Chapitre 2. Domaine d’intérêt : la chirurgie orthognathique
1 Généralités sur la chirurgie orthognathique
La chirurgie orthognathique se définit comme la chirurgie des déformations et malformations acquises ou congénitales des mâchoires. L’objectif de cette chirurgie est d’obtenir une harmonie globale du visage et un engrènement dentaire idéal tout en répondant aux demandes du patient. Elle améliore l’aspect esthétique de la face mais également les fonctions occlusale et articulaire (articulations temporo-mandibulaires). Étymologiquement, cette chirurgie vise à remettre droit (« ortho ») les mâchoires (« gnathos ») (192). La chirurgie orthognathique est également le seul traitement curatif du syndrome d’apnée obstructif du sommeil (SAOS) sans étiologie retrouvée (193).
La chirurgie orthognathique est l’une des nombreuses étapes dans la prise en charge multidisciplinaire orthodontico-chirurgicale des dysharmonies dentofaciales (194, 195). Le diagnostic de la dysmorphose est souvent posé par un dentiste ou un orthodontiste. Le bilan est poursuivi par le chirurgien qui réalisera une analyse clinique, radiologique et des modèles dentaires afin d’identifier l’anomalie et déterminer les déplacements osseux nécessaires pour sa correction. Une préparation orthodontique de plusieurs mois devra être réalisée afin de décompenser, aligner, niveler les arcades dentaires ou corriger un encombrement. La majorité des troubles occlusaux peuvent être corrigés par un traitement orthodontique seul. Cependant ce traitement risque d’échouer ou d’être insuffisant dans le cadre de syndromes malformatifs, en cas de décalages squelettiques significatifs en fin de croissance, en présence de fortes compensations dento-alvéolaires, ou encore chez les patients avec un retentissement esthétique important (sourire gingival, asymétrie) (196). Après la définition des mouvements chirurgicaux, le temps chirurgical permettra de repositionner les bases osseuses dans une situation physiologique morphologiquement satisfaisante selon les trois plans de l’espace.
Au niveau maxillaire, l’ostéotomie de Le Fort 1, en un segment ou fragmentée, est la plus répandue. Utilisée pour la première fois en 1864 afin de réaliser l’exérèse d’une tumeur nasopharyngée (197), l’ostéotomie de Le Fort 1 a été plus précisément définie en 1901 quand René Le Fort a décrit les traits de fractures occluso-faciales récurrents (198). Le premier usage de ce trait d’ostéotomie pour repositionner un maxillaire date de 1921, avec les travaux de Herman Wassmund (199, 200) puis ceux de 1934 du Dr Axhausen (200, 201). L’ostéotomie de Le Fort 1 s’installe dans la pratique courante des chirurgiens maxillo-faciaux à la fin du XXe siècle grâce aux travaux de Bell en 1975 (202, 203) puis de Schendel (204). L’ostéotomie de Le Fort 1 permet la séparation du plateau maxillaire du reste du massif facial et sa mobilisation dans les trois plans de l’espace.
Pour la mandibule, l’ostéotomie la plus répandue est l’ostéotomie sagittale des branches montantes. Elle fut conceptualisée par Schuchardt en 1954 (206), puis mise au point par Obwegeser (207) et Dal Pont (208) dans les années 1960. La technique a été revue par Epker (209) qui a défini le trait d’ostéotomie le plus utilisé actuellement avec celui d’Obwegeser. Cette ostéotomie permet la séparation et la mobilisation de la portion dentée de la mandibule dans les trois plans de l’espace indépendamment des condyles mandibulaires.
Une fois les bases osseuses en position adéquate, une ostéosynthèse est réalisée. La consolidation osseuse est obtenue en six semaines. Un guidage élastique et/ou avec la gouttière occlusale peut aider à obtenir ou maintenir les objectifs de la planification.
L’association d’une ostéotomie de Le Fort 1 et d’ostéotomies sagittales des branches montantes correspond à une ostéotomie maxillo-mandibulaire. Des gestes complémentaires peuvent s’y ajouter afin de répondre pleinement aux objectifs chirurgicaux. Le geste associé le plus fréquent est la génioplastie. Par un remodelage osseux ou le plus souvent une ostéotomie, le menton osseux est déplacé pour être mis dans une position d’équilibre permettant de rétablir une compétence labiale adéquate et d’harmoniser les proportions de la face.
Dans certains cas, un geste chirurgical préalable sert à préparer la chirurgie définitive : avulsion des dents de sagesse mandibulaire pour éviter un conflit anatomique lors du trajet d’ostéotomie ou geste de disjonction maxillaire afin d’améliorer la dimension transversale du maxillaire et augmenter la perméabilité des fosses nasales (211, 212).
2 Dysmorphoses dento-squelettiques
On entend par dysmorphose dento-squelettique une anomalie de croissance des mâchoires. Celle-ci aura comme conséquence un trouble occlusal et une dysharmonie esthétique de la face (210, 214). Ses causes principales (figure 15) sont constitutionnelles, en lien avec une combinaison de déterminismes génétiques et fonctionnels : diverses dysfonctions respiratoires comme la respiration buccale, des dysfonctions linguales comme une langue en position basse au repos, ou encore une dysfonction de la déglutition, principalement par la persistance d’une déglutition primaire. Dans d’autres cas, une dysmorphose dento-squelettique peut être acquise : séquelle d’un traumatisme comme une fracture du condyle mandibulaire, d’otites à répétition avec répercussions loco-régionales (ankylose de l’ATM), ou origine tumorale bénigne avec un excès de croissance condylienne dans le cadre d’une hypercondylie (215). Enfin, on retrouve les causes syndromiques (210) avec une prédominance des fentes faciales et des microsomies craniofaciales, ou d’autres cas plus rares comme les faciocraniosténoses.
2.1 Analyse clinique de la face
Afin de caractériser la dysmorphose, il faut pratiquer une analyse clinique fine permettant de déceler une anomalie de l’harmonie de la face. Les critères de normalité de la face utilisés aujourd’hui découlent des travaux des peintres et sculpteurs de la Renaissance (211). Cette analyse se divise en deux principales parties : de face et de profil.
De face
De face, on retrouve une forme globale ovale. Dans le sens frontal, on divise le visage en trois étages égaux entre eux dans un visage équilibré (210) :
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étage supérieur : de la ligne d’implantation des cheveux aux sourcils ;
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étage moyen : des sourcils à l’angle naso-labial ;
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étage inférieur : de l’angle naso-labial à l’extrémité inférieure du menton, qui se divise à son tour en deux parties égales :
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lèvre supérieure et lèvre rouge inférieure,
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lèvre blanche inférieure et menton.
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La face se limite aux étages moyen et inférieur tandis que l’étage supérieur fait partie du crâne. Les anomalies dans le sens frontal se font principalement au détriment des étages inférieur et moyen, permettant de distinguer les faces longues des faces courtes (210).
Dans le sens transversal, on divise le visage en cinq parties égales (211) :
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région médiane nasale, d’un canthus interne à l’autre ;
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régions oculaires droite et gauche, du canthus interne au canthus externe de chaque côté ;
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régions latérales, du canthus externe au bord externe de l’hélix de chaque côté.
Ces lignes permettent de diagnostiquer les anomalies de croissance centro-faciale (210).
Un axe de symétrie vertical du visage, passant par la glabelle, et perpendiculaire au plan bi-pupillaire, est également défini, formant le plan sagittal médian. Cet axe passe par différents points d’importance dans un visage équilibré, contrairement au cas des asymétries faciales (211). Par exemple, la projection de la pyramide nasale sur cette ligne permet de détecter une déviation nasale.
Le plan bi-pupillaire est parallèle au plan bi-commissural, au plan d’occlusion et au sol chez un patient ayant un bon maintien de tête selon la dynamique rachidienne (211). Les commissures des lèvres se trouvent sur une verticale passant entre la pupille et l’iris (211).
Le sourire et la relation entre les lèvres et les dents s’analysent également de face. On parle de rapports labio-dentaires. La partie inférieure des incisives supérieures est exposée de 3 mm chez la femme et de 2 mm chez l’homme lorsque les lèvres sont au repos (211). Le sourire se définit selon son exposition : il peut être dentaire, au collet ou gingival. La norme est une exposition au collet chez un homme et gingival de 2 à 3 mm chez une femme (211). Dans le sens transversal, on regardera le nombre de dents exposées, associé à la présence ou absence des trigones noires latéraux (210).
La forme du menton s’analyse selon sa position, sa projection et la présence d’encoches. La musculature mentonnière et son tonus définissent une éventuelle crispation mentonnière. L’occlusion labiale au repos est importante : lorsque les muscles faciaux sont détendus, il peut exister une incompétence labiale de repos de 1 à 2 mm, définissant la béance labiale (211).
De profil
Le profil est délimité en trois tiers. Ces lignes horizontales sont parallèles au plan de Francfort clinique, défini par le plan horizontal passant par le rebord infra-orbitaire et le bord supérieur du tragus (211). Ce plan de référence est parallèle au sol en position anatomique.
Le plan facial cutané est un plan de référence vertical. Il est perpendiculaire au plan de Francfort et passe par la glabelle – la glabelle étant le point le plus saillant du front cutané. Ce plan est ainsi tangent au front (211). Le plan facial cutané passe à proximité du sommet de l’angle naso-labial (entre 3 mm et 9 mm en arrière), légèrement en arrière des lèvres, en avant du menton cutané de 1 à 4 mm ou au contact de ce dernier (211).
La projection de ce plan vertical aide à définir le profil du patient. Si le plan est positionné tel qu’il est défini au paragraphe précédent, le patient sera dit orthofrontal. Dans le cas où le profil du patient passe en avant de ce plan, il est dit transfrontal. À l’inverse, si son profil est en arrière, il sera décrit comme cisfrontal.
L’examen du profil permet également l’analyse de différents angles faciaux (figure 16).
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Angle naso-frontal (217) :
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115 – 120° chez l’homme,
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120 – 130° chez la femme.
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Angle naso-labial entre 85 et 110° (211) :
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90° chez homme,
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105° chez la femme.
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Angle labio-mentonnier autour de 130° (211).
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Angle cervico-mentonnier autour de 110° (211).
Le nez, les lèvres et le menton partagent des relations étroites utiles pour la caractérisation du profil du patient. On définit la ligne de Ricketts, tangente à la pointe du nez et du menton (figure 17). À l’équilibre, cette ligne passe 2 mm en avant de la lèvre inférieure et 4 mm en avant de la lèvre supérieure. Ces valeurs peuvent varier selon l’ethnie (218). La position des lèvres par rapport à cette ligne esthétique va permettre d’anticiper la position du menton, des lèvres et du nez au sourire, et donc d’identifier où réside un déséquilibre à corriger pour un sourire harmonieux (218). Si les lèvres dépassent cette ligne, le profil sous-nasal sera convexe tandis que si celles-ci sont trop en arrière, le profil sous-nasal sera concave (219).
La projection des lèvres (rétro- ou pro-chéilie), la forme du front, la forme et la projection nasale, la forme des joues, le caractère normo-, hypo-, ou hyperdivergent de la face (210, 211) sont importants à étudier. La lèvre supérieure est légèrement plus projetée que la lèvre inférieure. Le menton est en retrait de la lèvre inférieure (221). Les visages étroits, convexes et concaves sont ainsi définis.
C’est également de profil que l’on va pouvoir analyser les rapports maxillo-mandibulaires à la recherche d’une pro-rétromandibulie ou pro-rétromaxillie.
En contre-plongée
En contre-plongée, on regardera la projection des angles mandibulaires, des pommettes et de la pyramide nasale.
À l’analyse clinique s’ajoute la prise de photographies du patient selon différentes incidences, centrées sur l’extrémité céphalique et sur l’occlusion. La standardisation de ces photographies permet leur reproductibilité. Elle est primordiale afin de garantir une bonne description clinique du patient ainsi qu’une comparabilité précise au fur et à mesure du suivi.
2.2 Analyse de la denture
Les dents doivent être bien rangées, toutes dans le même plan (211). Un doigt passé le long des faces occlusales ne doit pas rencontrer de différence de niveau. On parle de nivellement.
L’alignement axial doit se faire selon une ellipse passant par les bords incisifs et les cuspides vestibulaires, la largeur de l’arcade maxillaire étant dépendante de la distance inter-zygomatique (figure 18) (211).
L’alignement sagittal doit se faire selon la courbe de Spee : les cuspides vestibulaires mandibulaire décrivant une courbe à concavité supérieure (figure 19) (211). On retrouve les mêmes constantes dans le sens frontal, c’est la courbe de Wilson (222). Les dents maxillaires s’appuient donc sur une structure convexe alors que les dents mandibulaires s’appuient sur une structure concave.
L’orientation des incisives maxillaires et mandibulaires se fait vers les lèvres. Pour les autres dents maxillaires, leur orientation se fait en dehors vers le vestibule, alors qu’au niveau mandibulaire cela se fait en dedans, vers la langue, avec une orientation augmentant d’avant en arrière (211).
L’arcade dentaire maxillaire circonscrit l’arcade dentaire mandibulaire : on parle d’engrènement dentaire (211). En 1900, Angle s’intéresse aux rapports dento-dentaires et décrit la classe d’Angle permettant de définir une occlusion dentaire normale (223). Il décrit trois types de relations occlusales stables selon les rapports des premières molaires et des canines. En classe d’Angle I (210, 211, 221, 223) :
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les milieux inter-incisifs maxillaire (I) et mandibulaire (i) sont centrés ensemble et sur l’axe de symétrie de la face (soit sur la glabelle) ;
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les incisives maxillaires recouvrent de 2 mm vestibulairement les incisives mandibulaires, on parle de recouvrement incisif ;
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sagittalement, on retrouve un déplacement distal de la première molaire maxillaire par rapport à son antagoniste mandibulaire d’une demi-cuspide ; la canine maxillaire s’engrène entre la canine et la première prémolaire mandibulaire.
La classe d’Angle II consiste en un déplacement de l’arcade maxillaire en avant par rapport à l’arcade mandibulaire. L’inverse sera observé dans une classe d’Angle III où l’arcade maxillaire sera en arrière par rapport à l’arcade mandibulaire.
L’examen de la denture se prolonge par l’examen de l’orientation des plans d’occlusion maxillaire et mandibulaire. À l’équilibre, de face, ils doivent être parallèles au plan de Francfort (224).
On recherchera donc la classe d’Angle, la présence d’un surplomb incisif et d’un articulé inversé incisif. Dans le sens vertical, on recherche la présence d’une béance ou d’une infra ou supraclusie. Dans le sens transversal, on évalue la largeur des arcades dentaires à la recherche d’une endo-exomaxillie ou endo-exomandibulie. Des compensations alvéolo-dentaires, l’état dentaire et parodontal, la formule dentaire et la recherche d’inclusions dentaires doivent enfin être étudiés. L’ensemble de ces éléments permet de définir les dysmorphies dento-maxillaires ou dento-alvéolaire.
Par extension, la classification d’Angle va pouvoir s’étendre aux anomalies osseuses dans le sens sagittal. En classe I osseuse, la mandibule comme le maxillaire sont en position équilibrée. Une classe II osseuse est principalement due à une rétromandibulie. Une classe III osseuse correspond soit à une mandibule trop projetée (promandibulie), soit à un maxillaire insuffisamment développé (rétromandibulie). Il faut également étudier indépendamment la position du menton osseux. Ce dernier pourra être soit trop projeté, soit peu projeté dans le sens sagittal, définissant une progénie ou une rétrogénie respectivement. Un excès ou un défaut de hauteur peuvent également se retrouver dans le sens vertical, en position antérieure ou postérieure sur les ramus mandibulaires. Enfin, de face, l’examen devra rechercher des asymétries dans le sens frontal à l’origine de latéro-mandibulies ou latéro-génies ou de rotations maxillaires et mandibulaires. Cette analyse doit enfin inclure une évaluation des parties osseuses alvéolaires.
2.3 Analyse fonctionnelle
L’examen de la cavité orale se poursuit par la recherche d’une étiologie de la dysmorphose, et d’anomalies pouvant bénéficier de gestes complémentaires. La position de la langue, son volume, sa dynamique sont analysés ainsi que la déglutition. L’examen devra lister : les dyspraxies, une respiration buccale, des ronflements, un syndrome d’apnées obstructives du sommeil (SAOS), une déglutition primaire, une interposition labiale, linguale ou digitale. De même, un frein court, de langue ou de lèvre supérieure, peut favoriser une dysmorphose (225). La phonation et la mobilité du voile du palais sont examinées afin d’anticiper de possibles séquelles de la chirurgie.
Une attention est portée sur la fonction articulaire à la recherche de symptômes dynamiques ou passifs. L’amplitude articulaire doit être mesurée. Dans ce cas, la perméabilité nasale est évaluée à la recherche d’un obstacle : septal, turbinal, palatin, dû aux végétations. Une hypertrophie amygdalienne est éliminée.
2.4 Analyse radiologique
L’analyse radiologique est fondée sur un orthopantomogramme (panoramique dentaire), une téléradiographie du crâne de face et de profil et une imagerie 3D de l’extrémité céphalique – scanner ou cone beam (CBCT pour Cone Beam Computed Tomography).
L’orthopantomogramme va servir à étudier la formule dentaire, les inclusions ou agénésies dentaires et à rechercher une infection dentaire à traiter au préalable. Les structures osseuses doivent être analysées : la forme et la taille des condyles, la hauteur des angles mandibulaires, l’aération des sinus, une déviation du septum nasal, et la présence d’une hypertrophie des cornets.
L’imagerie 3D va permettre d’objectiver une asymétrie faciale. Les données DICOM pourront être utilisées par la suite pour une planification virtuelle 3D ou pour la réalisation d’une céphalométrie 3D (226, 227). L’imagerie 3D va permettre d’identifier et de localiser les différentes structures anatomiques d’intérêt durant le temps chirurgical, notamment la position des nerfs alvéolaires inférieurs.
La téléradiographie de profil va permettre d’apprécier les rapports des différentes structures de la face. Elle va permettre d’identifier (211) :
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les axes incisifs ;
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la position du maxillaire et de la mandibule ;
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la position des plans d’occlusion ;
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l’existence d’une asymétrie mandibulaire.
Cette imagerie sera utile pour la réalisation de l’analyse céphalométrique, c’est-à-dire une modélisation de la croissance et de l’équilibre facial. De nombreuses analyses différentes sont décrites dans la littérature, sans réel consensus. L’usage de l’une ou l’autre dépend des habitudes des praticiens. Elles sont toutes fondées sur l’usage de points, de lignes et d’angles de référence. Au sein des services de l’Assistance publique - hôpitaux de Paris (AP-HP) l’analyse de Delaire (228) ainsi que l’analyse de Sassouni (229, 230) sont les plus utilisées. L’analyse céphalométrique permet une approche physiologique de l’équilibre cranio-maxillo-facial. En partant d’une typologie faciale, le praticien va définir l’équilibre facial théorique. Les unités fonctionnelles et leurs proportions sont ensuite analysées. L’analyse va permettre la simulation orthopédique de la chirurgie orthognathique qui suivra. Elle sera également utile durant le suivi. La charnière craniorachidienne et le rachis cervical haut doivent par ailleurs systématiquement être examinés afin de dépister des anomalies associées.
La téléradiographie du crâne de face est d’intérêt plus limité. Elle trouve sa place surtout dans l’étude des asymétries faciales ou dans la recherche d’une endomaxillie.
2.5 Analyse des modèles dentaires
Afin d’avoir un examen précis des arcades dentaires, des modèles dentaires en plâtre de Paris sont confectionnés après prise d’empreintes dentaires (souvent en alginate). Ces moulages s’accompagnent d’une cire d’occlusion, faite en relation centrée (condyles mandibulaires au fond des glènes temporales), permettant de transférer l’occlusion du patient sur les moulages.
L’examen des modèles s’intéresse à (211) :
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la forme globale des arcades ;
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l’alignement dentaire ;
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les espaces interdentaires ;
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l’encombrement dentaire ;
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la présence de versions compensatrices.
Les moulages vont permettre de (211) :
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mesurer le décalage sagittal ;
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mesurer les anomalies de positionnement de la dimension transversale.
Ils vont être utiles à l’orthodontiste et au chirurgien pour définir les objectifs à atteindre, établir un plan de traitement, et évaluer la préparation orthodontique et la concordance des arcades. Ces modèles vont servir à déterminer l’occlusion finale à la fin du temps chirurgical.
3 Transfert de la planification vers le temps opératoire
L’analyse clinique, des différents examens radiologiques et des modèles dentaires va permettre de poser le diagnostic de la dysmorphose dento-squelettique. Le défaut de positionnement des bases osseuses maxillo-mandibulaires va ainsi pouvoir être identifié et quantifié. La position spatiale idéale de la mandibule et du maxillaire vont pouvoir être déterminés et les déplacements osseux nécessaires pour atteindre ces positions pourront être quantifiés : il s’agit de la planification chirurgicale.
Un moyen fiable doit être utilisé pour transférer les données de la planification vers le temps chirurgical, afin d’aider au positionnement des éléments osseux. Différentes méthodes de transfert peuvent être recensées de manière non exhaustive (233) :
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chirurgie à main levée,
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gouttières traditionnelles,
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navigation,
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gouttières CAM / CAD à appui dentaire,
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gouttières CAM / CAD à appui osseux,
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guides de coupe et de repositionnement en résine ou titane, associés à des plaques d’ostéosynthèse préformées ou sur mesure.
Les trois dernières méthodes citées découlent des technologies de planification virtuelle et de fabrication par impression 3D. Les deux premières, plus traditionnelles, s’inscrivent dans le cadre de pratiques artisanales conventionnelles. Elles ont actuellement valeur de référence mais sont remises en cause par les nouvelles technologies. Nous n’aborderons pas la navigation, méthode intermédiaire, peu répandue en pratique courante (234, 235, 236, 237).
3.1 Chirurgie à main levée
Deux situations cliniques doivent être distinguées. La chirurgie orthognathique peut se limiter à une seule mâchoire. Dans ce cas, l’objectif chirurgical est bien souvent une classe I dentaire centrée et peut s’obtenir facilement en prenant l’autre mâchoire, non mobile, comme référence. Un blocage maxillo-mandibulaire le temps de l’ostéosynthèse vient guider le déplacement osseux. On parle d’ostéotomie d’adaptation. Dans ce cas, une méthode de transfert est peu utilisée en pratique. Elle peut être intéressante si le déplacement n’est pas uniquement une adaptation.
Si la chirurgie concerne les deux mâchoires, donc en cas d’ostéotomie maxillo-mandibulaire (ou bimaxillaire), deux sections osseuses sont réalisées, l’une étagée sur la mandibule et l’autre sur le maxillaire. Les deux mâchoires étant initialement mal positionnées, on ne peut pas se référer à la position de l’une pour positionner la seconde. Une étape intermédiaire est par conséquent nécessaire, où la première coupe osseuse (le maxillaire ou la mandibule selon les équipes) devra être ostéosynthésée en position finale indépendamment de l’articulé dentaire obtenu avec l’arcade dentaire antagoniste (car elle n’est pas encore en position finale). La chirurgie à main levée trouve alors une limite car le placement à l’œil ou à l’aide de mesures cutanées faciales est source d’imprécision. Il est alors légitime de se reposer sur une méthode de transfert afin de guider la chirurgie.
Il est à noter que la plupart des études portant sur cette précision s’intéressent à la localisation dento-squelettique de points d’intérêt. En effet, il a toujours été difficile de prédire précisément l’effet de la chirurgie orthognathique sur les tissus mous (238) même si des réponses se profilent notamment grâce à l’utilisation de la photogrammétrie 3D.
3.2 Gouttières d’occlusion
Elles sont réalisées par un prothésiste dentaire ou un chirurgien formé en s’adaptant à l’occlusion finale visée. Il n’existe pas de dessin de référence. De nombreux dessins ont été décrits selon les habitudes de chaque praticien (239), notamment en termes d’épaisseur (240).
Ces gouttières sont dessinées selon le mordu dentaire. Les dents sont solidaires des fragments osseux ostéotomisés : en venant les positionner dans la position souhaitée, l’ensemble dento-squelettique va être placé idéalement. La gouttière en résine permet l’enregistrement de la position finale des dents et par extension du maxillaire et de la mandibule.
Deux situations sont à distinguer. Dans le cas d’une chirurgie se limitant à une seule mâchoire, une seule gouttière sera fabriquée afin de guider le positionnement de la mâchoire sectionnée en occlusion dentaire de classe I. On parle de gouttière finale.
Dans le cas d’une ostéotomie maxillo-mandibulaire, une étape additionnelle s’ajoute où une première mâchoire doit être positionnée indépendamment de l’autre. Une deuxième gouttière est donc nécessaire. Elle se compose du mordu de la mâchoire fixe dans sa position initiale sur une face et, sur l’autre face, du mordu de l’autre mâchoire mobile tel qu’il devrait être une fois placé dans la position finale planifiée. Elle permet donc de placer la première mâchoire en occlusion dentaire sur la première, malgré l’absence d’engrènement dentaire spontané. On parle de gouttière intermédiaire. Une gouttière finale sera ensuite utilisée pour guider le positionnement de la seconde mâchoire en position finale.
Gouttière terminale sur articulateur Galetti
La confection d’une gouttière se fait classiquement par un prothésiste dentaire. Une gouttière finale est simple et rapide à produire. Elle peut être produite par un chirurgien maxillo-facial formé et équipé.
Les modèles dentaires sont montés sur un articulateur de type Galleti. Cet articulateur se compose d’un socle inférieur fixe qui va accueillir l’arcade mandibulaire, et d’un socle supérieur mobile qui va recevoir l’arcade maxillaire. Le chirurgien va alors placer l’arcade maxillaire en occlusion avec l’arcade mandibulaire selon l’occlusion finale choisie, puis verrouiller la position.
Les moulages sont isolés en leur appliquant un vernis séparateur de plâtre. Une résine – de type Orthoresin du fournisseur Dentsply Sirona – est utilisée avec un mélange de polymères et de monomères. Une fois une pâte homogène obtenue, la résine est conformée en boudin selon la forme de l’articulé dentaire. Cette résine est alors placée entre les deux arcades dentaires maxillaires et mandibulaires fixées sur le Galleti, fermé pour obtenir le mordu. Après nettoyage des excès de résine, le Galetti – fermé en occlusion sur la résine – va être cuit sous une pression de 1,5 à 2 bars pendant 10 à 15 minutes.
La gouttière finale rigide est ainsi obtenue, avec sur sa face inférieure l’empreinte des faces occlusales des dents mandibulaires et sur sa face supérieure, l’empreinte des faces occlusales des dents maxillaires, toutes deux en position finale.
Selon les modalités de la chirurgie, des éléments complémentaires pourront être ajoutés sur la gouttière. Une chaînette élastomérique peut être utile afin de maintenir la gouttière fixée à l’arcade maxillaire durant le temps opératoire ou durant la convalescence, afin de guider l’occlusion dentaire en relation centrée. Une arche palatine sera utile en cas d’expansion palatine concomitante à l’ostéotomie maxillaire de Le Fort 1, le temps de la consolidation osseuse, pour maintenir la dimension transversale.
Gouttière intermédiaire sur arc facial et articulateur semi-adaptable
La confection d’une gouttière intermédiaire est à l’inverse un processus long nécessitant un minimum d’équipement. Dans le cas d’une ostéotomie maxillo-mandibulaire, certaines équipes vont préférer commencer par l’ostéotomie maxillaire – il n’existe pas de preuve de meilleurs résultats selon que le positionnement débute par le maxillaire ou par la mandibule (243). Le maxillaire devra être ostéosynthésé indépendamment de la position de la mandibule : l’usage d’un articulateur Galetti n’est donc pas possible, et un articulateur semi-adaptable de type Quick Master est nécessaire. Ce dernier nécessite de connaître la position des arcades dentaires selon le plan de Francfort. Ce plan de référence sera matérialisé par la prise d’un arc facial. Grâce à ce dispositif, une cire d’occlusion du patient peut être prise selon la position du plan de Francfort.
En plaçant l’arc facial sur l’articulateur, les modèles dentaires vont pouvoir être placés en occlusion sur la cire d’occlusion. Ils seront alors orientés selon le plan de Francfort. Il est à noter qu’il faut ajouter un socle en plâtre sur les modèles, afin de procéder à la « chirurgie des moulages ». Afin de concevoir la gouttière intermédiaire, il faut placer l’occlusion telle qu’elle sera au moment de la première ostéosynthèse. À l’image de l’ostéotomie, on va sectionner le plâtre afin d’obtenir une mobilité du plateau maxillaire et de la mandibule. Il faut au préalable placer différents repères sur les modèles afin de s’assurer que les déplacements réalisés correspondent aux valeurs prévues dans la planification. On va alors mettre la première section osseuse en position finale. Pour des raisons de contraintes sur les plaques d’ostéosynthèse, il est habituel de débuter par l’ostéosynthèse du maxillaire. Cette position intermédiaire ainsi obtenue va servir de référence pour la fabrication artisanale de la gouttière intermédiaire selon les mêmes étapes que celles que nous avons vues au paragraphe précédent. On va ensuite venir mobiliser la seconde base osseuse afin d’obtenir l’articulé dentaire planifié par le chirurgien. On fabrique alors la gouttière finale qui servira à l’ostéosynthèse de la deuxième base osseuse.
Précision de la planification et du transfert traditionnel
La planification et son transfert sont réalisés traditionnellement de manière artisanale. Cependant, cette approche présente certaines limites, notamment en termes de précision des déplacements chirurgicaux, principalement pour la confection d’une gouttière intermédiaire, plus complexe qu’une gouttière finale.
L’orientation du maxillaire selon l’arc facial est critiquée depuis plusieurs décennies (246, 247). Au début des années 1990, la précision et la reproductibilité du transfert des données de l’arc facial sur articulateur sont remises en cause par de nombreux auteurs (248, 249). Bowley et al. (250) concluent que le transfert d’un arc facial standard sur articulateur s’accompagne d’erreurs inhérentes au réglage de l’instrument sur le patient. Puis, que lors de la mise en place de l’instrument sur l’articulateur, une erreur de 0,5 mm vient s’ajouter. Dans les années qui suivent, Bamber et al. (251) font état de données mitigées en termes de reproductibilité du couple arc facial – articulateur. De plus, ils mettent en évidence une hétérogénéité de précision selon le modèle d’arc facial utilisé. Cette hétérogénéité se retrouve également selon le type d’articulateur mis en œuvre (252, 253).
Shetty et al. (254) ont comparé le plan de Francfort obtenu par le biais de l’arc facial avec celui mesuré sur les téléradiographies de profil et trouvent une différence moyenne de 1,9° pour un articulateur Hanau Wide-vue et une différence moyenne de 3,6° pour un articulateur Artex Amann Girrbach. Les innovations techniques du début des années 2000 ont permis d’améliorer la précision des arcs faciaux, sans réussir à contrôler pleinement la variabilité (255, 256).
Une étude récente de Zizelmann et al. (257) a évalué la réalité du plan de référence horizontal obtenu et sa reproductibilité, en comparant l’angulation entre le plan de Francfort mesuré sur un CBCT, et la barre horizontale de l’articulateur censée être son équivalent clinique. Leurs résultats montrent un écart moyen de 3,5° mais restent non significatifs. Cependant, ces auteurs trouvaient une erreur significative dans la détermination du plan de référence anatomique en comparant le plan de l’arc facial et le plan de Francfort réel grâce à des mesures prises lors d’une acquisition par CBCT lorsque le patient portait l’arc facial. L’écart moyen était de 7,7° (valeurs comprises entre 1,2° et 18,9°).
Lors de l’utilisation d’un articulateur conventionnel pour la chirurgie orthognathique, il est essentiel que l’angle entre le plan occlusal et l’horizontal du plan de Francfort chez le patient soit identique à l’angle entre le plan occlusal et le membre supérieur de l’articulateur sur le modèle maxillaire. S’il est incorrect, alors le résultat de la chirurgie du modèle est erroné (258). En se basant sur ce principe, Sharifi et al. suggèrent que chaque téléradiographie de profil devrait être utilisée afin de vérifier la précision du montage du plâtre maxillaire sur l’articulateur, en comparant la valeur des angles sur la radio et sur le montage (258).
D’autres sources d’erreurs sont relevées dans la littérature. Une différence de position de la mandibule entre un patient couché et un patient debout est rapportée, la mandibule ayant tendance à se positionner en arrière de 2,4 mm en moyenne chez un patient allongé lors d’une anesthésie générale (259). Certains auteurs recommandent en conséquence que la prise d’un arc facial se fasse en décubitus dorsal chez un patient conscient afin de garantir la meilleure planification possible (251). Ainsi, la prise d’un arc facial en position assise serait une source d’erreur, ne permettant pas de retrouver la même position condylienne qu’en décubitus dorsal en per-opératoire (258). Si l’arc est pris sur un patient assis, une fois le modèle maxillaire scié lors de la chirurgie des moulages, la mandibule devient le seul point de référence antéro-postérieur. Par conséquent, une avancée maxillaire plus limitée sera obtenue sur l’articulateur en raison de l’erreur de positionnement mandibulaire de 2,4 mm par rapport à la réalité au bloc opératoire chez un patient couché.
La mandibule pose des problèmes spécifiques dans la planification en raison de l’auto-rotation mandibulaire, impossible à prendre en compte dans le montage sur articulateur. Les mouvements de translation condyliens se font obligatoirement avec un mouvement de rotation. De ce fait, l’axe de rotation mandibulaire peut varier de 0,5 mm selon la translation associée (260). Le montage sur articulateur ne permet pas d’enregistrer cette position, et la rotation mandibulaire liée à l’ostéotomie sera donc imprévisible. Cette erreur est inévitable sur articulateur.
La modification du plan d’occlusion peut être source d’erreur dans la mesure des déplacements osseux à réaliser. Ellis en donne un exemple : en cas de fermeture d’une béance antérieure par impaction postérieure sans autres mouvements associés, la position des dents antérieures reste inchangée (figure 20) (261). Cependant, avec la méthode de planification décrite ci-dessus, avec mesure des déplacements selon des repères sur les moulages et selon le trait d’ostéotomie, il est facile de faussement conclure à une avancée maxillaire.
Certains auteurs critiquent l’usage de gouttières intermédiaires. En effet, durant la chirurgie des modèles, l’ostéotomie maxillaire est réalisée selon les déplacements prévus à la suite de la planification. Le positionnement du maxillaire dépend donc uniquement du trait d’ostéotomie et de données métriques. Cependant, durant l’intervention, ce ne sont plus ces données chiffrées qui seront utilisées comme référence, mais l’occlusion avec la mandibule obtenue grâce à la gouttière intermédiaire. Or la mandibule n’est pas utilisée comme référence pour le positionnement du maxillaire (258).
Plusieurs auteurs se sont attelés à déterminer la précision du positionnement du maxillaire selon cette méthode traditionnelle. Ellis conclut à une variabilité de 1 mm dans différents plans de l’espace en comparant le positionnement maxillaire obtenu avec la position planifiée. Cet auteur insiste sur la relation entre précision et expertise du praticien (261). Pour Song et al. (262), cette variabilité est de 0 à 0,94 mm, tandis que pour Bamber et al. (263), elle est comprise entre 0 et 1,2 mm. En 2002, Kwon et al. ont cherché à déterminer la précision d’une planification et son transfert sur articulateur et arc facial en s’intéressant à la position de points de référence selon la planification et selon le résultat final obtenu (264). La différence moyenne absolue était de 2,2 mm, avec des valeurs s’étendant de 0,7 mm à 6,6 mm. Le résultat chirurgical était différent du résultat prévu de plus de 2 mm dans plus de 45 % des valeurs de coordonnées mesurées.
4 Place de l’impression 3D en chirurgie orthognathique
L’approche traditionnelle du transfert des informations de la planification vers le bloc opératoire nécessite un soutien matériel, logistique et temporel important. La planification et les méthodes de transfert reposant sur la technologie 3D sont également chronophages et nécessitent une logistique encore plus lourde, surtout en matière réglementaire. Cependant, leur précision et leur fiabilité sont supérieures et partant, leur utilisation présente un bénéfice pour le patient.
4.1 Planification virtuelle et gouttières imprimées
Parmi les procédures de planification 3D assistée par ordinateur, la chirurgie sur modèle virtuel 3D (VMS) et la gouttière occlusale intermédiaire imprimée par stéréolithographie ont été proposées comme alternatives à la chirurgie conventionnelle avec articulateur et arc facial. Il existe de nombreuses études présentant diverses méthodes de planification virtuelle selon les logiciels utilisés (figure 21).
La première description d’une fabrication additive de gouttière intermédiaire en chirurgie orthognathique date de 2008 (265). Les études se sont ensuite multipliées autour des années 2010, démontrant une équivalence et/ou une supériorité des gouttières imprimées (266, 267, 268, 269, 270, 271, 272, 273, 274, 275, 276, 277, 278, 279), notamment une équivalence sur la qualité de vie (selon un questionnaire de qualité de vie pré- et post-opératoire) (280). Song et al. (262) trouvent des résultats significativement meilleurs en VMS comparés à une production manuelle, bien que les deux méthodes de transfert aient une précision inférieure à 1 mm. Ces résultats sont concordants avec ceux de Kwon et al. (281), retrouvant une marge d’erreur de 0,95 mm pour une planification virtuelle et des gouttières imprimées, et de 1,17 mm pour une méthode traditionnelle. D’autres études retrouvent des résultats similaires en comparant les deux approches de planification et de transfert, avec une tendance en faveur de la technologie CAD/CAM (282, 183, 284) tandis que certaines autres études mettent en évidence une supériorité significative dans certains plans de l’espace exclusivement (262, 285). Les résultats tendent à devenir significatifs lorsque la chirurgie se complexifie, rendant la planification virtuelle plus précise. C’est le cas notamment des ostéotomies maxillaires segmentées. En effet, Kwon et al. (286) ont étudié la fiabilité de la planification virtuelle des ostéotomies maxillaires bi- et tri-partites et concluent à une précision moyenne de 0,96 mm transversalement, 1,23 mm verticalement, et 1,16 mm horizontalement. L’écart global obtenu entre la position planifiée de point et leur position réelle post-opératoire était inférieur à 2 mm dans plus de 80 % des cas. Ces auteurs mettent en évidence que la variable prédictive qui affecte le plus l’écart obtenu entre la planification et la chirurgie est l’ampleur des mouvements prévus et réalisés. À titre d’exemple, on peut également citer l’apport significatif de la planification virtuelle pour la prise en charge de cas complexes en chirurgie malformative, notamment pour la prise en charge des séquelles de fentes labio-palatines et des faciocraniosténoses (287).
Kim et al. proposent une méthode proche de la méthode traditionnelle avec un articulateur virtuel permettant de s’affranchir de certaines limites de la chirurgie des moulages (288). Le but est la confection d’une gouttière intermédiaire numérique au format STL qui sera ensuite imprimée. En se basant sur des points de référence dentaires, ils comparent la précision de la chirurgie guidée par une gouttière imprimée avec celle d’une chirurgie utilisant une gouttière confectionnée par des méthodes artisanales. Ils obtiennent une tendance à la supériorité de la gouttière imprimée sans réelle significativité. Avec la planification virtuelle, ces auteurs rapportent un placement des points de référence avec une erreur moyenne de 0 à 0,09 mm.
La même année, McCormick et al. (289) exposent une méthode qui reste proche des techniques traditionnelles avec l’usage d’un arc facial permettant l’acquisition de données directement en numérique. Ces données leur permettent de planifier virtuellement les cas avec une plus grande précision et de produire une gouttière intermédiaire et finale par impression 3D stéréolithographique.
La plupart des essais sus-cités reposent sur des méthodes développées autour des années 2010, lorsque les technologies CAD/CAM commençaient à s’imposer dans la pratique courante en chirurgie orthognathique. Ils mettent en évidence une supériorité mitigée de ces approches en termes de précision comparativement à la planification classique. Ces conclusions restent peu comparables entre elles du fait d’une hétérogénéité des méthodes d’évaluation de la précision (290), notamment du seuil choisi pour définir cette précision. En effet, les auteurs ont souvent cherché à mettre en évidence une précision inférieure à 2 mm, comme le montre une revue de la littérature de cette période (291). Cette précision étant celle de la planification conventionnelle, il est difficile d’en déduire un caractère de supériorité.
Les dernières années ont vu la planification virtuelle et les gouttières CAD/CAM se perfectionner, avec l’apparition sur le marché de nouveaux logiciels dédiés (292, 293, 294, 295). S’y ajoutent de nouveaux dispositifs comme les scanners optiques, qui rendent la planification plus fiable en s’affranchissant des articulateurs et arcs faciaux virtuels, mais également plus rapide et plus accessible. Ainsi, il est maintenant possible de démontrer une supériorité significative des gouttières imprimées comparées au processus conventionnel, avec une précision passant de l’ordre de 2 mm à 1 mm (296). À titre d’exemple, les gouttières intermédiaires décrites par Shaheen et al. en 2016 (297) utilisent la numérisation des moulages dentaires, et permettent une précision de l’ordre de 0,4 mm (écart-type de 0,17 mm). Afin d’éviter une erreur en lien avec le chevauchement des arcades maxillaire et mandibulaire lors de la planification – du fait de l’autorotation mandibulaire – ces auteurs ajoutent à la fin du procédé de production virtuelle de la gouttière une étape de vérification avec une cire occlusale en relation centrée numérisée. Ils retrouvent une reproductibilité de l’ordre de 0,15 mm pour ce procédé de production, similaire à un contrôle par fabrication traditionnelle (0,19 mm) (298). Ces résultats et cette supériorité ont été confirmés par d’autres auteurs au cours des dernières années (299).
La planification virtuelle et son transfert par une gouttières CAD/ CAM sont ainsi attestés comme étant des méthodes fiables fournissant des résultats prévisibles et stables à long terme, avec une rechute sagittale, verticale et transversale moyenne à 1,8 mm selon Liebregts et al. (243).
La planification numérique et son transfert par des gouttières imprimées permettent également de contrebalancer la perte de compétences liée à la raréfaction des prothésistes dentaires au sein des équipes de chirurgie maxillo-faciale, indispensable à la planification conventionnelle. En effet, le montage sur articulateur étant chronophage et nécessitant du matériel utilisé quotidiennement par les prothésistes dentaires, cette planification était souvent le fruit d’un binôme chirurgien – prothésiste. La technologie virtuelle 3D devient également un moyen d’échange entre orthodontiste et chirurgien, favorisant les interactions pour une meilleure coordination entre les différents corps de métier (300, 301).
Dans un travail récent, Xu et al. (302) ne retrouvaient pas de différence à deux ans entre un groupe opéré avec des gouttières CAD/CAM comparé à un groupe opéré avec des gouttières traditionnelles. Ces auteurs émettent l’hypothèse que l’absence de différence venait du fait que ces deux méthodes reposaient sur l’utilisation de gouttières occlusales. Ils questionnaient donc la nécessité d’autres dispositifs de transfert.
4.2 Guides de coupe et guides de positionnement
Alors que l’élaboration des gouttières imprimées en 3D reste proche dans son principe de la planification et du transfert conventionnel, la technologie CAD/CAM a permis la mise au point de méthodes de transfert d’un nouveau genre. Toutes ces méthodes ont en commun la planification virtuelle, avec divers logiciels, puis des méthodes de transfert spécifiques.
Comme cité précédemment, le fait que les gouttières se basent sur des relations interdentaires et non sur des éléments osseux est un frein à l’usage des gouttières chez certains auteurs. Ainsi ont vu le jour divers types de guides de coupe et de guides de positionnement, imprimés en résine ou en titane. Les guides de coupe permettent de positionner exactement le trait d’ostéotomie comme planifié (303). Ils peuvent être à appui osseux, se plaçant directement au contact du maxillaire ou de la mandibule, ou à appui dentaire combinés avec une gouttière. Ils permettent d’indiquer au chirurgien la localisation du trait de coupe osseuse. Le guide de positionnement va ensuite permettre de placer les bases osseuses dans la position finale. On s’affranchit ainsi de l’occlusion du patient dans le guidage de la chirurgie. Cette occlusion devient secondaire, se réduisant à l’un des nombreux objectifs finaux de la prise en charge, avec une importance accrue du placement des bases osseuses pour amener les dents en position souhaitée, et non plus l’inverse.
La première utilisation de guides de coupe CAD/CAM a été rapportée pour la chirurgie mandibulaire entre 2010 et 2015. Ces guides permettaient un bon positionnement condylien et la prévention des lésions du nerf alvéolaire inférieur (304, 305, 306, 307). Par exemple, en 2012, Zinser et al. (308) présentent l’association de trois guides chirurgicaux (CAD/CAM). Dans une étude ultérieure, ces auteurs démontrent que ces trois guides permettent un positionnement du maxillaire à 0,23 mm près, quand des gouttières conventionnelles fournissent une précision à 1,1 mm. Un des avantages des guides est le contrôle du positionnement condylien en relation centrée (309). Ce type de guide chirurgical peut également s’adapter aux différentes techniques d’ostéotomie. En effet, Franco et al. (304) utilisent des guides fondés sur les mêmes principes pour une ostéotomie d’allongement du ramus en L inversé (310). Ils y ajoutent un greffon autologue conformé selon la perte de substance grâce à un gabarit imprimé à l’issue du processus de planification.
La génioplastie a également bénéficié de l’apport des guides de coupe et de positionnement CAD/CAM afin d’améliorer la précision des déplacements réalisés et la symétrie du résultat final (311, 312, 313, 314, 316, 317). Ainsi, une précision de l’ordre de 0,9 mm est rapportée dans la récente série de Wang et al. (318). Ces données sont concordantes avec celles de Li et al. qui trouvent une précision de 1,1 mm pour leur guide de coupe et de positionnement, contre 2,63 mm pour le groupe contrôle sans guides chirurgicaux (319). Les mêmes auteurs décrivent un guide similaire pour une génioplastie de contraction en deux fragments, retrouvant une précision de 0,7 mm pour une angulation autour de 4,5° de la cible (320). Kang et al. (312), en plus de trouver des résultats de précision du fragment osseux autour de 0,3 mm avec un autre type de guide chirurgical, confirment une supériorité par rapport aux techniques classiquement utilisées sans technologie 3D.
Les guides de coupe et de positionnement ont confirmé leur pertinence dans les ostéotomies maxillo-mandibulaires, faisant passer la marge d’erreur de positionnement osseux en dessous du millimètre (321, 322, 323, 324, 325). Dans un essai randomisé, Chen et al. (326) ont comparé la précision de trois groupes de patients traités par guides chirurgicaux, gouttières CAD/CAM et contrôles par gouttières conventionnelles. Ces auteurs démontrent une supériorité du groupe avec les guides de coupe, avec un positionnement du maxillaire avec 1,17 mm d’écart avec la position planifiée, contre 2,15 mm pour les gouttières CAD/CAM et 2,55 mm pour le groupe témoin. Cependant, il n’y avait pas de différence significative entre les deux groupes utilisant les gouttières.
4.3 Guides chirurgicaux et plaques sur mesure
L’appellation « sur mesure » utilisée ici est celle retrouvée dans la littérature, qui est à distinguer de son sens réglementaire comme précisé au paragraphe correspondant dans la première partie.
Le principe est le même qu’au point précédent. Le transfert de la planification est centré sur la localisation du trait d’ostéotomie et non sur l’occlusion dentaire. Le guide contient les informations sur la localisation des vis définitives qui seront utilisées afin de synthéser une plaque « sur mesure » en titane, conformée selon le déplacement prévu. Les plaques peuvent être des plaques classiques, conformées sur un modèle anatomique imprimé avec les déplacements réalisés (327, 328), ou directement imprimées en titane par fabrication additive (329, 330, 331, 332, 333). Un avantage des plaques adaptées au patient imprimées est la prise en compte des racines dentaires lors de la planification quand la position des vis est choisie (figure 22).
En plus d’offrir une précision autour du millimètre (328, 330, 331, 334) comme précédemment, y compris pour les grands déplacements osseux (332), cette technique semble être la plus aboutie actuellement. En permettant le placement maxillaire indépendamment de la position des condyles, de l’articulé dentaire avec la mandibule, sans point de référence intra-orale, elle s’affranchit de certaines sources d’erreur des autres méthodes. L’usage des plaques préformées adaptées au patient permet de ne pas s’occuper du placement osseux – la seule position possible étant celle de la planification transférée par la conformation des plaques. Autre avantage, en cas de résection osseuse trop importante, le chirurgien n’a pas à s’inquiéter du trop peu de contact osseux. En effet, la synthèse osseuse ne nécessite plus l’appui du maxillaire sur le reste du massif facial afin de garantir une position stable en attendant la fixation définitive. Le tout permet un gain de temps opératoire offrant donc une réduction des complications et des aléas opératoires et anesthésiques (335, 336, 337).
Une fois encore, ce principe technologique se retrouve également pour les génioplasties indépendamment, ou incluses dans une ostéotomie maxillo-mandibulaire (311, 338), permettant également de diminuer la durée du temps opératoire (339).
L’utilisation des guides chirurgicaux et des plaques pré-formées s’est implantée au sein des équipes de chirurgie maxillo-faciale de l’AP-HP. En effet, les professeurs Thomas Schouman et Patrick Goudot (service de stomatologie et chirurgie maxillo-faciale, hôpital de la Pitié-Salpêtrière), en collaboration avec la société Materialise (Louvain, Belgique) ont développé une méthode de planification CAD/CAM dans les années 2010 pour la chirurgie reconstructrice par lambeau libre osseux (340, 341). Cette méthode s’est ensuite largement répandue en chirurgie orthognathique (figure 22), et s’étend également aux séquelles de traumatismes, comme les ostéotomies zygomatiques (342).
Ce système a prouvé sa précision en comparant la localisation finale post-opératoire de points maxillaires prédéfinis (incisive centrale et molaire) avec leur planification, moyennant une marge d’erreur autour de 0,5 mm dans le sens sagittal, 0,1 mm dans le sens frontal pour une série de 53 cas (340).
Ce type de plaque « sur mesure » unique pontant tout le maxillaire horizontalement présente également un important avantage pour les ostéotomies de Le Fort 1 segmentaires en plusieurs fragments. La principale complication de cette chirurgie est un manque de maintien de la dimension transversale gagnée par la chirurgie (343, 344, 345, 346, 347). Les taux de récidive ainsi décrits au niveau dentaire varient entre 0,75 mm et 2 mm de moyenne entre les molaires (348), et d’une precision autour de 0,1 mm pour la position des canines (349). Cependant ces résultats sont limités par un défaut d’homogénéité des points de repère entre les études et le biais induit par les déplacements dentaires post-opératoires réalisés par l’orthodontiste. Cette récidive est cependant confirmée par des études se basant sur la stabilité osseuse, avec une récidive supérieure à 26 % pour Yao et al. (344).
Les plaques d’ostéosynthèse classiques ne permettent pas de maintenir une stabilité de la dimension transversale gagnée par la chirurgie, notamment en raison d’une contention exclusivement antérieure sur chaque segment maxillaire isolé. Le temps de la consolidation osseuse, la contention par plaque doit alors être renforcée par divers procédés : arcs palatins (343), gouttières d’occlusion (344, 346, 348) et plaques palatines (350, 351). Parizotto et al. (351) ont démontré une récidive significativement inférieure à long terme au niveau des arcades dentaires chez les patients porteurs d’une plaque palatine pendant huit semaines (+0,3 ± 0,4 mm à –1,3 ± 0,2 mm) comparés à ceux ne portant pas de plaque palatine (–1,0 ± 0,3 mm à 2,5 ± 0,5 mm).
Cependant, ces dispositifs de rétention intra-oraux présentent l’inconvénient d’altérer la fonction linguale (obstacle aux mouvements, inhibition de la sensibilité et de la proprioception linguale au niveau du palais). La langue ayant un rôle prépondérant dans de nombreuses dysmorphoses maxillo-mandibulaires et donc un impact sur la stabilité du résultat post-opératoire, un obstacle à la rééducation linguale aura très probablement une conséquence sur la stabilité transversale (352, 353).
Contrairement à la rétention intra-orale, un moyen de contention osseux interne évite ces obstacles et facilite une rééducation linguale post-opératoire précoce. Cet objectif est atteint avec les plaques « sur mesure » décrites par Schouman et al. (340), comme pour les autres designs proches, comme chez Gander et al. (335).
Ainsi, en plus de permettre une rééducation linguale facilitée dès la période post-opératoire immédiate, le système d’ostéosynthèse par plaque maxillaire unique contentionne les différents fragments et augmente la stabilité à long terme. Galli (354), décrit une stabilité transversale de 4,47 mm en moyenne entre les foramens grands palatins, et de 2,11 mm au niveau canin pour les expansions maxillaires. À un an, cet auteur retrouve une récidive de 0,57 mm de moyenne au niveau des foramens grand palatin, et de 0,05 mm de moyenne au niveau canin, avec des changements au niveau dentaire, de 1 mm de perte transversale de moyenne au niveau des deuxièmes molaires, et de 1,11 mm de moyenne au niveau des canines.
L’usage des guides de coupe associés aux plaques « sur mesure » permet donc de faire chuter la marge d’erreur en dessous du millimètre, bien qu’aucun consensus ne soit possible entre les différentes études du fait de l’hétérogénéité des protocoles (355). De ce positionnement osseux facilité résulte un gain de temps sur l’ostéosynthèse. Gain inhérent à l’absence de nécessité de conformer les plaques en per-opératoire, et de besoin de blocage maxillo-mandibulaire. Une bonne stabilité osseuse est également obtenue du fait d’une contention suffisante notamment dans le sens transversal. Le positionnement des trous de vis étant sécurisé par la planification, il n’existe théoriquement pas de risque de lésion des racines dentaires ou de structures nobles comme le nerf alvéolaire inférieur. Cette technique apporte donc un gain de sécurité au patient sans complication spécifique ajoutée (356). De surcroît, en cas d’échec per-opératoire de positionnement osseux avec le matériel sus-cité, l’usage de guides chirurgicaux à appuis dentaires (comportant une gouttière occlusale) apporte une sécurité supplémentaire, la gouttière pouvant être utilisée indépendamment pour réaliser la synthèse osseuse avec des plaques classiques si la plaque préformée est altérée.
Afin de tester l’efficacité de cette technique, un essai contrôlé randomisé a été réalisé par Hanafy et al. (357). Ce travail compare la précision de positionnement du maxillaire pour un groupe de patients pris en charge avec une ostéotomie guidée par guides chirurgicaux et plaques « sur mesure » contre celle pour un groupe de patients traités selon la méthode conventionnelle avec ostéotomies guidées par gouttières occlusales sur articulateur. Pour le groupe CAD/CAM, ces auteurs concluent à des déviations moyennes de 0,26 mm verticalement, 0,17 mm dans le plan sagittal et 0,07 mm dans le plan frontal. La méthode traditionnelle montre des déviations moyennes de 1,45 mm verticalement, 1,31 mm dans le plan sagittal et 0,71 mm dans le plan frontal. L’analyse statistique retrouve une supériorité de la chirurgie guidée par guide de coupe et plaque « sur mesure ». Cependant, même si ces données sont significatives en comparant la précision de la position osseuse et dentaire, il est plus difficile d’apprécier la significativité clinique, les patients étant satisfaits dans un groupe comme dans l’autre. Les auteurs ajoutent néanmoins que l’approche CAD/CAM a facilité la prise en charge des cas d’asymétrie squelettique, réduit les temps opératoires et permis de rendre la planification plus accessible, la formation étant plus simple que pour la méthode conventionnelle. Elle a toutefois engendré des coûts plus élevés.
4.4 Autres applications des technologies 3D en chirurgie orthognathique
Implants
La technologie CAD/CAM a permis d’autres avancées en chirurgie orthognathique, notamment dans le cas d’asymétries faciales. Dans le cas où les ostéotomies ne permettent pas d’harmoniser les rapports osseux, l’apposition d’implants contre les surfaces osseuses peut permettre de restaurer la symétrie (358). Il existe une grande variété d’implants dans divers matériaux, par exemple les implants en Medpore (polyéthylène poreux), utilisés couramment depuis les années 1985 (359, 360, 361). L’évolution vers une prise en charge « sur mesure » pour chaque patient a vu l’arrivée sur le marché des implants adaptés au patient, créés selon la taille exacte du défect, avec emplacement des vis selon les rapports anatomiques de l’implant. Ainsi se sont développés les implants en titane microporeux, imprimés en 3D, et utilisés en reconstruction, pour les séquelles de traumatisme, ou en chirurgie orthognathique afin de corriger une asymétrie faciale (362). Ces implants offrent des propriétés biomécaniques proches de celles de l’os, supérieures à celles des implants en PEEK par exemple (363). Le titane poreux permet également de s’affranchir de la morbidité des prélèvements osseux autogènes et des imprécisions de forme et de taille de ces greffons, parfois difficiles à adapter in situ (362).
Modèles anatomiques
Utilisés dans divers domaines chirurgicaux, les modèles anatomiques ont également trouvé leur place en chirurgie orthognathique. Ils permettent d’améliorer l’évaluation préopératoire, la planification chirurgicale (364, 365), et la pré-conformation de plaques d’ostéosynthèse. Ils permettent également la formation et la recherche dans le domaine de la chirurgie orthognathique.