecht et qui achève ses études de médecine à Leyde, connaît les thèses cartésiennes en médecine et leur reprise par Regius.
Le De Homine contient en outre une illustration, répétée deux fois, p. 33 et p. 56, d’un homme représenté de face, tenant un bâton gradué dans sa main droite. Le corps de cet homme est divisé en deux parties, l’une, la gauche, où la musculature est juste esquissée par quelques traits, l’autre, la droite montre le trajet des nerfs des membres inférieur et supérieur, avec insertion sur la colonne vertébrale et trajet vers le cerveau. Le bâton ne serait-il pas un souvenir du grand dessin de l’homme nu de dos contenu dans l’album Ms 30 de Sagemolen et sans doute exposé à Leyde ?
Les dessins de Sagemolen pour Van Horne montrent la myologie, autrement dit les éléments solides qui constituent le corps et sont décomposables. Ces éléments peuvent être sectionnés avec habileté et représentés avec fidélité, comme le montrent les dessins de Sagemolen. Schuyl dans le De Homine donne à voir le cœur principe de vie et sa structure. Il donne aussi à voir la structure intracérébrale, avec la glande pinéale, sous un fin volet qui se soulève, avant la grande étude de Thomas Willis, en latin avec des planches dessinées par Wren. C’est dans cette anatomie du cerveau et la description et la fonction des nerfs, publiée à Londres en 1664 qu’est forgé le terme de neurologie114114. Willis, Cerebr (…) . Le livre est réédité à Amsterdam en 1666.
Les dessins de Sagemolen pour Van Horne et les gravures de Schuyl dans le De Homine rendent visibles les éléments anatomiques permettant le mécanisme des mouvements des corps vivants humains.
La « machine du corps » dont parle Descartes et que montre Sagemolen dans les dessins colorés, puis dont Schuyl dévoile le principe de vie et de mouvement, ne doit pas faire oublier que pour Descartes le « vrai homme », c’est un esprit, mens, une âme qui n’est plus principe de vie, mais qui, unie à un corps, fait que l’on expérimente cette union dans la vie quotidienne, avec les sens et par les sensations, douleur et plaisir en premier lieu.
Au début de La Description du corps humain, comme au début du traité des Passions de l’âme, Descartes dénonce l’« erreur », issue de l’enfance et de « l’ignorance de l’anatomie et des mécaniques » de croire que « l’âme est le principe de tous » les mouvements et que son départ est cause de la mort. De l’exigence de cette double connaissance de la structure du corps avec celle de ses organes – l’anatomie – et des mouvements qui régissent le corps dont le fonctionnement est assimilé à celui d’une machine, – les mécaniques – Descartes tire des conséquences importantes sur l’union de l’âme au corps ainsi que sur leur action réciproque.
La Description du corps humain, où Descartes cite non seulement Harvey, mais aussi Aselli, confirme la complexité de l’accès à la connaissance du corps signalée dans le titre de la Méditation II « De la nature de l’esprit humain, et qu’il est plus aisé (notior)115115. Voir Cinquième (…) à connaître que le corps ». Selon Descartes, le corps fonctionne par la « disposition des organes » et tire sa vie de la chaleur du cœur alimentée par la circulation du sang. Mais l’esprit humain est « mieux connu que le corps », parce que saisi par le Cogito, le « je pense donc je suis » déjà affirmé dans le Discours de la méthode.
Les recherches médicales de Descartes et les explications nouvelles qu’il propose au sujet des sensations, avec l’exemple privilégié de la douleur, font partie intégrante de sa philosophie, puisque la définition de « la chose qui pense » inclut les sensations, et que les sensations appartiennent à la pensée116116. Descartes, Méd (…) , ou plus précisément à « certaines façons confuses de penser, qui proviennent et dépendent de l’union et comme du mélange de l’esprit avec le corps »117117. Cf. «... ab un (…) . Dans ces conditions, la constance avec laquelle Descartes se réfère à son explication de la douleur par l’union de l’âme au corps, comme il s’emploie à « prouver »118118. Réponses aux Q (…) l’union de l’âme au corps en citant l’exemple de la douleur, ne doit pas surprendre.
L’article 2 de la seconde partie des Principes de la philosophie (Principia philosophiæ) explique que, par la douleur, « nous savons que notre âme est jointe à un corps ». L’article 196 de la quatrième partie « prouve » que « l’âme ne sent qu’en tant qu’elle est dans le cerveau », en citant une expérience que Descartes qualifie de « fort manifeste », celle de la jeune fille qui souffre de douleurs dans les doigts, alors qu’on lui cache son amputation de la main. Descartes reprend la description du cas clinique cité à un correspondant qui invoquait encore la tradition de la « qualité dolorifique » à l’encontre de l’explication cartésienne inaugurée dans la Dioptrique119119. À Froidmont, 3 (…) .
Van Horne et l’héritage de Fabricius en chirurgie après l’abandon du grand projet iconographique conduit avec Sagemolen↑
Revenons à Van Horne pour noter que le moment mécaniste de la myologie ne signifie pas l’abandon de l’influence de Fabricius d’Acquapendente. Van Horne connaît aussi les traités de chirurgie de Fabricius et pas seulement ses traités d’anatomie et d’embryologie, ainsi que ses exigences et l’ampleur de son projet en matière d’iconographie anatomique. Van Horne cite Fabricius dans la brève publication de 1663 en latin destinée aux chirurgiens, la Mikrotechne id est brevissima chirurgiae methodus. Dans cette très brève méthode de chirurgie, le mot Mikrotechnè renvoie à une pratique chirurgicale efficace. Dans la seconde édition, considérablement augmentée, de la Mikrotechne seu methodica ad chirurgiam introductio, ou introduction méthodique à la chirurgie, publiée à Leyde en 1668 avec un frontispice montrant une scène d’amputation, des précisions sont apportées sur l’enjeu de la notion de Mikrotechnè120120. Dans la second (…) . Les références aux auteurs sont plus nombreuses et l’importance de Fabricius est confirmée. Fabricius figure parmi les plus savants auteurs du siècle, « doctissimis scriptoribus », pour ses « operationibus Chirurgicis » et il est exact que les Œuvres chirurgicales de Fabricius, dont la seconde partie traite des Opérations chirurgicales, rayonnent en Europe dans leur édition originale latine ou des traductions, y compris en français. Fabricius est cité à plus de vingt reprises par Van Horne et trois fois pour ses erreurs121121. Mikrotechne, o (…) . Mais cette seconde édition de Van Horne témoigne aussi d’une inflexion donnée à la pratique chirurgicale à Leyde. Au début du texte de Van Horne, Severinus est ajouté, juste après Fabricius, pour son livre De efficaci Medicina122122. De efficaci me (…) publié en 1646 à Francfort.
Severinus, nom latinisé de l’Italien Marco Aurelio Severino, auprès duquel Van Horne est allé étudier la chirurgie à Naples, est ensuite cité pour la Pyrotech. Chirg., autrement dit pour les opérations de chirurgie exécutées par le feu, par la « pyrotechnie chirurgicale » titre de la troisième partie consacrée à la cautérisation, avec étude de la « force du feu selon la forme des cautères ». Cette technique se distingue de l’exopyrie, ou « l’usage du feu dans les maladies externes », par exemple les ulcères et abcès123123. Severinus est (…) . Ce qui frappe chez Severino comme chez Fabricius, puis à Leyde, c’est l’importance des expériences. Mais des différences existent dans les modalités d’exercice du geste chirurgical, comme le montre la lecture de La médecine efficace.
Il est intéressant de noter que, de même que Vésale précisait dans sa préface de la Fabrica, qu’il voulait restaurer l’enseignement de l’anatomie, de même Severino voulait, un siècle plus tard et à Naples, restaurer la chirurgie qui avait « quasi-perdu » le lustre dont elle avait jadis bénéficié, en particulier avec Guy de Chauliac. Severino déplore le « schisme » survenu entre les médecins et les chirurgiens, l’ignorance de l’anatomie, jointe au « mépris de la lecture des bons auteurs ». Il regrette le respect indu porté à des personnages illustres, la flatterie servile. Il souhaite que le chirurgien soit jeune, avec des mains habiles, la droite aussi bien que la gauche, qu’il ait la vue perçante et du courage.
Severino souligne que le chirurgien doit connaître toutes les articulations du corps et leurs différences, afin notamment de « ramener l’os qui est sorti hors de sa place naturelle par le même chemin qu’il en est sorti ». Selon Severino, qui cite des noms de patients opérés à Naples et dans sa région, les chirurgiens doivent faire preuve de courage, voire de hardiesse, ne pas redouter la douleur des malades et ne pas différer l’opération. Dans une « chirurgie efficace et résolue », l’amputation doit être pratiquée au bon moment, c’est-à-dire au moment décidé par le chirurgien, sans qu’il se laisse impressionner par les protestations et les larmes du patient. Car retarder l’opération, c’est prendre le risque de voir le patient s’affaiblir au point de n’être plus assez fort pour supporter la douleur de l’amputation, d’où le risque de le laisser avec « de cruels tourments » jusqu’à la mort. Severino critique Fabricius124124. Hierome Fabrit (…) parce qu’il a choisi les opérations de chirurgie « les plus douces et a rejeté les plus rudes » dans ses œuvres chirurgicales, faisant, comme Tagliacozzi passer la chirurgie « efficace » pour « cruelle »125125. Gaspare Taglia (…) . La critique de Severino est sévère pour Fabricius qui, s’agissant de la « maladie d’une partie qui est déjà morte », le sphacèle, affirme d’emblée que c’est incurable, et « qu’il ne reste qu’une seule chose à faire, qui est l’amputation », qui doit être faite immédiatement, afin « d’empêcher que tout le corps ne se corrompe ». Fabricius ajoute que cette opération n’est pas « sans manifeste danger » et qu’il « est impossible d’éviter deux grands et éminents dangers […] : l’hémorragie et une douleur indicible », raison pour laquelle « tout le monde appréhende à bon droit ladite opération126126. Les Œuvres chi (…) ».
Severino critique Fabricius qui faisait trop grand cas de la douleur pouvant être infligée au patient lors de certaines opérations chirurgicales. Le thème de la douleur est important dans les Œuvres chirurgicales de Fabricius d’Acquapendente, d’où chez ce praticien la volonté d’apaiser, voire de guérir la douleur, quand cela semble possible, grâce à des remèdes. Le livre I qui traite des « Tumeurs contre nature » : phlegmons, érysipèle, œdèmes, propose des prescriptions de médicaments adaptées. Fabricius est attentif aux signes manifestant les pathologies qu’il définit, mentionne les difficultés d’interprétation, en ajoutant des exemples à ceux tirés des grands Anciens. Fabricius réfléchit aussi beaucoup sur les causes des maladies.
Selon Severino, en chirurgie, « on ne peut agir que cruellement avec les maux cruels ».
Cet exemple du travail « efficace » du chirurgien à l’hôpital trouve une application à Leyde, validée par Van Horne dans la seconde édition de son traité chirurgical, lorsqu’il traite de l’aphérèse ou amputation d’un membre et dresse la liste des instruments : couteau courbe, scie, parfois ciseau de menuisier, ou tenaille tranchante. Il évoque le risque d’hémorragie.
À Leyde, comme à Naples, il s’agit d’être « efficace » dans la pratique chirurgicale et selon Van Horne, de traiter à part de la médecine et de la chirurgie, afin de faire apprendre plus facilement l’art de la chirurgie, sans le surcharger d’une multitude de préceptes, mais en montrant « brièvement comment il se faut servir des mains ». Van Horne se réfère aussi aux écrits de Botal, dans l’édition de Leyde, celle qu’il a lui-même éditée et publiée en 1660, en ajoutant des notes qui actualisent le texte de Leonardo Botallo, qui avait exercé la médecine en Italie puis en France et était un fervent partisan de la saignée127127. Botallo, Leona (…) .
Les abrégés d’anatomie et de chirurgie de Van Horne ont été plusieurs fois réédités et traduits au-delà des Pays-Bas : Allemagne et Angleterre, notamment. Notons qu’en 1668 à Genève a été publiée une traduction du traité de Severinus (Séverin) La médecine efficace, précédée de la traduction de l’Introduction méthodique à la chirurgie de Van Horne128128. De la médecine (…) , c’est-à-dire à l’édition de 1663 de la Mikrotechne.
Conclusion↑
Pour conclure, Leyde est, dans les années 1660, après l’abandon de l’atlas anatomique projeté par Van Horne, un centre où l’on fait des expériences non seulement en médecine, mais aussi en chirurgie, un centre où l’on pratique de nombreuses autopsies d’êtres humains, ainsi que des vivisections de chiens.
Le recours aux vivisections d’animaux est mentionné par Vésale dans la Fabrica, et montré avec la gravure du porc ligoté sur sa planche129129. Fabrica, op. c (…) . Dans l’édition de 1621 du Theatrum anatomicum, Bauhin fait figurer en bas du frontispice l’image inversée du porc ligoté sur la planche, entouré des instruments pour la dissection. Harvey invoque des expériences de vivisection dans son traité de 1628 sur le mouvement du cœur et du sang et Descartes après lui, ainsi que Regius.
Ce qui frappe à Leyde dans les années 1660, c’est une sorte d’urgence à faire des découvertes anatomiques, à percer les secrets et mystères du corps humain. En témoignent les ajouts sur les dissections dans Mikrokosmos entre 1660 et 1662 et les Disputationes de Sylvius. Un participant direct à ces recherches et expériences de dissections de corps humains et de dissections et vivisections d’animaux en témoignera plus tard, dans sa dénonciation de la philosophie de Spinoza au Saint-Office de Rome, le samedi 4 septembre 1677. Il s’agit de Sténon, Niels Stensen, qui après des études universitaires dans sa ville natale de Copenhague, a étudié la médecine à Leyde de 1660 à 1663 et est devenu l’ami de Spinoza. Les travaux anatomiques de Sténon, notamment sur le conduit ou canal salivaire de la glande parotide sont cités par Van Horne dans Mikrokosmos130130. Mikrokosmos, o (…) , par Sylvius, par Thomas Bartholin et par Blasius. Sténon a ensuite voyagé en Europe et il est passé du luthéranisme au catholicisme à Florence en novembre 1667. Dix ans plus tard, devenu prêtre, puis vicaire apostolique pour les missions nordiques de la Congrégation pour la Propagation de la Foi (celles du nord de l’Allemagne notamment) et quinze jours avant d’être nommé évêque, Nicolas Sténon, Danois (Nicolo Stenone, Danese) a rédigé à Rome cette attestation, retrouvée récemment dans les Archives du Vatican :
Il y a environ quinze ou seize ans, quand j’étudiais à l’Université de Leyde, en Hollande, j’ai eu l’occasion de fréquenter le susnommé Spinoza, hébreu de naissance, mais ne professant aucune religion […]. Chaque jour, il me rendait visite pour assister à mes études anatomiques. Je disséquais alors quotidiennement des cerveaux d’animaux afin de localiser la zone où le mouvement commence et où la sensation se termine. Dieu, néanmoins, prit soin de me protéger de lui : jamais, ni de près ni de loin, il ne me révéla sa vision des choses. Dieu, pourtant, au cours de ces séances anatomiques, lui offrit l’occasion de faire preuve d’humilité. D’abord, face à l’anatomie du cerveau, tant il est vrai que ni ma main avec son scalpel, ni son esprit avec sa sagacité, ne nous ont permis d’établir quoi que ce soit de certain. Ensuite, devant certaines expériences touchant le cœur et les muscles, expériences au cours desquelles Dieu me montra comment fonctionne réellement la Nature131131. Libri prohibit (…) …
Ce qui frappe aussi à Leyde, c’est le souci de rendre la chirurgie « efficace ». Les thèses et Disputationes renseignent sur cette atmosphère d’effervescence intellectuelle, sur les débats et polémiques, sur l’émulation qui devient compétition entre les étudiants en médecine de Van Horne et de Sylvius pour faire de nouvelles découvertes dans le corps humain, sur les glandes par exemple. Il s’agit d’un moment important dans l’histoire de la médecine, celui du passage de témoin entre deux universités médicales : l’une ancienne, Padoue et l’autre plus récente, Leyde, sans oublier Bâle ni les recherches médicales conduites à Londres et à Oxford, dans le prolongement des travaux de Harvey.
Mais la recherche en médecine, uniquement centrée sur le corps, peut-elle se dispenser d’une réflexion sur « la nature de l’homme », celle que Descartes a approfondie en Hollande après avoir entrepris d’étudier « en chimie et en anatomie tout ensemble132132. Lettre à Merse (…) » et avoir pratiqué de nombreuses dissections de cœurs, de cerveaux et des expériences d’embryologie ?
Les remarquables dessins de Sagemolen pour Van Horne constituaient une étape dans la connaissance du corps humain et de ses mouvements, avec les muscles ôtés comme les différentes pièces constituant la machine du corps. Ce démontage des parties du corps en dessins précis et colorés montrait les articulations pour expliquer les mouvements liés à la vie.
Avec Sagemolen pour l’atlas anatomique de Van Horne, c’est le moment mécaniste de la myologie qui nous est donné à voir de manière exceptionnelle par la beauté des dessins, leur sobriété, la précision du trait et la finesse de l’application des couleurs, avant que n’entre en scène sur cette question importante des muscles et des fibres qui les composent, le Suisse Haller, qui, après des études à Tübingen a étudié à Leyde avec Boerhaave, qui fut un des possesseurs des dessins de Sagemolen.
Haller a défendu sa thèse de médecine en 1727, puis est devenu professeur à Göttingen. Il a publié en 1752 une étude sur la sensibilité et l’irritabilité à la Société royale d’histoire des sciences de Göttingen, puis défendu ces idées novatrices dans les Elementa physiologiae corporis humani. Selon Haller, l’ordre ne peut pas être géométrique en physiologie parce que la fibre, pas seulement musculaire, est élastique, et que l’élasticité est la propriété universelle des fibres. L’élasticité est distincte de l’irritabilité, qui appartient, de manière spécifique, à la contraction des fibres musculaires, et de la sensibilité qui résulte de l’activité des nerfs. Mais ceci est un autre moment dans la passionnante histoire de la médecine.
Et pas en 1600 : l’éditeur vénitien, F. Bolzetta a repris la page de titre du De visione, voce, auditu, qu’il avait publié en 1600 et qui avait été imprimé à Padoue par L. Pasquatus.
Mikrokosmos seu Brevis manuductio ad historiam corporis humani, Leyde : J. Chouët, 1660 (128 pages puis index), puis 1662 (142 pages plus index, ajouts sur le chyle, le cœur, les dissections et vivisections à Leyde, la génération et le fœtus, édition de 1662 de la BIU Santé médecine, utilisée ici : voir pp. 138-140 (p. 122 en 1660), après les organes sexuels, à partir de la p. 128 (p. 113 en 1660). Highmore est également cité, avec Fallope, les anatomistes de l’Académie des Lynx, sans oublier Rufus (d’Ephèse). Les Exercitationes de generatione animalium de Harvey ont été publiées en 1651, à Londres chez O. Pulleyn et à Amsterdam chez Elzevier.
Swammerdam (et Van Horne), Miraculum Naturae sive uteri muliebris fabrica : Notis in D. Joh. Van Horne prodromum…, avec tables, Leyde : Matthaeus, 1672. « Proche du miracle » figure dans Mikrokosmos, op. cit., p. 135.
Voir dans l’album Ms 29 la série continue de 12 dessins allant de la myologie à l’ostéologie, sur le pelvis et les articulations de la hanche et du genou, avec celle de la cheville dans les premiers dessins. Voir dans l’album Ms 27 la série de 10 dessins. Voir la fin de Mikrokosmos, avant le paragraphe sur le fœtus qui termine le traité.
Photo du document dans la présentation de Vincent, Jean-François et Chloé Perrot, « La myologie de Johannes Van Horne et Marten Sagemolen : quatre volumes de dessins d’anatomie du Siècle d’or retrouvés à la Bibliothèque interuniversitaire de santé (Paris) », Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2016. https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-03768364
Bauhin, Caspar, Theatrum anatomicum, Francfort : M. Becker, 1605, p. 733 et pp. 739-740 ; édition de 1621, Johan. Th. De Bry, p. 384 et p. 387 (le changement de format explique la différence de pagination). Voir aussi Du Laurens, Historia anatomica humani corporis, Francfort : M. Becker pour Th. De Bry, 1600, L’Histoire anatomique en laquelle toutes les parties du corps humain sont amplement déclarées, enrichie de controverses et observations nouvelles, traduction F. Sizé, Paris : J. Bertault, 1610, liv. XI, chap. V et question V.
Bauhin, Caspar, Vivae imagines partium corporis humani…, M. Merian, 1640, s. l.
La bibliothèque universitaire de Bâle conserve une lettre manuscrite en italien de Van Horne (qui signe Giovanni d’Horne) au fils de Caspar Bauhin, Johann Caspar Bauhin, né en 1606 à Bâle, et qui enseigne (comme son père et après lui), dès 1629, l’anatomie et la botanique dans sa ville natale après des études qu’il y a faites et des séjours à Paris, en Angleterre et aux Pays-Bas. Van Horne lui adresse de Genève, le 24 février 1646 une lettre respectueuse à propos de la promesse qui lui avait été faite d’une lettre de recommandation pour son voyage à Montpellier. Des mots manquent dans cette courte lettre qui a été endommagée dans sa partie droite. Deux autres lettres autographes en latin, plus tardives, envoyées de Leyde sont conservées : l’une du 4 octobre 1667, donne des informations sur la vie universitaire à Leyde et cite les noms d’Adolf Vorstius et Van der Linden, de Schuyl, de Golius, Sténon, Swammerdam, l’autre du début avril 1668 (Ineute Aprilii 1668), poursuit des discussions médicales sur des thèmes d’actualité.
Du Laurens, Histoire anatomique, livre I, chap. V et VI, après les premiers chapitres et notamment le chap. II : « De la dignité admirable du corps humain en sa composition » et Bitbol-Hespériès, Annie, « Connaissance de l’homme, connaissance de Dieu », Les Études philosophiques, no 4, De Descartes à Malebranche, la question de l’homme, octobre-décembre 1996, 507-533.
Theatrum anatomicum, op. cit., livre IV, chap. I, « De manu », pp. 1031-1035.
Theatrum anatomicum, op. cit., chap. XXX, « De pedis præstantia », pp. 1171-1177.
Harvey, William (Guilielmus Harveus), Exercitatio anatomica de motu cordis et sanguinis in animalibus, Francfort : Fitzer, chap. IV, pp. 25-26.
L’Anthropographie, dans Les Œuvres anatomiques de M. Jean Riolant de 1629, Paris, D. Moreau, pp. 74-75.
Pavius, De humani corporis ossibus, 1615, Leyde, Ex officina Iusti à Colster (Joost van Colster), 1633, Amsterdam, H. Laurent. Planche reprise dans le feuillet qui se déplie en ouverture des Commentaires au traité hippocratique sur les lésions de la tête (Commentaria in Hippocratem de capitis vulneribus) de 1616.
Faliede Bagijn-kerk du Bagijnhof, anciennement église Ste Agnès des béguines portant le grand manteau : la faille, « falie » en néerlandais.
De humani corporis fabrica, 1543, livre VI, chap. IX, « De cordis situ et forma ».
Heckscher, W. S., Rembrandt’s Anatomy of Dr Tulp, an iconological Study, New York : New York University Press, 1958. Voir l’article précité « Connaissance de l’homme, connaissance de Dieu » et « Vésale, Descartes, le cœur, la vie », Actes des Journées d’étude Vésale des 21-22 novembre 2014, organisées par la BIU Santé et la Bibliothèque de l’Académie nationale de Médecine, édition par Jacqueline Vons. https://www.biusante.parisdescartes.fr/histoire/vesale
Chez Oporinus également. J’ai eu la joie de consulter le superbe exemplaire relié de l’Epitome de Vésale conservé à la réserve de la BIU Santé médecine.
Andreae Vesalii Bruxellensis Epitome anatomica opus redivivum, cui accesse Notæ ac Commentaria Paaw Amsteldamensis, Amsterdam, apud Henricum Laurentii, 1633.
Andreae Vesalii Bruxellensis Epitome anatomica…, op.cit., chap. IV.
Mikrokosmos, op. cit., p. 135.
Institutiones Anatomicae, op. cit. livre I, p. 128-129.
Vésale, Fabrica, op. cit., p. 163.
De humani corporis ossibus, op. cit., fo 24.
Theatrum anatomicum, op. cit., tab. I, p. 1289.
Aulus Cornelius Celsus : De re medica liber octavus, ejus prior quatuor capita Commentarijs illustrata à Petro Paavv, Leyde, apud Iocodum à Colster, 1616.
De venarum ostiolis, Padoue : L. Pasquatus, 1603.
Theatrum anatomicum, op. cit., Tabulae quatuor sequentes valvulas seu ostiola quae in venis manus & pedis reperiuntur…, pp. 1304-1311 (n.p.).
Albertus, S., « Historia plerarumque quorundam vasorum », Tres orationes, Nuremberg, 1585, Historia plerarunque partium corporis humani, sans date sur la page de titre, 1583 à la fin de la dédicace, puis 1585. Sur la page de titre en 1585 : « Connais-toi toi-même » écrit en grec au-dessus d’un crâne humain surmonté d’un sablier, un serpent enroulé sur la tête duquel est planté un crucifix, tenant lieu de mâchoire inférieure.
Theatrum anatomicum, op. cit., livre IV, chap. XXXVI, De valvulis seu ostiolis venarum, pp. 1227-1228 et note a. Voir aussi l’édition de 1621, livre IV, chap. XXVI, p. 635-636, la différence de pagination tient au changement de format.
Exercitatio anatomica de motu cordis…, op. cit., p. 41.
Molière, Le malade imaginaire, pièce créée le 10 février 1673 à Paris.
Dionis, L’anatomie de l’homme suivant la circulation du sang & les dernières découvertes, démontrée au Jardin Royal, Paris : L. d’Houry, 1690.
Voir Le Principe de vie chez Descartes, Paris : Vrin, 1990.
Voir les Primae cogitationes circa generationem animalium et les Excerpta anatomica, (Premières pensées sur la génération des animaux et Extraits anatomiques), au tome XI de l’édition Adam et Tannery des Œuvres de Descartes (Paris, Vrin, ci-après AT). Voir ma traduction annotée à paraître au tome II des Œuvres complètes, collection Tel-Gallimard, sous la direction de Denis Kambouchner et du regretté Jean-Marie Beyssade. Voir l’édition japonaise des Écrits médicaux sous la direction de Hiroaki Yamada, postface de Chiaki Kagawa, introduction et notes par Annie Bitbol-Hespériès, Tokyo : Hosei University Press, 2017.
Discours de la méthode pour bien conduire sa raison & chercher la vérité dans les sciences, Plus la Dioptrique, les Météores et la Géométrie, qui sont des Essais de cette Méthode, Leyde, Ian Maire, 1637, avec Privilège, voir p. 51, en marge et en italiques : Hervæus de motu cordis.
Bitbol-Hespériès, Annie, « Descartes et Regius, leur pensée médicale », Descartes et Regius, Autour de l’Explication de l’esprit humain, édité par Theo Verbeek, Amsterdam-Atlanta : Rodopi, 1993, pp. 47-68. Le texte de la Physiologia sur lequel j’avais travaillé d’après la copie de Herborn, a ensuite été publié par E.-J. Bos, in The Correspondence, between Descartes and Henricus Regius, Quaestiones infinitae, Utrecht : Utrecht University, 2002, vol. XXXVII, pp. 197-248.
Dioptrique, Discours IV, AT VI, 109.
Plempius, De fundamentis medicinæ libri VI, Louvain, I. Zegers, livre II, section 6, De facultatibus animæ, chap. V, pp. 263-267, avec des extraits de la correspondance échangée avec Descartes au sujet du Discours de la méthode. Contre la circulation du sang, voir avant, dans ce livre II, section 5, De partibus, De corde, pp. 203-204. Voir lettre à Descartes, janvier 1638, AT I, 499 et la réponse de Descartes, 15 février 1638, AT I, 532.
Beverovicius, J., Epistolica quaestio de vitæ termino, fatali an mobili ? Cum doctorum responsis, Leyde, 1634, 1636, deuxième édition, 1639.
À Beverwick, 5 juillet 1643, AT IV, 6. Voir Epistolicæ quaestiones, cum doctorum responsis. Accedit ejusdem, nec non Erasmi, Cardani, Melanchthonis, medicinae encomium, Rotterdam : A. Leers, 1644.
Sylvius, F., Disputationum medicarum pars prima, primarias corporis humani functiones naturales ex anatomicis, practicis et chymicis experimentis deductas complectens, Amsterdam : J. van den Bergh, 1663. Reprises, avec notamment le traité Praxeos medicæ idea nova de 1671, au début de l’édition de ses Œuvres Médicales, publiées à Amsterdam en 1679.
Passiones animae, per Renatum Desartes, gallice ab ipso conscriptae, nunc autem… Latina civitate donatae ab H.D.M. j.u.l., (Henri Desmarets), Amsterdam : L. Elzevier, 1650, 1656.
Disputationum medicarum III, « De chyli mutatione in sanguinem, Circulari sanguinis motu, et cordis, Arteriarumque pulsu ».
Institutiones Anatomicae, op. cit.
Voir notamment la lettre de mai 1646 à Élisabeth, AT IV, 407-408.
Lettres de M. Descartes où sont traitées les plus belles Questions de la morale, de la physique, de la médecine & des mathématiques, Paris, H. Le Gras, 1657.
AT I, 322.
AT XI, 303, 304.
Harvey, Exercitationes duae Anatomicae de circulatione sanguinis ad Joannem Riolanum filium…, Cambridge et Rotterdam, 1649.
Mikrokosmos, op. cit., sur les vaisseaux lactés, Asellius, p. 36, voir aussi pp. 47-48, 53-56. En 1660, Asellius p. 36, les paragraphes sur le chyle sont plus développés en 1662.
F. Sylvius cite Franciscus van der Schagen dans la Disputatio Medica VI, « De bilis ac hepatis usu », cf. Disputationum medicarum, op. cit.
Institutiones anatomicae, op. cit., p. 452.
Philosophia naturalis, Amsterdam : L. Elzevier, 1654, p. 248 et 250, sur les veines lactées, Amsterdam : L. & D. Elzevier, 1661, p. 288 et 294.
Perrot, Chloé et Jean-François Vincent, La myologie de Van Horne et Marten Sagemolen, op. cit.
Pour un écho de cette revendication de priorité, voir Commentaire ou Remarques sur la méthode de René Descartes, par L.P.N.I.P.P.D.L. (Le Père Nicolas-Joseph Poisson, prêtre de l’Oratoire), Vendôme, 1670, puis 1671 : « un médecin hollandais ayant publié qu’il avait le premier trouvé les conduits qui portent le chyle, ce que chacun sait avoir été découvert par M. Pecquet, comme son livre le justifie assez », p. 142.
Sylvius, F., Disputationum medicarum…, op. cit. Ces « disputes » évoquent à plusieurs reprises les veines lactées, le chyle et le sang et des expériences, l’une de Van Horne, un collègue, et une de Sylvius lui-même en novembre 1662 sur la vivisection d’un chien. D’autres vivisections du 15 janvier 1663 sont citées dans les Disputationes VII par un étudiant de Sylvius, Swammerdam, et par Sylvius lui-même. Les Disputationes VIII traitent des vaisseaux lymphatiques et de la lymphe, avec référence à Van Horne, cité avec éloges pour ses anatomies publiques. La suite contient des références à Olaus (Olof) Rudbeck « Anatomicus insignus » et à Ludovicus De Bils « Anatomicus industrius », puis une nouvelle référence à une anatomie réalisée par l’anatomiste « accuratissimus » Van Horne (pp. 75-103).
Nous n’avons pas vu l’édition de 1659 publiée à Heidelberg, après celles de 1653 à Arosa, puis de 1654 à Leyde : Nova excertitatio anatomica exhibens ductus hepaticos aquosos & vasa glandularum serosa, nunc primum inventa, æneisque figuris delineata, A. Wyngaerden.
Messis aurea triennalis, exhibens Anatomica novissima et utilissima, Leyde, A. Wyngaerden.
Mikrokosmos, op. cit., pp. 53-56 (p. 53 en 1660). Sur la découverte des « vaisseaux lymphatiques » par Thomas Bartholin, et les « funérailles du foie », voir son livre publié en 1653 et dédié à J. Riolan : Vasa lymphatica, nuper Hafniae in animantibus inventa et hepatis exsequiae, Hafniae (Copenhague), P. Hakius. Bartholin cite Pecquet.
Institutions anatomiques de Gasp. Bartholin…. Augmentées & enrichies pour la seconde fois de plusieurs figures… Paris, M. et J. Henault.
Ami de Gassendi.
Sorbière, Discours sceptique sur le passage du chyle et les mouvements du cœur, Leyde, Jean Maire, 1648, pp. 40-41.
Discours sceptique, op. cit.,. pp. 55-56. Sorbière confirme l’importance des conjectures en médecine dans Relation d’un voyage en Angleterre, où sont touchées plusieurs choses, qui regardent l’état des sciences et de la religion et autres matières curieuses, Cologne, P. Michel, 1666, p. 166.
Sorbière, Relations, lettres et discours sur diverses matières curieuses, Paris, chez Robert de Ninville, 1660.
Relations…, op. cit., p. 132. Voir Mikrokosmos sur le chyle et les rameaux des veines lactées, p. 26, p. 30, p. 36 avec mention d’Asellius, p. 47-48, avec le receptaculus et le ductus chyliferus, p. 49-50, les « lymphaticorum ductuum », p. 53-55, trois mentions du nom d’Olaus Rudbeck et de ses tables, p. 55-56, le « ductus chyliferus », « a me vocatus fuit ». Les références aux tables de Rudbeck sont plus importantes en 1662 qu’en 1660, mais la même mention de ses expériences avec lui figure dans les deux éditions (p. 55 en 1662, p. 52 en 1660). Le nom de Jean Pecquet, médecin de Montpellier, n’est pas cité. De Pecquet, voir Experimenta nova anatomica, Paris, 1651, Hardervic 1651, De circulatione sanguinis et chyli motu, 1653, De venis tam lacteis thoracicis, quam lymphaticis novissime repertis, Genève 1654.
Voir la Physiologia, op. cit.
De motu cordis, 1628, chap. VIII.
Micrographia or some Physiological Descriptions of Minute Bodies, made by Magnifying Glasses, with Observations and Inquiries thereupon (Descriptions physiologiques de corps minuscules faites à l’aide de verres grossissants avec des observations et des investigations), J. Martyn and J. Allestry, imprimeurs de la Royal Society.
Publiés à Amsterdam en 1663 et suivis des Cogitata metaphysica.
Mikrokosmos, op. cit., p. 4 : « historiæ usus seu officia seu functiones partium », et par exemple pp. 39-46 pour les muscles de l’abdomen et leur officium ; pp. 108-113 pour les muscles du bras, de la main et des doigts, pp. 113-118 pour ceux de la cuisse, des jambes et des pieds, après les os et pp. 118-119 pour la définition du muscle « instrument du mouvement volontaire », de ses parties ; et avant, p. 96 pour le rôle des esprits animaux ou de l’esprit animal, dans le mouvement et les sensations (« motus et sensus »), pp. 119-121, les mouvements du membre supérieur, pp. 121-124, les mouvements du membre inférieur.
Caroli Drelincurtii Oratio quam super Civitatis & Acad.calamitatibus, generatim & paucis, tum super clariss. Viri Joh. Van Horne, 1670, editio altera, Leyde, F. Lopez, pp. 18-19.
Van der Linden, J. A., Medicina physiologica nova curataque methodo, Amsterdam, Ravestein, 1653, p. 286, § 71.
Bauhin, Caspar, Theatrum anatomicum, op. cit., 1605, microcosme écrit en grec, dans la première phrase de la préface, comparaison reprise en 1621 sur la première page, mais ce n’est plus la première phrase de la préface augmentée, – notamment par des références au courant hermétique –, la comparaison est commentée p. 2 « hominem parvum mundum … » (Praefatio). Voir aussi André du Laurens (Laurentius), Historia anatomica, Francfort, 1600, I, 5 (homo : parvus mundus), traduction française par Sizé, Paris, 1610 ; Jean Riolan (fils), Anthropographie, op. cit., I, 1, pp. 14-16 (l’homme « petit monde »).
Harvey, De motu cordis …, op. cit., dédicace au roi (« cœur soleil du microcosme »), puis chap. VIII (très important puisqu’il définit le mouvement circulaire du sang dans l’organisme).
Mikrokosmos, 1662, op. cit., p. 7: « a corde dependent omnes, veluti Principe, imo Microscosmi Monarcha ».
Voir le livre-exposition virtuel sur Les Monstres de la Renaissance à l’âge classique, métamorphose des images, anamorphoses des discours. https://www.biusante.parisdescartes.fr/monstres/
Mikrokosmos cite des dissections, par exemple, p. 22, p. 23, p. 29, p. 93.
De motu locali animalium secundum totum, nempe de gressu in genere : De gressu in genere, de gressu bipedis pennati, de gressu quadrupedum et multipe dum, de volatu, de natatu, de reptatu. Padoue : J. Baptista de Marinis, 1618.
De Gressu, « De musculi actione », p. 91 (et non 83).
De Gressu, « De musculi actione », p. 88.
Theatrum anatomicum, op. cit., livre I, chap. VII, « De musculis in genere », pp. 42-48.
Mikrokosmos, op. cit., pp. 118-119.
Theatrum anatomicum, op. cit., livre I, chap. VII, pp. 48-49.
Theatrum anatomicum, op. cit., livre IV, « De artubus », chap. I, « De manu », p. 1031.
Theatrum anatomicum, op. cit., livre IV, table II, pp. 1042-1043 (n.p.). Table reprise en 1621.
Fabrica, op. cit, p. 194, avec le paysage urbain s’inscrivant dans les collines.
Theatrum anatomicum, op. cit., livre IV, table III, p. 1047.
Publié à Vicenza par P. Berellius en 1614, dédié à Benetto Zorzi, bibliothécaire de San Marco.
Mikrokosmos, op. cit., p. 3.
Van Horne, Johannes, Mikrotechne id est Brevissima Chirurgiae, Leyde : J. Chouët, 1663, 100 pages plus l’index des matières, très petit format. « Aquapendens in Pentateucho », § 2 sur les auteurs et les livres qui comptent dans l’histoire de la chirurgie, p. 2. Et p. 75, au sujet des incisions dans le thorax, référence « ab Illust. Aquapendente in libr. De Operat. Chir. » et p. 75.
Mikrotechne…, op. cit., pp. 92-97.
Perrot, C. et J.-F. Vincent, La myologie de Van Horne et Marten Sagemolen, op. cit., traduction légèrement modifiée.
Bauhin, Theatrum anatomicum, 1605, op. cit., livre IV, chap. I, « De manu Galenus totis duobus primis de usu partium libris », p. 1031.
Huisman, Tim, The Finger of God, Anatomical Practice in 17th Century Leiden, thèse soutenue à Leyde le 8 mai 2008, p. 71 et 73.
Ibid., et Perrot, C. et J.-F. Vincent, La myologie de Johannes Van Horne et Marten Sagemolen, op. cit., (traduction légèrement modifiée).
Sur la main, voir Mikrokosmos, op. cit., pp. 108-113.
Anatomia del corpo humano, Rome, 1560, 1596.
Theatrum anatomicum, op. cit., p. 41, reprise en 1621, p. 13, l’iconographie étant reportée à la fin du texte dans cette édition parfois publiée séparément.
Le tableau a été mis en vente chez Christie’s à Londres en 2016, peu après la redécouverte des volumes : Offrez-vous un écorché de Sagemolen ! sur le blog actualités de la BIU Santé, 2 septembre 2016. https://www.biusante.parisdescartes.fr/blog/index.php/sagemolen-christies/
De humani corporis fabrica, édition de 1543, op. cit., écorchés faces antérieure et postérieure, p. 170, 174, 178, 181, 184, 187, 190, 194, 197, 200, 203, 206, 208.
Mikrokosmos, op. cit., sur la tête, les os, les dents, les lèvres et leur substance, leurs mouvements avec leurs muscles, pp. 8-24, et les glandes salivaires qui sont étudiées à Leyde dans ces années-là.
Mikrokosmos, op. cit , p. 58.
Voir Mikrokosmos, op. cit, pp. 58-59. Pour une description plus précise, voir Bauhin, Theatrum anatomicum, livre I, chap. X, « De costis », et Riolan (fils), L’Anthropographie V, livre V, chap. 1, p. 840, puis Introduction à la doctrine des os, chap. XIV, p. 32, Les Œuvres anatomiques, op. cit.
Theatrum anatomicum, op. cit., tab. IV, en regard de la p. 1294, il s’agit d’un squelette féminin.
Fabrica, op. cit., p. 163.
Bartholomæus Cabrolius, V.F.P. [Vopiscus Fortunatus Plemp], Ontleeding des Menschelycken Lichaems, avec figures inspirées par Vesalius, reprises de Bartholin et de Bauhin, Amsterdam : C. van Breugel et H. Laurentsz, 1633.
Sur la parotide et les dissections, voir Mikrokosmos, op. cit., p. 23.
En 1663, la Congrégation des Cardinaux à Rome a mis le livre des Méditations métaphysiques de Descartes, les Passions de l’âme, et d’autres écrits de Descartes, avec l’édition des Opera philosophica, à l’Index des livres interdits, Index librorum prohibitorum, avec la mention, pour chaque ouvrage : donec corrigatur qui signifie jusqu’à ce qu’il soit corrigé. Mais l’exécution de la clause sous réserve de correction est impossible, Descartes étant mort en 1650. Cette condamnation n’empêche pas la diffusion des textes cartésiens, notamment en Hollande, en Allemagne, à Herborn où la Physiologia de Regius a été retrouvée, à Duisbourg avec Johannes Clauberg (formé à Leyde par Johannes de Raey, élève de Regius) et en Angleterre, avec Henry More par exemple. En France, royaume catholique, Claude Clerselier, avocat, publie en 1664 L’Homme avec la Description du corps humain, en réduisant l’influence du mécanisme cartésien en invoquant Saint-Augustin. Sur ce point, voir mon article “The Primacy of L’Homme in the Parisian Edition by Clerselier”, Descartes’ Treatise on Man and its reception, édité par S. Gaukroger and D. Antoine-Mahut, Springer, 2016, pp. 33-47.
Voir les Primae cogitationes circa generationem animalium et les Excerpta anatomica, (Premières pensées sur la génération des animaux et Extraits anatomiques, au tome XI de l’édition des Œuvres de Descartes par Ch. Adam et P. Tannery (AT) et leur édition prochaine pour le tome II de l’édition des Œuvres complètes dans la collection Tel-Gallimard.
. L’Homme, AT XI, 123-124.
. Cinquièmes Objections, AT VII, 309-310.
. AT VI, 47, le cœur étant alors réduit aux ventricules, les oreillettes (« oreilles », ou maintenant « atria »), étant les renflements des vaisseaux.
Willis, Cerebri anatome : cui accessit nervorum descriptio et usus, Londres : Martyn & Allestry, 1664.
Voir Cinquièmes Réponses aux Méditations métaphysiques, AT VII, 384. Descartes, Discours de la méthode, quatrième partie, AT VI, 33. Voir aussi Principes de la philosophie, I, art. 11.
Descartes, Méditations métaphysiques II et VI, et Principes de la philosophie, I, art. 9.
Cf. «... ab unione et quasi permixtione mentis cum corpore», AT VII, 81, IX, 64. Cf. lettres à Hyperaspistes, août 1641, AT III, 424, et à Regius, janvier 1642, AT III, 493.
Réponses aux Quatrièmes Objections, AT IX-1, 177.
À Froidmont, 3 octobre 1637, AT I, 420. C’est ce texte latin rarement cité, qui est à l’origine de la rédaction de l’article 196 de Principes IV. Descartes écrit : « à chaque visite du chirurgien, on lui bandait les yeux, pour qu’elle se laissât panser plus facilement; comme la gangrène gagnait, on dut amputer tout le bras; mais on mit des linges à la place, si bien que les quelques semaines qui suivirent elle n’a pas vu ce dont elle était privée; néanmoins tout ce temps-là elle se plaignait de ressentir des douleurs tantôt aux doigts, tantôt au milieu de la main, tantôt au coude, qu’elle n’avait plus : c’est que les nerfs qu’elle avait encore dans le bras étaient affectés, et auparavant ils descendaient du cerveau jusqu’à ces parties-là. Cela ne serait pas arrivé, bien sûr, si le sentiment de la douleur, ou comme il dit, la sensation se faisait toute en dehors du cerveau ». Le mot sentiment équivaut à celui de sensation, alors très peu utilisé en français, contrairement au latin.
Dans la seconde édition, Mikrotechne seu Methodica ad chirurgiam introductio, editio altera, Leyde, Gaasbek, 1668, avec frontispice montrant une scène d’amputation de la jambe gauche sur un patient assis sur une chaise, bras droit lié au barreau du dossier, et jambe droite liée au pied de la chaise, le chirurgien avec la scie, devant une dizaine de spectateurs, certains avec leurs chapeaux.
Mikrotechne, op. cit., l’éloge de Fabricius figure pp. 7-8, 101 (« a celeber. Fabricio ab Aquapendente praemonstratum in libro de Operationibus chirurgicis »).
De efficaci medicina libri III, Francfort : J. Beyer, 1646. La première édition de la Mikrotechne citait « Severinus in Chirurg. Spiritali », dans la section Medicamenta, p. 57. La seconde édition de la Mikrotechne ajoute « Severinus in Chirurgia Spiritali nondum edita », p. 91.
Severinus est cité p. 97, 115, 125 pour Pyrotech. Chirg. Et p. 243 dans l’Épilogue.
Hierome Fabritius dans la traduction précitée, plutôt que Jérôme Fabrice : Hieronymus Fabricius ab Aquapendens. À ne pas confondre avec le chirurgien allemand Fabritius Hildanus ou d’Hilden, que Severino qualifie de « courageux » : Wilhelm Fabricius Hildanus, originaire de Hilden, auteur d’un traité de la gangrène et du sphacèle, publié en 1597 à Genève chez Stoer.
Gaspare Tagliacozzo ou Tagliocozzi, qui a occupé la chaire de chirurgie de Bologne, est connu pour ses opérations chirurgicales de reconstruction du nez.
Les Œuvres chirurgicales de Hierosme Fabrice d’Aquapendente…, divisées en deux parties, Lyon : Huguetan, 1666 (des éditions antérieures existent), Livre I, « Des tumeurs contre nature », pp. 154-155.
Botallo, Leonardo, Opera omnia medica & chirurgica, Leyde : D. et A. Gaasbeeck, 1660.
De la médecine efficace, op. cit., traduction de la première édition de 100 pages, dans l’édition de Leyde, qui se termine par les deux lignes suivantes : § 36 : « De venæ sectione nihil attinet dicere, cum nulli non ea sit cognita : Il n’est pas question de faire ici mention de la saignée, n’y ayant aucun à qui elle est inconnue », fin de l’Introduction méthodique (n.p.).
Fabrica, op. cit., livre VII, chap. XIX, p. 661 (édition avec erreurs de pagination).
Mikrokosmos, op. cit., p. 23.
Libri prohibiti circa la nuova filosofia dello Spinosa. Dénonciation par Nicolas Sténon de la philosophie de Spinoza au Saint-Office (Rome, 4 septembre 1677), ACDF, SO, Censurae librorum, 1680-1682, folia extravagantia, n. 2, traduit et annoté par Stéphane Ferret, p. 8-12, ici, début, p. 8-9, in Philosophie, 2020, 2, N° 145. Traduction légèrement retouchée. ACDF : Archives de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi. Voir Pina Totaro, « Ho certi amici in Ollandia » : Stensen and Spinoza : Science verso faith », K. Ascani, H. Kermit & G. Skytte (eds), Niccolo Stenone (1638-1686) : anatomista, geologo, vescovo, Rome, L’Erma di Bretschneider, 2002, pp. 27-38, p. 33. Sténon joint à cette dénonciation un manuscrit de Spinoza, qu’il a pu obtenir d’un « étranger luthérien » qu’il a tenté de convertir : l’Allemand Tschirnhaus, qui a étudié à Leyde à partir de 1669. Sténon dénonce comme dangereux ce texte qui est celui de l’Éthique, rédigé par un auteur qui tend vers l’athéisme et qui développe sa philosophie d’après celle de Descartes, mais en utilisant des démonstrations mathématiques qui détruisent le christianisme. Le manuscrit de l’Éthique n’est pas de la main de Spinoza : c’est une des copies qui circulaient en Hollande. Les Opera posthuma de Spinoza, incluant l’Éthique, publiées en latin en 1677, année de la mort de l’auteur, seront mises à l’Index des Livres prohibés (interdits) par la Sacrée Congrégation. Le manuscrit de l’Éthique a récemment été découvert à la Bibliothèque vaticane, dans la partie issue des archives de l’Inquisition, dont elle a hérité en 1922. Voir Leen Spruit and Pina Totaro, The Vatican Manuscript of Spinoza’s Ethica, Leyde, Boston : Brill, 2011.
Lettre à Mersenne, 15 avril 1630, AT I, 136. Dans cette importante lettre, Descartes aborde aussi les questions métaphysiques. Ce « en même temps » cartésien est décisif dans l'approfondissement des pensées de Descartes. Sur l'importance, ensuite, des dessins de Sagemolen dans le contexte de la réception du mécanisme cartésien, voir Bitbol-Hespériès, Annie, « Le moment cartésien de la leçon d'anatomie: la myologie du dessinateur Sagemolen pour l'anatomiste van Horne (Leyde, 1654-1660) », Liminaire III du Bulletin cartésien LI, revue Les Archives de Philosophie, 2022, no 1, pp. 156-164.