Jan van Horne dans la correspondance de Guy Patin :
à la découverte des conduits du chyle

Loïc Capron

loicapron@gmail.com

Université Paris-Descartes, Médecine interne, France

https://orcid.org/0000-0003-4029-4894

Je sais gré à M. Jean-François Vincent et à Mme Marie-France Claerebout pour l’aide précieuse qu’ils m’ont procurée dans la rédaction de cette conférence.

Éminent mais pathétique zélateur français de la médecine dogmatique (hippocratico-galénique), déjà moribonde au xviie siècle, Guy Patin (Hodencq-en-Bray, Beauvaisis 1601-Paris 1672) doit son renom à la riche correspondance qu’il a laissée. J’en ai procuré une édition électronique complète, assortie de maints autres de ses écrits, que j’ai exhumés au fil de mon travail de vingt années sur les lettres, françaises et latines, qu’il a échangées avec 116 correspondants11. Capron, Loïc, (…) . L’un d’eux fut Iohannes Hornius (Jan van Horne, Amsterdam 1621-Leyde 1670) : le manuscrit no 2007 de la Bibliothèque interuniversitaire de santé22. https://www.bi (…) conserve les brouillons de sept épîtres que Patin lui a écrites entre le 3 novembre 1656 et le 4 avril 1669 ; je tiens pour définitivement perdues les réponses que Van Horne lui a faites.

Le principal intérêt de ces textes et de leurs liens avec la vie médicale du temps est de lever un coin du voile sur les relations de l’anatomiste hollandais avec deux de ses confrères français : Jean Riolan le Jeune (Paris 1577 ou 1580-ibid. 1657), qui se disait n’être rien de moins que le « prince des anatomistes », et l’une de ses jeunes têtes de Turc, Jean Pecquet (Dieppe 1622-ibid. 1674)33. Guy Patin et J (…) , célèbre pour son immortelle démonstration des voies du chyle en 1647, publiée en 1651#44. Pecquet, Jean, (…) .

Patin connaissait Van Horne par l’intermédiaire de leur commun ami Johannes Antonides Vander Linden (Enkhuisen, Frise-Occidentale 1609-Leyde 1664), professeur de médecine à Leyde. Patin a vraiment parlé de lui pour la première fois dans sa lettre du 13 septembre 1656 à son grand ami Charles Spon (Lyon 1609-ibid. 1684), médecin lyonnais d’origine allemande. Ce qu’il y disait, en date de « ce dernier d’août » servira d’opportune amorce à mon récit :

« Il y a ici un honnête homme, Professor anatomicus Leidensis55. « Professeur d (…) , nommé M. Van Horne, qui est auteur d’un livre intitulé de Ductu chylifero#66. Van Horne, Jan (…) . Il m’a prié de le mener chez M. Riolan qu’il a vu avec une joie incroyable. Il a dit au bonhomme77. Vocable famili (…) Riolan qu’il était venu à Paris durant leurs vacances tout exprès pour le voir et l’embrasser. »

Les deux ouvrages de Pecquet (Paris, 1651) et Van Horne (Leyde, 1652) que voilà cités en référence ont planté le décor.

Pecquet, Van Horne et autres sur le mouvement du chyle

Le chyle, liquide blanc ressemblant à du lait, est la partie graisseuse (lipidique) des aliments digérés dans l’intestin grêle. Le mésentère est le grand éventail membraneux (péritoine) qui arrime l’intestin grêle à la paroi postérieure de l’abdomen, et assure sa vascularisation et son innervation. Après un repas, le chyle enfle les vaisseaux du mésentère (mésaraïques) qui sont destinés à le recueillir, dénommés chylifères ou lactés (pour marquer la ressemblance entre le chyle et le lait).

Tout cela avait été parfaitement décrit en 1622 par Gaspare Aselli (Crémone 1581-Milan 1625), anatomiste de Padoue, et publié cinq ans après sa mort#88. Aselli, Gaspar (…)  ; mais la destination du chyle restait en débat, et non sans conséquence car on considérait sa substance comme essentielle à la fabrication du sang. L’idée reçue était que ce précieux liquide se rendait directement au foie par des voies anatomiquement inconnues (figure 1), mais physiologiquement incontestables, car le foie était tenu pour le lieu de la sanguification99. Formation du s (…)  : Aristote, Hippocrate et Galien l’avaient pensé, et Riolan l’avait affirmé après quantité d’autres anatomistes1010. L’anatomie (ou (…) .

Et voilà qu’en 1651, à la suite de minutieuses dissections menées, devant témoins, pendant trois années sur des chiens et d’autres animaux, Pecquet, un docteur en médecine de Montpellier que nul ne connaissait, publie une autre histoire : le chyle est recueilli à la racine du mésentère dans un réservoir particulier (cisterna chyli, aussi appelée citerne de Pecquet) ; de là il ne gagne pas le foie, mais remonte avec la lymphe ordinaire1111. Liquide aqueux (…) , dans le thorax, le long du rachis, dans un canal commun (dit thoracique), pour rejoindre les grosses veines de la base du cou (subclavières) et gagner le cœur (figure 2). Dans sa brillante démonstration, Pecquet ne commet qu’une grossière erreur (dont il s’expliquera dans la réédition de 1654#1212. Pecquet, Jean  (…) ) : n’ayant pas de clavicules, le chien ne peut posséder de veines subclavières ; elles portent chez lui le nom d’axillaires. Son autre faute, quoiqu’elle ait été longtemps partagée avec les anatomistes qui lui ont succédé, était de déplacer du foie au cœur le siège de la formation du sang (sanguification) : c’était déjà une pure hérésie pour ses contemporains, mais on sait depuis que, chez les adultes, elle se fait dans la moelle des os.

Les réactions de l’Europe savante furent immédiates, mais dissonantes.

Dans une thèse disputée le 5 mai 1652#1313. Bartholin, Tho (…) , l’éminent anatomiste et médecin danois Thomas Bartholin (Copenhague 1616-ibid. 1680) confirma l’existence du circuit découvert par Pecquet sur les cadavres de deux condamnés à mort (figure 3). Il attribua sans discussion la primeur de cette découverte à Pecquet.

Bartholin a exposé les macabres circonstances de son étude (page 14 de sa thèse de 1652) :

[…] plurimisque in canibus factis experimentis, humana tandem cadavere ex voto publico, Serenissimo Rege friderico iii. clementer annuente, rotæ alioquin et perpetuæ cruci adjudicata beneque pasta, nacti in singula accuratius tam in publico Theatro Anatomico solenni demonstratione, quam privata opera, tanto majori studio inquisivimus, quod primi hæc in homine tentaverimus. Primum cadaver infanticidæ fuit, furis alterum, illud macilentum vixque ossibus hærens, hoc obœsum planeque omnibus numeris sanum. Utrumque quinque ante interceptum spiritum horis cibo vinoque fuit ad satietatem repletum.
[(…) et après plusieurs expériences chez des chiens, pour répondre au vœu général et avec la permission du sérénissime roi frédéric iii, nous nous sommes procuré les cadavres de deux condamnés, l’un à la roue et l’autre à la potence, exécutés à la suite d’un copieux repas, puis envoyés sans tarder soit à l’amphithéâtre anatomique public, soit en un lieu privé, pour soigneuse dissection. Nous fûmes ainsi enfin en mesure de procéder à cette recherche de toute particulière importance, qui n’avait jamais été menée chez l’homme. Le premier corps était celui d’un infanticide, obèse mais parfaitement sain sous tous les autres rapports, et le second, celui d’un voleur si maigre qu’il ne lui restait presque que la peau et les os. Cinq heures avant de rendre l’âme, ils s’étaient tous deux nourris à satiété de mets et de vin1414. Cette traducti (…) ].

Pecquet avait catégoriquement répugné à une telle démonstration (page 18 de ses Experimenta nova anatomica, 1651) :

Homines non dixi quia Thoanteos ritus execror, mitioribus sacris innutritus. Brutis minime peperci in Hominum usum à Conditore creatis. Sanctius iis Animal veneratus sum ; Ab hoc abstinuit innatæ legis, quam colo, memoria ; huius mihi scopus sanitas, non quod est formidolosissimum. Fugienda est Medicina, quam docet crudelitas ; et abominanda sapientia, quam parit Homicidum.
[Je n’ai pas parlé de l’homme parce que j’exècre les rites de Tauride, et me suis nourri de sacrifices moins cruels1515. Thoas, roi myt (…) . Je n’ai guère épargné les bêtes que le Tout-Puissant a créées pour l’usage des hommes. J’ai respecté l’être vivant qui est plus sacré qu’elles ; le souvenir de la loi naturelle, que je respecte, m’a tenu loin de lui. Mon but est sa bonne santé, ce qui n’a rien de bien horrible. Il convient de fuir la médecine qui enseigne la cruauté, et avoir en abomination la science qui enfante l’homicide]1616. Les temps ont (…) .

L’année suivante, Bartholin enfonça le clou en publiant un opuscule dédié à Riolan, qui se conclut sur une ironique et triomphante épitaphe du foie1717. Bartholin, Tho (…)  :

Siste Viator, Clauditur hoc tumulo qui tumulavit plurimos princeps corporis tui cocus et et arbiter : hepar notum seculis sed ignotum naturæ, quod nominis majestatem et dignitatis fama firmavit tamdiu coxit, donec cum cruento imperio seipsum decoxerit. Abi sine iecore viator, bilemque hepati concede, ut sine bile bene tibi coquas illi preceris.
[Arrête-toi, voyageur, devant ce tombeau qui en a tant enseveli. Premier cuisinier et arbitre de ton corps, le foie y est enfermé. Connu par des générations d’hommes, mais inconnu de la Nature, lui qui a affermi dans l’opinion la majesté de son renom et l’a conservée dans une réputation de dignité, il a cuit si longtemps avec son pouvoir sanguinaire qu’enfin il s’est réduit lui-même. Éloigne-toi sans foie, voyageur, et cède la bile au foie pour bien te cuire sans bile et prier pour lui].

Riolan engagea une longue polémique en s’insurgeant d’abord contre Bartholin dans ses Opuscula nova anatomica (1653)1818. Riolan, Jean l (…) , puis, deux ans plus tard, contre Pecquet et ses deux défenseurs parisiens, Jacques Mentel (dont je parlerai plus bas) et Pierre de Mersenne, qu’il appelait les « docteurs pecquétiens »1919. Riolan, Jean l (…)

Van Horne, quant à lui, surprit bien du monde en publiant effrontément en 1652, un an après Pecquet, mais sans le citer, sa propre découverte des nouvelles voies du chyle (figure 4) chez l’homme et chez divers autres mammifères7. Les épîtres dédicatoires ne laissent planer aucun doute sur cette usurpation :

  • celle de Pecquet, à François Fouquet, comte-évêque d’Agde#2020. Frère aîné de (…) , est datée de Paris le 1er janvier 1651 ;
  • celle de Van Horne, adressée aux curateurs de l’université de Leyde, est datée de cette ville le 5 mai 1652#2121. En latin ces d (…) (soit le jour même de la thèse de Bartholin)14. Je n’en citerai que cette phrase catégorique :
Licet autem exilis sua mole sit libellus, continet tamen haud contemnenda mysteria, ex ipsis naturæ penetralibus eruta, novam et inauditam doctrinam de via nutrimenti nunc primum detecta, qua lacteum succum e cibis expressum, quem Chylum vocant, non, ut hactenus voluere Scriptores, ad Hepar, sed proxime ad Cor traduci asseritur, demonstratur rationum momentis et certissima experientia.
[Bien que cet opuscule ne soit guère épais, il contient des mystères qui ne sont en rien méprisables, que j’ai déterrés des profondeurs mêmes de la nature : il présente et démontre, par des expériences absolument indiscutables et un raisonnement rigoureux, une doctrine nouvelle et inédite sur la voie des aliments, jusqu’ici cachée, par laquelle le suc lacté qui s’exprime de la nourriture, qu’on appelle le chyle, est directement transporté au cœur, et non pas au foie, comme les auteurs l’avaient précédemment voulu]2222. Contrairement (…) .

Sous le pseudonyme de Sebastianus Aletophilus [Celui qui aime la vérité], Samuel Sorbière (Saint-Ambroix, Occitanie 1615-Paris 1670), littérateur et médecin français exerçant alors à Leyde, publia une lettre à Pecquet datée de Paris le 13 août 16542323. Sorbière, Samu (…) (réimprimée dans la seconde édition des Experimenta nova anatomica de Pecquet, Paris, 1654)10. Sa conclusion fustige l’indélicatesse de Van Horne (page 180) :

Scripsi ad Henricum Bornium, professorem Leydensem, veterum amicum, mirari me qui fieri potuerit ut Clarissimus vir Ioannes Hornius de ductu chylifero scribens non viderit tractatulum tuum biennio ante typis editum, ut plane constet nulli non literato, nec in Anatomicis hospiti, te primum exstitisse freti istius, Magellanico sane potioris, detectorem. Atque adeo ludibrium posteris debiturum collegam, nisi quamprimum illud data occasione fateatur ; et dcat, non visum sibi librum tuum, cum tamen ipse eodem ferme experientia sua perveniset. Nolle enim me ambigere, quin Hornius quoque ductum invenerit, sed tamen a suspicione plagij famam viri jam aliunde et per se magni nominis immunem non futuram, nisi liberetur, nuda et simplici narratione experimenti suis, atque relicta tibi inventionis primariæ gloria. Itaque rogavit virum doctissimum caute officij sui admoneret. Tu, Vale, Pecquete Clarissime, et rem Medicam juvare contende. Optandum enim esset ut in re tam seria tandem homines nugari desinerent.
[J’ai écrit à Henricus Bornius2424. Henricus Borni (…) , professeur à Leyde et mon vieil ami, pour qu’il me prouve, s’il le pouvait, que le très illustre Van Horne n’avait pas vu votre petit livre, publié deux ans plus tôt, quand il a écrit sur le conduit du chyle, car il apparaît clairement à quiconque a quelque connaissance de la littérature et de l’anatomie que vous avez été le tout premier à découvrir ce canal qu’on peut véritablement tenir pour plus important que le détroit de Magellan ; à tel point que notre collègue devra passer pour ridicule aux yeux de la postérité, à moins qu’il ne confesse bientôt avoir abusé des circonstances ; mais il proclame qu’il n’a pas vu votre livre et qu’il est tout seul parvenu presque à la même découverte que vous grâce à ses propres recherches. Je ne doute pas, soyez-en bien assuré, que Van Horne ait aussi pu observer le canal ; mais sa grande réputation, déjà bien établie ici et ailleurs, sera pourtant entachée d’une suspicion de plagiat s’il ne s’en affranchit en relatant simplement et clairement la teneur de sa propre expérience2525. Contrairement (…) , et en vous reconnaissant la primauté de la découverte. C’est pourquoi j’ai prié Bornius de rappeler avec ménagement le très savant Van Horne à son devoir. Vale, très brillant Pecquet, et battez-vous pour le bien de la médecine. Il serait en effet souhaitable qu’en une matière aussi sérieuse les hommes cessent enfin de conter des sornettes].

Johannes Vander Linden en a honnêtement tiré la leçon en 1653, sans hésiter à malmener son collègue et ami Van Horne2626. Vander Linden, (…)  :

Iugularis interna, ad asperæ arteriæ latus, surculis illi datis, ascendens versus caput, in via sive excipit sive emittit Venam chyliferam ceu matrem Venarum lactearum ad intestina pertinentium. Eam tot seculis ignotam protulit in lucem indefessa scrutandi lubido V. Cl. Ioh. Van Horne, Anatomici nulli secundi. Ostendit autem nobis in cane primum, postea etiam in homine. In quo primus deprehendit Thomas Bartholinus Casp. F. in Hafniensi Acad. med. et Anat. Prof. omni laude dignissimus. Eadem eodem tempore in Galliis inventa quoque fuit a Ioan. Pecqueto et peculiari libello Parisiis primum, mox Hardevici edito propalata. Quis horum primus invenerit, parum interest scivisse. Deo sit laus, qui eas cogitationes suppeditavit.
[La veine jugulaire interne, en descendant de la tête, sur le flanc de la trachée-artère, est munie de branches et, chemin faisant, soit elle reçoit, soit elle émet la veine chylifère, qui est le collecteur des veines lactées venant des intestins. Elle est restée inconnue pendant des siècles, mais par son inépuisable désir de chercher, le très brillant M. Ioh. Van Horne, anatomiste sans égal, l’a mise au jour : il nous l’a montrée chez le chien, puis chez l’homme. Thomas Bartholin, fils de Caspar, professeur de médecine et d’anatomie à Copenhague qui est parfaitement digne de toute louange, l’a trouvée avant lui. Au même moment, elle a aussi été découverte en France par Jean Pecquet, qui fut le premier à publier son existence dans un petit livre paru à Paris et récemment réédité à Hardewijk2727. Pecquet, Jean  (…) . Il n'y a guère d’intérêt à savoir qui de ceux-là en détient la primeur. Loué soit Dieu, qui a fait aboutir ces méditations].

Épilogue

Dans sa correspondance, Patin n’a parlé qu’une seule fois de Pecquet à Van Horne, qui lui en avait demandé des nouvelles. Ce passage est à la fin de la lettre du 6 septembre 16652828. https://www.bi (…)  :

Pecquetus ille per quadriennium hæsit in carcere cum D. Nic. Fouquet, nostro olim Gazophylace : quo judicato, et in alium carcerem trasmisso, Pecquetus ipse liberatus est, et in patriam urbem remissus, nempe Diepam, ubi vivit cum gloria, sed absque ullo præmio summæ ac rarissimæ fidelitatis.
[Ce Pecquet a croupi en prison pendant quatre ans avec M. Nicolas Fouquet ; après que notre surintendant déchu a été jugé et transféré dans une autre prison2929. Pecquet était (…) , Pecquet a été libéré et il est retourné dans sa patrie, à savoir Dieppe, où il vit dans la gloire, mais sans aucune récompense de son extrême et exceptionnelle fidélité].

Dans cette même lettre, Patin répondait aussi à la requête de Van Horne pour un petit livre intitulé Clypeus [Le Bouclier], publié en 1655 sous le pseudonyme de Guillaume de Hénaut3030. Mentel, Jacque (…) . Il y est amicalement rappelé à Pecquet que Jacques Mentel (Bussiares, près de Château-Thierry 1599-Paris 1670), docteur régent de la Faculté de médecine de Paris en 1632, avait observé avant lui le réservoir du chyle (pages 6‑8) :

Illic, quasi rerum abditarum, et a mundo condito reconditarum inventio illustri tuæ prosapiæ quadam prærogativa hæreditaria esset, tu vel imberbis Apollo, quippe Baccalaureus, et Philiatrorum Archidiaconus electus anno 1629, oblata de venis lacteis Asellii disserendi occasione, forte etiam edito cane in theatrum anatomicum, apertis a te, coram omnibus, eius visceribus, felici admodum successu, cum venarum lactearum insertionem sequeris, ecce cum omnium spectantium admiratione, et acclamatione publica, primus omnium mortalium chyli receptaculum aperis. Longa est a te facti periculi eiusdem historia ; nam ibidem anno 1635 Chirurgiæ Professor meritissimus eius artis Alumnis quamplurimis idem reseras : cuius rei testes oculati sunt non pauci ; præsertim eius fidem facit quidam Chirurgus Parisiensis nomine Fournier. Eodem loco anno 1647. Scholarum Parisiensium electus Professor Dignissimus, et sequentibus annis, cum frequentibus dissectionibus das operam magna comitante caterva, dissecante Chirurgico cognominato Gayant, præsente, et attestante vel ipso Pecqueto missa ad te epistola data secundo die augusti anno 1650, et quorum pars magna fui, rursus idem chyli receptaculum nobis indigitas. Cui sane tuo felici invento multum debet doctrina pecquetiana.
[Comme si tu avais hérité de ton illustre ancêtre le don de découvrir les secrets et les mystères enfouis dans le monde souterrain3131. Le discours de (…) , tu n’étais qu’un imberbe Apollon, un simple bachelier, mais élu archidiacre des philiatres en l’an 16293232. Alors bachelie (…) , quand l’occasion t’a été offerte de discourir sur les vaisseaux lactés d’Aselli. Alors, dans l’amphithéâtre d’anatomie, ayant tué un chien, tu lui as ouvert le ventre sous les regards de tous, et avec fort heureux succès, en disséquant les veines lactées jusqu’à leur terminaison, voilà qu’admiré par l’auditoire et sous ses acclamations, tu fus le premier de tous les mortels à trouver le réservoir du chyle. Cette expérience que tu fis a eu une longue histoire : en 1639, ayant hautement mérité d’être élu professeur de chirurgie dans cette même École, tu as répété ton observation devant maints étudiants en médecine ; elle n’a pas manqué de témoins oculaires, comme en fit notamment foi un chirurgien parisien du nom de Fournier. Toujours au même endroit, on t’a choisi en 1647 pour être élevé à la très haute dignité de professeur des Écoles de Paris3333. Un des deux pr (…) , et les années suivantes, en présence de nombreux spectateurs, tu as souvent dirigé des dissections que pratiquait un chirurgien dénommé Gayan, Pecquet en personne y a assisté, comme en témoigne la lettre qu’il t’a envoyée, datée du 2 août 1650 ; je fus3434. C’est Hénaut ( (…) présent à la plupart de ces séances, et tu nous y as encore et encore montré du doigt le réservoir du chyle. La doctrine de Pecquet doit vraiment beaucoup à ta découverte].

Pecquet n’était pas de mauvaise foi : il a objectivement été le premier à publier l’existence de la citerne du chyle en 1651 ; en outre, il a pris soin, avant la parution de son livre, de le montrer à Mentel, qui l’en a chaudement complimenté dans une lettre datée du 13 février 1651, transcrite aux pages 92‑100 de l’ouvrage3535. https://books. (…) , sans alors revendiquer la priorité de cette découverte. S’il le lût jamais, le Clypeus dut mettre du baume sur la plaie de Van Horne, bien que son nom n’y figure pas. Néanmoins, le livre commente et défend longuement les étincelantes démonstrations de Pecquet sur les voies du chyle et sur son rôle dans la formation du sang hors du foie, sans faire croire au lecteur que Mentel avait lui-même entrevu ces découvertes capitales. Il y a un monde entre décrire une structure anatomique et établir sa fonction complète.

La même année 1665, Van Horne a publié la troisième édition de son Microcosme3636. Van Horne, Jan (…) , toujours sans citer le nom de Pecquet, mais avec ce § 27 (pages 54‑55), qui ne ressemble guère à un acte de franche contrition :

regrediendum est ad Mesenterium, per quod diximus deferri duplices venas, Lacteas videlicet, et Rubras : quo in hunc finem factum arbiror, ut chyli laudabilior portio per illas quidem deferatur porro in Receptaculum, et hinc ascendendo per ductum chyliferum, infundatur venæ Axillari aut Jugulari : per has vero, una cum sanguine ab intestinis remeante, devehatur à Portæ truncum, e sima parte Hepatis erumptem.
[il faut maintenant revenir au mésentère : nous avons dit qu’il est parcouru par deux sortes de veines, les unes lactées et les autres rouges ; ce que je pense être fait pour que la plus louable partie du chyle soit recueillie dans un réservoir3737. On peut voir i (…) , d’où elle monte ensuite par le canal chylifère pour se déverser dans la veine axillaire ou jugulaire3838. Chez l’homme, (…)  ; mais par cette voie, elle est recueillie, en même temps que le sang provenant des intestins, dans le tronc de la veine porte, qui naît de la concavité du foi#e]3939. Le foie possèd (…) .

Les fumantes invectives de Riolan contre ses détracteurs ont épargné Van Horne, qui l’admirait profondément : leur respect pour la principauté hépatique et leur mépris envers Pecquet les avaient intimement unis l’un à l’autre.

Les six autres lettres de Patin à Van Horne, sans revenir sur les voies du chyle, ont abordé divers autres sujets, dont les circonstances de la mort, en 1564, de l’éminent anatomiste André Vésale, elles aussi débattues. Ces échanges, abordés dans les lettres du 18 juin 16684040. https://www.biu (…) du 9 octobre 16684141. https://www.biu (…) et du 4 avril 16694242. https://www.biu (…) , présentent quelque intérêt historique (détaillé dans mes notes sur ces trois textes).

En médecine comme ailleurs (religion, philosophie, littérature ou politique), les pamphlets querelleurs ont foisonné au xviie siècle. Leur virulence et leur mauvaise foi font encore frémir aujourd’hui ; mais tel fut le prix du progrès savant, à mesure que le temps exerçait son laborieux tri des idées et des connaissances.

Figure 1.
Figure 1.

Veines lactées (chylifères) du mésentère chez le chien. Gaspare Aselli (Milan, 1627), table ii : les veines lactées (B, en blanc), dans les intervalles dessinés par les artères (en rouge) et les veines (A, en noir), convergent vers la racine du mésentère (C), et sont supposées y pénétrer dans le pancréas (L) pour gagner le foie (O) par des canaux particuliers (N). Wellcome Collection, domaine public

Figure 2.
Figure 2.

Réservoir du chyle et vaisseaux lactés du thorax chez le chien. Jean Pecquet (Paris, 1651), première et seconde figures : sur la première (à gauche), le réservoir (I) reçoit les veines lactées du mésentère (L) ; son extrémité supérieure présente deux dilatations (G et F) au niveau du diaphragme (H) ; en sortent les canaux thoraciques du chyle, formés de deux conduits pourvus de valvules (m), qui empêchent le reflux vers le bas, et reliés entre eux par des anastomoses ; après avoir convergé au niveau de la 4e vertèbre thoracique (E), ils gagnent séparément les deux confluents des veines jugulaires et axillaires (B), où ils déversent leur contenu dans le sang, et ils gagnent le cœur par la veine cave supérieure (A) ; la seconde figure (à droite) montre les mêmes structures en place dans l’abdomen et le thorax de l’animal éviscéré. BIU Santé médecine, cote 5317

Figure 3.
Figure 3.

Réservoir du chyle et vaisseaux lactés du thorax chez l’homme. Thomas Bartholin (Copenhague, 1652)13, figures i‑iii : en f, la figure i montre le « réceptacle » (receptaculum) en place dans l’abdomen ; en a et b, la figure ii montre les trois « glandes » (glandulæ) qui le constituent, son « rameau solitaire thoracique » (solitarius ramus thoracicus, d), qui court entre l’œsophage (k) et l’aorte (g), pour rejoindre la veine subclavière gauche (s). La figure iii détaille l’abouchement du canal lymphatique thoracique (a) dans le confluent des veines jugulaire (c) et subclavière gauche (b), derrière la clavicule (d). BIU Santé médecine, cote 5587-1

Figure 4.
Figure 4.

Autre représentation de la citerne du chyle et des vaisseaux lactés du thorax chez l’homme. Jan van Horne (Leyde, 1652), figure unique : les viscères de l’abdomen et du thorax ont été réclinés sur la droite ; de l’« anfractuosité » (anfractus) du chyle (ggg), au contact de capsule surrénale gauche (F), sort le « conduit nouveau du chyle » (Ductus Chyliferus novus) qui remonte dans le thorax (H), sur le flanc gauche de l’aorte (T) pour gagner le veine subclavière gauche (M), d’où son contenu gagne le cœur (Q). Wellcome Collection, domaine public

1.

Capron, Loïc, Correspondance complète et autres écrits de Guy Patin, édités par Loïc Capron, 3e édition (Éditions critiques de la BIU Santé, Paris, 2021) en libre accès : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/

3.

Guy Patin et Jean Riolan, son mentor, étaient docteurs régents de la Faculté de médecine de Paris, respectivement reçus en 1627 et 1604. En 1655, le maître avait cédé à l’élève sa chaire royale d’anatomie, chirurgie et botanique au Collège de France. Jean Pecquet avait étudié à Paris, mais obtenu son doctorat à l’université de médecine de Montpellier en 1652.

4.

Pecquet, Jean, Ioannis Pecqueti Diepæi Experimenta nova anatomica quibus incognitum hactenus Chyli Receptaculum, et ab eo per Thoracem in ramos usque Subclavios Vasa Lactea deteguntur. Eiusdem Dissertatio anatomica de Circulatione sanguinis et Chyli Motu. Accedunt Clarissimorum Virorum perelegantes ad Authorem Epistolæ [Expériences anatomiques nouvelles de Jean Pecquet, natif de Dieppe, qui révèlent le Réservoir du chyle, jusqu’alors inconnu, et les Vaisseaux lactés qui le conduisent jusqu’aux subclavières en parcourant le thorax. Dissertation anatomique du même auteur sur la Circulation du sang et le Mouvement du chyle. Avec de fort élégantes lettres que de très éminents personnages ont adressées à l’auteur] (Paris, Sébastien et Gabriel Cramoisy, 1651, in‑4o de 108 pages). https://books.google.fr/books?id=jgT2Bj3r7YoC

5.

« Professeur d’anatomie à Leyde ».

6.

Van Horne, Jan, Novus Ductus Chyliferus. Nunc primum Delineatus, Descriptus et Eruditorum Examini expositus a Ioanne Van Horne, Medicinæ Doctore et Anatomes Professore in Acad. Lugduno-Batava [Nouveau conduit chylifère. Pour la première fois découvert, décrit et soumis à l’examen des savants par Jan Van Horne, docteur en médecine et professeur d’anatomie en l’Université de Leyde] (Leyde, Franciscus Hackius, 1652, in‑4o de 4 feuilles, soit 32 pages non numérotées). https://books.google.fr/books?id=AxvQwFqjfy4C

7.

Vocable familier que Patin réservait à ses amis âgés : Riolan avait alors 76 ou 79 ans.

8.

Aselli, Gaspare : De Lactibus seu Lacteis Venis quarto Vasorum Mesaricorum genere Novo Invento Gasparis Asellii Cremonensis Anatomici Ticisensis Dissertatio qua sententiæ Anatomicæ multæ, vel perperam receptæ convelluntur, vel partim perceptæ illustrantur [Dissertation de Gaspare Aselli natif de Crémone, anaomiste de Pavie, sur les lactifères ou veines lactées, quatrième genre, nouvellement découvert (après les artères, les veines et les nerfs), des vaisseaux mésentériques, qui ébranle les nombreuses sentences anatomiques, qu’on tient à tort pour acquises, ou qui éclaire celles qu’on a peu comprises] (Milan, Io. Baptista Bidellius, 1627, in‑4o illustré de 79 pages). https://books.google.fr/books?id=jaxomzpx5FcC

9.

Formation du sang (aujourd’hui appelée hématopoïèse), dont nul ne distinguait encore les deux composants, liquide (plasma) et solide (cellules ou éléments figurés, qui sont les globules rouges et blancs, et les plaquettes). La moelle osseuse produit les cellules et le foie, les principales substances dissoutes dans le plasma, dont les reins règlent le volume et la composition ionique.

10.

L’anatomie (ou anthropographie, « description de l’homme ») étudiait alors à la fois la structure et le fonctionnement (physiologie) du corps animal.

11.

Liquide aqueux circulant dans l’ensemble du corps, de la périphérie vers le centre, qui joue un rôle essentiel dans l’équilibre hydrique et l’immunité (défense contre les agressions) de l’organisme. La lymphe était un composant de celle des quatre humeurs qui portait le nom de pituite ou flegme.

12.

Pecquet, Jean : Ioannis Pecqueti Diepæi Doct. Med. Monspeliensis Experimenta nova anatomica, quibus incognitum hactenus Chyli Receptaculum, et ab eo per Thoracem in ramos usque subclavios Vasa Lactea deteguntur. Dissertatio anatomica de Circulatione sanguinis et Chyli Motu.Huic secundæ Editioni, quæ emendata est, illustrata, aucta, Accessit de Thoracis Lacteis Dissertatio, in qua Io. Riolani Responsio ad eadem Experimenta nova Anatomica refutatur ; et Inventis recentibus canalis Virsungici demonstratur usus ; et Lacteum ad Mammas a Receptaculo iter indigitatur. Sequuntur gratulatoriæ Clarissimorum Virorum cum prius editæ, sed auctiores, tum recens additæ ad Authorem Epistolæ. Quibus et adjungitur Brevis Destructio, seu Litura Responsionis Riolani ad ejusdem Pecqueti Exprimenta [Expériences anatomiques nouvelles de Jean Pecquet, natif de Dieppe, docteur en médecine de Montpellier, qui révèlent le Réservoir du chyle, jusqu’alors inconnu, et les Vaisseaux lactés qui le conduisent jusqu’aux subclavières en parcourant le thorax. Dissertation anatomique sur la Circulation du sang et le Mouvement du chyle. À cette seconde édition, corrigée, embellie et augmentée, a été ajoutée une Dissertation sur les vaisseaux lactés du thorax, qui réfute la réponse de Jean Riolan contre les susdites Expériences anatomiques nouvelles ; qui démontre, par de récentes découvertes, l’utilité du canal de Wirsung ; qui montre le cheminement du liquide lacté depuis le réservoir jusqu’aux mamelles. Viennent ensuite : les lettres de félicitations que de très éminents personnages ont adressées à l’auteur, telles qu’elles étaient dans la première édition, mais augmentées de celles qui s’y sont depuis ajoutées ; ainsi qu’enfin une brève Réfutation ou suppression de la Réponse que Riolan a opposée aux Expériences du dit Pecquet] (Paris, Librairie Cramoisy, 1654, in‑4o de 252 pages). https://books.google.fr/books?id=B00_TgAwG68C

13.

Bartholin, Thomas : Thomæ Bartholini D. et Prof. Reg. de Lacteis thoracicis in homine brutisque nuperrime observatis, Historia Anatomica, publice proposita respondente M. Michaele Lysero [Observation anatomique de Thomas Bartholin, docteur et professeur royal, sur les Vaisseaux lactés du thorax tout récemment observés chez l’homme et les animaux ; publiquement proposée, Michael Lyser candidat] (Copenhague, Melchior Martzan, 5 mai 1652, in‑4o de 71 pages). https://books.google.fr/books?id=Dgf0DqGFHsgC

14.

Cette traduction, comme toutes celles qui suivent, sont originales et, à ma connaissance, inédites. J’assume donc tous les contresens et autres imperfections qu’elles pourraient contenir.

15.

Thoas, roi mythique de Tauride (actuelle Crimée), avait donné ordre d’immoler sur l’autel d’Artémis tous les étrangers qui s’aventuraient dans son pays.

16.

Les temps ont bien changé : la morale réprouve tout autant aujourd’hui la cruauté de la vivisection animale que celle de la peine capitale humaine.

17.

Bartholin, Thomas : Thomæ Bartholini Vasa Lymphatica, nuper Hafniæ in Animantibus inventa, et Hepatis exsequiæ [Les Vaisseaux lymphatiques que Thomas Bartholin a récemment trouvés chez les animaux à Copenhague, et les Funérailles du foie] (Copenhague, Petrus Hakius, 1653, in‑4o de 59 pages). https://books.google.fr/books?id=dxxmAAAAcAAJ (p. 59).

18.

Riolan, Jean le Jeune : Opuscula nova anatomica, Iudicium novum de Venis Lacteis tam Mesentericis quam Thoracicis, adversus Th. Batholinum. Lymphatica Vasa Bartholini refutata. Animadversiones secundæ ad Anatomiam Reformatam Bartholini. Eiusdem Dubia Anatomica de Lacteis thoracicis resoluta. Hepatis Funerati et Ressuscitati Vindiciæ. Authore Joanne Riolano [Opuscules anatomiques nouveaux : Jugement nouveau sur les veines lactées, tant mésentériques que thoraciques, contre Th. Bartholin ; les Vaisseaux lymphatiques de Bartholin sont réfutés ; ses Doutes anatomiques sur les vaisseaux lactés thoraciques sont résolus ; Revendication du foie qu’on a enterré et que voici ressuscité] (Paris, veuve de Mathurin du Puis, 1653, in‑8o de 58 pages, https://www.biusante.parisdescartes.fr/histmed/medica/page?32089&p=3).

19.

Riolan, Jean le Jeune : Ioannis Riolani, Doctoris Medici Parisiensis, et regiorum professorum decani, Responsiones duæ : Prima, ad Experimenta nova Ioannis Pecqueti, Doctoris Medici Monspeliensis ; Altera ad Pecquetianos duos Doctores Parisienses, adversus sanguificationem in Corde, sive Refutatio Panegyreos Apologeticæ pro Pecqueto, adversus Riolanum, Antiquiorem Scholæ Parisiensis Magistrum, ab illis infamatum. Accessit eiusdem Riolani Iudicium novum de Venis Lacteis, et Caroli Le Noble, Doctoris Medici Rothomagensis Observationes raræ et novæ de venis lacteis thoracicis, ubi sanguificandi officium hepar restituitur, adversus eundem Pecquetum, et alios eius fautores [Deux réponses de Jean Riolan, docteur de la Faculté de médecine de Paris et doyen des professeurs royaux : la première aux nouvelles expériences de Jean Pecquet, docteur en médecine de Montpellier ; la seconde à deux docteurs pecquétiens de Paris contre la sanguification dans le cœur, ou Réfutation du Panégyrique apologétique pour Pecquet, contre Riolan, ancien maître de l’École de Paris qu’ils ont diffamé. S’y ajoutent le nouveau jugement du même Riolan sur les vaisseaux lactés et les rares et nouvelles Observations de Charles Le Noble, docteur en médecine de Rouen, sur les vaisseaux lactés thoraciques, où la fonction de sanguification du foie est réhabilitée contre le même Pecquet et d’autres de ses partisans] (Paris, Gaspard Meturas, 1655, in‑8o de 158 pages). https://books.google.fr/books?id=6tU-AAAAcAAJ

20.

Frère aîné de Nicolas Fouquet (1615-1680), procureur général du Parlement de Paris qui fut nommé surintendant des finances en 1653.

21.

En latin ces deux dates sont Kalendis Ianuarii anno D. m. dc. li. (« le 1er janvier l’an 1651e du Seigneur »), pour Pecquet, et Pridie Non. Maij m dc lii (« la veille des nones de mai [5 mai] 1652 »), pour Van Horne.
Il est vrai qu’en s’en tenant aux titres de ces deux livres, plutôt qu’à leurs contenus, Pecquet annonçait la découverte nouvelle du Chyli Receptaculum [Réceptacle du chyle] et Van Horne, celle du Ductus Chyliferus [canal chylifère] ; mais cela n’innocente que sémantiquement son plagiat manifeste, quand bien même son ignorance des travaux de Pecquet eût pu lui servir de piteuse excuse, car un anatomiste de son rang se devait de connaître l’actualité du sujet où il entendait exceller.

22.

Contrairement à Pecquet et à Bartholin, Van Horne n’eut pas à subir les foudres de Riolan car il ne poussait pas l’hérésie jusqu’à ôter catégoriquement la sanguification au foie pour la transférer au cœur.

23.

Sorbière, Samuel : Viro clarissimo D. Ioanni Pecqueto Med. D. celeberrimo, venarum lactearum thoracicum inventori sagacissimo, Sebastianus Alethophilus Ευτυχιαν [Sebastianus Alethophilus se félicite du succès du très brillant Jean Pecquet, célébrissime docteur en médecine, très ingénieux découvreur des lactifères thoraciques] (sans lieu ni nom, 1654, in‑8o de 17 pages). https://books.google.fr/books?id=ohVmAAAAcAAJ

24.

Henricus Bornius (Utrecht 1617-Leyde 1675) était professeur de philosophie à Leyde.

25.

Contrairement à celui de Pecquet paru en 16514, l’opuscule de Van Horne paru en 16526 ne fournissait aucune description détaillée de ses dissections : il s’y contentait essentiellement d’une unique figure (figure 4 du présent article) qui semble avoir été dessinée sur un cadavre humain.

26.

Vander Linden, Johannes Antonides : Iohannis Antonidæ Vander Linden, Doct. et Professoris Medicinæ Parcticæ ordinarii in Acad. Lugduno-Batava, Medicina Physiologica, nova curataque Methodo ex optimis quibusque Auctoribus contracta, et propriis Observationibus locupletata [Médecine physiologique de Johannes Antonides Vander Linden, docteur et professeur ordinaire de pratique médicale de l’université de Leyde, suivant une méthode nouvelle et soignée, résumée d’après chacun des meilleurs auteurs et enrichie d’observations originales] (Amsterdam, Ioannes à Ravestein, 1653, in‑8o de 884 pages), page 802. https://books.google.fr/books?id=9xTg4FPBzXgC

27.

Pecquet, Jean : Dissertatio Anatomica de Circulatione Sanguinis et Chyli Motu [Dissertation anatomique sur la Circulation du sang et le Mouvement du Chyle] (Hardewijk, Ioa. Tollius, 1652, in‑12), réédition hollandaise confidentielle des Experimenta nova anatomica de Pecquet (Paris, 1651).

29.

Pecquet était le médecin personnel de Nicolas Fouquet20, surintendant indélicat qui fut arrêté en 1661, incarcéré au château de Vincennes jusqu’à sa sentence de prison à perpétuité prononcée en 1664, suivie de son transfert à Pignerol (Piémont), où Pecquet ne fut pas autorisé à l’accompagner.

30.

Mentel, Jacques : Guilelmi de Henaut Doctoris Medici origine, et ordine Rothomagensis, Clypeus quo tela in Pecqueti cor a clarissimo viro Carolo le Noble, collega suo, coniecta infringuntur, et eluduntur. Ad Nobilissimum Virum Iacobum Mentelium, Doctorem Medicum Parisiensem [Bouclier de Guillaume de Hénaut, médecin originaire de Rouen et appartenant au Collège de cette ville, qui brise et esquive les traits que Charles Le Noble, son très distingué collègue, a lancés dans le cœur de Pecquet. Adressé au très noble M. Jacques Mentel, docteur en médecine de Paris] (Rouen, Julien Courant, 1655, in-12 de 71 pages, https://books.google.fr/books?id=v51kAAAAcAAJ).
Hénaut, qui se disait médecin de Rouen, est autrement inconnu : il s’agissait de Mentel lui-même qui se décidait enfin, mais un peu tard, à publier ses observations sur le réservoir du chyle. Le Noble, qui se disait médecin de Rouen, avait défendu Riolan contre Pecquet dans un libelle anatomique publié à Paris en 1655 ; il est probable qu’il s’agissait de Riolan lui-même. L’anonymat de Mentel copiait donc celui de Riolan, dont il redoutait la colère.

31.

Le discours de Hénaut est adressé à Mentel, mais en fait de Mentel à lui-même, qui se targuait de nobles origines, comptant parmi ses ancêtres un Jean Mentelin, imprimeur de Strasbourg, qu’il prétendait avoir découvert l’imprimerie avant Johannes Gutenberg.

32.

Alors bachelier de la Faculté de médecine de Paris, Mentel avait été élu archidiacre (prosecteur d’anatomie) par les étudiants (philiatres).

33.

Un des deux professeurs élus pour enseigner la médecine aux étudiants de la Faculté.

34.

C’est Hénaut (pseudonyme de Jacques Mentel) qui parle.

36.

Van Horne, Jan : Joannis Van Horne Anatomes et Chirurgiæ Professoris, μικροκοσμος seu Brevis Manuductio ad Historiam Corporis humani. In gratiam Discipulorum tertium edita [Le microcosme de Jan Van Horne, professeur d’anatomie et de chirurgie, ou bref Guide à la description du corps humain. Troisième édition, pour le profit de ses élèves] (Leyde, Jacobus Voorn, 1665, in‑12 de 160 pages ; première édition ibid. 1660, réédition ibid. 1668, https://books.google.fr/books?id=4xdmAAAAcAAJ).

37.

On peut voir ici, dans l’emploi du mot Receptaculum, un muet aveu de Van Horne : c’est le nom que Pecquet a choisi pour le « réservoir » (ou « citerne ») qu’il a décrit en 1651 ; mais Van Horne, en 1652, ne l’avait appelé que vas [récipient] ou anfractus [anfractuosité]18.

38.

Chez l’homme, comme l’avait montré Bartholin dans la figure illustrant sa thèse de 16524, le canal thoracique se jette dans le confluent des veines subclavière et jugulaire gauches. https://books.google.fr/books?id=Dgf0DqGFHsgC (p. 24).

39.

Le foie possède deux faces : l’une convexe et l’autre concave, que l’ancien latin anatomique qualifiait respectivement de gibba (bossue) et sima (plate, camuse ou camarde). Afin de ne pas participer aux « funérailles du foie », c’est-à-dire pour conserver au foie son éminence dans la fabrication du sang, Van Horne disait qu’après être parvenu dans les veines de la base du cou, le chyle retournait (par des voies imaginaires) dans la veine porte pour gagner le foie. Le circuit du chyle ne lui semblait apparemment qu’un caprice de la nature, alors qu’il s’agit d’une dérivation essentielle dans le métabolisme des graisses alimentaires, qui ont besoin d’un passage dans les vaisseaux pulmonaires pour être correctement assimilées.