Chapitre 4. Installation d’un flux numérique interne

1 Exemple d’un flux numérique : conception de gouttières occlusales, de la consultation pré-chirurgicale au suivi post-opératoire

Sur la base d’une étude de cas, nous avons pour objectif de proposer des éléments généraux nécessaires à la certification d’un flux numérique en chirurgie orthognathique. Nous avons choisi l’exemple de la procédure en cours, à la date de la réalisation de ce travail (2023–2024), dans le service de chirurgie maxillo-faciale du CHU de Nantes. Plus précisément, ce cas d’usage porte sur la CAO de la planification en chirurgie orthognathique et sur la production de gouttières occlusales CAD/CAM.

Dans ce service, les chirurgies ne concernant qu’une seule arcade dentaire sont guidées par une gouttière conventionnelle produite par le prothésiste du service selon l’occlusion finale déterminée par le chirurgien et présentée sur un articulateur de type Galetti. La réalisation des ostéotomies maxillo-mandibulaires posait en revanche le problème de la difficulté de production d’une gouttière intermédiaire fiable. Avant ce projet de CAD/CAM, la fabrication des gouttières intermédiaires passait par la réalisation d’un arc facial puis par un montage sur articulateur semi-adaptable. Dans le but d’opérer une transition vers une technologie 3D, la mise en place d’un flux numérique a été entreprise en vue d’obtenir une certification pour une production interne.

1.1 Consultations orthodontico-chirurgicales pré-chirurgicales

Toute démarche orthodontico-chirurgicale part d’une demande. Celle-ci peut émaner directement du patient formulant une plainte esthétique, occlusale ou fonctionnelle, ou être mise en lumière par le dentiste ou orthodontiste traitant, dans le cas où celui-ci décèle une dysmorphose maxillo-mandibulaire ne pouvant pas être prise en charge exclusivement par un traitement orthodontique.

La première consultation chirurgicale a comme objectif l’examen clinico-radiologique et des modèles dentaires du patient afin d’aboutir à un diagnostic. Après explications sur le plan de traitement, un projet orthodontico-chirurgical peut être décidé. On profite de cette consultation pour réaliser des photographies standardisées du patient. Un traitement étiologique spécifique peut être initié de manière pluridisciplinaire. Dans le cas le plus commun, le traitement orthodontique va anticiper la chirurgie afin de corriger les compensations alvéolo-dentaires et de potentialiser l’amplitude du geste chirurgical. Un nouveau contact avec le chirurgien sera programmé quand le patient aura obtenu un articulé dentaire favorable à la chirurgie. Cette nouvelle consultation aura lieu en ambulatoire ou en hôpital de jour selon les usages du service. Elle sera riche en examens afin de compléter le dossier du patient et d’acquérir les éléments nécessaires à la planification pré-chirurgicale. Un nouvel examen standardisé s’attachera à recueillir les données cliniques du patient : validation de la fin de la première étape orthodontique, prise de différentes mesures occluso-faciales, dépistage des comorbidités.

L’occlusion dentaire sera recueillie par la prise d’empreintes dentaires pour la réalisation de modèles en alginate numérisés dans un second temps – ou directement par une prise d’empreintes optiques à l’aide d’une caméra. À noter que la manipulation des modèles dentaires reste une habitude importante pour de nombreux centres. L’examen de modèles numériques seuls ne permettant pas de sentir les contacts occlusaux, la possibilité d’imprimer les empreintes optiques doit être maintenue.

Une imagerie tridimensionnelle du patient sera enregistrée du vertex à la mandibule avec les condyles en relation centrée. Un scanner low dose sera préféré à un Cone Beam Computed Tomography (CBCT) pour plus de précision notamment sur les tissus mous. Le choix de la modalité d’imagerie dépend surtout des habitudes du service et de l’accessibilité de ces examens : au CHU de Nantes, le CBCT est privilégié car disponible dans le service. Des téléradiographies de profil et de face seront réalisées pour servir de référence au suivi radiologique post-opératoire. Un orthopantomogramme fera systématiquement partie du bilan. Des photographies standardisées compléteront l’examen.

Finalement, cette exploration pré-chirurgicale permettra d’établir un plan de traitement définitif avec quantification des déplacements osseux et choix des ostéotomies. Certaines équipes proposent un formulaire standardisé afin de déterminer le plan de traitement pour l’étape de planification.

1.2 Planification virtuelle et conception de la gouttière

À l’issue de cette consultation, le chirurgien sera en mesure de réaliser la planification virtuelle, qui va débuter par le traitement numérique des empreintes dentaires afin de les intégrer au logiciel de planification et de les combiner aux fichiers DICOM de l’imagerie 3D du patient. Certaines équipes y intègrent également des photographies 3D afin d’avoir une analyse précise des parties molles. La planification consiste à réaliser virtuellement la chirurgie afin de positionner les bases osseuses selon l’occlusion dentaire finale souhaitée et l’analyse céphalométrique. Le logiciel va produire le fichier Standard Tessellation Language (STL) de la gouttière intermédiaire et de la gouttière finale. La personne chargée de la production 3D, qu’il s’agisse d’un médecin, d’un prothésiste ou d’un ingénieur, importera ce fichier STL dans le logiciel de l’imprimante.

1.3 Impression et post-traitement de la gouttière

Dans ce cas d’usage, la planification est réalisée par un chirurgien, interne ou sénior, puis le prothésiste du service se charge de l’impression. Le fichier STL de la gouttière est importé sur le logiciel d’impression, puis envoyé à l’imprimante. Selon la technologie utilisée, un post-traitement du DM permettra de lui conférer ses propriétés finales. Une fois imprimées, le chirurgien vérifiera la bonne congruence des gouttières aux modèles dentaires.

1.4 Stérilisation et stockage

Afin d’être prêt à l’usage chirurgical, le DM devra être stérilisé selon les recommandations nationales (cf. section 6). Une attention particulière sera portée au stockage jusqu’au temps chirurgical.

1.5 Temps chirurgical

Une fois certifiées, les gouttières sont déposées sur le champ opératoire par l’infirmière opératoire, après vérification de l’intégrité des sachets conteneurs. Elles n’apportent pas de germes extérieurs tout du long de l’intervention. Avant incision des voies d’abord, elles sont essayées sur chaque arcade dentaire afin de confirmer leur congruence. Si elles sont jugées fiables par l’opérateur, la gouttière intermédiaire sert alors au positionnement final du maxillaire selon la position initiale de la mandibule, tandis que la gouttière finale guide le positionnement final de la mandibule selon la position finale du maxillaire. En fin d’intervention les gouttières sont récupérées par l’infirmière, nettoyées et mises dans un emballage dédié pour leur conservation dans le dossier médical.

1.6 Suivi post-opératoire et reprise du traitement orthodontique

Le temps post-chirurgical inclura une reprise du traitement orthodontique afin d’optimiser l’occlusion dentaire en réalisant des retouches. Pendant ce temps, différentes consultations post-opératoires seront réalisées avec le chirurgien. Elles permettront notamment de déceler une complication en lien ou non avec l’usage du DM, et de réaliser un suivi clinique du DM.

2 Dossier de certification

2.1 Définition et classe du dispositif médical

Ce DM a pour fonction de guider la mise en occlusion dentaire afin d’amener les bases osseuses en position planifiée le temps de procéder aux ostéosynthèses.

Il est important de faire la distinction entre « DM sur mesure », et « DM adaptés au patient ». Cette notion a été soulignée dans notre première partie au paragraphe « Sur mesure » de la section 5.1. Les premiers sont définis par le règlement UE 2017/745 à l’article 2.3 (125). Pour rappel, ils sont soumis à l’application du règlement dans son intégralité et ne sont donc pas limités à l’article 5.5 et à l’annexe I comme le sont les DM adaptés au patient.

Un dispositif adapté au patient est défini par le GCDM comme un dispositif médical adapté à l’anatomie d’un patient à l’intérieur d’un design spécifique (142). Le GCDM insiste sur le fait qu’un DM produit par impression 3D ne le classe pas automatiquement en sur mesure. D’autant plus que dans notre cas, aucune prescription détaillant des caractéristiques de production spécifiques au patient n’est nécessaire comme c’est le cas du sur mesure. Nous verrons au paragraphe 12 de cette partie que la conception passe par un design précis standard où seul le mordu des dents du patient vient en modifier les reliefs.

Une fois cette notion intégrée, les autres règles de classification sont présentées dans l’annexe VIII du règlement européen. Le DM est dit à usage temporaire pour la gouttière intermédiaire qui est utilisée pendant une durée de moins de soixante minutes, et de courte durée pour la gouttière finale qui peut être laissée en bouche pour une durée pouvant s’étendre jusqu’à trente jours.

Cependant, l’article 5.5 du règlement européen impose que l’usage d’un DM produit dans un établissement de santé se fasse exclusivement au sein de cet établissement. La gouttière finale telle qu’actuellement utilisée dans le service ne peut donc pas être remise au patient durant sa période de convalescence à domicile. Hormis dans le cadre d’une exception faite sur le plan réglementaire, l’usage de la gouttière finale ne se fera qu’en per-opératoire et en post-opératoire immédiat, mais devra être remise au sein du dossier médical du patient au moment de sa sortie.

Dans le cas d’un port hors de l’hôpital, il faudra se limiter à une gouttière conventionnelle produite par méthode traditionnelle (notamment par le prothésiste du service).

Il faut ensuite définir le caractère invasif du DM. Le DM est mis en place par un orifice naturel, la bouche, et non à travers la surface du corps, ce qui l’exclut de la définition de « dispositif invasif chirurgical » et limite son appellation à « invasif ».

L’annexe VIII présente dans son chapitre III, alinéa 5, les règles de classification des DM invasifs. Ainsi, des DM invasifs par un orifice du corps relèvent « de la classe I s’ils sont destinés à un usage temporaire, et relèvent de la classe IIa s’ils sont destinés à un usage à court terme, sauf s’ils sont utilisés dans la cavité buccale jusqu’au pharynx, dans le conduit auditif externe jusqu’au tympan ou dans la cavité nasale, auxquels cas ils relèvent de la classe I ».

Notre gouttière intermédiaire comme notre gouttière finale se classent donc dans les DM de classe I.

2.2 Cadre réglementaire

Plusieurs éléments doivent être assemblés afin de constituer le dossier de demande de certification d’un flux numérique. Ces éléments doivent être en conformité avec l’article 5.5 du règlement UE 2017/745 et son annexe 1, relatives aux exigences générales en termes de sécurité et de performance.

La production se fait au sein d’un établissement de santé : le CHU de Nantes étant « une entité ayant pour mission première de prendre en charge ou soigner des patients ou d’œuvrer en faveur de la santé publique » comme défini à l’article 2 du règlement européen (125).

Ainsi, le CHU de Nantes a la possibilité de fabriquer, de modifier et d’utiliser des dispositifs en interne et de répondre ainsi, à une échelle non industrielle, aux besoins spécifiques des groupes cibles de patients qui ne peuvent pas être satisfaits en termes de performances appropriées par un dispositif équivalent disponible sur le marché et marqué CE.

Comme nous l’avons vu en première partie, la totalité du règlement ne s’applique pas à ce cas et nous pouvons nous limiter aux exigences de l’alinéa 5 de l’article 5 du règlement UE 2017/745 (125).

La procédure de certification d’un DM sur mesure est présentée à l’annexe XIII du règlement européen. Dans le cadre d’un DM de classe I, après auto-déclaration et évaluation par l’ANSM, un certificat de conformité UE est remis au fabricant. Ce document, rédigé sous la responsabilité du fabricant, atteste que le produit répond aux exigences du règlement UE 2017/745. Cette procédure ne nécessite donc pas de passer par l’évaluation par un organisme notifié. Ce certificat dispose d’une durée de validité ne pouvant excéder cinq ans. Le contenu minimal d’un certificat de conformité UE est défini à l’annexe XII du règlement UE 2017/745.

2.3 En pratique

D’après le règlement UE 2017/745, il ne doit pas exister de DM équivalent disponible sur le marché. Plusieurs arguments non retrouvés dans l’offre industrielle, peuvent justifier l’originalité d’un DM in house. Le DM en question ne doit pas être transférable vers une autre entité juridique, et son utilisation est donc limitée au service de chirurgie maxillo-faciale du CHU de Nantes.

Plusieurs pièces justificatives doivent intégrer le dossier d’auto-certification.

3 Déclaration publique

Le fabricant doit rédiger une déclaration publique qui sera accessible à tous. Elle doit contenir les éléments suivants.

Cette déclaration est l’équivalent de l’évaluation de conformité définie à l’article 52 du règlement européen, mais adaptée aux DM sur mesure. Elle est conservée pendant une durée de dix ans.

L’établissement de santé doit consulter la législation nationale éventuelle concernant le format, les exigences linguistiques et les conditions de publication. Par exemple, certains pays demandent que la déclaration soit publiée sur le site Internet de l’établissement de santé. D’autres à l’inverse demandent qu’elle soit disponible sur une page Internet de l’autorité compétente. L’établissement de santé devra assurer la mise à jour régulière de cette déclaration.

4 Justification

4.1 Cadre règlementaire

L’annexe XIV du règlement, alinéa 3, décrit les caractéristiques du DM devant être prises en considération pour la démonstration de la non équivalence. Ces caractéristiques se divisent en différents aspects.

Aspects techniques :

le DM est de conception similaire, utilisé dans des conditions similaires, ayant des propriétés similaires avec des performances similaires.

Aspects biologiques :

le DM utilise les mêmes matériaux et substances, est au contact des mêmes structures du corps pour la même durée.

Aspects cliniques :

le DM a la même indication clinique, répondant aux mêmes objectifs pour un même stade de la maladie, dans une population similaire ; il s’adresse aux mêmes utilisateurs, avec une performance similaire.

La justification de la non équivalence doit suivre ce plan. Le MDCG a publié en mai 2020 un guide sur le sujet : « MDCG 2020-5 guidance on Clinical Evaluation – Equivalence » (387).

La première étape consiste à rechercher un DM équivalent marqué CE sur le marché. Le protocole suivi doit être intégré dans le système de management de la qualité (décrit plus en détails au paragraphe 10). Cette recherche doit s’appuyer sur la base de données European Database on Medical Devices (EUDAMED), en y associant les informations provenant de sources diverses (entre autres fabricants, distributeurs, scientifiques).

Sur ces bases, il est demandé de justifier en quoi le besoin spécifique du groupe de patients cible ne peut être satisfait à niveau approprié par un DM équivalent présent sur le marché.

Après la certification du DM, l’établissement de santé doit continuer à recueillir les informations sur la disponibilité sur le marché de DM potentiellement équivalents marqués CE. Si un nouveau DM équivalent est mis sur le marché, la justification initiale n’est pas invalidée. L’établissement de santé devra cependant revoir et mettre à jour sa justification. Si ce nouveau DM marqué CE s’avère équivalent au DM in house et répond aux besoins spécifiques du groupe de patients à niveau de performances approprié, alors une transition vers l’utilisation du DM marqué CE doit se faire.

La justification est un processus dynamique et continu tout au long de la production du DM. Le marché exploré se limite au marché des DM marqués CE dans l’état membre concerné. La base de données EUDAMED est l’une des principales sources sur la disponibilité des DM marqués CE.

4.2 En pratique

L’usage de gouttières occlusales est la référence en chirurgie orthognathique, bien que les nouvelles méthodes de transfert présentent des avantages spécifiques. La justification de la démarche de certification du flux numérique réside non pas dans l’usage d’un nouveau DM, mais dans l’application d’une nouvelle méthode de fabrication s’appuyant sur de nouvelles technologies, afin d’améliorer la sécurité et l’efficacité du DM. Ainsi, il est possible de s’appuyer sur une documentation scientifique pour démontrer les performances du DM (365). Par exemple, sur la base des données de 78 articles publiés sur dix ans, il apparaît que l’impression 3D en chirurgie orthognathique permet d’optimiser les résultats fonctionnels et esthétiques des procédures avec une bonne satisfaction des patients et un transfert précis du plan de traitement au bloc opératoire; des données précises sont fournies par les auteurs sur l’état de l’art de l’utilisation de gouttières occlusales CAD/CAM, et des pistes sont fournies sur les principes de l’internalisation de la production.

5 Choix du matériel

L’annexe I du règlement UE 2017/745 souligne la nécessité de fournir à l’autorité référente une justification du choix du matériel d’impression sur la base d’une étude de marché, c’est-à-dire une justification du choix de l’imprimante 3D et de la résine utilisée.

5.1 Technologie d’impression et choix de l’imprimante

Les critères suivants sont utiles pour orienter un choix d’imprimante :

La résine est le matériau de prédilection pour la fabrication de gouttières occlusales. L’imprimante choisie doit ainsi être une imprimante résine. Plusieurs technologies peuvent être utilisées. La stéréolithographie (SLA) est la plus répandue sur le marché, avec une bonne qualité et une bonne précision du rendu, ainsi qu’un coût et une accessibilité raisonnables. L’utilisation des résines SLA impose cependant une certaine logistique. En effet, la gestion des matériaux doit être précisément décrite, avec notamment la nécessité d’agiter les résines avant impression et d’éviter les mélanges dans les cuves. Le post-traitement de la pièce consiste en un bain d’alcool pour en éliminer les impuretés, puis une cuisson ultra-violette afin de lui conférer sa solidité définitive.

La précision est une caractéristique primordiale de l’imprimante. Une précision allant de 90 à 100 microns est nécessaire au minimum en médecine. De plus, il faut prendre en compte la précision des axes X et Y et l’épaisseur des couches de matériaux pour obtenir la meilleure qualité possible. Ainsi, en fonction de la gamme de l’imprimante, une précision de l’ordre de 50 ou de 20 microns sera généralement choisie.

La vitesse d’impression s’exprime en millimètres par seconde. Elle a un impact direct sur la réussite et la qualité de l’impression. Le plus souvent, cette vitesse d’impression est de l’ordre de 150 à 180 mm/s. Toutefois, pour avoir un meilleur rendu, il vaut mieux parfois réduire la vitesse d’impression. Seules les imprimantes résine haut de gamme ont la capacité d’allier grande vitesse et qualité.

Le volume d’impression est important à apprécier selon les projets d’impression de l’utilisateur. Un volume plus élevé va permettre d’imprimer des modèles de taille plus importante. En chirurgie maxillo-faciale, l’échelle 1/1 est importante à respecter pour les modèles anatomiques et les gouttières, mais facilement obtenue dans un volume modéré. Un avantage des volumes élevés est l’optimisation du temps d’impression. En cas de rendement important, les gros volumes offrent la possibilité d’imprimer un nombre plus élevé de DM en une fois, et donc de réduire les coûts et le temps global de production de chaque modèle.

Le calibrage est garant de la fidélité de l’impression conformément au fichier numérique. Une imprimante mal ajustée peut causer des erreurs de rendu aboutissant à un modèle inutilisable ou, si non détectées, à des erreurs chirurgicales. Une imprimante simple à calibrer permet d’en sécuriser l’usage.

Certaines imprimantes offrent une large panoplie de résines utilisables. D’autres ont un catalogue plus restreint. L’important n’est pas le nombre de résines différentes disponibles mais la garantie de trouver celles qui sont utiles aux différents usages qui s’imposent au fabricant. L’ergonomie de l’imprimante aura des conséquences sur l’agencement global du local dédié.

En vue de respecter les différentes normes de sécurité au travail, l’espace dédié à l’impression 3D doit être réfléchi. La taille et le poids de l’imprimante sont ainsi des éléments importants à prendre en compte, bien qu’au second plan comparés aux éléments précédemment énumérés.

Le caractère ouvert ou fermé de l’imprimante est important. Il détermine des propriétés de sécurité d’usage. La fabrication additive par SLA est émettrice de nanoparticules dont la toxicité ne peut être éliminée. Tout fabricant est soumis au Code du travail pour la protection de son personnel. En fonction de la quantité de particules émises, l’imprimante devra ou non être dotée d’un couvercle de protection. De même, l’usage du laser peut exposer à des dommages en cas de contact avec la rétine. Le couvercle a alors une double fonction de protection. Les modèles avec caissons offrent des températures beaucoup plus stables tout au long de l’impression. Les imprimantes avec caisson sont également moins bruyantes. Un modèle d’imprimante ouverte est en revanche plus pratique et plus facile à utiliser. En effet, il est alors possible d’accéder aux différentes pièces du mécanisme à tout moment. Ainsi, l’imprimante ouverte est plus facile à calibrer et à entretenir.

Étude de marché

Nous avons procédé à une étude de marché des imprimantes 3D permettant une production en résine, basée sur les modèles disponibles en 2022. Après élimination des modèles d’entrée de gamme ou de gamme moyenne, ne permettant pas un usage correspondant au rendement cible, trois modèles se sont distingués. Nous avons également éliminé les imprimantes ouvertes pour des questions de sécurité, et avons directement ciblé les imprimantes à usage professionnel offrant une précision de l’ordre de 50 microns (tableau 4).

tableau
Tableau 4. Tableau comparatif des imprimantes sélectionnées selon les critères établis.

Notre choix s’est porté sur l’imprimante Form 3 de chez Formlabs. Premier fabricant sur le marché de l’impression 3D résine ayant développé une imprimante accessible tout en offrant des caractéristiques de produits utilisables pour une production de qualité médicale, Formlabs a su améliorer ce produit et s’imposer sur le marché.

En effet, cette imprimante est la plus précise, étant la seule descendant sous les 50 microns. Bien que l’épaisseur des couches reste plus élevée, le rendu final est suffisamment fiable pour permettre une planification chirurgicale minutieuse.

Son volume d’impression n’est pas le plus important mais est le plus intéressant géométriquement pour organiser une impression d’un nombre élevé de modèles simultanés (base presque carrée). Il n’y a pas de risque de perdre de la précision à cause d’une erreur de calibrage car ce dernier est automatique avant chaque impression.

Le remplissage de la résine se fait à partir d’une cartouche insérée dans un compartiment dédié. Cette cartouche doit être compatible avec l’imprimante car reconnaissable par une puce. Cependant il existe un choix varié de résines adaptées et aux propriétés suffisantes pour répondre à nos objectifs. Le remplissage automatique semble apporter une facilité d’usage et limiter les risques de coulée de résine ou autre erreur de mélange pouvant être à l’origine d’une défaillance de la machine.

Au niveau de la configuration, ce modèle est le seul doté d’une cuve amovible. Ce critère est pourtant important car il facilite l’entretien en permettant un nettoyage plus aisé de cette pièce amovible. En effet, en cas de dépôt dans la cuve, la résine perd en qualité avec risques de mélanges, de perte d’homogénéité du matériau, ou de défaut de photopolymérisation. Le risque de mélange est également diminué par la séparation des matériaux, chacun étant isolé dans un dépôt spécifique.

En termes de compatibilité informatique, il existe peu de différences entre les modèles. La programmation de l’impression se fait avec un logiciel dédié fourni par Formlabs, ce qui garantit une spécificité d’usage et des mises à jour régulières.

Cette imprimante est la plus imposante et présente le prix le plus élevé, mais ces deux critères ont été considérés moins importants dans cette comparaison.

Le post-traitement se compose d’une première étape de lavage alcoolisé puis d’une étape de chauffage UV. L’imprimante s’accompagne d’une machine de lavage FormWash, qui nettoie l’excès de résine liquide non polymérisée présente à la surface des pièces imprimées en 3D. S’y ajoute une chambre de post-polymérisation FormCure. Elle permet de fournir la lumière et la chaleur nécessaires pour la post-polymérisation des pièces imprimées afin de leur conférer leurs propriétés optimales. La durée de post-traitement dépend de la résine et varie entre 15 et 60 minutes.

À ces deux étapes s’ajoute une étape manuelle de retrait des supports d’impression.

Il est indispensable que l’entreprise sélectionnée respecte la norme ISO 13485 : « Dispositifs médicaux – Systèmes de management de la qualité – Exigences à des fins réglementaires » (388), publiée en 2016 et revue en 2020. Cette norme énonce les exigences relatives au système de management de la qualité lorsqu’un organisme doit démontrer son aptitude à fournir régulièrement des DM et des services associés conformes aux exigences des clients et aux exigences réglementaires applicables. Il est à noter que cette certification n’est pas obligatoire pour commercialiser des DM et n’est pas un garante de leur qualité et de leur sécurité. Cependant elle indique que la société suit une procédure reconnue par un organisme indépendant qui l’audite régulièrement. Ainsi, en avril 2022, Formlabs nous a remis un certificat de respect de la norme ISO 13485 (annexe 1 de la thèse d’origine). L’imprimante, le bain et le four ne sont pas des dispositifs médicaux (389390). Ils disposent cependant d’un marquage CE et respectent certaines normes (certificats de conformité : annexe 2 de la thèse originale (1)).

5.2 Matériau d’impression

La résine est le matériau classiquement utilisé par les prothésistes pour la réalisation des gouttières. Elle combine facilité d’accès et d’usage, offre d’excellentes finitions ainsi qu’une précision adaptée. Par ailleurs, la résine offre une bonne résistance et une solidité minimisant le risque de dégradation lors des processus de stérilisation. Différentes catégories de résines sont disponibles, comme des résines standard, utilisables pour des modèles anatomiques ou des produits n’entrant pas en contact avec le patient. D’autres résines sont biocompatibles classe I et donc utilisables au contact des cavités naturelles (gouttière, conformateur nasal). Enfin, des résines biocompatibles classe II sont disponibles, utilisables pour produire des guides de coupe ou des guides de positionnement. Le statut biocompatible et de toxicité est attesté par le respect de diverses normes que la résine doit valider.

Choix de la résine

De nombreuses résines sont proposées par Formlabs, mais dans le domaine médical, l’entreprise propose une résine dont l’indication principale est la production de gouttières dentaires : la résine BioMed Clear. C’est un matériau rigide et transparent destiné aux applications biocompatibles nécessitant un contact prolongé avec la peau ou les muqueuses (fiche technique : annexe 3 et 4 de la thèse originale (1)).

Étude de déformabilité

BioMed Clear est dite compatible avec différentes méthodes de stérilisation. La stérilisation consiste en l’application simultanée ou progressive de différentes contraintes thermiques et de pression, ainsi qu’en l’exposition à différents agents physiques et chimiques, constituant un ensemble d’évènements auxquels les propriétés physiques du DM vont être soumises. Ainsi, afin de tester la préservation de son intégrité, et de valider la non-altération de ses composants, une étude de déformabilité d’une sélection de gouttières imprimées avec la résine BioMed Clear est envisagée si les données ne sont pas publiées par le fabricant.

Comme nous l’avons vu dans la deuxième partie de cet ouvrage, la littérature corrobore une précision des gouttières occlusales de l’ordre du millimètre. Nous avons retenu ce seuil comme critère de non-déformabilité de la gouttière : nous allons procéder à une analyse morphométrique de ces gouttières avant et après stérilisation.

Biocompatibilité

Plusieurs critères de biocompatibilité se doivent d’être validés afin de déterminer le risque d’usage et la sécurité d’emploi de la résine. À chaque risque s’accompagne une norme.

À cela s’ajoute la classification United States Pharmacopoeia (USP) intervenant pour déterminer la biocompatibilité d’un matériau. Six classes sont définies, la sixième étant la plus exigeante. Les tests de classe VI visent à certifier qu’il n’y a pas de réactions nocives ou d’effets physiologiques à long terme causés par des produits chimiques qui s’échappent des matières plastiques. Ces tests sont effectués en produisant un extrait du produit avec différents fluides d’extraction et en l’injectant dans des échantillons in vivo. Trois types de tests sont décrits (391) :

Ainsi, après étude des différentes résines présentées par Formlabs, la résine BioMed Clear apparaît comme la plus sûre dans cette gamme.

Cependant, la biocompatibilité de la résine n’est pas synonyme de biocompatibilité du DM. Ainsi, une étude de biocompatibilité du DM dans son ensemble est en cours de réalisation en partenariat avec le laboratoire RMeS (392). L’objectif étant de se rapprocher des normes sus-citées.

5.3 Prise d’empreinte optique et scanner intra-oral

En attendant la certification de son flux numérique, l’équipe de chirurgie maxillo-faciale du CHU de Nantes continue de produire des modèles dentaires en plâtre et de les utiliser afin de respecter les demandes réglementaires en l’absence de certification du flux numérique. Afin de les intégrer dans la planification, ces modèles doivent être numérisés, en les scannant avec une caméra optique. Une autre possibilité consiste à réaliser une acquisition virtuelle des arcades dentaires directement à l’aide d’un scanner intra-oral et de sa caméra optique.

Principes généraux

Les scanners intra-oraux se sont développés et perfectionnés depuis les travaux de Duret en 1974 (393) avec l’objectif de permettre la numérisation de la cavité orale : arcades dentaires et leur soutien alvéolaire, et voûte palatine (figure 23).

PIC

Le dispositif se compose de trois éléments : une caméra optique, un logiciel, et un ordinateur dédié. De nombreux modèles sont disponibles sur le marché, différant par la technologie utilisée. Toutes les caméras ont en commun la projection d’une lumière sur un objet. La réflexion de cette lumière est enregistrée comme une image unique à l’instar d’une coupe de scanner. Le logiciel reçoit les images capturées par la caméra et les convertit en un fichier 3D exportable au format STL.

Les technologies utilisées sont (393) :

Selon une revue de la littérature de 2017, la précision d’acquisition se situe entre 4 et 16 micromètres avec les scanners intra-oraux, ce qui est au moins aussi précis que la prise d’empreinte traditionnelle. Ce dispositif est jugé adapté à la pratique clinique, indépendamment de la technologie utilisée. Aucun dispositif n’est unanimement considéré comme étant le plus efficace (395).

Étude de marché

Afin d’identifier le modèle le plus adapté à notre flux numérique, nous avons identifié des critères ayant un impact clinique en nous basant sur la littérature (395) :

Cinq essais ont été réalisés sur l’acquisition d’une arcade maxillaire complète afin de déterminer le modèle de caméra le plus précis (quatre essais in vitro et un in vivo), avec une prise en compte des critères ci-dessus, de l’ergonomie de la caméra et des logiciels, et de son coût (396).

Ces cinq essais font ressortir un avantage pour Trios3 et PrimeScan, avec une précision moyenne combinée in vivo in vitro autour de 35 micromètres.

Entre ces deux modèles, notre choix s’est porté sur Trios3.

Ce modèle se fonde sur la technologie de la microscopie confocale. Une lumière laser est envoyée sur un objet à travers un diaphragme, un miroir dichroïque et une lentille. Cette lumière balaie la surface de l’objet dans un plan focal identique au plan focal de l’objectif qui va recevoir la lumière renvoyée par l’objet. La lumière va repasser par une lentille, le miroir dichroïque et un diaphragme. On obtient une coupe optique correspondant à un plan de l’objet. L’appareil fait varier ce plan dans la hauteur, fournissant une succession de coupes qui sont traitées informatiquement pour reconstituer une image 3D (395).

L’un de ses principaux avantages réside dans sa suite de logiciels. En effet, la société danoise est la seule à proposer un logiciel unique (OrthoAnalyzer) incluant toutes les fonctionnalités du scanner intra-oral sur une seule interface, facilitant le travail informatique et la prise en main en évitant le jonglage sur divers supports, avec par ailleurs des fonctions absentes chez les offres concurrentes : par exemple, possibilité d’enregistrement les mouvements mandibulaires, permettant d’acquérir des données mécaniques sur l’occlusion dentaire 2. Au plan financier, le positionnement du modèle d’entrée de gamme Trios3 Basic se veut accessible. La Trios4 se place au-dessus de la gamme Trios3, avec des fonctionnalités dentaires intéressantes mais peu utiles en chirurgie orthognathique. Au niveau ergonomie, la caméra se présente sous la forme d’un (gros) stylo avec une possibilité de prise en main « pistolet » offrant une liberté de mouvement améliorée. Les Trios3 et 4 sont les seules caméras sans fil disponibles sur le marché.

Égale en performance, la PrimeScan a l’avantage de présenter un large capteur permettant une acquisition rapide et fluide des données, mais qui aura donc l’inconvénient d’être encombrante dans les petites bouches ou en cas de limitation d’ouverture buccale, ce qui rend son utilisation limitée dans une démarche orthognathique. Son poids est également supérieur à ce que propose 3Shapes, ce qui nuit à son ergonomie. Sa chaîne numérique est également compliquée, avec une multitude de logiciels intervenant dans la démarche. L’exportation au format STL est par ailleurs impossible, ce qui l’élimine des possibilités d’achat.

5.4 Choix des logiciels

Plusieurs logiciels sont nécessaires de la capture de données jusqu’à l’impression. Parmi ces logiciels, différentes interfaces sont spécifiquement médicales, propres à chaque structure hospitalière et nécessaires au parcours du patient. Ces dernières, par définition certifiées conformes, et non spécifiques au flux numérique, sont exclues de notre discussion.

À ces logiciels, comme les systèmes de dossier patient informatisé, s’ajoutent les logiciels spécifiques du flux numérique. Le logiciel du scanner optique est une exception car fourni avec le dispositif et ne pouvant être choisi. Ce logiciel, tout comme le scanner intra-oral lui-même, sont certifiés selon la norme ISO 13485 : 2016 (annexe 5 de la thèse originale (1)).

Dans ce contexte, seuls les logiciels de planification et d’impression restent à discuter.

Logiciel d’impression

Le logiciel d’impression est dépendant de l’imprimante sélectionnée. Dans notre cas, Formlabs impose l’utilisation de son logiciel dénommé PreForm. Les informations concernant PreForm sont disponibles dans la notice d’utilisation de l’imprimante ou directement sur le site internet de Formlabs (397) (figure 24). Ce logiciel offre plusieurs fonctions.

PIC

Préparation des modèles dentaires 3D à la planification

La planification 3D se base sur différentes données numériques :

Les modèles 3D des arcades dentaires du patient sont importés dans le logiciel de planification. Ils sont obtenus soit après acquisition directement dans la bouche du patient avec la caméra optique, soit après scan des modèles en plâtre avec une caméra optique ou un scanner rayons X (dédié à scanner des moulages ou scanner médical). Dans l’exemple de notre flux numérique, nous avons précisé que le logiciel du scanner optique associé à la caméra Trios suffit comme seule interface pour assurer toutes les étapes de traitement, excepté une étape importante. En effet, il existe une incompatibilité entre les fichiers STL exportés depuis le scanner intra-oral et le logiciel de planification (qui sera présenté ultérieurement) en termes de reconnaissance de l’orientation spatiale du modèle 3D. Le logiciel MeshMixer (Autodesk) peut être utilisé pour résoudre ce probème. Le STL du modèle souhaité (figure 25a) peut être importé, puis placé dans l’espace, horizontalement selon le plan du lit d’impression et regardant face au praticien (figure 25b). D’autres fonctions de MeshMixer peuvent être utiles, comme l’inspection du modèle afin de déceler les éventuels « trous » dans la segmentation et les combler (figure 25c) – ces micro-trous pouvant déstabiliser la structure tridimensionnelle au moment de l’impression.

PIC

De même, en cas de chirurgie maxillaire segmentée, le logiciel de planification demande une base palatine solide. Suite au passage de la caméra optique, seule la surface muqueuse du palais est enregistrée. MeshMixer permet de remplir cette structure afin de mimer un palais, qui pourra ensuite être coupé virtuellement durant la planification.

À noter, depuis la version 2022 du logiciel de planification présenté ci-dessous, les erreurs de spatialisation des fichiers STL semblent avoir disparu, rendant l’étape présentée dans ce paragraphe optionnelle.

Logiciel de planification

Le logiciel de planification utilisé au CHU de Nantes est IPS CaseDesigner (KLS Martin), désigné « IPS » dans la suite. Développé spécialement pour la chirurgie orthognathique, ce logiciel permet de réaliser virtuellement la chirurgie souhaitée et mimer le déplacement des bases osseuses. Il peut alors générer un modèle 3D de la gouttière occlusale intermédiaire et de la gouttière finale, et l’exporter au format STL.

La réglementation actuelle concerne également les logiciels utilisés. La déclaration de conformité d’IPS (annexe 6 de la thèse originale (1)) atteste que ce logiciel est marqué CE comme un DM de classe I. Il est donc possible de l’intégrer dans un flux numérique en respectant un système de gestion de la qualité tel que demandé par la norme ISO 13485 : 2016.

Création d’un modèle 3D

Le modèle 3D du patient est une représentation 3D numérique basée sur son squelette crâniofacial, ses arcades dentaires, et ses tissus mous. Les différentes données importées dans le logiciel de planification vont permettre de construire ce modèle.

La planification débute par l’importation de l’imagerie du patient au format DICOM. IPS va automatiquement compiler les coupes du scanner afin de créer un modèle 3D squelettique du patient (figure 26). C’est la segmentation. Une attention doit être portée au choix du seuil osseux. En effet l’examen présente des artéfacts liés au matériel métallique orthodontique. Il faut donc choisir un compromis afin de diminuer au maximum ces artéfacts, sans pour autant effacer des structures osseuses d’intérêt, notamment les condyles mandibulaires ou les reliefs de l’épine de Spix nécessaires à la suite de la planification.

PIC

Le modèle du crâne pourra être associé à un modèle cutané avec l’import d’une photogrammétrie 3D (figure 27). Cette technologie est en cours d’adoption clinique. Sa mise en pratique n’est pas encore d’actualité en 2024. La combinaison des données osseuses et des données de surface va permettre de progresser dans la prédiction de la réponse des tissus mous aux mouvements squelettiques chirurgicaux. L’une des finalités de la chirurgie orthognathique étant esthétique, cette approche est très prometteuse et répond à une demande claire des patients. Les prédictions cutanées ne sont pas encore totalement fiables et nécessitent, pour être améliorées, de bénéficier de la combinaison d’approches statistiques (apprentissage machine), d’approche bio mécaniques, et de méthodes d’intelligence artificielle par apprentissage profond.

PIC

Une fois le modèle 3D créé, il faudra l’orienter selon le plan de Francfort ou bien selon le maintien de tête naturel du patient (figure 28). Des repères anatomiques peuvent aider dans cette étape, comme la position des zygomas et des fissures orbitaires, qu’il est possible d’aligner comme souhaité avec la grille générée par l’interface. Le regard de face est alors plus important que le profil du patient.

PIC

Afin de compléter le modèle, une segmentation du nerf alvéolaire inférieur dans son canal sur toute sa longueur peut être réalisée afin de ne pas risquer un conflit anatomique avec les traits d’ostéotomies, notamment en cas de génioplastie (figure 29).

PIC

Le logiciel IPS dispose d’un onglet permettant la réalisation d’une céphalométrie du patient, non utilisée dans notre flux numérique.

Création d’un modèle chirurgical

Le logiciel aide à placer les traits d’ostéotomie (figure 30), avec la possibilité de pratiquer une ostéotomie du maxillaire en plusieurs fragments. La génioplastie peut également être simulée, mais n’intervient pas dans la production de la gouttière et ne sera pas détaillée ici. Sa planification virtuelle permettra cependant une meilleure appréciation du rendu esthétique final, avec une sécurité augmentée grâce à la visualisation du nerf alvéolaire inférieur et de la position des apex dentaires.

PIC

5.5 Choix de l’occlusion finale

Quatre options sont possibles :

Dans le cas où les empreintes dentaires ont été prises à l’alginate afin de couler des modèles dentaires en plâtre, un montage sur un articulateur type Galetti est possible, avec positionnement selon l’occlusion finale choisie. Cette position sera alors scannée grâce à la caméra optique et sera importée directement dans le logiciel IPS (figure 31b). Cet articulé dentaire pourra être sélectionné, après gommage des excédents comme le socle. Une étape d’alignement avec le modèle 3D permet d’assurer une bonne reconnaissance des structures. Les ostéotomies étant réalisées, les bases osseuses sont libres comme durant la chirurgie et le logiciel pourra les positionner selon l’occlusion finale importée. L’onglet « diagnostic » nous permettra alors de visualiser les déplacements effectués selon des points repères pré-établis.

Si les empreintes dentaires ont été capturées par scanner optique, les modèles dentaires peuvent être imprimés afin d’être montés sur articulateur, permettant de reprendre les étapes ci-dessus.

À ce stade, l’importation directe du modèle sans passer par une réorientation sur MeshMixer risque de causer une erreur. Le logiciel IPS ne permet pas de modifier directement cette orientation depuis son interface. Une fois le modèle importé, il faudra veiller à ce que l’arcade supérieure corresponde bien à l’arcade maxillaire et inversement. Des repères seront alors placés sur le modèle dentaire, et leurs miroirs seront placés sur le modèle complet du patient, afin de permettre un alignement optimal des deux structures.

IPS peut également simuler directement une occlusion virtuelle. Après l’enregistrement de points repères, le logiciel va positionner les arcades dentaires selon la meilleure occlusion (figure 31). Un occlusiogramme utilisant une échelle de couleurs va permettre d’identifier les zones d’interférences ou d’infraclusie. L’utilisateur pourra alors ajuster l’occlusion comme il le souhaite. Les bases osseuses suivront ensuite le déplacement des dents selon les traits d’ostéotomies réalisés.

PIC

Certains cas complexes peuvent rendre irréalisables les étapes décrites précédemment. Dans le cas d’une chirurgie première, le positionnement des bases osseuses primera sur l’occlusion. Il en est de même en cas de dysmorphose sévère. En cas de déplacements osseux trop importants, un compromis devra être réalisé. De même, face à une grande asymétrie faciale, il peut être plus simple de raisonner d’abord en plaçant les structures osseuses, puis d’adapter secondairement selon l’occlusion obtenue. Dans ce cas, le logiciel offre la possibilité de réaliser une planification à main levée (figure 32). Les bases osseuses seront alors déplacées dans les trois plans de l’espace comme souhaité, en translation et en rotation. Une fois encore, la grille de l’interface et l’onglet « diagnostic » (qui quantifie les déplacements) assisteront le chirurgien, qui devra rechercher le compromis idéal entre positionnement osseux et articulé dentaire.

PIC

À noter qu’en cas de planification d’une chirurgie ne concernant qu’une arcade dentaire, une fonctionnalité permet de mettre en occlusion l’arcade opposée, opérée, avec l’arcade bien positionnée (figure 33). Ce système peut également être utilisé en cas de chirurgie maxillo-mandibulaire dans le cas où une arcade est mise en occlusion avec son antagoniste, utilisée comme référence. La seconde arcade sera alors déplacée, ce qui mobilisera les deux arcades en bloc.

PIC

Génération des gouttières occlusales

Quel que soit le déroulement de la planification, un onglet dédié permet de générer automatiquement les gouttières occlusales (figure 34). Après avoir vérifié que l’autorotation mandibulaire ne soit pas source de conflits osseux, il faut définir, de la mandibule ou du maxillaire, lequel sera ostéosynthésé en premier. La gouttière sera générée en sélectionnant les surfaces occlusales à intégrer. Pour obtenir une bonne préhension dentaire, les gouttières s’étendent généralement des dents 6 à 6. Une zone incluse dans la gouttière sera dédiée à l’impression de quelques informations importantes : « intermédiaire » ou « finale », ainsi qu’une identification du patient et la date de production.

PIC

Les gouttières proposées par IPS sont faiblement personnalisables : seule leur épaisseur peut être modifiée, généralement choisie pour être la plus faible possible. Une alarme apparaît quand la gouttière est trop fine. Par habitude, les gouttières du CHU de Nantes ont une épaisseur correspondant à cette limite inférieure avec le rajout d’une marge de 0,2 mm.

Les gouttières sont exportées au format STL et intégrées au logiciel de l’imprimante. IPS permet également de transférer un fichier STL vers leur producteur, IPS Gate, dans le cas où le service ne dispose pas d’un système d’impression local.

En raison des limites d’IPS en termes de CAO, les gouttières imprimées ne sont pas prêtes à l’emploi. Afin de garantir une congruence parfaite entre la gouttière intermédiaire et les arcades dentaires durant la chirurgie – et une absence complète de mouvements résiduels lors de l’ostéosynthèse – elle sera ligaturée aux arcades dentaires par des fils métalliques. Ainsi, une fois le modèle imprimé, nettoyé dans le bain de solvant, et cuit dans le four à UV, le prothésiste dentaire est chargé de compléter la gouttière par des trous permettant le passage des fils d’acier. Cependant, la gouttière ne dispose pas de la surface suffisante pour positionner ces trous sans altérer les surfaces occlusales : de la résine est ajoutée sur sa face vestibulaire afin d’en augmenter la surface, les trous pouvant alors être percés.

De même, le design de gouttière définitive proposé ne permet pas d’obtenir un système de rétention suffisant : selon le même principe, de la résine est rajoutée afin de pouvoir percer deux trous de chaque côté et attacher une chaînette élastomérique par deux ligatures métalliques. Celle-ci sera passée au-dessus des potences orthodontiques maxillaires afin de garantir une fixation de la gouttière à l’arcade dentaire maxillaire.

La résine utilisée pour ces additions est une résine classiquement utilisée par les prothésistes dentaires en orthodontie, et celle déjà utilisée dans le service de chirurgie maxillo-facial du CHU de Nantes dans le flux de production conventionnel des gouttières. Sa référence est : Orthoresin (Dentsply Sirona).

6 Stérilisation et conditionnement

L’étape de stérilisation permet d’assurer que le DM n’apporte pas de germes extérieurs sur le champ opératoire. En fabrication additive, comme les matériaux sont déposés couche par couche, la structure finale peut théoriquement comporter des « inclusions » de bactéries, qui pourraient être libérées si la structure est coupée pendant le temps chirurgical.

La stérilisation est réalisée dans le strict respect de la norme ISO 14937 : 2009 : « Stérilisation des produits de santé – Exigences générales pour la caractérisation d’un agent stérilisant et pour la mise au point, la validation et la vérification de routine d’un processus de stérilisation pour dispositifs médicaux » (399), ainsi que suivant les recommandations émises par le ministère de la santé au sein du document « bonnes pratiques de pharmacie hospitalières », édité en juin 2001 (400).

Tous les DM ne doivent pas être stérilisés. La classification de Spaulding renseigne sur la nécessité de prise en charge du DM par le service de stérilisation. Elle définit trois catégories selon les tissus biologiques en contact, avec pour chacun un niveau de risque et un traitement associé (401) :

Une interprétation de la situation consiste à considérer que les gouttières occlusales étant introduites dans une cavité stérile (la bouche est dans le champ opératoire), les gouttières sont classées parmi les DM critiques à haut risque infectieux. Une stérilisation ou, à défaut, une désinfection de haut niveau est alors nécessaire. D’une manière générale, en stérilisation, un certain nombre d’informations sont recueillies au moyen des fiches techniques des DM afin de remplir une check-list pour référencer le DM. L’Unité Centrale de Stérilisation (UCS) du CHU de Nantes a constitué des logigrammes pour chaque étape du processus de stérilisation afin de ne pas altérer les propriétés du DM. Cependant, toute cette approche peut être remise en cause car la bouche est une zone contaminée. Les gouttières produites par les méthodes traditionnelles ne sont jamais stérilisées mais sont trempées dans des solutions désinfectantes sur la table opératoire (protocole établi par l’expérience des équipes et validé par l’Unité de gestion du risque infectieux (UGRI) de l’hôpital), plus par habitude que selon des données scientifiques. Dans ce contexte, nous présentons ici le protocole de stérilisation adopté au CHU de Nantes. Il correspond plus à un exercice formel pour se conformer aux exigences réglementaires qu’à une réalité médicale.

Le processus de stérilisation se compose de plusieurs étapes :

Les gouttières ne devront pas être pré-désinfectées car elles n’ont jamais été utilisées au préalable. Le lavage se fera en laveur désinfecteur automatisé selon différentes étapes : une phase de lavage à 55 °C pendant 300 secondes dans une eau spécifique, puis une phase de désinfection à 93 °C pendant 180 secondes dans un nouveau mélange. Une attention particulière est portée à l’étape de brossage. Du fait des reliefs de la gouttière, elle sera nettoyée à l’aide d’une brosse adaptée au DM. Le rinçage est réalisé à l’eau osmosée. Le séchage s’effectue par lingette puis éventuellement par soufflage d’air comprimé, pour éviter toute recontamination. À l’issue de ce lavage, une vérification de l’intégrité du DM est réalisée par le personnel.

Le conditionnement du DM se fait dans le respect des normes suivantes.

Ce conditionnement est effectué le plus précocement possible après le nettoyage, afin d’éviter toute contamination. Le système d’emballage est constitué d’un système de barrière stérile préformé – un premier sachet – puis d’un emballage de protection, correspondant à un second sachet. Ce double emballage est requis en raison du transport et du stockage au bloc opératoire. Le système de barrière stérile est un sachet thermoformé répondant à la norme NF EN 868-5. L’emballage de protection, le système le plus externe, est constitué de polyéthylène ayant les mêmes propriétés que le premier sachet.

Après avoir été conditionnées dans le système de barrière stérile, les gouttières sont stérilisées par vapeur d’eau à l’autoclave dans un cycle instrument conteneur de 134 °C pendant 18 minutes. L’efficacité de la stérilisation par vapeur d’eau est contrôlée par la réalisation du test de Bowie Dick (404), attestant d’une bonne pénétration de la vapeur d’eau.

Ce protocole local est compatible avec les recommandations de Formlabs concernant sa résine. En effet Formlabs recommande une stérilisation de la résine choisie à l’autoclave à 134 °C pendant 20 minutes.

Le système d’emballage ainsi que la stérilisation par vapeur d’eau garantissent une stérilité de six mois. Ainsi, nous pouvons déterminer la date de péremption comme étant la date de stérilisation dépassée de six mois, à moins que le conditionnement destiné à en préserver l’état stérile ou microbien soit endommagé.

Le sachet du DM stérilisé est marqué d’une double étiquette, permettant de l’adresser au bloc opératoire via le service logistique. Cette étiquette doit mentionner les éléments suivants :

Cette étiquette doit également comporter d’autres informations imposées par la réglementation européenne (voir paragraphe 8.2).

Elle sera utile durant le temps opératoire car elle sera collée sur le document de traçabilité opératoire.

7 Organisation logistique

7.1 Imprimante et outils de post-traitement

Le service de chirurgie maxillo-faciale du CHU de Nantes est doté d’une imprimante Form2 datant de février 2018. Pour répondre à une demande croissante dans le cadre de la certification du flux, et pour pallier les risques de panne, deux nouvelles imprimantes Form3 de nouvelle génération ont été achetées, avec les FormWash et FormCure correspondants (annexe 7 de la thèse originale (1)).

7.2 Consommables d’impression et d’acquisition

Certains consommables sont nécessaires pour alimenter le flux numérique, dont l’alcool isopropylique et de la résine liquide.

L’alcool isopropylique est le solvant alcoolique utilisé par le bain FormWash. Les stocks de résine BioMed Clear sont gérés par le prothésiste du service. Les commandes seront passées directement avec la pharmacie centrale du CHU de Nantes qui les redirige vers Formlabs. La vérification du stock est assurée quotidiennement par les aides-soignants du service. Elle fait l’objet d’une traçabilité sur bon standardisé transmis au cadre de santé. Un contrat d’approvisionnement a été signé entre le CHU de Nantes et Formlabs, garantissant un approvisionnement suffisant pour deux années de fonctionnement en termes de ressources.

Le service doit également disposer d’un autre consommable spécifique à l’acquisition numérique de données : les embouts pour la caméra optique du scanner intra-oral. Ces embouts à usage unique s’adaptent à l’extrémité de la caméra afin de garantir une acquisition des arcades dentaires directement en bouche avec respect des règles d’hygiène. Cet approvisionnement est effectué par le cadre de santé du service auprès du fournisseur de 3Shapes.

7.3 Logiciels

Le logiciel OrthoAnalyzer du scanner intra-oral de 3Shapes est disponible en libre accès. La licence n’est pas limitée dans le temps. Différentes mises à jour sont proposées selon l’amélioration du support et selon l’achat de nouvelles fonctionnalités. Le logiciel MeshMixer est en accès libre sur Internet, son utilisation est ainsi garantie sans limite de temps après téléchargement bien que l’éditeur n’en assure plus la mise à jour. Le logiciel IPS est accessible après achat d’une licence auprès de KLS Martin. Il existe deux formules : achat sans limite de temps ou achat d’une licence annuelle avec nécessité d’un renouvellement. L’achat s’accompagne de la mise à disposition d’un système d’assistance et de formation de la part du fournisseur. PreForm est disponible en libre accès sur le site de Formlabs 5, sans limite de temps, et est actualisé par le fournisseur.

7.4 Traçabilité

Après impression, chaque gouttière est identifiée à l’aide d’étiquettes (voir paragraphe 9.2) tout au long de son cycle d’utilisation. Elles sont accompagnées d’un code barre d’identification, qui sera scanné afin de vérifier la nature du DM lors de différentes étapes :

8 Organisation spatiale, local dédié

Afin de garantir la meilleure efficacité et sécurité du flux numérique, la mise à disposition d’un local dédié a été réfléchie selon un cahier des charges spécifique. L’objectif était de réunir spatialement les différentes étapes de conception du DM, pour rapprocher les différents intervenants. Ainsi le dialogue entre les praticiens concernés était favorisé, avec limitation de l’intervention de tiers, réduction du temps de production et facilitation de la centralisation du flux.

8.1 Sécurité

Sécurité générale

L’organisation du local doit se faire dans le respect des règles de sécurité en vigueur. L’impression 3D expose à des risques, avec nécessité de mesures à la fois préventives et correctives. Selon la loi de sécurité et de santé au travail, « tout employé doit être formé et informé, protégé contre les risques professionnels, et se voir fournir l’organisation et les moyens adaptés à son activité » (405).

Ainsi, le personnel manipulant les machines d’impression 3D est formé et reçoit des équipements de protection individuelle. Formlabs fournit des recommandations de sécurité pour le maniement de ses appareils et indique que :

  • l’alcool isopropylique est un irritant des voies respiratoires et est inflammable ;

  • la résine peut être irritante pour la peau ;

  • les outils livrés avec l’imprimante sont coupants.

Le service doit mettre des masques et gants de protection à disposition du personnel. Des affiches d’information appropriées sont affichées dans les lieux dédiés.

Ventilation

La ventilation nécessaire à un espace de travail est strictement encadrée (406). Le Code du travail, dans son article R4222-3, définit le site d’implantation d’une imprimante 3D comme partie intégrante des « locaux à pollution spécifique » (407). Il en résulte une nécessité de respecter des valeurs limites admissibles de concentration de poussières, gaz, aérosol ou vapeurs afin de préserver la santé et la sécurité du personnel. Un local à pollution spécifique doit ainsi avoir une ventilation mécanique introduisant 45 m3 d’air neuf par heure et par occupant (408).

Ainsi, dans le local conçu par le CHU de Nantes, les pratiques sécuritaires sont mises en œuvre et maîtrisées afin de protéger le personnel impliqué, en offrant un apport de 45 m3 d’air neuf par heure et par occupant, grâce à un espace naturellement bien ventilé, et disposant d’un système de ventilation par purificateur avec filtre High-Efficiency Particulate Air (HEPA ou filtre à air à particule à haute efficacité) et système d’extraction extérieure.

Sécurité électrique

L’accumulation du matériel du flux numérique peut générer une surcharge électrique. Formlabs certifie que l’imprimante et les outils associés respectent différentes normes en lien avec la sécurité électrique (389) :

8.2 Organisation du local dédié

Le local conceptualisé par l’équipe du CHU de Nantes se compose d’une pièce principale divisée en deux par une cloison partielle. L’ensemble est sécurisé contre le vol, et l’accès est soumis à un contrôleur de carte à puce.

La première section se concentre sur le patient. Un mur d’entrée peint en noir avec luminaires adaptés va permettre la prise de photographies standardisées du patient. Dans le futur, il sera possible d’y implanter du matériel de photographies 3D afin d’améliorer la planification des cas.

À côté se trouve un fauteuil dédié à la prise des empreintes dentaires numériques à l’aide du scanner intra-oral 3Shape par du personnel formé. Un ordinateur est présent dans la cette première zone, intégré au scanner intra-oral.

La seconde section du local, inaccessible au patient, est le laboratoire 3D, comprenant un plan de travail portant le matériel d’impression (l’imprimante, le bain et le four) et permettant la manipulation des DM imprimés notamment durant le post-traitement (retrait des supports). Cette seconde section abrite également les ordinateurs dédiés à la planification, ainsi que la bouche du système de ventilation adapté pour l’extraction de l’air vers l’extérieur.

Ce plan est proposé comme exemple et illustration. Il est, au moment de la rédaction du présent ouvrage, en cours de remise en forme. En effet, il a été décidé une séparation physique entre le circuit accessible aux patients et le matériel d’impression afin d’optimiser la sécurité du patient et de limiter les interactions avec le personnel travaillant sur le flux numérique.

Espace photographie

Les photographies standardisées font partie du dossier médical. Afin de garantir leur comparabilité, elles doivent être standardisées. Leur réalisation se fait après signature d’un consentement éclairé par le patient. Les incidences standardisées sont :

Comme nous l’avons évoqué au chapitre 2, ces photos, prises à l’issue de chaque consultation, vont permettre une description précise de la dysmorphie du patient, d’assister la communication entre praticiens et donc la pédagogie, et d’aider au suivi de l’évolution du patient. Ces photographies sont réalisées à la fin de la consultation par un photographe professionnel rattaché au service ou, à défaut, par le chirurgien. Elles sont stockées sur le réseau intranet de l’hôpital et accessibles grâce à un logiciel de gestion d’images médicales. Ces données sont confidentielles et sécurisées. Afin de garantir la standardisation des photos, leur demande se fait sur un bon standardisé.

Accessibilité à l’imagerie

Le diagnostic, la réalisation du plan de traitement, et la planification du cas se fondent sur plusieurs examens d’imagerie standardisés. Le service de chirurgie maxillo-faciale du CHU de Nantes dispose d’un accès facilité aux téléradiographies et aux orthopantomogrammes. L’imagerie 3D du patient se fait idéalement sur un scanner sans injection ou un Cone Beam Computed Tomography (CBCT). Par souci d’accessibilité, l’habitude du service est de pratiquer un CBCT. Ces trois examens sont accessibles directement à l’issue de la consultation, sur rendez-vous ou sur créneau d’urgence. Les images sont ensuite accessibles sur la plateforme numérique de l’hôpital, le Picture Archiving and Communication System (PACS). Le PACS permet le stockage et l’accès aux images médicales grâce à un logiciel de traitement des images médicales, Carestream.

Pour la planification, l’imagerie 3D recommande un champ d’acquisition de l’ensemble de la face, mandibule incluse, et du crâne. La résolution spatiale, à savoir la taille des voxels, doit être de 0,35 à 0,40 mm. Le patient doit rester immobile pendant la durée de l’acquisition, présenter les lèvres et la mâchoire inférieure au repos afin de garantir une position des condyles en relation centrée. Cette position des condyles est garantie par le port d’une cire d’occlusion réalisée par le chirurgien durant la consultation. Le patient doit être debout, le port de tête en position naturelle.

Espace de stockage

Une organisation précise du stockage est garante de la disponibilité des différents consommables et DM. Le stockage intervient tout au long de la vie du DM et en amont avec le stockage des matières premières.

Matières premières

Les matières premières se divisent en deux groupes : celles nécessaires à la prise en charge directe du patient, et celles nécessaires à l’impression 3D.

Dans la première catégorie, seuls les embouts pour le scanner intra-oral sont spécifiques du flux numérique. Ces embouts sont stockés à proximité de la consultation dans des sachets individuels. La vérification du stock disponible est tracée sur un bon standardisé.

Les consommables d’impression sont stockés dans des pièces spécifiques : l’alcool isopropylique dans une pièce ignifugée car inflammable, dans des armoires ventilées. La résine doit être stockée dans une pièce maintenue à une température de 10 à 25 °C.

L’élimination de l’alcool isopropylique et de la résine est prévue selon les instructions des autorités locales et la fiche de données de sécurité. L’alcool isopropylique est éliminé via le service « déchets inflammables et toxiques ». Pour ce qui est de la résine, des containers spécifiques sont mis à disposition et une collecte est organisée.

Gouttières occlusales

Le parcours de vie des gouttières les fait passer par plusieurs étapes. Dès la fin de l’impression, le prothésiste dentaire du service est chargé du post-traitement jusqu’à leur état définitif et opérationnel. À ce stade, le DM est stocké dans un contenant rigide, afin de le protéger de tout dépôt, contamination ou endommagement. Ce contenant doit également être opaque, afin de ne pas altérer la couleur de la résine du DM, suivant les consignes du fabricant. Sur ce contenant est apposée une étiquette spécifique d’identification du DM, permettant de l’identifier. Cette étiquette est différente de l’étiquette du patient et de l’étiquette issue de la stérilisation. Elle contient les informations suivantes.

Les gouttières sont envoyées à l’Unité centrale de stérilisation (UCS) via le service d’envoi interne du CHU de Nantes des DM à stériliser. Elles seront ensuite dirigées vers le bloc opératoire dans leur double sachet de conditionnement, et identifiées avec l’étiquette décrite ci-dessus, et avec la nouvelle étiquette de stérilisation. Le contenant vide sera joint au dossier médical afin d’accueillir de nouveau les gouttières après leur usage.

À la fin du temps opératoire, la gouttière intermédiaire est retournée jusqu’au prothésiste du service, qui sera chargé de son archivage. Si des modèles dentaires physiques du patient ont été utilisés, la gouttière intermédiaire est stockée dans son contenant dans une boîte commune, dans une salle dédiée à l’archivage de tous les modèles dentaires des patients du service. Selon les habitudes des services, des praticiens et de la dysmorphie, la gouttière finale sera portée par le patient en post-opératoire afin de guider son occlusion. Ce port habituel peut se prolonger jusqu’à 30-45 jours en post-opératoire. À la fin de leur utilisation, les gouttières terminales sont également stockées avec les modèles dentaires comme décrit précédemment.

Les gouttières font partie intégrante du dossier médical pendant une durée théorique de trente ans. Leur stockage se fait dans le service pendant deux ans. Après cette période, elles sont remises au patient, chargé de les stocker dans la boîte dédiée.

9 Documents associés au dispositif médical

Un DM isolé n’est pas utilisable selon les dernières recommandations du chapitre III du règlement UE 2017/745, intitulé : « exigences générales relatives aux informations fournies par le fabricant ». Ainsi, chaque DM doit être accompagné des informations nécessaires à son identification et à celle de son fabricant, ainsi que de toutes informations relatives à la sécurité et aux performances utiles à l’utilisateur. Plusieurs documents doivent accompagner un DM à différentes étapes de son utilisation :

9.1 Validation de conformité

Selon l’alinéa 1 de l’article 15 du règlement UE 2017/745 (125), la validation de conformité, présente dans le dossier médical du patient, atteste que les exigences du règlement ont été respectées. Elle autorise l’usage du DM. En cas de non-conformité, elle permet de rediriger le DM afin de détecter et corriger l’erreur via le PSUR (non obligatoire pour un DM de classe I) et via des mesures correctrices. Ce document intervient donc dans une logique de suivi, d’évaluation, de détection des éléments porteurs de risques et effets indésirables, et d’amélioration continue.

Pour reprendre l’annexe IV du règlement européen, la déclaration de conformité doit contenir différents éléments (125).

  • Le nom, la raison sociale ou la marque déposée, et, s’il a déjà été délivré, le numéro d’enregistrement unique visé à l’article 31 du fabricant et, le cas échéant, de son mandataire, et l’adresse de leur siège social à laquelle ils peuvent être joints et celle de leur lieu d’établissement.

  • Une attestation certifiant que la déclaration de conformité UE est établie sous la seule responsabilité du fabricant.

  • Le nom et la dénomination commerciale du produit, le code du produit, le numéro dans le catalogue ou une autre référence non équivoque permettant l’identification et la traçabilité du dispositif faisant l’objet de la déclaration de conformité UE, telle qu’une photo, si nécessaire, ainsi que sa destination.

  • La classe de risque du dispositif conformément aux règles établies à l’annexe VIII.

  • Une déclaration attestant que le dispositif faisant l’objet de la déclaration de conformité UE respecte le présent règlement et, le cas échéant, toute autre législation de l’Union applicable prévoyant l’établissement d’une déclaration de conformité UE.

  • Des références aux spécifications communes qui ont été utilisées et par rapport auxquelles la conformité est déclarée.

  • Le cas échéant, le nom et le numéro d’identification de l’organisme notifié, une description de la procédure d’évaluation de la conformité suivie et la référence du ou des certificats délivrés.

  • Le cas échéant, des informations supplémentaires.

  • Le lieu et la date de délivrance de la déclaration, le nom et la fonction du signataire ainsi que la mention de la personne pour le compte de laquelle ce dernier a signé, et la signature.

9.2 Étiquettes

Plusieurs étiquettes vont jouer un rôle crucial à différentes étapes clés de la vie du DM :

Le règlement encadre la réalisation de ces étiquettes de plusieurs points (125).

  • Le support, le format, le contenu, la lisibilité et l’emplacement de l’étiquette et de la notice d’utilisation sont adaptés au dispositif concerné, à sa destination ainsi qu’aux connaissances techniques, à l’expérience et au niveau d’éducation et de formation du ou des utilisateurs auxquels le dispositif est destiné. En particulier, la notice d’utilisation est rédigée dans des termes faciles à comprendre par l’utilisateur auquel le dispositif est destiné et, s’il y a lieu, complétée par des dessins et des graphiques.

  • Les informations devant être mentionnées sur l’étiquette figurent sur le dispositif proprement dit. Si cette solution ne peut être mise en pratique ou n’est pas adaptée, tout ou partie des informations peuvent figurer sur le conditionnement de chaque unité et/ou sur le conditionnement de dispositifs multiples.

  • Les étiquettes sont fournies dans un format lisible par l’homme et peuvent être complétées par des informations lisibles par machine, comme l’identification par radiofréquence (RFID) ou des codes à barres.

Il est important de noter que les gouttières étant des DM « sur mesure », elles ne sont pas soumises à la traçabilité via un système d’identification unique des dispositifs (IUD) selon l’alinéa 42 du chapitre 1 du règlement UE 2017/745 (125).

En se rapportant au règlement (UE) 2017/745 (125), dans notre situation, l’étiquette doit comporter les informations suivantes :

L’étiquette apposée à l’issue de la stérilisation doit répondre aux obligations suivantes afin de garantir l’état stérile du DM :

  • l’indication permettant de reconnaître le conditionnement stérile ;

  • l’indication que le dispositif est en état stérile ;

  • la méthode de stérilisation ;

  • le nom et l’adresse du fabricant ;

  • la description du dispositif ;

  • la mention « dispositif sur mesure » ;

  • l’indication du mois et de l’année de fabrication ;

  • une indication univoque de la date limite d’utilisation ou d’implantation du dispositif en toute sécurité, exprimée au moins par l’année et le mois ;

  • l’instruction indiquant qu’il convient de se reporter à la notice d’utilisation afin de savoir comment procéder lorsque le conditionnement stérile est endommagé ou involontairement ouvert avant utilisation.

À titre d’exemple, les étiquettes accompagnant les gouttières occlusales commercialisées par Global D témoignent de leur conditionnement mais montrent que ces DM ne sont pas stérilisés (figure 35).

PIC

9.3 Notice d’utilisation

Le règlement (UE) 2017/745 encadre par plusieurs points la rédaction des notices d’utilisation. Ce texte avance que :

  • Une notice d’utilisation est fournie avec les dispositifs [...].

  • Lorsque des dispositifs multiples sont fournis à un seul utilisateur et/ou en un seul lieu, la notice d’utilisation peut être fournie en un exemplaire unique {...}.

  • La notice d’utilisation peut être fournie à l’utilisateur autrement que sous forme imprimée (fichier électronique, par exemple), uniquement sous réserve des conditions établies par le règlement (UE) n° 207/2012 ou de toute règle d’exécution ultérieure adoptée en application du présent règlement.

  • Les risques résiduels qui doivent être communiqués à l’utilisateur et/ou à d’autres personnes figurent dans les informations fournies par le fabricant sous la forme de restrictions, de contre-indications, de précautions ou de mises en garde.

  • Le cas échéant, les informations fournies par le fabricant sont indiquées sous la forme de symboles reconnus au niveau international. Tout symbole ou couleur d’identification est conforme aux normes harmonisées ou aux spécifications communes. Dans les domaines où il n’existe ni norme harmonisée ni spécification commune, les symboles et couleurs utilisés sont décrits dans la documentation fournie avec le dispositif.

Ainsi, à chaque gouttière est jointe une notice d’utilisation sur un support dédié. Cette notice traite de l’usage per-opératoire de la gouttière intermédiaire et finale, ainsi que du devenir de ces gouttières.

Cette notice est accompagnée de plusieurs éléments :

10 Système de gestion de la qualité

Le fabricant doit disposer d’un système de gestion de la qualité en accord avec l’article 5.5 et l’annexe I du règlement et des règles ISO standards. Le système de gestion de la qualité est décrit dans le chapitre 1, article 10, alinéa 9 du règlement européen.

Le référentiel normatif applicable aux systèmes de management de la qualité des dispositifs médicaux est la norme harmonisée NF EN ISO 13485. En tant que norme harmonisée, son application vaut présomption de conformité avec les exigences réglementaires. Le règlement n’impose la certification NF EN ISO 13485 ni pour le fabricant, ni pour le distributeur ou l’importateur. Pour un établissement de santé, les certificats permettant de vérifier, lors de leur référencement, la conformité des produits sont les certificats de conformité établis par un organisme notifié et dont la validité maximale est de cinq ans.

Un système de gestion de la qualité englobe toutes les parties et éléments de l’organisation d’un fabricant en rapport avec la qualité des processus, des procédures et des dispositifs. Il régit les ressources requises en matière de structure, de responsabilités, de procédures, de processus et de gestion pour appliquer les principes et les mesures nécessaires afin de garantir la conformité avec les dispositions du présent règlement. Un tel système est indispensable afin de garantir la sécurité d’usage du DM. À titre d’exemple, en 2013, la Food and Drug Administration (FDA) a rappelé des guides de coupe orthopédiques défectueux. Un tel événement doit être prévenu et empêché en amont (409).

L’article 10 du règlement UE 2017/745 présente les obligations générales des fabricants. Ainsi, les alinéas 9 et 10 expliquent les principes de réalisation d’un système de gestion de la qualité. Le système de gestion de la qualité porte au moins sur les aspects suivants (125).

Pour résumer, le système de gestion de la qualité doit permettre de :

Afin de répondre à ces exigences réglementaires et à la norme EN ISO 13485 : 2016, le service de chirurgie maxillo-faciale du CHU de Nantes a rédigé un manuel réglementaire. Il permet de regrouper les informations inhérentes à la tenue d’un système de gestion de la qualité. Ce manuel se compose d’informations relatives aux aspects suivants.

De plus, le CHU de Nantes s’est doté d’un dispositif d’audit interne via son service de gestion de la qualité. L’objet de cet audit est de contrôler le bon respect du système de gestion de la qualité, avec notamment le respect des procédures décrites concernant la fabrication ainsi que le suivi post-fabrication, et la bonne tenue de la documentation.

11 Plan de gestion de risque

La fabrication et l’utilisation des DM s’effectuent dans le cadre de systèmes de gestion du risque appropriés. La réalisation d’un plan de gestion de risque est encadrée par la norme EN ISO 14971 : 2019 : « Dispositif médicaux – Application de la gestion des risques aux dispositifs médicaux » (410). L’annexe I du règlement (UE) 2017 / 745 présente le plan de gestion de risque comme un « processus itératif continu concernant l’ensemble du cycle de vie d’un dispositif, qui doit périodiquement faire l’objet d’une mise à jour systématique ». Ainsi, d’après la section III de l’annexe I du règlement européen, les fabricants :

  • établissent et documentent un plan de gestion des risques pour chaque dispositif ;

  • déterminent et analysent les dangers connus et prévisibles associés à chaque dispositif ;

  • estiment et évaluent les risques associés à l’utilisation prévue et à une mauvaise utilisation raisonnablement prévisible et qui se présentent lors desdites utilisations ;

  • éliminent ou maîtrisent les risques ;

  • évaluent l’incidence des informations issues de la phase de production, en particulier du système de surveillance après commercialisation, sur les dangers et la fréquence à laquelle ils se présentent, sur les estimations des risques associés aux dangers, ainsi que sur le risque global, le rapport bénéfice/risque et le caractère acceptable du risque ;

  • au besoin, modifient les mesures de maîtrise des risques.

Le plan de gestion de risque va ainsi permettre d’éliminer ou réduire les risques autant que possible grâce à une conception et une fabrication sûres. Le cas échéant, il faudra prendre des mesures de protection adéquates, notamment sous la forme d’alarmes, pour les risques qui ne peuvent être éliminés. Le fabricant devra fournir des informations de sécurité (mises en garde / précautions d’emploi / contre-indications) et, le cas échéant, une formation aux utilisateurs. Le fabricant doit informer les utilisateurs de la présence d’un risque résiduel. À noter que dans le cadre de la production d’un DM, le risque ne se limite pas à celui auquel s’expose le patient, mais concerne également le fabricant et l’utilisateur.

Lorsqu’il s’agit d’éliminer ou de réduire les risques liés à une erreur d’utilisation, le fabricant doit réduire autant que possible les risques liés aux caractéristiques ergonomiques du dispositif et à l’environnement dans lequel le dispositif est utilisé. De plus, il prend en compte les connaissances techniques, l’expérience, le niveau d’éducation et de formation et l’environnement d’utilisation s’il y a lieu, ainsi que l’état de santé et la condition physique des utilisateurs auxquels le dispositif est destiné.

Ainsi, tous les risques connus et prévisibles ainsi que tous les effets indésirables sont réduits au minimum et sont acceptables au regard des bénéfices évalués dans des conditions normales d’utilisation. Un plan de gestion de risques suit des principes dynamiques et continus (figure 36).

PIC

11.1 Évaluation du risque

La méthode d’analyse des risques utilisée au CHU de Nantes est « l’analyse préliminaire des risques » (APR) (411). Elle vise à identifier les éléments dangereux d’un système et évaluer le potentiel de chacun à engendrer un accident plus ou moins grave. C’est donc une analyse de risque a priori. Elle se base également sur la norme ISO 14971 :2019 : « Dispositifs médicaux – Application de la gestion des risques aux dispositifs médicaux » (410).

Les différentes étapes durant lesquelles les risques sont présents sont :

Après identification des risques inhérents à chaque étape, une évaluation du risque initial est réalisée. Elle se fonde sur trois éléments :

Des mesures de réduction du risque (MRR) sont élaborées et mises en place afin de réaliser une nouvelle évaluation du risque résiduel. Des valeurs de criticité initiale et totale sont alors obtenues, permettant de prendre une décision face au niveau de chaque risque.

Nous avons choisi d’utiliser les critères de l’échelle de cotation des risques définie par la Haute autorité de santé (HAS) 6 (tableau 5 à tableau 8).

tableau
Tableau 5. Niveau de gravité du risque. Source : HAS santé.
tableau
Tableau 6. Fréquence d’apparition du risque. Source : HAS santé.

La fréquence d’apparition dépend du nombre de gouttières fabriquées chaque année et du taux d’utilisation. Nous avons considéré, dans le tableau d’analyse des risques, un taux de fabrication et d’utilisation de deux lots de gouttières par semaine.

tableau
Tableau 7. Maîtrise des risques. Source : HAS santé.
tableau
Tableau 8. Criticité totale standard. Source : HAS santé.

L’échelle de maîtrise des risques (M) comporte cinq échelons, allant de un, pour un risque maîtrisé, à cinq, pour un risque non maîtrisé sans action corrective mise en place.

La criticité est obtenue en multipliant entre elles les valeurs de la gravité, de la fréquence et de la maîtrise du risque. La HAS propose des seuils de criticité standards (tableau 8). Les criticités inférieures à 12 sont acceptables en l’état. Entre 12 et 40 elles sont tolérables sous contrôle. Au-delà de 40 elles sont inacceptables.

Le risque résiduel global est apprécié pour chaque situation où la criticité totale du risque est tolérable sous contrôle, ou inacceptable. Le risque résiduel global est pesé en fonction du rapport bénéfices/risques appliqué au patient. Les critères d’acceptabilité d’un risque résiduel global sont fondés sur la politique du fabricant. Ces critères incluent la collecte, l’examen des données d’évaluation et de suivi clinique du DM, ainsi que la littérature.

Le service de chirurgie maxillo-facial du CHU de Nantes a créé une procédure particulière, avec une base de données collectant l’ensemble des informations, des signalements, des effets indésirables et inattendus survenues lors et au décours de la fabrication de la gouttière. Cette base de données est intégrée au système de gestion de la qualité du dispositif médical. Toute survenue d’un événement indésirable grave sera déclarée à la matériovigilance du CHU de Nantes (paragraphe 12.2).

Analyse du risque

Le plan de gestion de risque est présenté ci-après avec les valeurs de risques et de criticité correspondant avant et après MRR (tableau 9 à tableau 18). Chacun de ces tableaux revient sur une étape spécifique décrite au point précédent.

Ce plan est alimenté en continu par les éléments émanant du suivi du flux de production et du suivi clinique, permettant une optimisation en continu selon la survenue d’éléments anticipés ou non.

tableau
Tableau 9. Analyse de risques – examen clinique.
tableau
Tableau 10. Tableau 10. Analyse de risques – planification.
tableau
Tableau 11. Analyse de risques -- processus d'impression.
tableau
Tableau 12. Analyse de risques -- post-traitement.
tableau
Tableau 13. Analyse de risques -- transport vers la stérilisation.
tableau
Tableau 14. Analyse de risques -- stérilisation.
tableau
Tableau 15. Analyse de risques -- conditionnement et étiquetage.
tableau
Tableau 16. Analyse de risques -- utilisation par le patient.
tableau
Tableau 17. Analyse de risques -- utilisation par le patient.
tableau
Tableau 18. Analyse de risques -- surveillance, suivi clinique.

12 Évaluation clinique et suivi après commercialisation

La réglementation européenne 2017/745 impose, conformément à son annexe XIV, la réalisation d’une évaluation clinique et d’un suivi après commercialisation (125). Cependant, l’alinéa 12 de l’article 61 du chapitre VI exclut les DM sur mesure de la réalisation d’une évaluation clinique. Les DM sur mesure sont néanmoins soumis à la réalisation d’un SCAC défini à la partie B de l’annexe XIV. Ce suivi permettra au fabricant de notifier aux autorités compétentes tout incident grave ou toute mesure corrective de sécurité dès qu’il en a connaissance, conformément à l’article 87, paragraphe 1.

12.1 Suivi clinique après commercialisation (SCAC)

Exigences réglementaires

Le règlement définit le SCAC comme « un processus continu de mise à jour de l’évaluation clinique [...], il s’inscrit dans le plan de surveillance après commercialisation établi par le fabricant. Dans le cadre du SCAC, le fabricant collecte et évalue de manière proactive les données cliniques résultant de l’utilisation chez ou sur les humains d’un dispositif [...] mis en service conformément à sa destination, comme prévu dans la procédure d’évaluation de la conformité correspondante, dans le but de confirmer la sécurité et les performances pendant toute la durée de vie prévue du dispositif, d’assurer le caractère constamment acceptable des risques identifiés et de détecter les risques émergents sur la base d’éléments de preuve concrets » (125).

La réalisation du SCAC se fait selon la rédaction d’un plan précisant les méthodes et les procédures à suivre pour collecter et évaluer de manière proactive des données cliniques. Ces données vont permettre de :

Selon la partie B de l’annexe XIV du règlement UE 2017/745 (125), en plus des données cliniques, et du retour des utilisateurs, le SCAC doit comporter une justification de son plan, une référence aux normes harmonisées utilisées par le fabricant, un calendrier détaillé et justifié du plan du SCAC, et une revue de la littérature concernant les données cliniques d’utilisation s’intéressant notamment aux DM équivalents ou similaires.

À l’issue du suivi clinique, le fabricant analyse les résultats du SCAC et les documente dans un rapport d’évaluation du SCAC. Les conclusions du rapport d’évaluation du SCAC sont prises en compte pour la gestion des risques visée à l’annexe I, section 3 du règlement UE 2017/745. Si le SCAC met en évidence la nécessité de mesures préventives et/ou correctives, alors le fabricant doit mettre en place de telles mesures.

En pratique

Des questionnaires permettant de recueillir les éléments demandés par le règlement assurent le suivi des DM. L’utilisateur des gouttières est principalement le chirurgien. Un questionnaire de satisfaction lui est remis en fin d’intervention afin de procéder au recueil du retour d’usage. Dans le cadre du port de la gouttière finale en post-opératoire immédiat jusqu’à la sortie d’hospitalisation, une série de questions peut s’adresser plus spécifiquement au patient afin de recueillir son expérience.

12.2 Notification des incidents graves et mesures correctives de sécurité

Exigences règlementaires

Le suivi d’utilisation du DM vise notamment à l’identification d’incidents graves. Cette notion est encadrée par l’article 87 du règlement européen (125). Ainsi, le fabricant se doit de notifier à l’ANSM :

Cette notification doit se faire immédiatement après qu’ait été établi un lien de causalité entre l’incident et le DM, dans un délai maximum de quinze jours. Ce délai est raccourci à dix jours en cas de décès, et à deux jours en cas de menace grave pour la santé publique. Pour permettre une notification dans ce délai, le premier rapport peut être incomplet.

Le fabricant devra ensuite publier dans le plan de surveillance après commercialisation, un rapport de tendance afin d’identifier une augmentation statistique de la fréquence ou de la sévérité de ces incidents.

En pratique

En cas de survenue d’un événement indésirable, une procédure de déclaration à la matériovigilance est prévue au sein du CHU de Nantes. La déclaration comprend les informations suivantes :

Le CHU de Nantes prend toutes les mesures correctives ou préventives jugées nécessaires, conformément à l’article 61 et à l’annexe XIV du règlement UE 2017/745, et en informe l’ANSM, conformément à l’article 87, paragraphe 1. Ces mesures sont intégrées à la gestion des risques.

Rapport périodique actualisé de sécurité (PSUR)

Les gouttières étant un dispositif de classe I, le règlement n’impose pas la rédaction d’un PSUR. D’une manière générale, le PSUR a pour but la synthèse des résultats et des conclusions de l’analyse des données du SCAC, et expose et justifie les mesures préventives ou correctives prises. En plus de ces données, le PSUR doit comporter le volume des ventes du dispositif et une estimation de la taille et d’autres caractéristiques de la population utilisant le dispositif et, si possible, la fréquence d’utilisation du dispositif.

La fréquence de publication du PSUR pour un DM de classe IIb est, comme pour un DM de classe III, au moins annuelle.

Ainsi, à l’issue de la publication du PSUR, si les risques encourus par le patient sont trop importants par rapport aux bénéfices attendus, ou si une thérapeutique émergente disponible et accessible présente moins de risques, alors la fabrication du DM devra être stoppée.

En cas de mesure corrective ou préventive identifiée dans le cadre du PSUR, l’ensemble de la documentation sera remise à jour et l’ANSM sera informée des modifications apportées. De même, en cas de modification dans le processus de fabrication ou dans l’utilisation du DM, la documentation sera modifiée en conséquence.

13 Documentation diverse pouvant être requise par l’autorité compétente

Dernier élément à détailler, l’article 5.5 indique que l’autorité compétente de l’état membre (en France, l’Agence nationale de sécurité du médicament – ANSM) peut à tout moment demander divers éléments de documentation à l’établissement de santé.

Lors de la mise sur le marché :

Après une utilisation régulière :

Il convient également de vérifier qu’il n’existe pas de spécificité locale d’un état membre avant toute mise en circulation du DM in house.

14 Et maintenant ? Prochaines étapes nécessaires pour compléter le dossier de certification

À l’heure où nous achevons la rédaction de cet ouvrage, le dossier d’auto-certification du CHU de Nantes n’est toujours pas complet. Plusieurs éléments restent à produire en vue de compléter le cycle de développement du DM.

La justification de projet est l’étape la plus complexe des exigences réglementaires. Une recherche exhaustive de l’absence de DM marqué CE équivalent disponible sur le marché doit être conduite, notamment via la base de données EUDAMED. Cependant, les exemples de Global D et Materialise suffisent à démontrer l’inverse. En l’état actuel du règlement, il semble difficile de valider le flux de production sans révision (414).

En termes de démonstration, l’étude de déformabilité de la gouttière à la suite de la stérilisation, ainsi que les études de biocompatibilités sont en cours de réalisation. Une fois leurs résultats obtenus, ils seront à ajouter au Système de management de la qualité (SMQ) du DM.

La question de la stérilisation doit également être tranchée. En effet (section 6), nous avons opté pour une qualification de DM à « haut risque infectieux » d’après la classification de Spaulding. Cependant, le site opératoire endobuccal ne peut être stérile. De plus, le DM n’est pas en contact direct avec la muqueuse lésée, ce qui permettrait de rétrograder sa classification. La stérilisation des gouttières ne serait alors plus nécessaire et une désinfection seule serait suffisante. Dans ce contexte, le protocole de gestion de risque, la traçabilité et le parcours du DM seraient simplifiés et l’étude de déformabilité serait inutile.

D’un point de vue organisationnel et logistique, plusieurs points restent à définir. Le local dédié tel que décrit est en cours de révision afin de garantir la sécurité du personnel et de limiter les risques d’inclusion de germes au cours du processus d’impression. Le circuit et l’élimination des déchets toxiques de la plateforme 3D doit encore être défini par les personnes compétentes au sein du CHU.

Le protocole de suivi clinique doit également être mis en place lors du lancement de la plateforme afin d’alimenter le SCAC.

Rapidement, la présence d’un responsable réglementaire et qualité rattachée à la plateforme sera nécessaire afin de répondre aux nombreuses obligations tout au long de la vie du DM.

1. Cette stratégie va déterminer la qualité de l’acquisition et le tracking, qui correspond à la capacité de la caméra à reconnaître l’endroit visualisé. L’acquisition se faisant de manière continue, en cas de perte de tracking, si la caméra ne se repère pas sur le modèle, l’acquisition va s’interrompre jusqu’à revenir en terrain connu.

2. Tutoriel du logiciel et vidéo comparative des différentes caméras Trios disponible via le lien suivant : https://youtube.com/watch?v=0WPkXW2UiTw

3. Le plateau d’impression plonge dans le bac de résine et l’objet s’imprime à l’envers par rapport à ce qui est visible à l’écran. Ainsi, pour une bonne adhésion au plateau, l’objet doit être soit à plat sur le plateau, soit contenir un support. Il est préférable de choisir d’incliner l’objet, afin de limiter la fragilité au niveau des zones de jonction des couches.

4. Dans notre exemple, après génération automatique des supports, il faut veiller à ce qu’aucun fragment ne soit présent sur la face occlusale de la gouttière pour ne pas que le relief de la gouttière soit modifié après retrait du support. Dans ce cas, en retirant ce support manuellement après impression, sa base – restant sur le modèle imprimé – modifiera les rapports occlusaux et sera source d’erreur.

5.https://formlabs.com/fr/software/

6. Disponible sur https://has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2012-04/fiche9.pdf