Chapitre 1. L’impression 3D
1 Définition de l’impression tridimensionnelle
L’impression 3D est définie par l’organisme de normalisation ASTM comme un « processus d’assemblage de matériaux pour fabriquer des objets à partir des données de modèles 3D, le plus souvent couche après couche, par opposition aux méthodes de fabrication soustractive ».
Ce terme d’impression 3D est un terme informel qui correspond à la fabrication additive. Par ajout progressif de couches de matière superposées, ce type de fabrication permet la formation d’un volume, sur la base d’une modélisation 3D de l’objet, assistée par ordinateur 1. Le fichier 3D, généralement au format .STL, est traité par un logiciel qui découpera en tranches les différentes couches nécessaires à la fabrication additive. Ce « découpage » est envoyé à l’imprimante 3D, qui va déposer ou solidifier la matière couche par couche (figure 1).
2 Histoire de l’impression 3D
Les prémices de la fabrication additive remontent aux années 1950, lorsque Kojima démontre les avantages de la fabrication par couches superposées (2). Mais il faudra attendre les années 1980 pour que cette technologie trouve des domaines d’application (figure 2). En 1980, Kodama invente une technique d’impression par couches utilisant la lumière ultraviolette pour durcir des polymères photosensibles – la stéréolithographie (SLA) (3, 4). La SLA sera brevetée en 1986 par l’américain Charles Hull, qui fonde par la suite la première entreprise d’impression 3D : 3D Systems, et mettra sur le marché la première imprimante 3D, la SLA-250 (5, 6). Grâce à cette technique, le monde de l’industrie dispose d’une méthode efficace pour réaliser des prototypes. Le prototypage rapide se définit comme « une gamme de nouvelles technologies pour produire en quelques heures des pièces avec précision directement à partir de modèles de conception assistée par ordinateur (CAO), avec de petits besoins en intervention humaine » (7). Deux ans plus tard, c’est une autre technologie d’impression 3D, utilisant le frittage sélectif par laser (Selective Laser Sintering, SLS), qui voit le jour grâce aux travaux de Carl Deckard (4). Dans la foulée est développée la méthode par dépôt de fils (Fused Deposition Modelling, FDM) (8). Ces différents brevets marquent la naissance de l’impression 3D.
La décennie qui suit voit émerger les premiers fabricants d’imprimantes 3D, et la mise sur le marché d’outils de CAO. En effet, durant cette période, les logiciels de CAO pour l’impression 3D deviennent de plus en plus accessibles et élaborés. Les années 1990 sont marquées par l’avènement des premières applications de l’impression 3D dans le domaine des soins, par exemple en pharmacologie (9) ou en chirurgie (10).
Dans les années 2000, l’impression 3D gagne en visibilité dans les médias grâce à d’audacieux projets, comme l’impression de la première prothèse de la jambe en 2008 (8). En chirurgie maxillo-faciale, les applications se diversifient rapidement : impressions de modèles anatomiques pour analyser d’éventuelles difficultés per-opératoires (11), guides de chirurgie pré-implantaire (12) ou diverses applications en odontologie et en prothèse (13).
Durant cette période, l’impression 3D reste une technologie peu accessible en raison du coût élevé des imprimantes et des matériaux de production. Elle peine à trouver sa place dans le secteur de la santé. C’est en 2009 qu’une révolution a lieu, quand le brevet de la méthode de dépôt de fil (FDM) tombe dans le domaine public, ouvrant la voie à une importante vague d’innovations avec une baisse massive du prix des imprimantes (8).
Les quinze dernières années ont été très importantes pour l’impression 3D (figure 2), surtout en santé. Cette méthode devient progressivement une technique de prototypage et de production fiable, offrant de nouvelles opportunités aux entreprises. Ce rôle grandissant est illustré par le chiffre d’affaires global du marché de l’impression 3D. En 2018, celui-ci était estimé à 9,9 milliards de dollars américains (USD). Il doit atteindre 17,5 milliards d’USD en 2024 et un chiffre d’affaires de 37,4 milliards d’USD est attendu pour 2025 (14). La forte croissance de cette industrie lui permet d’atteindre un chiffre de 20 milliards d’USD de ventes en 2024 (15). Chaque année, Wohlers Associates, de l’organisation mondiale de normalisation ASTM International, publie un rapport sur le marché mondial de l’impression 3D. Après une faible croissance durant la période en lien avec l’épidémie de Covid-19, ce marché a progressé de 19,5 % en 2021. Ce chiffre reste cependant en dessous des 27 % de croissance moyenne des dix dernières années (16).
3 L’impression 3D en pratique
3.1 Intérêts
Il est légitime de se demander quels sont les avantages de la fabrication additive en comparaison avec les solutions employées par l’industrie traditionnelle. Ce procédé permet de lever certaines contraintes, offrant à la fois un gain de temps et un gain financier (17).
L’impression 3D offre des possibilités illimitées en termes de conceptualisation spatiale de la réalisation. Par la simple juxtaposition de couches de matériau, un produit fini complexe – par exemple creux et fermé – peut être obtenu en une seule étape, sans besoin d’assemblage. De plus, l’impression 3D permet de réaliser des structures à différentes échelles au sein d’un même objet. Il en résulte un allègement des produits, qui conservent leurs propriétés mécaniques. Avec certains modèles d’imprimantes, la fabrication additive permet la production, en une seule étape, de pièces multi-matériaux. Au sein d’une même couche, il est possible de réaliser différentes compositions en apportant au produit final des propriétés mécaniques, thermiques ou chimiques uniques (17).
Les délais de mise sur le marché sont réduits grâce au prototypage rapide, améliorant ainsi les capacités d’innovation des industriels. La disponibilité des pièces détachées, notamment de rechange, est optimisée et les coûts de main-d’œuvre sont réduits. L’impression 3D permet également une personnalisation de masse à faible coût (18).
Enfin, cette technologie apporte la possibilité d’obtenir des produits prêts à l’emploi, réduisant encore les étapes de fabrication. Il faut cependant nuancer ce dernier point. En effet, la majeure partie des méthodes d’impression 3D nécessite un temps de post-traitement. Parmi ces opérations se trouvent le retrait des supports guidant l’architecture 3D, l’imprégnation des pièces poreuses de céramique, des traitements thermiques de détensionnement (qui permettent une relaxation des contraintes résiduelles pour les pièces métalliques) ou encore des traitements de densification (17). Certains avantages de la fabrication additive par rapport à la fabrication traditionnelle retrouvés dans la littérature sont présentés dans le tableau 1.
La fabrication additive présente cependant certaines limites. L’impression 3D ne peut produire que des objets de taille plus petite que le boîtier d’impression. La production d’un objet de taille supérieure au plateau de l’imprimante doit se faire en plusieurs fragments, ce qui nécessite une étape d’assemblage (18). Selon les caractéristiques de l’objet à concevoir, l’impression 3D peut ainsi impliquer un temps de production augmenté par rapport à la production traditionnelle (18). Enfin, les coûts des équipements restent aujourd’hui une limite, même si elle tend à s’estomper. En juin 2013, le gouvernement chinois a engagé 245 millions de dollars pour stimuler l’innovation en impression 3D, ce qui a déjà abouti à la mise sur le marché de machines moins chères (18). Aux États-Unis, après que Barack Obama a prédit l’arrivée d’une révolution industrielle par le biais de l’impression 3D, Joe Biden a mis au point un plan d’action national baptisé Additive Manufacturing Forward afin de promouvoir cette technologie comme une des solutions pouvant contrecarrer la hausse des prix et la baisse de la compétitivité des petits et moyens fabricants américains. En avril 2022, il déclare : « Elle permet de réduire de 90 % les délais de fabrication des pièces, de diminuer de 90 % le coût des matériaux et de réduire de moitié la consommation d’énergie. Tout cela contribue à réduire le coût de fabrication des produits en Amérique. Mais toutes les petites et moyennes entreprises n’ont pas accès au soutien nécessaire pour adopter cette technologie » (19). Une dernière limite à évoquer est l’importance des restrictions réglementaires lors de la mise en place d’une chaîne de production 3D, particulièrement dans le domaine de la santé. Ces règles sont nécessaires afin de garantir la sécurité des usagers lors de l’utilisation des produits finis. Elles sont cependant souvent déconnectées de la réalité du terrain. Ce point sera traité en détail dans la section 5 de ce chapitre.
La CAO apporte pour sa part des avantages supplémentaires spécifiques. On peut citer la possibilité d’échanger rapidement des designs sous forme numérique, notamment dans les zones isolées. En outre, le dessin paramétrique, qui permet de modifier quelques paramètres d’un objet déjà conçu à la demande, autorise la fabrication de nouveaux objets améliorés.
3.2 Les matériaux
La diversité de matériaux disponibles pour l’impression 3D augmente régulièrement avec l’arrivée sur le marché de nouveaux procédés de fabrication innovants (20). Les quatre principales familles de matériaux sont les métaux, les polymères, les céramiques et les composites (17). Sont également utilisés le verre, le papier, des hydrogels, et des cellules dans le cas particulier de la bio-impression. Une connaissance précise des différentes propriétés de ces matériaux permet de répondre aux contraintes posées par l’objet final et de choisir un procédé de fabrication adapté.
Les polymères
Les polymères thermoplastiques et les résines thermodurcissables représentent 80 % des volumes de matériaux vendus sur le marché de l’impression 3D (17).
Thermoplastiques
Le polyéther-éther-cétone (PEEK) et le polystyrène sont des matériaux à base de carbone dont la résistance, la rigidité et les températures de fusion sont inférieures à celles des métaux et céramiques. Leur faible coût et leur mise en forme facile les rendent attrayants pour les applications de prototypages professionnels rapides. Le PEEK est intéressant de par sa biocompatibilité, sa radio-transparence et ses propriétés mécaniques proches de l’os humain (21). Il possède une stabilité thermique lui permettant de maintenir sa forme après passage à l’autoclave. Il est utilisé pour la fabrication d’implants, notamment crâniens (22). Mais son usage est limité en médecine du fait d’une ostéoconduction et d’une ostéointégration inférieures à celles du titane (22), même si certaines applications (implants crâniens chez l’enfant) bénéficient spécifiquement de l’absence d’ostéointégration. Le polystyrène est facile à manipuler et à modéliser du fait d’une faible dilatation thermique. Cependant, il est fragile (23), et sa faible stabilité thermique le rend sensible à la chaleur (24).
Les chefs de file des thermoplastiques sont l’acide polylactique (PLA) et l’acrylonitrile butadiènestyrène (ABS). Au chauffage, ils forment une structure molle et malléable facile à conformer par ajouts successifs de couches de matière sur un support. Le refroidissement de l’ensemble permet de retrouver un état solide. Ces deux thermoplastiques s’opposent cependant en termes de qualité de rendu final et donc d’accessibilité. En effet le PLA est peu coûteux mais sensible à l’humidité et à la chaleur. De son côté, l’ABS est résistant à la chaleur. Il permet d’obtenir un composé plus stable dans le temps et surtout accessible à la stérilisation, ce qui ouvre le champ des possibles dans le domaine médical. Il est également important de noter qu’il n’existe pas de PLA biocompatible à ce jour. Par ailleurs, il n’est pas encore clairement établi lequel de l’ABS ou du PLA est le matériau le plus résistant à la fatigue (25). D’une manière générale, ces plastiques présentent moins de rigidité et de résistance que le titane et un faible risque de déclencher une réaction inflammatoire (26).
D’autres plastiques peuvent être cités à titre d’exemples, comme le polyamide, onéreux mais autorisant un résultat solide, autoclavable, intéressant pour les guides chirurgicaux. Un autre plastique très intéressant est l’alcool polyvinylique (PVA). Ce dernier a la spécificité d’être soluble dans l’eau. Il trouve alors toute sa place dans la fabrication de support durant l’impression d’objets constitués d’un autre matériau, pour limiter les coûts et faciliter le temps de post-production (27).
Cependant, même si la gamme proposée ne cesse de croître, elle demeure limitée par rapport au panel des matériaux accessibles dans le cadre des procédés traditionnels. De plus, ces matériaux doivent être disponibles à l’état liquide, pulvérulent ou solide (sous forme d’un filament) en fonction du type de procédé de fabrication auxquel ils sont destinés. Le coût d’achat de la matière est un facteur non négligeable dans le prix de revient d’une pièce de fabrication additive. Ce coût varie selon des caractéristiques telle que la pureté du matériau ou sa granulométrie. À titre d’exemple, un kilo d’acide polylactique (PLA) en filament destiné à des imprimantes 3D grand public coûte quelques euros contre 200 à 600 euros pour des alliages de titane en poudre (17).
Résines
Les résines sont également très utilisées, sous forme d’un substrat liquide. Certaines d’entre elles sont biocompatibles (comme la résine Biomed Clear de chez Formlabs) et offrent une excellente finition. Ce sont des matériaux solides permettant de produire des modèles résistants à l’autoclave. Cependant elles nécessitent une certaine logistique afin de contrôler leurs propriétés chimiques. Par exemple, leur fluidité nécessite une agitation avant impression. Durant le post-traitement, un bain d’alcool est par ailleurs nécessaire pour en éliminer les impuretés et une cuisson ultraviolette (UV) est requise pour obtenir la solidité finale. Le résultat final peut être altéré en cas de coulée de résine à partir de pièces creuses durant la fabrication. En dehors du champ de la fabrication additive, ces résines sont d’utilisation courante dans le monde médical, notamment en laboratoire de prothèse dentaire pour la confection de guides de pose implantaire. L’impression 3D multiplie leurs applications (28, 29, 30). Ces résines sont hydroscopiques et se déforment par conséquent avec le temps en cas d’exposition à l’humidité (31).
D’une manière générale, pour les thermoplastiques et les résines, les questions de recyclage et d’économie circulaire n’ont pas encore été abordées à grande échelle. Ces questions sont difficiles lorsque le processus d’impression implique une transformation chimique de la matière première. Mais même dans les cas où le processus d’impression n’implique pas de transformation, peu de solutions de recyclage existent, souvent en raison de blocages imposés par les fabricants. Cette question de l’économie circulaire est d’autant plus importante que l’impression 3D est fortement impliquée dans le prototypage, avec par nature une faible durée de vie des objets produits.
Les métaux
Les métaux occupent une place importante dans l’industrie médicale : plus de 80 % des implants utilisés en médecine sont métalliques (32). Les implants métalliques sont malléables et ont une résistance mécanique élevée. Un point négatif réside dans leur sensibilité à la corrosion. Il est primordial que ces métaux et alliages répondent à certaines exigences. D’une part, ils doivent présenter une bonne soudabilité pour obtenir un résultat précis sans fissures durant la consolidation. D’autre part, la chaîne de production métallique se base sur l’usage de poudres métalliques : ces poudres doivent être d’une taille inférieure à dix micromètres pour répondre aux demandes de densité et d’homogénéité du résultat final (33).
Il existe plus d’une cinquantaine d’alliages métalliques différents utilisables en fabrication additive, principalement à base de titane, nickel, aluminium et cuivre, mais également d’acier ou de métaux précieux (34).
Ces métaux peuvent être catégorisés selon leurs propriétés en termes de biodégradabilité. Parmi les composés biodégradables se trouvent principalement des éléments à base de fer, magnésium, zinc et calcium. Du fait de l’avancée des procédés de fabrication additive, les métaux biodégradables présentent un nombre croissant d’applications, et leur place sera probablement majeure dans un futur proche.
La fabrication de dispositifs en titane est plus coûteuse et moins fiable avec des méthodes traditionnelles qu’avec l’impression 3D. En effet, les procédés de soudure augmentent le risque d’ajout d’impuretés dans le matériau, ce qui constitue des sources d’erreurs de précision et de fragilité. La fabrication additive limite ce risque. Ce sont surtout des alliages à base de titane, comme le Ti-6Al-4V 2, plus solide que le matériau pur, qui sont employés en chirurgie. Le Ti-6Al-4V a également comme avantage d’être biocompatible, résistant, ostéointégrateur grâce à sa porosité, et pouvant être imprimé avec précision. Il est particulièrement recommandé pour fabriquer des implants sur mesure ou des guides chirurgicaux. Sa porosité naturelle permet aux cellules de l’hôte de le coloniser rapidement (27). Le titane est malléable, permettant son modelage per-opératoire et l’adaptation des plaques de reconstruction aux reliefs osseux du patient (26). Cependant, le délai de production du métal, ses exigences techniques et ses possibilités d’ajustement per-opératoire peuvent en limiter l’attrait (35).
L’acier est un autre métal imprimé couramment. L’acier inoxydable est moins cher que le titane, avec une dureté et une résistance supérieures. Il souffre néanmoins d’une plus faible résistance à la corrosion, est associé à des artéfacts importants sur les examens radiologiques et présente un risque de réaction d’hypersensibilité en cas d’alliage avec du nickel. Il est davantage utilisé pour la fabrication d’instruments médicaux que d’implants (26, 36).
Les céramiques
Les céramiques (oxydes, nitrures, carbones) disposent de différentes propriétés intéressantes en industrie médicale. Elles présentent des caractéristiques proches de l’os, les rendant attrayantes dans le domaine du remplacement de défects osseux et de la régénération osseuse. En effet, elles présentent une similitude avec les composants inorganiques osseux natifs. Elles sont également hydrophiles, bioactives, ostéoconductrices et ostéoinductrices (37). Elles sont isolantes et résistantes à la dégradation thermique ou corrosive. Ce sont les plus rigides comparées aux polymères et aux métaux, et donc les plus difficiles à remodeler une fois leurs poudres liées (38). Certaines céramiques sont biocompatibles et biodégradables, comme les céramiques de phosphate de calcium, de silicate de calcium ou les verres bioactifs. Leur dégradation produit des dérivés non-toxiques et génère une réponse inflammatoire minimale (39).
Plusieurs substrats en céramique ont vu le jour pour améliorer les propriétés du matériau de base, permettant la propagation des cellules, le transport de nutriments, de l’oxygène, des déchets cellulaires et des facteurs de croissance. Ces innovations permettent de favoriser la croissance osseuse (40, 41).
Il est cependant important de noter qu’une fois imprimé, l’objet en céramique doit subir une étape de post-traitement spécifique par émaillage, avec un séchage à plus de 1000 °C, permettant d’obtenir le durcissement souhaité (27).
Les composites
Les matériaux composites sont de plus en plus utilisés dans les applications d’impression 3D. La combinaison de divers matériaux permet d’améliorer les propriétés du matériau principal. Par exemple, la rigidité et la ductilité d’un matériau d’origine peut être améliorée par ajout de verre (38). On peut également y adjoindre des médicaments (42) ou des facteurs de croissance (43). On peut améliorer la surface et réduire la porosité de pièces métalliques en utilisant un composite métallique avec des liants organiques thermoplastiques et thermodurcissables (44).
3.3 Différents types d’imprimantes
Au fur et à mesure que s’est diffusée l’impression 3D, de nouveaux brevets présentant de nouveaux moyens de production ont vu le jour. Ces procédés d’impression se différencient par leur source d’énergie et par les matériaux utilisés. Aujourd’hui, certaines imprimantes ont la capacité de cumuler les matériaux utilisables et la gamme de matériaux disponibles ne cesse de s’étendre. Afin de clarifier les dénominations employées, une classification a été mise en place dans le cadre de la norme NF ISO 17296-2 (45). Cette norme permet de classer les techniques d’impression selon les mécanismes physiques de transformation des matériaux. Cette classification présente sept catégories de procédés d’impression 3D (33, 46) :
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photopolymérisation en cuve,
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projection de matière,
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projection de liant,
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fusion sur lit de poudre,
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extrusion de matière,
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dépôt de matière sous énergie concentrée,
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stratification de couches ou stratoconception.
Pour plus de simplicité, nous avons préféré nous appuyer sur une autre classification regroupant quatre familles. Les principales différences entre ces familles résident dans la manière dont les couches se déposent et dans le coût de fabrication (7, 17, 38, 45, 47, 48).
La photopolymérisation
Ce procédé est le premier à avoir vu le jour dans l’histoire de l’impression 3D. Il repose sur la solidification de polymères liquides sensibles à la lumière UV. L’impression est obtenue grâce à une source lumineuse qui, venant se refléter sur une résine photosensible, va permettre son durcissement et sa polymérisation (figure 3). La progression de l’édification 3D de l’objet est obtenue par le déplacement vertical d’un plateau de construction.
On y retrouve plusieurs techniques selon la nature de la source lumineuse :
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la stéréolithographie,
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la Digital Light Processing,
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la projection de matière.
La stéréolithographie
La stéréolithographie (SLA) est née des travaux de Kodama dans les années 1980, puis a été le premier procédé commercialisé. La photopolymérisation est obtenue par un laser qui balaie la surface d’un matériau photosensible (figure 4), généralement une résine. Deux étapes de post-traitement sont nécessaires après polymérisation : (1) un bain de solvant pour nettoyer l’objet produit, et (2) une phase de cuisson dans un four UV pour augmenter sa solidité.
La Digital Light Processing
Cette technique repose sur le même principe de photopolymérisation, mais la source lumineuse provient ici de plusieurs lampes UV (figure 5). La lumière est envoyée sur une puce composée de millions de miroirs. Un système de filtres contrôle le passage de la lumière. La polymérisation s’effectue simultanément sur l’ensemble de la surface exposée. Sans étape de balayage lumineux, le gain de temps est important.
Projection de matière
S’éloignant des méthodes classiques de photopolymérisation, la projection de matière ou polyjet envoie par jets successifs, à l’image d’une imprimante jet d’encre, des gouttelettes de matière sur la surface de la zone de fabrication (figure 6). Deux familles de matériaux peuvent être utilisées :
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des résines photosensibles qui seront photopolymérisées par une source lumineuse solidaire à la tête d’impression ;
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des cires déposées à l’état liquide et qui vont par la suite refroidir.
Plusieurs matériaux aux propriétés physiques et mécaniques différentes peuvent être mélangés lors du processus de fabrication.
Liage de poudres
Cette technique permet l’usage d’un nombre élevé de matériaux, initialement sous forme de poudres, qui seront agglomérées ou fusionnées à chaud. Trois sous-familles d’impression 3D par liage de poudres ont été développés :
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projection de liant,
-
frittage laser,
-
dépôt de filament fondu.
Projection de liant
C’est à ce procédé qu’on doit la dénomination d’impression 3D. Développée dans les années 1990, l’impression par projection de liant a été brevetée sous le nom de « 3D printing », introduisant ainsi l’appellation qui remplace souvent le terme de fabrication additive (17). Elle est également la première méthode par liage de poudre mise au point. Comme pour la projection de matière, des têtes d’impression vont projeter un liant liquide sur un lit de poudre (polymères, métaux, céramique) (figure 7). L’un des principaux avantages est l’impression en couleurs.
Cependant les pièces obtenues par cette technique sont généralement fragiles, même après un post-traitement. Ce dernier peut se faire par frittage (50), à savoir faire chauffer une poudre sans la mener jusqu’à la fusion. Sous l’effet de la chaleur, les grains se soudent entre eux, ce qui augmente la cohésion de la pièce. L’autre possibilité est l’infiltration qui vise à fermer la surface de l’objet avec une résine spécifique afin de le rendre plus stable et mieux protégé de la contamination, avec une résistance à la compression et une étanchéité plus élevées (51).
Frittage laser
Le frittage laser, de l’anglais Selective Laser Sintering (SLS), repose sur le chauffage de poudre jusqu’à sa fusion. Une nouvelle couche de poudre est déposée après fusion de la précédente et le processus se répète (figure 8). Cette méthode utilise classiquement des polymères (thermoplastiques) fusionnés par un laser CO2, ou par un laser YAG pour les poudres métalliques.
Dans la même famille, le Direct Metal Laser Sintering (DMLS) utilise également un lit de matière pulvérulente en fusion mais sollicite des poudres métalliques et non des matières plastiques. La technologie utilisée est celle du frittage, ce qui la distingue du Selective Laser Melting (SLM) qui apporte les métaux à température de fusion.
Les brevets protégeant le SLS sont tombés dans le domaine public en février 2014, permettant le développement de nouvelles machines plus accessibles.
À noter que la densité d’énergie du laser affecte les propriétés mécaniques finales de l’objet. Le degré de frittage est positivement corrélé à la densité d’énergie du laser, à la densité des pièces (49), et donc à une meilleure résistance à la fatigue (23). En effet, plus la densité est faible, plus on trouve dans l’objet fini des particules de poudre non fondues pouvant être à l’origine de l’initiation d’une fissure (50). Si plusieurs poudres sont utilisées, elles doivent présenter une bonne affinité. Dans le cas contraire, la pièce risque de perdre en rigidité et donc de rompre.
Dépôt de filament fondu
Cette technique, dite Fused Deposition Modeling (FDM), a été développée à la fin des années 1980. Son brevet est tombé dans le domaine public au milieu des années 2000, la rendant accessible au grand public. La FDM repose sur l’extrusion de matière. À l’image d’un pistolet à colle, le matériau est chauffé au-delà de sa température de fusion. Une buse vient ensuite le déposer sous forme de gouttelettes sur le plateau d’impression (figure 10). La solidification par refroidissement est quasi immédiate, permettant la dépose d’une couche supplémentaire par addition.
Initialement développée en utilisant des polymères thermoplastiques, la FDM a récemment élargi son champ d’application avec l’apparition du bioprinting, permettant la fabrication d’un tissu biologique à partir de cellules vivantes. La FDM peut également être utilisée dans l’industrie alimentaire ou même dans le bâtiment et les travaux publics.
Il existe des imprimantes multibuses (jusqu’à quatre) permettant de déposer plusieurs matériaux simultanément, intéressantes pour limiter le coût de production en utilisant un matériau moins cher pour le socle, ou bien utiles pour combiner des propriétés différentes ou plusieurs couleurs au sein d’un même objet fini.
La qualité ainsi que la précision de l’objet imprimé dépendent essentiellement du diamètre de la tête d’impression et de l’épaisseur du fil de matière.
Une revue de la littérature a mis en évidence que l’orientation de la trame d’impression était cruciale pour la durée de vie et de fatigue du produit : l’orientation de trame de 45°/45° permet la meilleure résistance à la fatigue (25). D’autres paramètres à prendre en compte sont l’orientation de l’impression, la hauteur de couche et le remplissage. L’orientation de l’impression détermine la direction de la contrainte, la hauteur de la couche affecte la cohésion entre les couches, et le remplissage affecte la rigidité ainsi que la densité de la pièce (53).
Dépôt de matière sous énergie concentrée
Il s’agit d’un procédé à mi-chemin entre le liage de poudre et le dépôt de filament. La matière peut être déposée sur une surface amenée à température de fusion par une source d’énergie, avec l’apport simultané d’un jet de poudre ou d’un filament de matière (figure 10a). S’y ajoute l’apport d’un gaz protecteur permettant de cibler les zones exposées à la source d’énergie. Ce procédé sert exclusivement à produire des objets en métal.
Les poudres polymères en première ligne
Le développement de ces nouvelles technologies a vu une modification des matériaux utilisés. Le rapport Wohler de 2022 (16) montre qu’en 2021 ce sont pour la première fois les poudres polymères qui sont les plus utilisés, principalement par frittage laser ou jet de liant, avec une augmentation de leur consommation de 43,4 % par rapport à 2020. Dans une récente étude du cabinet Context (55), la hausse des ventes d’imprimantes 3D de bureau SLS à bas coût est avancée comme début d’explication.
Une sous-famille n’utilisant pas de gaz protecteur permet la fusion de poudres métalliques par un faisceau d’électrons, d’où son appellation de E-beam pour l’anglais electron beam (figure 10b). Il en existe une variante nécessitant de travailler dans un environnement sans gravité, développée par la National Aeronautics and Space Administration (NASA).
Stratification de couches
Il s’agit d’un procédé un peu à part dans la fabrication additive, dans lequel de la matière va être apportée et soustraite par stratification de couches. Des plaques de matériaux sont déposées successivement pendant qu’un système de découpe en donne l’architecture tridimensionnelle avant qu’elles ne soient reliées entre elles (figure 11).
Tous les matériaux existants sous forme de plaques peuvent être utilisés. Par exemple le laminage de papier ou Selective Deposition Laminated (SDL), permettant de produire des objets très colorés à faible coût. Le papier peut également être utilisé au sein de matériaux composites avec des thermoplastiques, métaux ou céramiques.
4 Applications de l’impression 3D
4.1 Applications générales
Jusqu’aux années 1990, les prototypes industriels devaient être construits par des maquettistes qualifiés à partir de dessins techniques 2D – un processus long et coûteux. Avec l’avènement des technologies de fabrication additive et de la CAO, des prototypes peuvent désormais être produits rapidement à partir de modèles informatiques 3D. Ce prototypage rapide a constitué le vecteur de développement de l’impression 3D en permettant une fabrication à la demande, de petites séries si nécessaire, avec la possibilité de proposer du sur mesure (7).
C’est dans le domaine de l’aéronautique que l’impression 3D s’est initialement répandue, avec une utilisation courante aujourd’hui pour la production de pièces détachées. En 2015, Stratasys, entreprise spécialisée dans l’impression 3D, déclarait que plus de mille pièces étaient manufacturées par fabrication additive dans les nouveaux Airbus (56). Cette technologie permet d’améliorer la rentabilité de production en diminuant de 90 % les pertes de matière et la consommation d’énergie, tout en fournissant des pièces résistantes. Ces pièces sont entre 30 et 55 % plus légères que celles manufacturées par des procédés traditionnels (57). Le domaine spatial s’investit également dans cette technologie, à l’image des réalisations de la NASA (58) ou encore de SpaceX (59).
Autre secteur industriel important, le domaine de la défense et de l’armée, a été pionnier dans l’impression 3D. À titre d’exemple, d’après l’armée américaine (données de 2010), la fabrication additive réduirait de 97 % les coûts de production et de 83 % le temps de production de divers équipements militaires (60).
La fabrication additive a également ouvert de nouvelles possibilités de conception pour les constructeurs automobiles, initialement grâce au prototypage rapide (61). Puis l’impression 3D a permis de réaliser des tests de design, de l’outillage, et enfin d’aller jusqu’à la production d’une voiture entière imprimée en 3D par le studio de conception technique allemand EDAG en 2010 (62). En France, le groupe Renault a intégré la fabrication additive dans son champ de compétences depuis une vingtaine d’années, avec notamment un site spécialement dédié en région parisienne afin de répondre à une demande interne à l’entreprise mais également externe, en particulier pour les voitures d’occasion nécessitant le remplacement de pièces détachées (Refactory, sur le site de Flins) (63).
De nombreux autres secteurs industriels comme le bâtiment (64, 65) ou l’alimentaire (64, 66) exploitent la fabrication additive pour obtenir des allégements de masse grâce à l’utilisation des formes complexes, pour simplifier les assemblages, voire pour pallier des difficultés liées à l’usinage de certains métaux. Enfin, c’est auprès des particuliers que cette technologie s’est également implantée, avec l’arrivée sur le marché d’imprimantes accessibles et le développement d’entreprises d’impression 3D à la demande (67) et de fablabs (68).
Lux Research, société proposant des solutions de recherche et de conseil basé sur la technologie, a estimé en 2013 que la taille du marché de l’impression 3D augmenterait considérablement en raison de l’utilisation croissante de cette technologie dans les domaines de l’industrie automobile, médicale et aérospatiale. Ces industries devraient représenter 84 % du marché de l’impression 3D d’ici 2025 (69).
4.2 Applications médicales
En 2019, 13 % des revenus de l’industrie 3D étaient issus du domaine médical (33, 17). D’après l’étude de Lux Research, en 2012, le segment médical du marché mondial de la fabrication additive était seulement de 11 millions de dollars. Mais avec la diminution des coûts, le marché devrait atteindre 1,9 milliard de dollars en 2025 (18, 70).
L’impression 3D est au cœur du développement de la médecine personnalisée utilisant des dispositifs sur mesure (20).
La bio-impression est un jalon technologique en passe d’entrer dans la pratique courante (71). Elle se définit comme « l’utilisation de technologies d’impression assistée par ordinateur permettant l’arrangement et l’assemblage de structures vivantes ou non, avec une organisation en deux ou trois dimensions, afin de produire des structures composites qui pourront être utilisées pour des applications en médecine régénératrice, pour des études pharmacocinétiques, ou bien pour des travaux fondamentaux de biologie cellulaire » (72). De nombreux biomatériaux sont imprimables en 3D : polymères, hydrogels de soutien cellulaire, collagènes, acide hyaluronique, gélatine, alginate, fibrine (46), mais les efforts de développement sont actuellement focalisés sur l’impression de tissus comme la peau ou le muscle strié squelettique (73). Récemment les chercheurs de l’Australian Research Council Centre of Excellence for Electromaterials Science (AECS), rattachés à l’université de Wollongong, ont conçu un crayon, le « BioPen », capable d’imprimer des cellules souches (nerveuses, musculaires, osseuses) directement sur des zones lésées (74).
L’ingénierie de tissus et d’organes personnalisés dans un microenvironnement biologique spécifique d’un patient a connu une importante avancée en 2019. Une équipe israélienne a imprimé des patchs cardiaques aux propriétés immunologiques, cellulaires, biochimiques et anatomiques spécifiques d’un patient, avec des cellules programmées pour devenir des cellules souches pluripotentes et différenciées en cardiomyocytes et en cellules endothéliales. Ces chercheurs ont placé ces patchs dans une matrice extracellulaire en hydrogel personnalisée, permettant ainsi de réaliser la première transplantation cardiaque manufacturée par fabrication additive (75). Pour la première fois, une jambe prothétique a été imprimée en 2008 (8). Le développement de la bio-impression est cependant limité par la qualité de fabrication, la biodégradation et l’exigence de biocompatibilité (46).
L’impression 3D est également utilisée dans l’industrie pharmaceutique. Autorisé en 2015 par la Food and Drug Administration (FDA), le premier médicament imprimé en 3D a été commercialisé aux États-Unis en avril 2016. Sa substance active est le lévétiracétam. La pilule, plus poreuse grâce à l’impression 3D, se dissout plus rapidement, facilitant son ingestion par les personnes atteintes de dysphagie ou de troubles de la déglutition (76). De ce fait, l’impression 3D permet de concevoir des dispositifs avec des géométries internes complexes, des densités variables, combinant les principes actifs et leurs excipients de manière contrôlée. Ces médicaments, dont la libération retardée pourra par exemple être optimisée, auront des teneurs en principes actifs plus faibles si nécessaire, avec une dureté et une friabilité comparables aux techniques de fabrication classiques (9). L’utilisation de l’impression 3D permet une efficacité augmentée pour une toxicité diminuée. L’impression 3D fournit par ailleurs une méthode de production à faible coût et sécurisée pour des formes posologiques individuelles pouvant être adaptées aux besoins d’un patient, notamment par FDM, ou plus récemment par SLS (77, 78, 79).
4.3 Applications en chirurgie, chirurgie maxillo-faciale et stomatologie
En chirurgie générale
En chirurgie, l’impression 3D a d’abord permis de produire des modèles anatomiques, offrant à l’opérateur une meilleure visualisation et compréhension de l’anatomie du patient, avec anticipation des potentielles difficultés per-opératoires et une meilleure planification du geste. Les modèles 3D peuvent également être utilisés pour conformer du matériel d’ostéosynthèse standard sur l’anatomie du patient. Ces modèles sont enfin des outils pédagogiques performants pour les soignants et les patients, qui sont accompagnés dans leur consentement éclairé par une information améliorée (80, 81, 82, 83, 84, 85). En 2018, la Mayo Clinic déclare avoir imprimé plus de trois mille modèles anatomiques. Son activité a débuté en 2006 (86).
L’impression 3D a par ailleurs permis la fabrication de divers dispositifs patient-spécifiques pour une grande variété de spécialités chirurgicales, comme des prothèses de membres ou articulaires en orthopédie, ou des prothèses vasculaires, et divers dispositifs d’aide à la chirurgie comme des guides de coupe. En 2016, Tack et al. (87) proposent une revue systématique de la littérature sur les différentes techniques d’impression 3D utilisées en chirurgie (figure 12). Ces auteurs rapportent une augmentation importante des publications dans ce domaine depuis les années 2013–2015, avec comme application principale la production de guides chirurgicaux, suivie des modèles anatomiques. Les disciplines ayant le plus investi dans cette technologie sont l’orthopédie, avec principalement la chirurgie articulaire (et surtout du genou), puis la chirurgie maxillo-faciale. Les principaux arguments en faveur de l’utilisation de l’impression 3D rapportés par les chirurgiens sont la réduction du temps chirurgical (jusqu’à moins 70 minutes pour une craniectomie avec pose d’implant imprimé), l’amélioration des résultats et la diminution de l’exposition aux radiations per-opératoires (en orthopédie) (87).
Une autre revue de la littérature sur les applications de l’impression 3D en chirurgie a cherché à identifier les principaux avantages et inconvénients de cette technologie (88). Elle a recensé 158 études publiées entre 2005 et 2015. Les principaux dispositifs produits étaient des modèles anatomiques (n = 113 ; 71,5 %) puis des guides chirurgicaux (n = 40 ; 25,3 %). Les avantages principaux rapportés par les auteurs étaient les possibilités de planification opératoire (n = 77 ; 48,7 %), la précision du geste (n = 53 ; 33,5 %) et le gain de temps opératoire (n = 52 ; 32,9 %). Cependant, 34 études (21,5 %) ont souligné que la précision n’était pas satisfaisante. Le temps nécessaire pour préparer l’objet à imprimer (n = 31 ; 19,6 %) et les coûts supplémentaires (n = 30 ; 19 %) ont également été considérés comme des limitations à l’utilisation courante de l’impression 3D.
En résumé, trois types de dispositifs sont principalement produits par impression 3D sont couramment utilisés en chirurgie.
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Les modèles anatomiques, utiles en pré-opératoire pour la préparation de l’intervention, l’information au patient, et la formation des professionnels de santé.
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Les guides chirurgicaux, utilisés en chirurgie osseuse; ils servent à aider le chirurgien à réaliser des ostéotomies, guider le positionnement des bases osseuses, ou encore à l’ostéosynthèse.
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Les implants personnalisés, de la prothèse dentaire à la prothèse de genou, avec de nombreuses applications restant à explorer.
Spécificités de la chirurgie maxillo-faciale
Avec la chirurgie orthopédique (81), la chirurgie maxillo-faciale et la stomatologie sont les disciplines phares dans l’exploitation des possibilités offertes par l’impression 3D.
En traumatologie, la planification des interventions a bénéficié de la conformation du matériel d’ostéosynthèse sur des modèles anatomiques sur mesure de fractures complexes (figure 13) (89, 90). Il est également possible d’imprimer directement du matériel d’ostéosynthèse sur mesure, notamment en titane (91, 92, 93). L’impression 3D joue un rôle-clé dans les cas secondaires complexes en associant la production d’un modèle anatomique, de guides de coupe et de plaques d’ostéosynthèse, comme par exemple pour les ostéotomies de repositionnement zygomatique (94).
La chirurgie reconstructrice bénéficie tout autant de la fabrication additive : en chirurgie carcinologique (11, 95, 96, 97, 98, 99) avec la réalisation de lambeaux osseux sur mesure grâce à des guides de coupe imprimés selon les données radiologiques du patient (100, 101, 102) ou en chirurgie crâniofaciale avec la confection de plaques sur mesure, d’implants crâniens patient-spécifiques et de guides de coupe (103, 104). Enfin, une grande diversité d’implants d’apposition peuvent être imprimés sur mesure, pour des gestes de symétrisation dans des syndromes comme Parry-Romberg ou Goldenhar (figure 14), ou encore dans un cadre esthétique (105).
Dans les microsomies craniofaciales, la fabrication additive permet la production de guides et le positionnement de distracteurs osseux (106, 107), et d’implants d’apposition pour symétrisation (105). Dans le domaine de la reconstruction, l’impression de biomatériaux est une perspective enthousiasmante mais reste encore du domaine de la recherche (108).
Lorsque les limites de la chirurgie reconstructrice sont atteintes, après exérèse carcinologique, traumatisme ou malformation sévère, les épithèses faciales peuvent offrir des solution intéressantes, surtout lorsqu’elles sont fixées au visage par des implants en titane ostéointégrés (109, 110). La production de prothèse demande traditionnellement un savoir-faire manuel de haut niveau (reproduction de la texture de la peau ou de la teinte de l’iris par exemple) mais l’impression 3D, notamment en silicone (111), est en train de révolutionner ce champ d’activité.
Dans ce domaine, l’équipe d’otorhinolaryngologie (ORL) du centre hospitalier universitaire (CHU) de Toulouse a récemment reconstruit un nez à partir d’un modèle imprimé, mis en nourrice dans le bras du patient afin d’être recouvert d’un revêtement vascularisé avant d’être greffé sur le site final avec anastomoses vasculaires microchirurgicales (112).
En chirurgie cranio-faciale, l’impression 3D peut permettre la fabrication d’implants sur mesure afin de combler une perte de substance de la voûte, notamment après craniectomie de décompression (106).
En chirurgie transgenre ou esthétique, l’impression 3D aidera à redéfinir les contours du visage à l’aide de guides de coupe sur mesure (105, 113).
En stomatologie et chirurgie orale, plus spécifiquement en implantologie, l’impression 3D est d’utilisation courante pour produire des guides de positionnement implantaires sur mesure, augmentant la précision du geste tout en diminuant sa durée (114). En dentisterie générale, l’impression 3D permet des restaurations précises en tout-céramique économes en matériaux (13) par la production de moules et d’implants dentaires directement dans les cabinets (115).
La chirurgie orthognathique est un autre domaine où les applications de l’impression 3D sont entrées dans la pratique courante. La planification des ostéotomies augmente la précision du geste et améliore les résultats. La fabrication additive permet de produire des modèles anatomiques, des gouttières d’occlusion, des guides de coupe, de positionnement et de forage et des plaques d’ostéosynthèse sur mesure (116, 117, 118, 119, 120). Le cas de la chirurgie orthognathique sera traité en détails dans le deuxième chapitre de cet ouvrage.
Dans le domaine de la chirurgie des articulations temporo-mandibulaires (ATM), en cas d’atteinte terminale de l’articulation, d’exérèse carcinologique ou d’absence congénitale de celle-ci, la fonction articulaire peut être restaurée par remplacement prothétique. Cette chirurgie controversée du fait de ses échecs initiaux (121), devient de plus en plus courante avec de bons résultats fonctionnels et une plus faible morbidité. Ce gain de fiabilité est le résultat de la conception de prothèses sur mesure. Elle se fait après planification 3D, fabrication de guides de coupe et de positionnement ou directement par impression 3D de la prothèse ou d’un de ses composants (121).
La part de la technologie 3D dans les soins ne se limite pas à l’impression 3D. Une plateforme 3D peut également permettre de produire des modèles numériques qui ne seront pas systématiquement imprimés, mais qui peuvent servir à produire diverses mesures selon les besoins des praticiens (angles, volumes tumoraux, modification de surface). Un exemple de cette application est l’évaluation a posteriori des résultats chirurgicaux afin d’évaluer une technique chirurgicale (122).
5 Aspect règlementaire
De nombreuses lois et normes encadrent la conception et la production des dispositifs médicaux. On retrouve des éléments de protection de l’individu et de l’environnement, notamment régulées par des textes comme le Code du travail, ou encore la loi Santé et sécurité au travail (LSST) (123, 124).
Durant les dernières années, l’Union européenne (UE) s’est attachée à revoir entièrement l’encadrement réglementaire de la production de dispositifs médicaux (DM), initialement défini par la directive européenne 2001/83/CE, le règlement CE 178/2002, le règlement CE 1223/2009 et les directives du Conseil 90/385/CEE et 93/42/CEE, datant des années 1990. Cette révision a abouti à l’adoption d’un nouveau règlement par le Parlement européen et le Conseil de l’Europe le 5 avril 2017, relatif aux dispositifs médicaux : UE 2017/745 (125). Ce règlement est entré en application le 26 mai 2020 et reste en cours de mise en place (126).
Cette révision règlementaire se justifie par de nouveaux objectifs (128, 129) : renforcer la sécurité sanitaire (130) par l’augmentation des exigences des organismes notifiés (en France, le GMED) (131), et cadrer l’évaluation par des essais cliniques des dispositifs médicaux avant leur mise sur le marché (2). Ce faisant, elle permet d’améliorer la visibilité de ces dispositifs sur le marché en étendant une base de données existante pour les dispositifs de production industrielle : l’European database on medical devices (EUDAMED) (132). Dans un souci de transparence, cette nouvelle version d’EUDAMED contiendra de nombreuses informations sur le dispositif (informations économiques, techniques, cliniques). Une partie de ces informations sera accessible aux autorités compétentes de chaque état membre, et à la Commission européenne, à l’exclusion des données spécifiques de patients. D’autres seront également rendues publiques, comme le certificat de vente libre présentant un DM comme sur le marché ou retiré. Le nouveau règlement permet également une nouvelle identification unique de ces DM, le Unique Device Identifier (UDI). Cette dernière est utile afin de faciliter la gestion de la base de données EUDAMED. Cette harmonisation règlementaire au sein de l’Union européenne favorise la libre circulation des dispositifs.
Ces nouvelles exigences entraînent une augmentation du nombre d’essais cliniques en rapport avec ces dispositifs, et retardent leur mise sur le marché (133) en augmentant la durée d’évaluation ou en indiquant leur retrait du marché (134).
Le règlement européen insiste sur la différence entre une investigation clinique et une évaluation clinique. Une investigation clinique est définie comme « toute investigation systématique impliquant un ou plusieurs sujets humains utilisés pour évaluer la sécurité ou les performances d’un dispositif ». Un essai clinique est ainsi une évaluation clinique. D’après le règlement, une évaluation se fonde sur des sources de données plus larges. Elle prend en compte toutes les données scientifiques pertinentes disponibles (issues par exemple de données techniques et précliniques) auxquelles s’ajoutent les données cliniques issues d’une investigation clinique.
5.1 Définitions
Dispositif médical
Dans l’optique d’une utilisation médicale dans la pratique courante d’un soignant, les divers éléments manufacturés par le biais de la fabrication additive doivent être encadrés par diverses lois au titre de DM. Les DM représentent un ensemble de produits de santé très hétérogène, regroupant des dispositifs de soins simples (seringues, aiguilles), des dispositifs médicaux implantables (prothèse de hanche, stimulateur cardiaque), ou encore des dispositifs d’imagerie (scanner, IRM).
Le Code de la santé publique donne la définition d’un DM dans son article L. 5211-1 (135) Cette définition a connu plusieurs modifications au cours des dernières décennies par l’adoption de plusieurs directives (136, 137). Dernièrement, c’est l’adoption du règlement du Parlement européen et du Conseil de l’Europe du 5 avril 2017 relatif aux DM : UE 2017/74 (118), qui vient actualiser cette définition. Celle-ci est commune à l’ensemble des États membres de l’Union européenne.
Ainsi, selon l’article 2.1 du premier chapitre du règlement UE 2017/745, un DM se définit par :
Tout instrument, appareil, équipement, logiciel, implant, réactif, matière ou autre article, destiné par le fabriquant à être utilisé, seul ou en association, chez l’homme pour l’une ou plusieurs des fins médicales précises suivantes :
diagnostic, prévention, contrôle, prédiction, pronostic, traitement ou atténuation d’une maladie ;
diagnostic, contrôle, traitement, atténuation d’une blessure ou d’un handicap, ou compensation de ceux-ci ;
investigation, remplacement ou modification d’une structure ou fonction anatomique ou d’un processus ou état physiologique ou pathologique ;
communication d’information au moyen d’un examen in vitro d’échantillon provenant du corps humain, y compris les dons d’organes, de sang.
Et dont l’action principale voulue dans ou sur le corps humain n’est pas obtenue par des moyens pharmacologiques ou immunologiques ni métabolisme, mais dont la fonction peut être assistée par de tels moyens. Les produits ci-après sont également réputés être des dispositifs médicaux :
Les dispositifs destinés à la maîtrise de la conception ou à l’assistance de celle-ci ;
les produits spécifiquement destinés au nettoyage, à la désinfection ou à la stérilisation des dispositifs médicaux, de leurs accessoires et des produits de l’annexe XVI, et de ceux visés au premier alinéa du présent point.
Le champ d’application de cette nouvelle définition est ainsi étendu par rapport à la définition antérieure, incluant des produits sans finalité médicale. À titre d’exemple dans le contexte de l’impression 3D, les modèles anatomiques à usage thérapeutique (et non pédagogique) qui n’étaient pas considérés comme des DM selon la directive 93/42/CEE, entrent dorénavant dans cette catégorie de produits (138).
Sur mesure
Dans le cadre d’une médecine patient-spécifique, le caractère « sur mesure » du DM soulève des questions réglementaires propres. Le « sur mesure » est également encadré par le nouveau règlement UE 2017/745 relatif aux DM, qui en donne la définition suivante :
Tout dispositif fabriqué expressément suivant la prescription écrite de toute personne habilitée par la législation nationale en vertu de ses qualifications professionnelles, indiquant, sous sa responsabilité, les caractéristiques de conception spécifiques, et destiné à n’être utilisé que pour un patient déterminé et exclusivement en réponse aux besoins et à l’état de santé de ce patient.
Un DM imprimé en 3D pour un patient donné répond à cette définition, bien que ce cadre ne soit pas spécifique de la fabrication additive et ne tienne pas compte de ses particularités techniques (figure 16).
Il est important de distinguer le cas spécifique du DM « adapté au patient », qui n’est pas synonyme de « sur mesure ». Il s’agit dans ce cas d’un DM au design standardisé venant s’adapter à l’anatomie spécifique d’un patient pour une partie de sa conception. Ce point est important à souligner car ce second cas se produit au sein des établissements hospitaliers selon l’article 5.5. Ce n’est pas le cas du DM sur mesure, auquel le règlement s’applique dans son intégralité.
Classification
Le règlement UE 2017/745 classe tous les DM et leurs accessoires 3 en quatre classes : I, IIa, IIb, III (139, 140). Chaque classe est définie selon les annexes VIII et IX du règlement UE 2017/745. Le nouveau règlement ne modifie pas les définitions des catégories préexistantes, mais change les règles de classification et révise les exigences de conformité.
Le fabricant du DM a pour rôle de classer son dispositif. Selon l’article 51.2 du règlement, « tout litige entre le fabricant et son organisme notifié concernant les règles de classification est soumis pour décision à l’autorité compétente de l’État membre dans lequel le fabricant a son siège social ».
Selon la directive 93/42 CEE, cette classification était opérée selon la notion de niveau de risque du DM, en fonction des éléments suivants :
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sa durée d’utilisation,
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son usage continu ou discontinu,
-
le site d’application au niveau du corps humain,
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la possibilité ou non de réutilisation,
-
qu’il soit à visée thérapeutique ou diagnostique.
La classe telle que présentée au tableau 2 doit être renseignée sur la notice d’instruction, sur l’étiquette et sur les documents promotionnels du DM.
Le règlement fournit 22 règles pour aider le fabricant à classer son DM. Ces règles sont réparties en quatre groupes :
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DM non invasifs,
-
DM invasifs,
-
DM actifs,
-
DM soumis à des règles particulières – par exemple risque potentiel des nanoparticules (règle 19) ou DM composé de substances pharmaceutiques absorbées par le corps (règle 21).
À noter que le point 3.5 de l’annexe VIII stipule que si plusieurs règles ou, dans le cadre d’une même règle, plusieurs sous-règles s’appliquent au même dispositif, alors la règle ou la sous-règle qui s’applique est la plus stricte, le dispositif étant classé dans la classe la plus élevée.
La classe du DM détermine le niveau d’exigence du règlement (tableau 3). En effet, la classification va impacter :
la procédure d’évaluation de la conformité (article 52) ;
les investigations cliniques (article 70) – plus la classe est forte, plus le délai d’évaluation par l’autorité compétente est long ;
la surveillance après commercialisation (article 86) – par exemple, fréquence différente de mise à niveau des informations selon la classe ;
les informations à communiquer (articles 29.4, 32, 56.5) – par exemple, pas besoin de certificat pour la classe I à l’inverse des autres classes ;
la traçabilité – par exemple, une carte d’implant est remise au patient pour des DM classes IIb et III (article 18).
Le nouveau règlement européen reclasse souvent des dispositifs préexistants dans une catégorie de risque supérieur. Par exemple, pour un dispositif de classe IIb passant en classe III, les investigations cliniques qui étaient facultatives deviennent obligatoires et le fabricant dispose d’un choix de conformité plus limité. Selon la classe du DM, le chemin à suivre au cours de son évaluation varie (tableau 3).
Pour aider à la classification d’un DM, la Commission européenne fournit une série de documents d’orientation destinés à aider les parties concernées à mettre en œuvre les règlements. Ces documents sont juridiquement non contraignants et ont pour objectif principal d’assurer une application uniforme des règlements. Ces guides sont disponibles sur internet 4 sur le site de l’UE (142).
Parmi les nouvelles règles introduites par le règlement, se trouve également la règle 11 relative aux logiciels. Ceux-ci doivent être classés en quatre classes selon les risques. Ainsi, un logiciel commandant un DM ou agissant sur son utilisation relève automatiquement de la même classe. Les logiciels destinés à fournir des informations utilisées pour prendre des décisions à des fins thérapeutiques ou diagnostiques révèlent de la classe IIa, sauf si ces décisions ont une incidence susceptible de causer :
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la mort ou une détérioration irréversible de l’état de santé d’une personne, auxquels cas ils relèvent de la classe III ;
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une grave détérioration de l’état de santé d’une personne ou une intervention chirurgicale, auxquels cas ils relèvent de la classe IIb.
Tous les autres logiciels relèvent de la classe I.
5.2 Mise sur le marché
Marquage CE
Les démarches permettant d’obtenir l’autorisation de mise sur le marché (AMM) d’un DM dépendent de sa classe. Les dispositifs de classe I sont auto-certifiés par le fabricant. Les dispositifs appartenant aux autres classes doivent être évalués par un organisme notifié librement choisi par le fabricant (27). L’AMM est conditionnée par l’obtention du marquage de conformité européenne (CE) (125, 136). Pour obtenir le marquage CE, le fabricant doit démontrer la performance et la sécurité du dispositif par la mise en place d’un plan de gestion des risques, d’une évaluation préclinique, et – depuis le règlement UE 2017/745 (125) – d’une évaluation clinique visant à identifier les évènements porteurs de risques et évènements indésirables afin d’adapter les pratiques et usages du DM. On parle de « suivi clinique après commercialisation » (SCAC). Il est obligatoire pour tout dispositif médical de toute classe. Cette notion est définie par l’article 61 du règlement, qui stipule qu’« une évaluation clinique doit suivre une procédure définie et méthodologiquement valable basée sur les éléments suivants :
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une évaluation critique de la littérature scientifique pertinente actuellement disponible, concernant la sécurité, les performances, les caractéristiques de conception et la destination du dispositif ;
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une évaluation critique des résultats de toutes les investigations cliniques disponibles ;
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un examen des options alternatives de traitements ».
Le règlement présente cependant une particularité. D’après l’article 2.12, ce n’est pas le DM qui doit être certifié mais sa destination. Cette destination se définit comme « l’utilisation à laquelle un dispositif est destiné d’après les indications fournies par le fabricant sur l’étiquette, dans la notice d’utilisation ou dans les documents ou indications publicitaires ou de vente, et comme celles présentées par le fabricant dans l’évaluation clinique ». Ainsi, tout mésusage d’un DM va à l’encontre de sa certification et cet usage ne sera pas légalement reconnu valide.
Le règlement prévoit cependant trois exceptions pouvant bénéficier d’un circuit de certification différent. En effet, il existe des simplifications réglementaires : notamment dans le cadre d’un DM déjà certifié selon l’ancien règlement ; ou s’il s’agit d’une modification d’un produit déjà certifié CE par le même fabricant ; ou encore qui est équivalent à un dispositif déjà certifié CE par un autre fabricant (133). Nous ne développerons pas ici ces exceptions. Nous pouvons cependant relever que pour ce qui est de l’équivalence déjà définie dans l’ancien règlement, la révision de 2017 apporte de nouveaux critères stricts qui rendent cette particularité moins accessible. En effet, le dispositif doit partager les mêmes caractéristiques techniques, biologiques et cliniques que le dispositif dont il revendique l’équivalence. Ces considérations doivent reposer sur une justification scientifique appropriée. Par conséquent, le fabricant doit rassembler des preuves suffisantes sur l’autre dispositif pour chaque caractéristique revendiquée comme équivalente. Rassembler toutes ces données de manière efficace est un défi, notamment pour les données cliniques, car l’accès complet à la documentation technique du dispositif déjà marqué CE ne sera pas fourni par les fabricants. Il s’agit par conséquent d’un principe d’équivalence peu utile en pratique.
Certification « sur mesure »
La réglementation des DM « sur mesure » se distingue sur plusieurs points. Un dispositif « sur mesure » selon la définition des nouveaux textes réglementaires n’est pas concerné par la déclaration de conformité (paragraphe précédent, « Marquage CE ») et ne requiert pas de marquage CE.
Néanmoins, l’article 52 du règlement UE 2017/745 stipule que le fabricant doit appliquer une procédure spécifique d’agrémentation introduite dans l’annexe XIII relative à la « procédure pour les dispositifs médicaux » (125) afin de certifier de la conformité de son dispositif. Le fabriquant doit :
mettre à disposition des autorités compétentes la documentation technique précisant les modalités de conception, de fabrication et de performances du dispositif ;
s’assurer que la fabrication du dispositif soit conforme à la documentation technique précédemment citée ;
établir une déclaration de conformité de son dispositif, qui doit être conservée pendant une durée minimale de 10 ans, portée à 15 ans pour les dispositifs implantables ;
réaliser une surveillance post-commercialisation notamment dans le cadre du SCAC.
Une fois le dispositif certifié conforme, le fabricant doit remettre à l’utilisateur la déclaration de conformité avec le dispositif prêt à l’emploi. Différents éléments composent cette déclaration. On y trouve (125) :
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nom et l’adresse du fabricant et de tous les lieux de fabrication ;
-
nom et l’adresse du mandataire éventuel ;
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les données permettant d’identifier le dispositif en question ;
-
une déclaration selon laquelle le dispositif est destiné à être utilisé exclusivement par un patient ou un utilisateur particulier, identifié par son nom, par un acronyme ou par un code numérique ;
-
le nom de la personne qui a établi l’ordonnance et qui est autorisée à le faire par la législation nationale en vertu de ses qualifications professionnelles et, le cas échéant, le nom de l’établissement de santé concerné ;
-
les caractéristiques spécifiques du produit, telles qu’elles sont indiquées sur l’ordonnance ;
-
une déclaration selon laquelle le dispositif en question est conforme aux exigences générales en matière de sécurité et de performances enoncées à l’annexe I et, le cas échéant, l’indication des exigences auxquelles il n’a pas été entièrement satisfait, avec mention des motifs ;
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le cas échéant, une indication selon laquelle le dispositif contient ou incorpore une substance médicamenteuse, y compris un dérivé du sang ou du plasma humain ou des tissus ou des cellules d’origine humaine, ou d’origine animale conformément au règlement UE 722/2012 (143).
Une fois certifié et avec tous ces éléments rédigés, un DM manufacturé par impression 3D obtient son AMM.
Dispositif médical de production intra-hospitalière
Une partie des dispositifs utilisés en chirurgie peut se produire au sein des structures de soin (production intra-hospitalière, dite in house).
La production intra-hospitalière de DM est également encadrée par le règlement UE 2017/745, et plus spécifiquement par l’article 5.5. Ce texte stipule que la production de DM in house doit remplir deux objectifs :
permettre de combler des besoins de santé publiques pour un groupe de patients dit « cible » ;
dans des conditions de sécurité satisfaisantes et proportionnées.
Pour ce faire, le règlement prévoit deux dispositions.
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Exonérer les établissements de santé produisant des DM in house de certaines dispositions et obligations que le règlement prévoit hors de ce contexte. Ces éléments se trouvent en effet inapplicables ou inopportuns du fait de la spécificité du sujet, comme l’absence de marquage CE et d’autres que nous ne détaillerons pas dans ce document.
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Obligation de fixer et de définir des critères et verrous de sécurité spécifiques à cette pratique.
En conséquence, le nouveau règlement tente d’établir un équilibre entre la possibilité offerte aux établissements de santé de fabriquer et d’utiliser des DM en leur sein dans l’intérêt des patients et les nécessaires modalités de cadrage juridique, administratif, technique et médical.
L’article 5.5 va alors poser des conditions générales de la fabrication de DM in house en encadrant l’usage du DM par un système de gestion de la qualité. Le règlement dans son ensemble vise alors cinq domaines spécifiques.
Les patients concernés
D’après le règlement, la production de DM in house doit s’appliquer à un groupe cible de patients ayant des besoins spécifiques qui ne peuvent être satisfaits, en termes de performances, par un DM équivalent présent sur le marché.
Ces besoins spécifiques sont présentés selon différents critères, par exemple médicaux, morphologiques ou encore temporels. Chacun de ces critères peut servir à justifier une production in house soit de manière indépendante, soit de manière cumulée (144).
Les produits fabriqués
Il ne doit pas exister de DM équivalent sur le marché pour répondre au besoin du groupe cible. L’établissement de santé voulant s’investir dans la production in house doit en conséquence s’approprier, évaluer, justifier et rechercher les deux notions suivantes.
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DM équivalent : DM pouvant être utilisé dans la même indication que celle envisagée et ayant le même rapport bénéfice / risque.
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Disponibilité sur le marché : il faut avoir une parfaite connaissance du marché pour s’assurer qu’il n’existe pas de DM, y compris sur mesure, disponible et susceptible de répondre au besoin.
Le lieu d’utilisation
L’article 5.5 précise que le DM in house est un DM fabriqué, modifié et utilisé exclusivement au sein d’un établissement de santé. Aucun transfert vers une autre entité juridique n’est possible. Cependant, le règlement ne définit pas de manière exacte ce qu’est un établissement de santé. Le groupe de coordination en matière de dispositifs médicaux (GCDM) institué à l’article 103 du règlement apporte la définition suivante : « une organisation dont le but principal est la prise en charge ou le traitement des patients ou la promotion de la santé publique ». Il s’agit par conséquent des hôpitaux, laboratoires et instituts de santé publique.
Cet établissement de santé doit respecter l’ensemble des dispositions et des conditions de l’article 5.5 et de l’annexe I du règlement qui concernent autant les activités de fabrication et d’utilisation que les caractéristiques du produit. Il doit choisir et mettre en œuvre toutes mesures permettant de garantir ce respect et être en mesure de le démontrer. Sur demande, il devra être en mesure de justifier ses choix. Il doit disposer des compétences techniques et réglementaires pour remplir ses objectifs, et répondre en conséquence à des exigences de moyens matériels et humains. Il doit par ailleurs disposer des compétences et de la capacité d’investiguer les incidents de matériovigilance et de mener les actions correctives adéquates.
Si l’établissement ne répond pas à l’un des critères et conditions fixés par l’article 5.5, deux possibilités s’offrent à lui. Soit il devient fabricant au sens de l’ensemble du règlement, et la totalité du règlement s’appliquera à lui sans exclusion spécifique au in house, ce qui rend les démarches de certification plus exigentes. Soit il doit mettre en œuvre une investigation clinique et devenir promoteur ou investigateur de la fabrication dans laquelle il se lance.
Le fabricant est également tenu de définir une personne chargée de veiller au respect de la réglementation. Selon l’article 15 du nouveau règlement, cette personne doit justifier d’une expertise dans le domaine des dispositifs médicaux d’au moins quatre ans, ou d’un diplôme universitaire, qu’il soit de pharmacie, de médecine, de droit ou d’ingénierie ou dans une autre discipline scientifique pertinente.
Les conditions de fabrication
Une production in house telle que définie par l’article 5.5 du règlement impose que la production ne se fasse pas à échelle industrielle. Si tel était le cas, le règlement UE 2017/745 s’appliquerait alors dans son ensemble.
Cependant, le règlement ne fournit pas en lui-même de définition d’une échelle industrielle. Si on se réfère à une jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, une « échelle industrielle » est définie de la façon suivante : « succession d’opérations qui peuvent être mécaniques ou chimiques, aux fins d’obtenir un produit standardisé en quantités significatives ».
Le terme est à distinguer d’une production en série. Ce dernier est défini par l’International Medical Device Regulators Forum (IMDRF) dans le document IMDRF/PMD WG/N49:2018 (145) comme un DM basé sur des dimensions et une conception normalisées. Il n’est pas conçu pour un individu en particulier, et il est manufacturé à l’aide d’un cycle de production continu homogène.
Le concept de production à une échelle non industrielle est une combinaison de plusieurs facteurs à considérer au cas par cas, comme le volume de production, les aspects commerciaux et les processus de fabrication. Pour rentrer dans ce cadre il est important de rester au plus près de la définition du DM comme une production par un établissement de santé afin de répondre aux besoins spécifiques des groupes de patients, et, par conséquent, le processus de fabrication ne doit pas produire plus que le nombre de DM requis.
Les conditions administratives de l’établissement de santé
L’établissement de santé doit mettre à disposition une documentation détaillée qui justifie les points précédemment abordés :
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démontre et justifie l’absence de DM équivalent ;
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justifie la fabrication, la modification et l’utilisation des DM ;
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permet de comprendre les installations, les procédés de fabrication, de conception et les données sur la performance ;
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permet de démontrer la conformité à l’annexe I.
Ce faisant, l’établissement garantit que le DM est fabriqué conformément à cette documentation. Il établit la conformité et s’engage à la respecter. Cette déclaration est ensuite rendue publique. Cette déclaration comporte les éléments suivants.
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Nom et adresse de l’établissement de fabrication.
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Détails nécessaires pour identifier le dispositif.
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Justification de fabrication, de modification et d’utilisation du DM.
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Réalisation d’une documentation permettant de comprendre les installations de fabrication, le procédé de fabrication, la conception et les données sur les performances des dispositifs et de leur destination. Cela permet à l’autorité compétente de s’assurer que les exigences générales en matière de sécurité et de performances énoncées à l’annexe I, sont remplies.
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Plan de suivi du DM : réalisation d’un suivi clinique par le producteur afin de détecter et de mettre en place les mesures correctives nécessaires.
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Plan d’amélioration continu visant à réduire les risques liés à l’utilisation.
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Traçabilité du DM.
Annexe I du règlement UE 2017/745
Cette annexe recense les exigences générales en matière de sécurité et de performance. Elle s’applique à l’ensemble des DM.
Dans son chapitre I, elle décrit la mise en place d’un système de gestion des risques et la mise à jour régulière de l’évaluation du rapport bénéfice/risque. Le chapitre II décrit les exigences relatives à la conception, à la fabrication et aux performances du DM. Le chapitre III définit les exigences relatives aux informations fournies avec le DM afin qu’il soit utilisé en toute sécurité pour atteindre le but recherché. On peut citer :
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notices d’utilisation et protocoles ;
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informations sur les substances considérées dangereuses ;
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date de péremption, de production ;
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conditions de stockage et de manutention ;
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numéro de lot ou moyen d’identification de traçabilité.
Cette liste est longue et ne sera pas détaillée dans son ensemble. Il est cependant possible de mettre en lumière différents points qui nous semblent intéressants.
Le producteur doit garantir la sûreté et l’efficacité de son dispositif. Il ne doit pas compromettre l’état clinique ou la sécurité des patients, ni la sécurité ou la santé des utilisateurs. Ainsi, les risques éventuels doivent constituer des risques acceptables au regard des bénéfices pour le patient. Pour atteindre ces objectifs, l’établissement producteur doit fournir un plan de gestion de risques qui doit être actualisé au fur et à mesure du suivi clinique. Ce plan vise à réduire, gérer et maîtriser le risque. Il doit être joint à une documentation suffisante. La démonstration de la sécurité et des performances du DM doit se baser sur des données précliniques et cliniques. L’obtention de ces données impose de réaliser un suivi clinique d’utilisation. Ce dernier permettra l’alimentation d’une base de données européenne des incidents intégrée à EUDAMED, de par l’obligation pour le fabricant de publier un rapport périodique actualisé de sécurité (Periodic Safety Update Report, PSUR). Il est à noter que le PSUR ne s’applique que pour les DM au-delà de la classe I non incluse.
L’annexe I présente également les exigences suivantes relatives à la conception du DM.
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Validation des procédés mis en œuvre pour la fabrication et l’utilisation du dispositif avec obligation d’actualisation du suivi clinique et de l’expérience issue de cette utilisation clinique.
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Fourniture des éléments sur les propriétés chimiques, physiques et biologiques des matériaux et substances utilisées. Le producteur doit témoigner de leur compatibilité et de leur toxicité.
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Il devra également remettre des éléments sur l’élimination ou la réduction du risque d’infection. Le producteur doit livrer des éléments sur de possibles incidences des procédés de fabrication sur toute la chaîne de production, incluant également le nettoyage et la stérilisation du DM.
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Fourniture des éléments sur les propriétés mécaniques des dispositifs (entre autres résistance ou usure).
À noter que certaines catégories de DM sont soumises à des dispositions spécifiques, par exemple les DM impliquant un rayonnement.
En fonction des caractéristiques techniques du DM, de ses objectifs et de son utilisation, le fabricant déterminera si ces exigences lui sont applicables ou non, et quelles sont les procédures qu’il mettra en œuvre pour y répondre.
Le producteur est soumis à des exigences relatives aux informations fournies avec le dispositif : notice d’utilisation, certificat de stérilité ou documents d’information à l’attention du patient ou des praticiens. Ces éléments seront présentés en détails en partie IV de ce travail sur l’étude d’un cas.
Une fois l’indication, la production, et l’usage du DM in house définis selon ces obligations règlementaires, le fabricant pourra déclarer son activité auprès de son organisme notifié pour recevoir le statut de fabricant de DM in house. Cette autorisation sera uniquement valable pour le dispositif certifié, selon sa destination prévue. Toutes les informations constituant ce dossier doivent être conservées dix ans.
Pour conclure cette partie règlementaire, nous pouvons nous référer aux propos émanant d’une conférence de l’ANSM en décembre 2021 traitant de la « qualification et classification des dispositifs médicaux et DM in house » (138). Les intervenants rapportaient qu’il existe peu d’exemples concrets de DM in house à l’heure actuelle, probablement en lien avec ces exigences et obligations très strictes et restrictives. De plus, ils nous informaient que les DM sur mesure sont hors du champ de l’article 5.5 bien que leur production soit intra-hospitalière, et donc que les dispositions du règlement s’appliquent pleinement dans ce contexte. Information importante, l’agence insistait sur le caractère irrecevable de l’argument économique et temporel pour justifier d’une production intra-hospitalière dès lors qu’il existe un DM équivalent sur le marché. L’établissement doit donc entreprendre une étude de marché méticuleuse avant tout dépôt de dossier.
Cependant, cette conférence précisait que la production sur mesure de dispositifs médicaux pouvait constituer une pratique de soins exceptionnelle, justifiée dans certaines circonstances spécifiques. D’abord, comme mentionné précédemment, elle peut être envisagée dans l’intérêt du patient dès lors qu’aucune autre alternative n’est disponible. Ensuite, cette production doit être rigoureusement encadrée par les textes sus-cités. Cette pratique doit combiner des éléments de sécurisation portant à la fois sur la pratique et sur les produits. Enfin, elle fait reposer sur l’établissement de santé une responsabilité lourde, étendue et exclusive du début à la fin de la chaîne de production ; en d’autres termes, depuis la décision de recourir au sur mesure jusqu’à l’utilisation du DM.
6 Flux numérique
Afin de produire un dispositif imprimé en 3D dans une structure hospitalière, le fabricant doit d’abord définir les détails du flux de production. En chirurgie, ce processus s’étend de la phase pré-chirurgicale jusqu’à la fin du suivi post-opératoire. Il n’existe pas de flux type : les principes énoncés ici sont spécifiques à une structure donnée. De nombreux exemples de flux numériques ont été rapportés dans la littérature depuis le début des années 2000 (147).
Ce processus fait intervenir de nombreux professionnels : professionnels de santé (consultation, hospitalisation et bloc opératoire), service informatique, achats, services financiers hospitaliers, pharmacie, stérilisation, équipes d’hygiène, gestion de risque et bien sûr ingénieurs (148). Un référent doit être nommé pour centraliser les différentes problématiques et canaliser les compétences de chacun pour garantir une prise en charge optimale des patients.
Le flux numérique pour la production d’un DM chirurgical peut se définir par la succession des étapes suivantes :
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planification chirurgicale ;
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impression du DM ;
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post-traitement ;
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stérilisation ;
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stockage ;
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temps chirurgical ;
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suivi clinique.
6.1 Planification chirurgicale
La planification désigne la simulation d’une intervention chirurgicale sur des modèles 2D ou 3D, physiques ou virtuels, créés à partir de l’imagerie du patient. Elle permet également la fabrication, par procédé d’impression 3D ou d’usinage, d’outils physiques facilitant la chirurgie (149).
La planification chirurgicale fait suite aux consultations pré-opératoires, où une indication chirurgicale peut être posée, avec éventuellement le besoin de produire un DM adapté au patient. Nous verrons au chapitre 4 de cet ouvrage que l’appellation de DM « adapté au patient » est préférable à « sur mesure » de par la distinction réglementaire entre ces deux termes. Selon le type de chirurgie, le chirurgien se fondera sur des données cliniques et sur divers examens d’imagerie. Les objectifs spécifiques de cette prise en charge seront discutés entre le praticien et le patient et validés. Une fois tous les éléments nécessaires en main, le chirurgien pourra planifier son geste, avec comme étape-clé la modélisation 3D du DM. Cette étape nécessite divers logiciels et outils 3D pour la prise de mesures et pour la modélisation en elle-même. Il existe de nombreux logiciels développés spécifiquement pour diverses étapes de la planification, selon le type de chirurgie, et d’autres logiciels plus généralistes. L’usage de ces logiciels est encadré par la règle 11 de l’article 5 du règlement UE 2017/745.
En somme, la planification englobe l’évaluation clinique, la réflexion du chirurgien en concertation avec son patient, la conception du geste et l’étape de confection assistée par ordinateur (CAO). Elle aboutit à la conception d’un DM sous forme numérique. Ce dernier doit être sous format « stéréolithographie » (STL). Ce format ne fait pas référence au procédé d’impression du même nom, mais à un format standard de transmission de données qui s’est généralisé dans toute l’industrie de prototypage rapide. Le format STL repose sur une triangulation de l’objet numérique : par exemple, un cube sera « triangulé » en 12 triangles (deux sur chacune de ses six faces). Plus la surface sera complexe, plus le nombre de triangles sera élevé (150).
6.2 Impression du dispositif médical et post-traitement
Une fois le modèle 3D numérique conçu, il peut être exporté vers l’imprimante via un logiciel spécifique et produit. Selon la technologie d’impression utilisée, des démarches spécifiques sont à suivre afin de garantir la fidélité d’impression du modèle. À titre d’exemple, citons l’importance de calibrage du plateau d’impression afin de garantir que celui-ci soit parfaitement horizontal. Dans le cas contraire, l’architecture 3D du modèle risque d’être perdue par un effet de glissement avant consolidation du matériau. Certaines des méthodes d’impression nécessitent un post-traitement, visant à conférer au DM ses propriétés définitives, par exemple par suppression du support d’impression, indispensable pour garantir l’architecture 3D lors de la fabrication (en jouant le rôle d’un « échafaudage »), mais inutile une fois l’objet édifié. À noter que selon les besoins du chirurgien, des étapes de production classiques simples peuvent avoir lieu lors de ce temps du flux numérique. En effet, il se peut que l’impression 3D trouve ses limites et ne permette pas la fabrication d’un dispositif final prêt à l’emploi. Ces étapes peuvent être diverses selon les besoins et objectifs du DM. Un exemple sera présenté au chapitre 4 de cet ouvrage.
6.3 Stérilisation
Selon l’usage prévu du DM, une stérilisation selon les normes en vigueur peut être nécessaire, notamment pour un usage per-opératoire. La norme principale est la norme ISO 11137 (151). Cette étape, et le respect des règles d’hygiène durant le temps chirurgical, sont nécessaires pour garantir l’innocuité et le contrôle du risque infectieux généré par l’usage du DM. Cette étape de stérilisation implique une stabilité des matériaux constituant le dispositif face aux contraintes appliquées durant son nettoyage – en premier lieu la chaleur, mais également, pour certains matériaux, l’humidité ou les variations de pression.
L’impression 3D expose à un risque de contamination septique spécifique aux procédés de fabrication. Chaque technologie présente un risque d’introduire des germes inclus au sein du modèle lors d’étapes de fabrication, principalement par un mécanisme d’inclusion entre les couches. La stérilisation ne permet pas d’agir au sein même de la structure 3D, entre les couches. Une imprimante offrant une enceinte close, ou l’impression en chambre blanche, permettent de réduire ce risque théorique d’inclusion.
6.4 Stockage
Durant tout le processus, il est indispensable que le DM soit correctement étiqueté / labellisé afin de permettre l’identitovigilance. Cet étiquetage doit intervenir dès la phase de conception virtuelle pour éviter toute erreur. De même, il doit permettre d’identifier exactement à quel stade de la production se trouve le dispositif. Ceci fait, le DM pourra être stocké dans un lieu sûr permettant le maintien de ses propriétés sans risque d’altération en vue de son usage chirurgical.
6.5 Temps chirurgical
Le succès du temps chirurgical est conditionné par la qualité des étapes précédentes. En cas d’anomalie sur le DM, il est primordial de prévoir une procédure permettant de remplir les objectifs chirurgicaux en procédure dégradée. En l’absence d’un tel plan, l’intervention doit être stoppée et l’information transmise au patient afin de garantir sa sécurité.
6.6 Suivi clinique
Imposé par le règlement UE 2017/745, un suivi clinique post commercialisation (SCAC) doit être mis en place durant toute la durée d’usage du DM. Celui-ci va permettre de fournir des éléments à analyser dans le cadre du PSUR et de la surveillance des effets et évènements indésirables.
Dans le cas où le DM a un usage per-opératoire exclusif, le suivi s’arrêtera à la fin du temps chirurgical et les données recueillies pourront correspondre à un questionnaire rempli par le chirurgien à la fin de l’intervention. Si le dispositif est implanté ou utilisé par le patient, le suivi doit se prolonger aussi longtemps que l’usage du DM est prévu.
Si la production est externalisée, le flux numérique sera globalement similaire. Il faudra ajouter des étapes d’interaction avec les commerciaux et ingénieurs chargés de la production, puis la remise en main du DM à la structure de soins (notamment pour l’étape de stérilisation si besoin).
7 État des lieux de l’impression 3D en chirurgie
7.1 En France
Un travail de thèse réalisé en 2021 par Serrano et al. a permis de mettre en lumière la distribution actuelle des activités d’impression 3D sur le territoire français (27). Avant cette date, seule une enquête datant de 2014, réalisée par l’ANSM auprès des membres des comités techniques de matériovigilance et de réactovigilance, était disponible. Des données étaient manquantes dans cette enquête car seulement deux établissements de santé disposant d’une imprimante avaient pu être recensés : le CHU de Dijon et les hospices civils de Lyon (152).
Afin de recenser plus largement et plus exactement l’usage réel de l’impression 3D intra-hospitalière en France, Serrano et al. (27) ont soumis les chirurgiens et pharmaciens hospitaliers à un questionnaire fondé sur des données de 2016. Ils ont recueilli le nombre de cas traités avec l’utilisation de l’impression 3D intra-hospitalière, le nombre de DM commandés à un sous-traitant pour les établissements non équipés d’une imprimante, les coûts associés, l’apport de cette technologie dans le quotidien des chirurgiens et les caractéristiques des procédés d’impression utilisés.
Cette étude a permis de recenser 47 établissements de santé français ayant eu recours à l’impression 3D en 2016, dont neuf équipés de leur propre imprimante 3D. Ces établissements étaient en majorité publics (n = 38 ; 81 %). Les domaines d’activité comprenaient sept spécialités chirurgicales, avec à leur tête la chirurgie orthopédique (43 %) suivie de la chirurgie maxillo-faciale (34 %). Dans les établissements équipés d’imprimantes 3D, 89 % des machines étaient installées dans un service de chirurgie maxillo-faciale (n = 8), seul un service d’orthopédie étant équipé. Pour les établissements non équipés d’imprimante, le nombre de cas traités était supérieur à 15 par an pour seulement 38 % (n = 15). Pour les établissements équipés, le nombre de cas annuels était inférieur avec 62 % (n = 5) ayant traité entre 6 et 15 cas dans l’année 2016, et 37,5 % (n = 3) ayant traité plus de 15 cas durant cette même année. Les guides chirurgicaux étaient le DM le plus commandé pour les établissements non équipés. Parmi les établissements imprimant directement dans leur service, 89 % produisaient des modèles anatomiques (n = 8) pour conformer des plaques d’ostéosynthèse ou plus largement pour la planification chirurgicale. Seulement 33 % (n = 3) confectionnaient des guides chirurgicaux, et aucun ne fabriquait d’implants.
Les principaux avantages de l’impression 3D perçus par les chirurgiens étaient la réduction du temps opératoire et le gain de précision dans les gestes chirurgicaux.
Parmi les établissements non équipés d’une imprimante 3D, trois n’avaient consenti aucune dépense, 13 avaient dépensé moins de 15 000 €, 11 avaient dépensé entre 15 000 et 50 000 € et 8 avaient dépensé plus de 50 000 €. Les coûts associés à l’utilisation d’imprimantes 3D au sein des services qui en étaient équipés étaient systématiquement inférieurs à 15 000 € et nuls dans le cas d’un service qui n’avait pas encore démarré l’utilisation de son imprimante. En 2016, la majorité des services équipés d’imprimantes 3D n’avaient pas eu recours à des industriels pour commander des DM produits par impression 3D. Seuls trois services sur la totalité (n = 9) avaient eu recours à ce type de prestataire.
Parmi les établissements équipés, le FDM était la technologie la plus souvent utilisée (75 %) avec comme principaux matériaux l’ABS (40 %) et le PLA (33 %).
Pour ce qui est de l’usage intra-hospitalier, Serrano et al. montraient que la production est en général assurée par le chirurgien, avec un délai moyen ne dépassant pas deux jours pour l’obtention du dispositif. Les utilisateurs qualifiaient la qualité de leurs produits de satisfaisante dans la majorité des cas, avec pour certains, une qualité variable d’un dispositif à l’autre.
Aucune étude portant sur la distribution de l’impression 3D en chirurgie sur le territoire français n’a pu être trouvée depuis l’article publié en 2018 en lien avec le travail de thèse sus-cité (153). Celui-ci constitue donc la source la plus récente.
7.2 En Europe
Le règlement européen étant applicable dans tous les états membres de l’UE, les développements dans un pays peuvent être utiles à construire des projets dans un autre pays membre.
Ainsi, Serrano et al. ont étendu le champ de leurs recherches par une enquête européenne (27). Cette enquête a été conduite entre 2017 et 2019 et constitue une source de données récentes sur l’usage de l’impression 3D en chirurgie en Europe (UE, Norvège et Suisse). Les domaines évalués étaient : le profil des utilisateurs, l’utilisation, les questions économiques, les questions organisationnelles et une évaluation des techniques.
Cette étude a permis d’identifier onze pays utilisateurs d’impression 3D dans leur pratique chirurgicale.
L’étude confirme une prédominance des établissements publics (n = 20 ; 87,5 %). Dix spécialités chirurgicales sont recensées, avec une prédominance de la chirurgie maxillo-faciale (n = 8 ; 33 %), puis de la chirurgie thoracique et cardiovasculaire (n = 5 ; 21 %). Les applications différaient de ce qui est observé en France, avec une large dominance des modèles anatomiques (50 % des utilisateurs, n = 21 sur 24), et un usage moindre des implants imprimés d’origine industrielle, avec un seul établissement rapportant avoir pris en charge plus de 15 patients par an avec ces dispositifs. 79 % des chirurgiens interrogés (n = 19) rapportaient une utilisation courante de ces dispositifs quelle que soit leur nature.
Sur le plan économique, les différents établissements avaient un budget très différent investi dans l’impression 3D, avec des sommes annuelles allant de moins de 5000 € à plus de 50 000 €. À noter que 16 % de ces établissements (n = 4 sur 24) avaient bénéficié d’un financement hors groupe homogène de séjour (GHS).
D’un point de vue organisationnel, 58 % (n = 14) des établissements disposaient d’une production internalisée. 29 % (n = 7) faisaient appel à un fournisseur extérieur, tandis que 20 % (n = 5) disposaient d’un partenariat avec un laboratoire de recherche. L’étude mettait en lumière une production de durée variable, avec un temps de production plus court dans le cas d’une production internalisée, de l’ordre d’un à trois jours contre une à deux semaines en cas de production externalisée.
Les avantages de l’impression 3D rapportés par les chirurgiens interrogés étaient les modalités de planification chirurgicale élargies, la qualité du résultat opératoire et la diminution des risques et complications pour le patient. Les points de blocage étaient les coûts, la complexité organisationnelle et le délai de production.
Ces deux études, française et européenne, présentent d’importantes limites. La méthodologie de ces études, la difficulté à identifier et interroger les interlocuteurs concernés et l’absence d’exhaustivité de ces résultats peuvent entrainer une vision limitée ou biaisée de l’impression 3D sur ces territoires géographiques. À cela s’ajoute un possible obstacle de la langue pour l’enquête européenne, les questionnaires étant limités à une version anglaise. De plus, les données récupérées sont déclaratives, et leur exactitude n’est pas évaluable. Cependant il apparaît que l’impression 3D est largement adoptée et que l’internalisation de la production commence à se développer, avec toutefois des freins parmi lesquels les surcoûts que cette technologie engendre et l’impact organisationnel non négligeable pour un chirurgien.
7.3 Cas particulier du Royaume-Uni
Nous pouvons compléter ces données d’usage en Europe en nous fondant sur deux études réalisées au Royaume-Unis en collaboration avec la British Association of Oral Maxillofacial Surgeons (BAOMS). Ces études se sont appuyées sur un questionnaire remis aux chirurgiens membres et ont bénéficié d’un taux de réponses élevé, couvrant tout le territoire du Royaume-Uni, et permettant d’étendre les conclusions à l’échelle du territoire (154, 155).
Sur les 132 répondants, 20 % (n = 27) utilisaient uniquement un système de production interne, 30 % (n = 39) uniquement un système de production externalisé, et 38 % (n = 50) utilisaient l’un ou l’autre. Au total 58 % (n = 77) utilisaient des installations de production interne.
Pour ces productions internes, le service était dans la majorité des cas géré par un binôme chirurgien–technicien. Cette production concernait en grande partie des modèles en résine (n = 75), puis des guides chirurgicaux en résine (n = 67), des plaques d’ostéosynthèse pré-formées (n = 62) et enfin des plaques orbitaires et implants de cranioplastie (n = 54). Pour les éléments imprimés en titane seule la conception était internalisée, la production étant déléguée à un industriel extérieur. Cependant cette étude ne précisait pas en détails les caractéristiques de ces dispositifs et notamment, si ces plaques et implants étaient produits directement par fabrication additive dans le service sur la base d’un modèle numérique, ou bien s’ils étaient conformés secondairement en se référant au modèle anatomique imprimé. En effet les auteurs soulignent que peu d’implants étaient fabriqués en autonomie complète, avec seulement trois centres possédant une imprimante 3D métal. La plupart des centres dotés d’une plateforme de production interne disposaient d’imprimantes 3D résine et n’étaient pas en mesure de fabriquer des implants et des plaques métalliques de manière autonome.
Pour ce qui est de la production externalisée, elle était le plus souvent le résultat d’échanges entre un technicien commercial et le chirurgien (n = 52), mais dans certains cas, aucun médecin n’intervenait dans la production, qui était confiée au technicien seul (n = 10).
Au plan financier, la plupart des répondants (84 %) déclaraient un remboursement complet des coûts de la part du National Health Service (NHS) (n = 97), et 77 % d’entre eux déclaraient ne pas avoir besoin de demander de financement spécifique (n = 75). 8 % (n = 9) ont recouru à des financements spécifiques.
Les principaux domaines d’application identifiés étaient la chirurgie traumatologique (n = 116 ; 88 %) dont 89 % (n = 103) pour la reconstruction orbitaire; suivie de la chirurgie orthognathique (n = 80 ; 61 %) et enfin de la reconstruction osseuse suite à une exérèse oncologique (n = 68 ; 52 %).
Au plan organisationnel, il est important de souligner que cette étude mettait en évidence beaucoup moins d’obstacles ou de limitations à la production chez les établissements utilisant des installations internes, en comparaison avec ceux utilisant uniquement des services commerciaux externalisés. Les principales limites identifiées étaient les exigences de formation, le temps requis pour la planification et la conception et le délai de production pouvant empêcher l’utilisation d’implants en titane imprimés en 3D en traumatologie aiguë – ce point étant problématique dans la mesure où la traumatologie est la principale application de l’impression 3D dans son ensemble.
Ne faisant plus partie de l’Union européenne suite au Brexit de février 2020 (156), le Royaume-Uni n’est pas soumis au règlement UE 2017/745. Cette étude révèle l’absence de production internalisée encadrée par le NHS. Au moment de la rédaction de l’étude en 2021, le rôle et les responsabilités restaient individuelles. Cependant, les auteurs évoquent que la norme ISO 13485 pourrait aider à guider la création d’un système de gestion de la qualité (157, 158). On retrouve la nécessité d’audit interne de contrôle de la qualité imposé par le NHS, mais pas une véritable certification ISO 13485 pour la production interne, les établissements de santé en étant exempts (159).
La seconde partie de l’étude s’intéressait au ressenti des utilisateurs en ce qui concerne les DM en titane dans trois indications : la reconstruction mandibulaire par lambeau libre de fibula, les ostéotomies de Le Fort 1 et la reconstruction du plancher de l’orbite (155).
L’étude rapportait une satisfaction globale grâce à un outil précis, réduisant la durée de l’intervention et facile d’utilisation. La durée moyenne entre le scanner du patient et l’intervention chirurgicale était de sept à neuf jours pour la reconstruction mandibulaire, treize à quinze jours pour les ostéotomies de Le Fort 1 et de quatre à six jours pour les reconstructions du plancher de l’orbite. Après interrogation des industriels, leur temps de production était estimé à dix à douze jours pour ces trois DM réunis.
Les auteurs se sont également penchés sur les possibilités de production in house des DM, à savoir planification et design du DM en intra-hospitalier, mais production externalisée du fait d’une technologie alors peu accessible à une équipe médicale. Après comparaison des coûts estimés pour chacune des trois interventions selon ce modèle d’internalisation, les auteurs concluaient à une diminution de 11 % à 20 % des coûts pour une production internalisée en ce qui concerne la reconstruction mandibulaire. Pour les ostéotomies de Le Fort 1, une réduction de 21 % à 30 % était estimée. Cependant, en recourant à un autre industriel pour la partie production du DM, les auteurs retrouvaient une diminution des prix plus importante, de l’ordre de 50 % à 60 % pour la reconstruction mandibulaire, 41 % à 50 % pour une ostéotomie de Le Fort 1 et de 61 % à 70 % pour une reconstruction de fracture du plancher de l’orbite, montrant un manque d’homogénéité du marché. Les participants ont été invités à estimer les coûts de mise en place initiaux pour développer un service interne de planification numérique et de conception d’implants imprimés. Les estimations allaient de 0 £ à 100 000 £ sans consensus clair et avec 30 % des interrogés sans idée du coût.
L’unité chirurgicale de l’hôpital Morriston de Cwmrhydyceirw (près de Swansea dans le Pays de Galles) a avancé être le premier établissement de la NHS à employer un ingénieur 3D à plein temps pour travailler sur la planification et l’impression 3D de DM. Malgré les coûts du matériel informatique et des logiciels, son service interne déclarait économiser 50 000 £ par an sur les cas de reconstruction mandibulaire avec modèle anatomique et guide de coupe résine par rapport à une production externalisée. Il est à noter que la production de la plaque d’ostéosynthèse par fabrication additive restait externalisée. En 2018, l’unité a présenté un coût annuel total de mise en place du flux numérique de 85 000 £ comportant : la recherche d’un espace dédié, les installations informatiques, un technicien maxillo-facial et un technicien en biosciences, l’achat des logiciels et d’une imprimante résine (106, 160).
Pour conclure sur les données de cette étude, que la production soit internalisée ou pas, la fabrication additive commerciale restait très ancrée dans les établissements de santé. Les auteurs avançaient que la conception internalisée semblait propice à l’utilisation du titane imprimé, mais nécessitait le développement d’installations internes conformes à la norme ISO 13485 ou certifiées pour en améliorer l’adoption. Le principal avantage de l’utilisation des DM adapté au patient était la réduction du temps chirurgical avec un outil apportant une meilleure précision du geste, sans complication spécifique rapportée. Par ailleurs, les auteurs précisaient que les plaques en titane imprimées pouvaient être conçues à l’aide d’une « analyse par éléments finis » permettant d’adapter la rigidité de la plaque dans des régions anatomiques spécifiques et donc de maximiser l’adaptation aux contraintes mécaniques locales.
8 Sécurité et toxicité de l’impression 3D
Comme une grande partie des procédés de fabrication, la fabrication additive est émettrice de particules toxiques. La sécurité des usagers et le respect du code du travail ne peuvent être garantis qu’après la prise en compte de nombreux facteurs, comme l’émission de vapeurs des thermoplastiques, de particules métalliques ou de nanoparticules. La grande variété des techniques de fabrication additive ainsi que des matériaux utilisés limitent la généralisation des effets de l’exposition aux toxiques émis. Tous ces éléments sont à prendre en compte dans le plan de gestion de risque du fabricant, notamment concernant le local dédié à l’impression et la logistique des produits.
8.1 Exemple de l’impression par dépôt de filament fondu
Deux études publiées respectivement en 2016 (161) et 2017 (162) ont démontré que la décomposition thermique des filaments de polymères pendant une impression par dépôt de filament fondu (FDM) libère des milliards de particules ultrafines 5 par minute, associées à de nombreuses substances volatiles, ou composés organiques volatiles (COV). Ces études rapportent que l’émission est plus importante pour l’acrylonitrite butadiène styrène (ABS) que pour un polymère d’acide polylactique (PLA), notamment du fait que l’ABS exige des température d’extrusion plus élevées et un lit d’impression chauffé (163). En plus de ces émissions primaires, des éléments sont produits par des réactions secondaires, principalement par combustion des matériaux (164) et l’inhalation est la principale voie d’exposition (165).
Les risques associés à ces émissions dépendent de la composition du COV. Par exemple, l’acrylonitrile émis après combustion des thermoplastiques lors d’une impression FDM est classé en substance potentiellement cancérigène pour l’homme (166). La FDM est également émettrice de styrène, qui est irritant pour la peau, les yeux, et a des effets toxiques sur les voies respiratoires, cardiovasculaires, nerveuses centrales et périphériques (167).
Plus récemment, une équipe finlandaise s’est penchée sur la caractérisation des émissions de nanoparticules 6 lors de l’impression FDM (168). Ces émissions ne sont pas répertoriées dans le protocole de nombreuses études et sont sûrement sous-estimées. Ces auteurs concluent à une présence importante de nanoparticules, qui peuvent constituer entre 9 et 48 % des émissions totales. Il est donc essentiel d’inclure ces aérosols de nanoparticules dans les mesures de sécurité et dans le plan de gestion de risque pour ne pas sous-estimer près de la moitié les émissions réelles. Ils rapportent également que leur production dépend de la température de la buse et de la nature du filament.
La définition des risques réels nécessite, une fois ces émissions théoriques décrites, d’évaluer l’exposition dans le milieu de travail des utilisateurs de l’impression 3D. Une revue de la littérature a récemment répertorié les données d’exposition sur les lieux de production (169) et rapporte une importante variabilité des résultats. Aucun protocole d’hygiène industrielle standard n’est disponible pour garantir que toutes les émissions soient collectées de manière uniforme et soient comparées.
8.2 Exemple de l’impression métallique
La FDM est le procédé le plus décrit dans la littérature en termes d’émission de particules et de toxicité, car il s’agit d’une technologie accessible et répandue. La fabrication additive métallique soulève des questions différentes en raison de l’utilisation de poudres métalliques et des fortes températures tout au long du procédé d’impression.
L’impression 3D métallique peut se faire par diverses méthodes, comme le frittage laser avec le DMLS, le dépôt de matière sous énergie concentrée ou encore la projection à froid, aussi connu sous le nom de Cold Spray. Le but est de lier les poudres métalliques entre elles en les projetant à froid sur un support. La projection est assurée en utilisant de l’hélium. C’est une méthode d’impression 3D métal encore peu utilisée aujourd’hui comparativement aux autres car le gaz en question est relativement cher (170).
Pour ce qui est du frittage ou du dépôt de matière sous énergie concentrée, le processus se déroule dans une enceinte close au sein de l’imprimante, remplie d’un gaz inerte comme l’argon. Une enceinte close et étanche est nécessaire en raison de l’émission de particules ultrafines à la source au niveau de la buse durant le processus d’impression, afin d’en limiter la dispersion spatiale (171). Lorsque le processus de fabrication est achevé, l’ouverture de l’enceinte de l’imprimante libère des particules ultrafines (171). La chambre d’impression est alors ventilée et les poudres métalliques résiduelles sont éliminées via un aspirateur industriel. Les particules plus grosses non utilisées sont éliminées par filtration. Toutes les actions liées à la manipulation de la poudre, y compris le remplissage, l’aspiration et la filtration, sont effectuées manuellement. Ainsi, des particules métalliques provenant à la fois des matières premières et des particules nanométriques nouvellement produites peuvent être libérées dans l’environnement au cours de ces manipulations. De nombreuses études décrivent les aérosols émis par l’impression métallique (171, 172) et montrent que l’accumulation des particules dans l’air se fait dans des situations de manque de ventilation et dans des environnements scellés. En effet, la concentration des nanoparticules métalliques dans l’air augmente de cinquante à deux cents fois entre des mesures effectuées avant et après le déroulement du procédé de fabrication (171). L’humidité relative de l’air est également importante pour le dépôt et l’organisation des particules dans l’aérosol. Le taux de dépôt dépend par ailleurs de la taille des particules : il diminue avec l’augmentation de l’humidité pour les particules inférieures à 70 nm, alors qu’il augmente avec l’humidité pour les particules supérieures à 70 nm (173). Chen et al. ont entrepris en 2020 un travail de recueil des méthodes d’évaluation de l’exposition et des effets néfastes de l’impression métallique sur la santé afin d’aider à la compréhension, l’évaluation et le contrôle des risques potentiels (172).
La mise en place d’un flux d’impression 3D métallique nécessite une bonne connaissance de la toxicologie des émissions de particules et de l’évaluation de l’exposition dans l’environnement (174). Ce qui s’applique à l’impression métallique est valable pour toute méthode d’impression. Cela impose aux travailleurs le port d’un équipement de protection adéquat qu’il s’agisse de masques, blouse ou gants. Il convient également de limiter le nombre d’intervenants sur les machines. Les locaux peuvent également comporter des surfaces dotées d’un revêtement collant permettant de piéger les suspensions de poudres et éviter leur dissémination dans l’environnement local. Nous reviendrons sur ces éléments au paragraphe 8.5.
Afin de détailler ces exigences, nous nous référons au National Institute for Occupational Safety and Health (NIOSH) (175) qui a publié en 2020 plusieurs consignes concernant la fabrication additive FDM et métal, l’objectif étant de protéger au maximum les utilisateurs qui manipulent ces technologies. Il liste par exemple tous les dangers potentiels liés aux deux procédés comme le dégagement de composés organiques volatils (COV) ou encore la manipulation de surfaces hautes températures. Les recommandations font également l’état des lieux des éventuelles protections recommandées : port de masques, de gants, blouse. Est également évoqué le rôle des surfaces dans la dissémination des poudres avec l’usage préconisé de tapis collant ou le travail en environnement clos autant que possible (figure 18).
8.3 Conséquences cardiovasculaires
Plusieurs études ont mis en évidence une association entre inhalation de ces particules (COV, particules ultra-fines, nanoparticules) et la morbi-mortalité cardiovasculaire (176, 177). Parmi ces conséquences se retrouvent des lésions d’ischémie / reperfusion, des anomalies de conduction, un dysfonctionnement vasculaire global et des altérations de l’hémostase (178, 179, 180). Sur la base de tels constats, Stafaniak et al. (181) ont testé le retentissement cardio-vasculaire de l’exposition aux nanoparticules produites par FDM sur un modèle murin. Ces auteurs constatent une augmentation de la pression artérielle moyenne (PAM) avec un dysfonctionnement microvasculaire systémique secondaire. Plus particulièrement, ils retrouvent une vasoconstriction artériolaire et une augmentation du tonus de repos, soit une augmentation globale des résistances périphériques du fait d’un défaut de réponse à l’endothéline. Cette étude met en lumière l’importance des stratégies de confinement de l’impression et de la mise en œuvre d’une ventilation adaptée.
8.4 Conséquences respiratoires
Certaines enquêtes portant sur les risques pour la santé et la sécurité posées par les émissions des imprimantes 3D suggèrent que les employés exposés seraient à risque de problèmes respiratoires tels qu’un asthme professionnel (182). Une étude, fondée sur un cas, a démontré qu’une exposition de dix jours aux émissions de l’impression 3D FDM utilisant de l’ABS induit des symptômes asthmatiques chez un patient avec un antécédent d’asthme dans l’enfance (183). Ce résultat souligne l’importance d’identifier les conditions d’hypersensibilité possibles à certaines substances émises par le processus d’impression chez le personnel impliqué dans la production. Une étude expérimentale menée sur vingt-six patients sains exposés aux émissions d’une imprimante 3D de bureau FDM pendant une heure a révélé des changements significatifs des concentrations de cytokines pro-inflammatoires dans les sécrétions nasales, avec une réponse plus forte pour les concentrations d’IL-6 notamment (184). Cette étude est la seule disponible aujourd’hui testant un effet direct sur l’être humain. Elle ne décrit pas de symptôme sur une durée d’exposition d’une heure, les usagers rapportant uniquement une nuisance olfactive.
8.5 Mesures préventives
Plusieurs mesures bien définies permettent une diminution de l’exposition aux particules émises par les imprimantes : éléments de protection individuelle, dispositifs constitutifs de l’imprimante ou aménagements à mettre en place dans les locaux dédiés.
Isolement du milieu d’impression
En 2017, Zontek et al. (185) insistent sur l’importance de l’impression dans des enceintes closes pour réduire les expositions professionnelles. Ils observent une réduction de 95 % du nombre de particules et de la concentration en masse, réduisant ainsi l’exposition des personnes utilisant l’imprimante. Au cours d’une impression par FDM utilisant du PLA, dans un laboratoire bien ventilé, la cartographie des particules a démontré une augmentation des concentrations de particules uniquement à proximité de l’imprimante, tandis qu’une chute rapide était constatée avec l’augmentation de la distance à la machine ; environ 75 % de la surface de la pièce était maintenue sous un niveau acceptable de concentration en particules. Dans une pièce mal ventilée, avec impression FDM d’ABS, non seulement la concentration en particules augmentait rapidement à proximité de l’imprimante, mais elle atteignait également des concentrations comparables dans tout l’environnement.
Stefaniak et al. en 2019 (186), démontrent que la concentration en particules augmente au début de l’impression 3D, de manière plus rapide lorsque le capot de l’imprimante est ouvert. Par la suite, cette concentration diminue lorsque les opérations se poursuivent avec le capot en place. Ces auteurs retrouvent également une réduction de 99,7 % de la concentration en particules à l’extérieur de l’enceinte lorsque les portes de l’imprimante sont fermées et qu’un ventilateur adapté est mis en marche. Une tendance similaire est observée pour le COV avec une réduction de 53,2 % de sa concentration totale.
Ventilation des locaux
Afin de faciliter l’élimination des particules (ultrafines, nanoparticules ou COV), un système de ventilation adéquat est nécessaire pour garantir la santé et la sécurité des usagers travaillant au contact des imprimantes. En effet, tout comme l’isolation de la pièce, l’ajout d’un système de ventilation adapté pendant le processus d’impression permet de maintenir la concentration en particules ultrafines en dessous d’un niveau seuil (187).
En 2019, une équipe a étudié des méthodes de contrôle des émissions pour une imprimante par FDM en situation réelle. Ces auteurs ont constaté qu’un couvercle filtrant et un purificateur d’air sont efficaces pour éliminer 74 % à 93 % des particules ultrafines, le couvercle filtrant seul offrant la meilleure protection. Ces mêmes auteurs concluent que le contrôle de la source de l’émission semble être plus important que le contrôle de l’élimination des particules après leur production. Pour ce qui est des COV, les méthodes de contrôle ont montré des résultats inégaux, d’autant que de nouveaux COV peuvent être émis par l’appareil de contrôle (188).
Plusieurs méthodes de contrôle de ventilation ont été comparées dans la littérature. Kwon et al. (189) ont notamment testé huit méthodes différentes sur une impression FDM. Ils en concluent qu’une enceinte avec filtre à air à particules à haute efficacité (HEPA) présente l’efficacité d’élimination des nanoparticules la plus élevée (99,95 %). Ils recommandent également le contrôle de la température d’impression pour la maintenir la plus basse possible, l’utilisation de matériaux à faible émission et l’utilisation d’une enceinte close autour de l’imprimante.
Une étude plus récente a testé d’autres méthodes de protection, toujours pour FDM : une ventilation générale, une ventilation par aspiration locale, une enceinte réajustée et une enceinte réajustée avec ventilation par aspiration locale (190). Ces auteurs n’ont pas seulement cherché l’effet de ces mesures de protection sur le nombre de particules, mais également sur la concentration sur une surface donnée d’une pièce type. Ils en concluent une absence d’efficacité de contrôle du risque pour une ventilation générale ou une ventilation par aspiration locale seule. Cependant, une enceinte adaptée associée à une ventilation par aspiration locale permettait une diminution des nanoparticules émises de 96 %, en se fondant sur la concentration par unité de surface.
En conclusion, des méthodes fiables existent pour garantir une protection contre les aérosols émis par l’impression 3D. Cependant les données existantes décrivent en grande majorité le cas de l’impression FDM et ne permettent pas une généralisation aux autres procédés de fabrication utiles en milieu hospitalier.
Mesures de protection individuelles et collectives
Des mesures de protection individuelle peuvent contribuer à garantir la sécurité des usagers, en commençant par un équipement de protection adéquat. En 2019, Ljunggren et al. (191) ont mis en évidence l’efficacité des procédés de protection des personnes, en examinant une même installation de fabrication additive métallique à deux ans d’intervalle. Alors que des particules de métal étaient retrouvées sur la peau et dans les urines des travailleurs la première année, aucune trace n’était retrouvée la deuxième année. Cette diminution de l’exposition était expliquée par des pratiques de travail améliorées et l’adoption de machines plus sûres utilisées avec des équipements de protection individuelle comme des gants.
Des mesures de protection collective doivent également être mises en place, dont certaines seront spécifiques à la technologie d’impression utilisée. Par exemple la nécessité de maintenir un délai de plusieurs minutes entre la fin du processus d’impression et l’ouverture de la porte d’enceinte, afin de permettre une élimination suffisante par ventilation des particules accumulées (171).
Les connaissances actuelles concernant les émissions et les éventuels risques pour la santé liés à l’exposition pour les opérateurs sont limitées, et un certain nombre de problèmes de sécurité doivent encore être clarifiés pour parvenir à des processus d’évaluation et de gestion des risques appropriés dans l’impression 3D. Il apparaît néanmoins que ce risque soit limité et contrôlable par des mesures simples.
1.Conception assistée par ordinateur (CAO) / fabrication assistée par ordinateur (FAO), traductions de Computer Aided Design (CAD) / Computer Aided Manufacturing (CAM).
2. Alliage biphasé alpha-beta contenant un stabilisateur alpha (aluminium) et un stabilisateur beta (vanadium).
3. Le règlement qualifie dans son article 2 d’« accessoire de dispositif médical, tout article qui, sans être lui-même un dispositif médical, est destiné par son fabricant à être utilisé avec un ou plusieurs dispositifs médicaux donnés pour permettre une utilisation de ce ou ces derniers conforme à sa ou leur destination ou pour contribuer spécifiquement et directement à la fonction médicale du ou des dispositifs médicaux selon sa ou leur destination » .
4.https://health.ec.europa.eu/medical-devices-sector/new-regulations/guidance-mdcg-endorsed-documents-and-other-guidance_en
5. Particules ayant un diamètre inférieur à cent nanomètres.
6. Particules de diamètre inférieur à trois nanomètres.